La situation des professionnels de lĠinfo-doc en pŽriode de crise

Principaux enseignements

dĠun dŽbat  organisŽ sur le rŽseau social LinkedIn

 

Jean MICHEL - Juin 2012

 

 

  Le prŽsent texte est la version longue d'un article paru en septembre 2012 dans la revue Documentaliste - Science de l'information. Le texte est un rapport de synthse sur les Žchanges qui ont eu lieu pendant 4 ˆ 5 mois sur le rŽseau social LinkedIn (groupe ADBS) ˆ partir de novembre 2011. L'auteur remercie l'ensemble des contributeurs pour les apports dŽterminants en rŽponse ˆ une question cruciale pour la profession.

 

 

A – ModalitŽs et enseignements dĠun dŽbat professionnel sur un rŽseau social

 

Un dŽbat a ŽtŽ lancŽ en novembre 2011 sur le rŽseau social LinkedIn - Groupe ADBS - sur le thme de lĠimpact de la crise Žconomique actuelle sur la profession et les professionnels. Il sĠagissait bien sžr et au premier chef de recueillir des tŽmoignages concrets et aussi des points de vue diversifiŽs sur lĠimpact de la crise. Mais la dŽmarche - une sorte dĠexpŽrimentation - avait aussi un autre objectif : examiner comment des sujets critiques touchant la profession et son Žvolution pouvaient tre dŽbattus sur un rŽseau social et voir quels enseignements pouvaient tre tirŽs dĠun tel dŽbat ouvert et a priori non structurŽ.

 

Le dŽroulement du dŽbat

Les Žchanges se sont dŽroulŽs de novembre 2011 ˆ fŽvrier 2012, avec un flux important de contributions dans les toutes premires semaines et une continuation soutenue du dŽbat pendant au moins 3 mois.

Au total, lĠensemble des contributions reprŽsente 20 pages de texte (11574 mots – 63627 caractres). Le dŽbat a permis aux contributeurs de poster 47 messages au total soit environ 250 mots ou 1350 caractres par messages, ce qui tŽmoigne dĠune motivation ou implication assez forte des dŽbatteurs par rapport au fond de la thŽmatique (on est bien loin des messages plus superficiels postŽs sur Twitter).

Ce sont au total 18 personnes qui se sont exprimŽes, avec la rŽpartition suivante des 47 contributions :

 

En dehors de lĠanimateur, seul un professionnel homme a contribuŽ (avec un seul message), ce qui peut reflŽter la forte fŽminisation de la profession mais peut aussi tŽmoigner dĠune implication plus importante des professionnels femmes par rapport ˆ une telle thŽmatique.

 

LĠinterrogation initiale

La crise actuelle des Žconomies europŽennes va-t-elle avoir un impact sur les professionnels de lĠinfo-doc (ou encore I&D)? Dispose-t-on aujourdĠhui de signaux relatifs ˆ l'Žvolution de l'emploi (licenciements, recrutements, mobilitŽs...) ? Comment vit-on concrtement cette pŽriode difficile dans les entreprises et autres organisations ? Quelles mutations envisage-t-on pour tenir compte de la double pression que constituent la crise Žconomique et la rŽvolution numŽrique ?

 

La tonalitŽ gŽnŽrale des Žchanges et les grandes interrogations

Le suivi rŽgulier du dŽbat et lĠexamen des messages postŽs conduisent ˆ reconna”tre  que les Žchanges ont ŽtŽ trs constructifs, plut™t bien suivis, souvent assez soutenus et gŽnŽralement bien rŽdigŽs. Ils tŽmoignent dĠune rŽelle prise de conscience (du moins chez les personnes qui se sont exprimŽes) de la nŽcessitŽ dĠune mutation ˆ opŽrer dans la profession, la crise pouvant offrir de rŽelles opportunitŽs pour amorcer concrtement cette mutation. On est frappŽ par la perception juste et lucide  des rŽelles menaces qui psent sur la profession, mais dans lĠensemble, se dŽgagent une tonalitŽ plut™t optimiste avec des expressions souvent assez volontaristes et conquŽrantes et un rejet unanime du fatalisme.

La discussion sĠest dŽveloppŽe, de faon souple, autour de quatre granbdes interrogations:

-       comment peroit-on, individuellement et collectivement, les effets rŽels de la crise et quels instruments ou mŽthodes devraient tre mis en oeuvre pour Žvaluer prŽcisŽment lĠimpact de la crise sur lĠemploi des professionnels ? 

