La situation
des professionnels de lĠinfo-doc en priode de crise
Principaux
enseignements
dĠun dbat organis sur le rseau social LinkedIn
Jean MICHEL
- Juin 2012
A –
Modalits et enseignements dĠun dbat professionnel sur un rseau social
Un dbat a t lanc en novembre 2011 sur le rseau social LinkedIn - Groupe ADBS - sur le thme de lĠimpact de la crise conomique actuelle sur la profession et les professionnels. Il sĠagissait bien sr et au premier chef de recueillir des tmoignages concrets et aussi des points de vue diversifis sur lĠimpact de la crise. Mais la dmarche - une sorte dĠexprimentation - avait aussi un autre objectif : examiner comment des sujets critiques touchant la profession et son volution pouvaient tre dbattus sur un rseau social et voir quels enseignements pouvaient tre tirs dĠun tel dbat ouvert et a priori non structur.
Le
droulement du dbat
Les changes se sont drouls de novembre 2011 fvrier 2012, avec un flux important de contributions dans les toutes premires semaines et une continuation soutenue du dbat pendant au moins 3 mois.
Au total, lĠensemble des contributions reprsente 20 pages de texte (11574 mots – 63627 caractres). Le dbat a permis aux contributeurs de poster 47 messages au total soit environ 250 mots ou 1350 caractres par messages, ce qui tmoigne dĠune motivation ou implication assez forte des dbatteurs par rapport au fond de la thmatique (on est bien loin des messages plus superficiels posts sur Twitter).
Ce sont au total 18 personnes qui se sont exprimes, avec la rpartition suivante des 47 contributions :
En dehors de lĠanimateur, seul un professionnel homme a contribu (avec un seul message), ce qui peut reflter la forte fminisation de la profession mais peut aussi tmoigner dĠune implication plus importante des professionnels femmes par rapport une telle thmatique.
LĠinterrogation
initiale
La crise actuelle des conomies europennes va-t-elle avoir un impact sur les professionnels de lĠinfo-doc (ou encore I&D)? Dispose-t-on aujourdĠhui de signaux relatifs l'volution de l'emploi (licenciements, recrutements, mobilits...) ? Comment vit-on concrtement cette priode difficile dans les entreprises et autres organisations ? Quelles mutations envisage-t-on pour tenir compte de la double pression que constituent la crise conomique et la rvolution numrique ?
La
tonalit gnrale des changes et les grandes interrogations
Le suivi rgulier du dbat et lĠexamen des messages posts conduisent reconnatre que les changes ont t trs constructifs, plutt bien suivis, souvent assez soutenus et gnralement bien rdigs. Ils tmoignent dĠune relle prise de conscience (du moins chez les personnes qui se sont exprimes) de la ncessit dĠune mutation oprer dans la profession, la crise pouvant offrir de relles opportunits pour amorcer concrtement cette mutation. On est frapp par la perception juste et lucide des relles menaces qui psent sur la profession, mais dans lĠensemble, se dgagent une tonalit plutt optimiste avec des expressions souvent assez volontaristes et conqurantes et un rejet unanime du fatalisme.
La discussion sĠest dveloppe, de faon souple, autour de quatre granbdes interrogations:
- comment peroit-on, individuellement et collectivement, les effets rels de la crise et quels instruments ou mthodes devraient tre mis en oeuvre pour valuer prcisment lĠimpact de la crise sur lĠemploi des professionnels ?
- la crise ne serait-elle pas une crise dĠidentit et dĠimage de la profession, quels sont les blocages lĠvolution dues aux reprsentations mentales et ne serait-il pas ncessaire de mettre en Ïuvre des stratgies de communication plus agressives ?
- quels nouveaux positionnements ÒmtierÓ adopter, quelles nouvelles niches ou opportunits dĠexercice des comptences professionnelles envisager, comment passer une autre vision de mise en Ïuvre des comptences professionnelles face de nouveaux besoins des entreprises ou organisations ?
- en quoi la formation des professionnels (notamment des plus jeunes) est-elle ou non responsable de difficults dĠadaptation et quelles mutation des formations initiales envisager pour mieux prparer une bonne adaptation aux volutions des besoins des entreprises et organisations ?