-       la crise ne serait-elle pas une crise dĠidentitŽ et dĠimage de la profession, quels sont les blocages ˆ lĠŽvolution dues aux reprŽsentations mentales et ne serait-il pas nŽcessaire de mettre en Ïuvre des stratŽgies de communication plus agressives ? 

-       quels nouveaux positionnements ÒmŽtierÓ adopter, quelles nouvelles niches ou opportunitŽs dĠexercice des compŽtences professionnelles envisager, comment passer ˆ une autre vision de mise en Ïuvre des compŽtences professionnelles face ˆ de nouveaux besoins des entreprises ou organisations ?

-       en quoi la formation des professionnels (notamment des plus jeunes) est-elle ou non responsable de difficultŽs dĠadaptation et quelles mutation des formations initiales envisager pour mieux prŽparer ˆ une bonne adaptation aux Žvolutions des besoins des entreprises et organisations ?

 

Une synthse des Žchanges, pourquoi ?

Le prŽsent texte tente de restituer lĠessentiel des Žchanges. Les noms des dŽbatteurs (*) y sont volontairement occultŽs pour se focaliser surtout sur les points clŽs du dŽbat. Il a surtout semblŽ utile de Òfaire quelque choseÓ de ce matŽriel trs riche (**), de ne pas en rester ˆ la fugacitŽ des Žchanges comme cĠest souvent le cas sur les rŽseaux sociaux. En dĠautres termes, Žcrire une synthse ou compilation des Žchanges est une forme de capitalisation utile, une modalitŽ indispensable de gestion collective de connaissances. Les responsables dĠau moins deux grandes associations professionnelles nationales ont sollicitŽ lĠauteur du texte dans cette perspective. Finalement, ˆ travers cette petite expŽrience, on peroit le couplage qui peut utilement tre fait entre des Žchanges sur un rŽseau social et une perspective gestion collective de connaissances, ˆ la condition toutefois dĠadopter une vision intŽgrative des divers processus mis en Ïuvre.

 

 (*) En dŽpit de lĠimportance Žcrasante des contributions Žmanant de professionnels femmes, jĠadopte dans le texte le genre masculin pour les mots ÒprofessionnelÓ, ÒdŽbatteurÓ et ÒcontributeurÓ par commoditŽ rŽdactionnelle.

(**) Toutes les contributions sont bien sžr accessibles en ligne sur Linked-In

 

B – Crise Žconomique, crise de la professionÉ constats et perspectives dĠŽvolution

 

B1 - Crise Žconomique et/ou crise de la profession ?

 

De faon plus ou moins explicite, les contributeurs pointent bien la rŽalitŽ de la crise Žconomique et son impact sur la profession et en fournissent plusieurs tŽmoignages personnels concrets. Mais pour une majoritŽ, la situation critique constatŽe aujourdĠhui se profile depuis plusieurs annŽes et plus spŽcifiquement dans le monde de lĠinfo-doc.  La crise Žconomique actuelle vient accentuer les sympt™mes dĠune crise dĠidentitŽ et de positionnement plus profonde dĠune profession qui semble ne sĠtre jamais autant cherchŽe.

Certes les crises Žconomiques ont toujours eu un impact important sur les mŽtiers dits de support qui ne sont pas le cÏur de mŽtier de lĠentreprise. Ils cožtent de lĠargent sans quĠon puisse dŽmontrer que cet argent est bien investi et quĠil participe au dŽveloppement de lĠentreprise. Documentation, intelligence Žconomique, Knowledge ManagementÉ sont, dĠune certaine faon, des mŽtiers de luxe : on recrute des compŽtences en pŽriode faste, on sĠen sŽpare en pŽriode de crise.

La situation est naturellement plus difficile dans certaines rŽgions o les postes sont rares et la mobilitŽ inexistante. Elle est de mme plus difficile dans certains secteurs dĠactivitŽ et aussi dans les structures de documentation du secteur public o les agents qui partent ne sont plus remplacŽs.

Les jeunes dipl™mŽs sont bien sžr touchŽs en prioritŽ comme le disent plusieurs jeunes dŽbatteurs ˆ propos de leurs difficultŽs de recrutement aprs le dipl™me. Mais certains dŽbatteurs soulignent le fait que les seniors ne sont pas non plus ŽpargnŽs ; lorsquĠils sont menacŽs dans leur emploi, ces seniors doivent souvent se mettre ˆ exercer comme consultants.

Quelques chiffres sont avancŽs. Une Žtude Archimag de 2009 indique un taux de ch™mage de 18,2% dans la profession de lĠinfo-doc, alors que pour la mme annŽe l'INSEE donne un taux de ch™mage national de 9,1%. Dans une Žtude amŽricaine citŽe par le Wall Street Journal en novembre 2011 (Žtude concernant le recrutement des jeunes dipl™mŽs universitaires amŽricains selon les filires de formation choisies), le secteur Òlibrary scienceÓ est notŽ comme ayant un des plus hauts taux de non-emploi de 15%, plaant ce secteur 159me sur 173 en termes dĠattractivitŽ.

 

  B2 - Un observatoire pour mieux conna”tre la situation de la profession et de la veille pour anticiper les Žvolutions

 

Une partie du dŽbat a vite portŽ sur la question de savoir de quels instruments on disposait ou pouvait disposer pour, dĠune part apprŽcier et Žvaluer lĠimpact de la crise,  et dĠautre part aider ˆ identifier les segments de marchŽ porteurs pour lĠemploi des compŽtences aujourdĠhui. Globalement, les dŽbatteurs sĠaccordent ˆ dire quĠil serait urgent de mettre en place un observatoire sur l'Žtat actuel et futur des mŽtiers de lĠinfo-doc, un vŽritable observatoire de la profession qui soit en mesure de recueillir, compiler, capitaliser, tenir ˆ jour un ensemble de donnŽes pertinentes, qu'il s'agisse de l'emploi effectif en I&D, des recrutements des jeunes dipl™mŽs ou des mobilitŽs intra et interprofessionnels. Un tel outil collectif devrait tre crŽŽ en lien Žtroit avec les principaux acteurs concernŽs (INSEE, ANPE, APEC, associations professionnelles, Žtablissements de formationÉ). Des Žtudes similaires devraient tre menŽes au niveau europŽen et permettre des comparaisons.

Des responsables de formation initiale prŽcisent que tous les dipl™mes nationaux et titres professionnels sont tenus de produire les chiffres d'insertion de leurs dipl™mŽs pour pouvoir tre rŽ-accrŽditŽs. C'est une source d'information intŽressante mais qui ne semble pas faire lĠobjet dĠŽtude de consolidation ˆ un niveau national (que fait lĠadministration des chiffres qui remontent vers elle ?).

Plusieurs dŽbatteurs prŽconisent que les associations professionnelles sĠengagent Žgalement sur un travail collectif de veille sur les marchŽs porteurs et les secteurs d'insertion Žmergents. Il ne sĠagit pas seulement de faire des constats rŽtrospectifs (ce que sait trs bien faire lĠADBS), mais surtout avoir une approche prospective de cette veille, voire-mme une approche opportuniste pour dŽceler des niches dĠemploi, identifier des secteurs dĠactivitŽ en demande et des zones gŽographiques dynamiques.

 

 

B3 – Image de la profession, reprŽsentations mentales et postures : peut-on sortir de la crise par une autre communication ?

 

Assez vite les Žchanges ont pointŽ la question cruciale de lĠimage de la profession et du poids des reprŽsentations mentales bloquantes. Pour plusieurs dŽbatteurs, les reprŽsentations professionnelles sont manifestement dĠun autre temps, tant du c™tŽ des professionnels que des entreprises, employeurs, recruteurs ou encore des mŽdias.

Allant plus loin, certains Žvoquent surtout une fracture devenue douloureuse entre deux visions du professionnalisme de l'info-doc, accentuŽe aujourd'hui par l'effet des TIC, de l'internet, du numŽrique, du Web 2.0. D'un c™tŽ, une vision plut™t traditionnaliste, lŽgitimiste, met en avant des modalitŽs d'interventions professionnelles assez classiques (mme si les outils changent) mais devenues moins Žvidentes au regard des besoins des entreprises ou organisations (la structure Òcentre de documentation a-t-elle encore un sens ?). DĠun autre c™tŽ, Žmerge une vision plus novatrice de la profession, assez ÒdŽstabilisatriceÓ, plus opportuniste aussi et ne cherchant plus ˆ sa caler dans des moules ou pŽrimtres traditionnels, avec un besoin trs fort de Òchanger d'airÓ. Il est donc essentiel aujourdĠhui, soutiennent certains, dĠapprendre ˆ changer de discours, et avant tout dĠimage du mŽtier.