Une
synthse des changes, pourquoi ?
Le prsent texte tente de restituer lĠessentiel des changes. Les noms des dbatteurs (*) y sont volontairement occults pour se focaliser surtout sur les points cls du dbat. Il a surtout sembl utile de Òfaire quelque choseÓ de ce matriel trs riche (**), de ne pas en rester la fugacit des changes comme cĠest souvent le cas sur les rseaux sociaux. En dĠautres termes, crire une synthse ou compilation des changes est une forme de capitalisation utile, une modalit indispensable de gestion collective de connaissances. Les responsables dĠau moins deux grandes associations professionnelles nationales ont sollicit lĠauteur du texte dans cette perspective. Finalement, travers cette petite exprience, on peroit le couplage qui peut utilement tre fait entre des changes sur un rseau social et une perspective gestion collective de connaissances, la condition toutefois dĠadopter une vision intgrative des divers processus mis en Ïuvre.
(*) En dpit de lĠimportance crasante
des contributions manant de professionnels femmes, jĠadopte dans le texte le
genre masculin pour les mots ÒprofessionnelÓ, ÒdbatteurÓ et ÒcontributeurÓ par
commodit rdactionnelle.
(**) Toutes les contributions sont bien sr
accessibles en ligne sur Linked-In
B –
Crise conomique, crise de la professionÉ constats et perspectives dĠvolution
B1 - Crise conomique et/ou crise de la
profession ?
De faon plus ou moins explicite, les contributeurs pointent bien la ralit de la crise conomique et son impact sur la profession et en fournissent plusieurs tmoignages personnels concrets. Mais pour une majorit, la situation critique constate aujourdĠhui se profile depuis plusieurs annes et plus spcifiquement dans le monde de lĠinfo-doc. La crise conomique actuelle vient accentuer les symptmes dĠune crise dĠidentit et de positionnement plus profonde dĠune profession qui semble ne sĠtre jamais autant cherche.
Certes les crises conomiques ont toujours eu un impact important sur les mtiers dits de support qui ne sont pas le cÏur de mtier de lĠentreprise. Ils cotent de lĠargent sans quĠon puisse dmontrer que cet argent est bien investi et quĠil participe au dveloppement de lĠentreprise. Documentation, intelligence conomique, Knowledge ManagementÉ sont, dĠune certaine faon, des mtiers de luxe : on recrute des comptences en priode faste, on sĠen spare en priode de crise.
La situation est naturellement plus difficile dans
certaines rgions o les postes sont rares et la mobilit inexistante. Elle est
de mme plus difficile dans certains secteurs dĠactivit et aussi dans les structures de documentation du secteur
public o les agents qui partent ne sont plus remplacs.
Les jeunes
diplms sont bien sr touchs en priorit comme le disent plusieurs jeunes
dbatteurs propos de leurs difficults de recrutement aprs le diplme. Mais
certains dbatteurs soulignent le fait que les seniors ne sont pas non plus
pargns ; lorsquĠils sont menacs dans leur emploi, ces seniors doivent
souvent se mettre exercer comme consultants.
Quelques chiffres sont avancs. Une tude
Archimag de 2009 indique un taux de chmage de 18,2% dans la profession de
lĠinfo-doc, alors que pour la mme anne l'INSEE donne un taux de chmage
national de 9,1%. Dans une tude amricaine cite par le Wall Street Journal en
novembre 2011 (tude concernant le recrutement des jeunes diplms
universitaires amricains selon les filires de formation choisies), le secteur
Òlibrary scienceÓ est not comme ayant un des plus hauts taux de non-emploi de
15%, plaant ce secteur 159me sur 173 en termes dĠattractivit.