Alors, sĠagit-il seulement dĠun problme de communication ? Les professionnels sont-ils de mauvais communicants ? Oui selon certains dŽbatteurs qui militent pour une communication plus affermie et surtout plus stratŽgique (ˆ la fois au niveau des individus mais aussi au niveau de la communautŽ des professionnels). DĠautres dŽbatteurs disent, oui sans doute un problme de mauvaise communication, mais pas seulement : la question du juste positionnement professionnel reste la vraie question ˆ rŽgler aujourdĠhui.

LĠidŽe Žmerge alors de dŽvelopper et soutenir une reprŽsentation nouvelle, souple et ouverte de la profession sans cristallisation sur des emblmes traditionnels. Cela passe prŽalablement par une meilleure comprŽhension des vrais besoins ou attentes des entreprises au regard du management de leur information, avec une vision dĠensemble des enjeux globaux et de la nŽcessitŽ de la transversalitŽ.

Cela passe aussi par une mise en avant de compŽtences effectives, en particulier celles qui rŽpondent au besoin de mŽdiation ou intermŽdiation dans tous les processus informationnels de lĠentreprise. L'idŽe est trs rŽpandue que tout le monde sait gŽrer l'information et/ou que le problme se limite ˆ une question de logiciel ou d'informatique : les professionnels doivent prouver leur valeur ajoutŽe en tant quĠinterface ou relais indispensable entre dĠune part des professionnels de divers mŽtiers (utilisateurs, clients) et dĠautre part des informaticiens et autres prestataires techniques. Pour lĠun des contributeurs, Òla DSI, bien qu'interlocuteur nŽcessaire, n'a pas vocation ˆ piloter un projet informationnel car elle part toujours de l'outil : une Direction mŽtier peut plus utilement sĠappuyer sur un professionnel de lĠinfo-doc qui a une vision plus proche des utilisateursÓ.

La tonalitŽ gŽnŽrale des Žchanges sur les reprŽsentations et la posture des professionnels, est particulirement bien marquŽe: Òil faut refuser le fatalisme et la victimisationÓ. Les professionnels ont leur destin entre leurs mains et nombreux sont les ceux qui ont envie de Òse retrousser les manchesÓ, de jouer un r™le dŽterminant dans leurs entreprises ou organisations, de Òconvaincre les acteurs de celles-ci qu'il y a vraiment du nouveau sous le soleil de l'info-docÓ. On milite donc pour une approche rŽsolument dynamique de la conqute du marchŽ professionnel.

 

 

B4 - Les nouveaux positionnements ÒcompŽtences-mŽtiersÓ

 

Les dŽbatteurs sĠaccordent ˆ dire que le management de lĠinfo-doc est quelque chose de difficile ˆ comprendre pour les entreprises ou organisations. Les besoins sont objectivement rŽels pour autant ils ne sont pas toujours explicitement reconnus et ne se concrŽtisent pas facilement sous forme dĠoffres de postes ou d'intentions de recrutement surtout en cette pŽriode de crise. En tout cas, ces besoins et ces postes ne sont pas ou plus lˆ o on aurait eu tendance ˆ les chercher antŽrieurement. Outre la perception prospective des opportunitŽs, les professionnels doivent aussi repŽrer et acquŽrir des savoirs et des savoir-faire que les entreprises attendent plut™t que vouloir ˆ tout prix leur vendre ("fourguer") les savoirs et gestes caractŽrisant de la profession dĠhier.

 

Renforcer le dialogue, jouer lĠentrisme, vendre la mŽdiation

 

Pour un contributeur, Òun professionnel de l'info-doc n'a pas vocation ˆ exercer dans une tour d'ivoire, coupŽ des utilisateurs qui ont aujourdĠhui les mmes connaissances et aptitudes qu'eux en matire dĠaccs ˆ lĠinformationÓ. L'Žchange entre les utilisateurs et le professionnel est indispensable et cela doit se traduire par concertation, dialogue, partenariat, projets communs ou encore contractualisation des interventions. On peut mme aller jusquĠˆ prŽconiser une vŽritable stratŽgie d'entrisme en tablant sur le recours aux compŽtences en info-doc dans les diffŽrents processus mŽtier et fonctions de l'entreprise. En dĠautres termes, sortir le professionnel du Òcentre de documentationÓ et insŽrer ou instiller plut™t les compŽtences de lĠinfo-doc partout dans lĠentreprise o cĠest nŽcessaire. A cet Žgard, le modle aujourdĠhui bien Žtabli du management de la qualitŽ tŽmoigne de la rŽussite dĠune stratŽgie  de pŽnŽtration d'un concept dans les organisations ˆ tous les Žtages de lĠentreprise.

Dans cette perspective, le professionnel est amenŽ ˆ jouer un r™le de mŽdiateur-conseil entre dĠune part les besoins bien spŽcifiques et diversifiŽs des multiples fonctions et mŽtiers de lĠentreprise et dĠautres part des ressources documentaires, mŽthodologiques, logicielles... ˆ mettre ˆ disposition. Ces autres mŽtiers de lĠentreprise ne connaissent pas ceux de lĠinformation-documentation : il faut donc faire de la pŽdagogie, du prosŽlytisme et montrer lĠintŽrt dĠagir avec lĠaide dĠun professionnel face aux problmes rencontrŽs.

Les opportunitŽs d'implication des professionnels de lĠinfo-doc sont plus particulirement importantes dans les projets des entreprises ou organisations et elles sont ˆ portŽe de main ˆ condition dĠune part de savoir les dŽceler (Žcoute des besoins de l'institution) et dĠautre part dĠoser proposer des interventions originales et pertinentes en termes de compŽtences ˆ mettre en Ïuvre.

 

Se positionner sur des compŽtences de transversalitŽ et sur la gouvernance de lĠinformationÉ vers une vision large des interventions professionnelles

 

Dans le mme esprit, certains contributeurs soulignent la trop faible intŽgration de la documentation aux processus internes de lĠentreprise, contrairement peut-tre au Records Management et aux archives qui ont bien ŽvoluŽ sur ce terrain ou encore ˆ la gestion de la qualitŽ, souvent donnŽe comme modle dĠintŽgration rŽussie. Certains aimeraient bien que lĠinfo-doc puisse devenir un sujet aussi quasiment incontournable que la qualitŽ, qui mŽlange ˆ la fois gestion de processus, mŽthode, approche fonctionnelle et souci de transversalitŽ ou universalitŽ.

Pour dĠautres dŽbatteurs, les secteurs potentiels pour un dŽploiement de lĠinfo-doc sont ˆ trouver aujourdĠhui du c™tŽ du marketing, de lĠinformatique, des ressources humaines et de la formation, de la R&D et de lĠinnovation, de la communication (plates-formes intranet et internet d'entreprise) et aussi du c™tŽ du juridique... en proposant un ÒmixÓ de compŽtences allant de la veille au RM et au KM ou encore au collaboratif, dans lĠesprit dĠune nouvelle "gouvernance de l'information".

Le domaine de la gestion de l'information est vaste et variŽ et bouge beaucoup aujourdĠhui. Un contributeur tŽmoigne : ÒCette annŽe je fais du TAL, jĠapprends ˆ programmer, je fais des ontologies. L'annŽe dernire j'ai fait un thŽsaurus, j'ai mis en place un CMS. L'annŽe d'avant j'apprenais ˆ faire des produits documentaires, j'apprenais ˆ utiliser Alexandrie. Et aujourd'hui je sais que je vais associer l'ensemble de ces connaissances que je retrouve principalement dans le KMÓ. 



Un autre contributeur dit avoir expŽrimentŽ sur 2011 l'impact de deux audits pratiquŽs par des sociŽtŽs externes (sur la veille et sur les systmes d'information) : Òces audits ont conduit ˆ produire des messages forts, impartiaux, surtout impliquent fortement la Direction et enfin et plaident en faveur des mŽtiers et compŽtences en Info-docÓ.

Pour un professionnel dĠune collectivitŽ territoriale, Ònotre organisation actuelle, portŽe par la direction gŽnŽrale, nous positionne en tant que pilote de la fonction KM dans la collectivitŽ ; nos hiŽrarchies ont de toute Žvidence compris lĠimportance de la gestion des connaissances et les atouts que les professionnels de lĠinfo/doc reprŽsententÓ.

Des Žchanges se dŽgage une vision Žlargie des modalitŽs dĠintervention des professionnels mettant en avant des valeurs ajoutŽes qui commencent ˆ tre mieux identifiŽes.  Cela conduit les professionnels ˆ se positionner comme des acteurs clŽs dĠune nouvelle Ògouvernance de lĠinformationÓ, ˆ se positionner aussi des ÒinfologuesÓ, pouvant intervenir aussi bien sur des perspectives de veille, de mŽdiation que de capitalisation tout en Žtant toujours ˆ l'Žcoute des besoins Žmergents et visionnaires en matire de niches professionnelles ˆ conquŽrir.

 


 Comment bien dŽcrire et vendre cela ?

 Pour des personnes en mobilitŽ professionnelle ou en recherche dĠemploi, comment sĠŽtiqueter pour tre sžr dĠattirer lĠattention des employeurs ou recruteurs surtout si on se positionne comme ce qui est dŽcrit plus haut ?

Pour certains dŽbatteurs, il faut trouver autre chose que lĠappellation "documentaliste" qui ne correspond pas du tout aux missions ou fonctions visŽes aujourdĠhui et au travail au quotidien que lĠon sera amenŽ ˆ faire. Il faudrait pouvoir trouver sur les sites d'emploi gŽnŽralistes ou non (comme sur les rŽseaux sociaux professionnels) des catŽgorisations permettant aux professionnels de mieux se faire reconna”tre. DŽterminer une liste d'une dizaine de facettes de caractŽrisation serait dŽjˆ un pas en avant important par rapport ˆ ce que l'on trouve aujourd'hui avec peut-tre deux niveaux pour illustrer les niveaux de responsabilitŽ et de compŽtence dans certains cas. Ainsi, ˆ titre dĠexemples, ce contributeur mentionne : documentaliste/responsable de centre de documentation, veilleur/responsable IE, knowledge manager, chef de projet application gestion de l'information (GED, KM, ECM, BPM...), Records Manager, archiviste/Responsable des archives, gestionnaire de communautŽs (RSE)...

 

 

B5 - La formation des professionnels : adaptŽe ou non ?

 

Les difficultŽs rencontrŽes par les professionnels dans la situation de double-crise ŽvoquŽe au dŽbut de lĠŽchange tiennent-elles ˆ la formation initiale de ces professionnels ? Difficile de tout mettre sur le dos des formateurs disent certains, mais les formations sont elles aujourdĠhui bien adaptŽes aux besoins des entreprises ? La question est ouvertement posŽe.

 

LĠimpression dĠune inadaptation au monde de lĠentreprise

 

Une jeune dipl™mŽe (master en information-documentation) actuellement au ch™mage exprime des doutes sur sa formation. Une autre jeune dipl™mŽe souligne que certains de ses collgues ayant prolongŽ leur formation par un Master en info-doc sont extrmement dŽus et regrettent lĠabsence de partie pratique par comparaison avec leur DUT (ÒCertains ont mme dŽcidŽ d'arrter avant la fin du semestre pensant que le Master ne leur apporterait que de la thŽorie et ne les prŽparerait pas assez au monde de l'emploiÓ).

Pour une Žtudiante en dernire annŽe de formation en Master 2, puriste de lĠinfo-doc (filire DUT info-com GIDO complŽtŽ par une licence pro et un Master toujours dans ce domaine), le corps enseignant est composŽ ˆ plus de 50% de chercheurs en labo qui ont certes un savoir thŽorique trs important, mais qui nĠapporte rien pour agir en entreprise, o la thŽorie arrive trs loin, alors quĠon demande au jeune professionnel d'tre opŽrationnel (ÒUne vision statique et poussiŽreuse de la profession : la CDUÉ OK mais en entreprise a sert ˆ quoi ?Ó).

Le sentiment prŽvaut que les formations sont mal conues et organisŽes pour prŽparer des jeunes ˆ des fonctions I&D plus transversales et ˆ une intŽgration de la compŽtence en info-doc aux autres grandes fonctions de l'entreprise (compŽtences I&D pour la fonction RH, pour la qualitŽ, pour la marketing, ou encore l'I&D d'accompagnement des projets de l'entreprise...). Si comme lĠobserve un contributeur Òon admet quĠil ne faut quĠun an pour apprendre les bases du mŽtier de documentaliste, alors, certaines entreprises prŽfreront former certains de leurs employŽs qui connaissent bien la structure pour gŽrer une info-doc bien adaptŽe plut™t que de recruter de jeunes dipl™mŽsÓ.

Du dŽbat se dŽgage toutefois lĠaffirmation que les Žtudiants des formations en info-doc sont rŽellement motivŽs par les nouveaux dŽfis de l'I&D, passionnŽs par les ÒobjetsÓ de connaissance dont on parle, mais que subsiste un important hiatus entre ce dont on leur parle et la rŽalitŽ de lĠemploi et de lĠexercice professionnels dans lĠentreprise.

 

Le recrutement dans les formations, la double compŽtence, les littŽraires

 

Une autre question Žmerge alors du dŽbat : la filire de formation nĠest-elle pas trop Žtroite, trop refermŽe sur elle-mme, avec souvent des recrutements peut-tre trop dŽcalŽs par rapport aux besoins Žmergents des entreprises ?

Certains mettent en avant lĠimportance et la nŽcessitŽ de la double compŽtence (bases en Žconomie, droit, mŽdecine, mŽtiers techniques couplŽes ˆ des compŽtences spŽcifiques en info-doc) mais constatent que les gens en formation  viennent  surtout des Žtudes littŽraires comme lĠhistoire qui semblent peu tournŽes vers les prŽoccupations rŽellement concrtes des entreprises. DĠautres contributeurs considrent cependant quĠune formation littŽraire n'est pas forcŽment un handicap si l'on fait l'effort de s'intŽresser ˆ la technique : Òles littŽraires savent Žcrire, penser, apprendre, ce qui est aussi une compŽtence importanteÓ.

Une autre rŽalitŽ est pointŽe dans le dŽbat: 80% des Žlves entrant dans les formations de la filire info-comm souhaitent travailler dans des secteurs Òglamour" mais malheureusement atones quant aux dŽbouchŽs. Comment motiver les Žlves ˆ s'intŽresser ˆ des secteurs moins connus et plus porteurs ?

 

Le besoin de mieux conna”tre la rŽalitŽ des besoins des entreprises

 

ÒLes 3/4 des dipl™mŽs en info-doc ne travailleront plus en centre de documentation mais dans des fonctions transversales ou en intŽgration sur des projets de lĠentrepriseÓ. Il est indispensable de donner aux jeunes en formation des idŽes claires sur ce que sont les fonctions de l'entreprise, en Žvitant  de regarder les possibilitŽs dĠemploi dans ces fonctions avec la seule lorgnette de l'I&D. Poussant plus avant la rŽflexion critique, lĠun des contributeurs indique que Òn'en dŽplaisent aux tenants de l'I&D pure et dure, les  meilleures opportunitŽs sont plut™t ˆ rechercher aujourdĠhui du c™tŽ des cursus qui se focalisent sur le e-Marketing ou le e-commerce ; autant dire que c'est beaucoup plus sŽduisant pour un recruteur qu'un expert en norme de catalogageÓ.  Cela devrait conduire aussi ˆ envisager des convergences ou complŽmentaritŽs avec les formations ÒdigitalesÓ (multimedia , intranet, internet...) et Òse positionner sur les cha”nons manquantsÓ. De mme faudrait-il envisager des convergences avec les Ecoles de commerce ou de marketing ou encore avec des Ecoles dĠingŽnieurs et pourquoi pas intŽgrer dans ces formations (hors info-doc) des modules de formation sur le management ou la gouvernance de lĠI&D.

Mieux conna”tre la rŽalitŽ de lĠentreprise, de sa culture et de ses besoins, suppose de tisser des liens forts, structurŽs, agressifs aussi, entre formateurs et employeurs (commanditaires, structures RH...) et sžrement de soutenir fortement les formations en alternance, les formations ÒcombinŽesÓ (I&D + autre chose...), la pŽdagogie de ou par projet, le dŽveloppement de stages en lien avec des nouvelles niches dĠemploi, comme sans doute aussi une meilleure prŽparation au 1er poste.

 

***

 

Pour conclure, on peut reprendre ici les exigences dŽgagŽes par le modŽrateur du dŽbat dans une des reformulations faites lors des Žchanges:

 

 

CĠest ˆ ces conditions que les professionnels et la profession rŽussiront ˆ surmonter la crise actuelle, crise tant identitaire quĠŽconomique.