Une partie du dbat a vite port sur la
question de savoir de quels instruments on disposait ou pouvait disposer pour, dĠune
part apprcier et valuer lĠimpact de la crise, et dĠautre part aider identifier les
segments de march porteurs pour lĠemploi des comptences aujourdĠhui. Globalement,
les dbatteurs sĠaccordent dire quĠil serait urgent de mettre en place un observatoire
sur l'tat actuel et futur des mtiers de lĠinfo-doc, un vritable observatoire
de la profession qui soit en mesure de recueillir, compiler, capitaliser, tenir
jour un ensemble de donnes pertinentes, qu'il s'agisse de l'emploi effectif
en I&D, des recrutements des jeunes diplms ou des mobilits intra et
interprofessionnels. Un tel outil collectif devrait tre cr en lien troit avec
les principaux acteurs concerns (INSEE, ANPE, APEC, associations
professionnelles, tablissements de formationÉ). Des tudes similaires
devraient tre menes au niveau europen et permettre des comparaisons.
Des responsables de formation initiale prcisent
que tous les diplmes nationaux et titres professionnels sont tenus de produire
les chiffres d'insertion de leurs diplms pour pouvoir tre r-accrdits.
C'est une source d'information intressante mais qui ne semble pas faire
lĠobjet dĠtude de consolidation un niveau national (que fait
lĠadministration des chiffres qui remontent vers elle ?).
Plusieurs dbatteurs prconisent que les associations professionnelles sĠengagent galement sur un travail collectif de veille sur les marchs porteurs et les secteurs d'insertion mergents. Il ne sĠagit pas seulement de faire des constats rtrospectifs (ce que sait trs bien faire lĠADBS), mais surtout avoir une approche prospective de cette veille, voire-mme une approche opportuniste pour dceler des niches dĠemploi, identifier des secteurs dĠactivit en demande et des zones gographiques dynamiques.
B3 – Image de la profession, reprsentations
mentales et postures : peut-on sortir de la crise par une autre
communication ?
Assez vite les changes ont point la question cruciale de lĠimage de la profession et du poids des reprsentations mentales bloquantes. Pour plusieurs dbatteurs, les reprsentations professionnelles sont manifestement dĠun autre temps, tant du ct des professionnels que des entreprises, employeurs, recruteurs ou encore des mdias.
Allant plus loin, certains voquent surtout une fracture devenue douloureuse entre deux
visions du professionnalisme de l'info-doc, accentue aujourd'hui par l'effet
des TIC, de l'internet, du numrique, du Web 2.0. D'un ct, une vision plutt
traditionnaliste, lgitimiste, met en avant des modalits d'interventions
professionnelles assez classiques (mme si les outils changent) mais devenues
moins videntes au regard des besoins des entreprises ou organisations (la
structure Òcentre de documentation a-t-elle encore un sens ?). DĠun autre
ct, merge une vision plus novatrice de la profession, assez
ÒdstabilisatriceÓ, plus opportuniste aussi et ne cherchant plus sa caler
dans des moules ou primtres traditionnels, avec un besoin trs fort de
Òchanger d'airÓ. Il est donc essentiel aujourdĠhui, soutiennent certains, dĠapprendre
changer de discours, et avant tout dĠimage du mtier.
Alors,
sĠagit-il seulement dĠun problme de communication ? Les professionnels
sont-ils de mauvais communicants ? Oui selon certains dbatteurs qui
militent pour une communication plus affermie et surtout plus stratgique ( la
fois au niveau des individus mais aussi au niveau de la communaut des
professionnels). DĠautres dbatteurs disent, oui sans doute un problme de
mauvaise communication, mais pas seulement : la question du juste
positionnement professionnel reste la vraie question rgler aujourdĠhui.
LĠide merge alors de dvelopper et
soutenir une reprsentation nouvelle, souple et ouverte de la profession sans
cristallisation sur des emblmes traditionnels. Cela passe pralablement par
une meilleure comprhension des vrais besoins ou attentes des entreprises au
regard du management de leur information, avec une vision dĠensemble des enjeux
globaux et de la ncessit de la transversalit.
Cela passe aussi par une mise en avant de
comptences effectives, en particulier celles qui rpondent au besoin de
mdiation ou intermdiation dans tous les processus informationnels de
lĠentreprise. L'ide est trs rpandue que tout le monde sait grer l'information
et/ou que le problme se limite une question de logiciel ou d'informatique :
les professionnels doivent prouver leur valeur ajoute en tant quĠinterface ou
relais indispensable entre dĠune part des professionnels de divers mtiers
(utilisateurs, clients) et dĠautre part des informaticiens et autres prestataires
techniques. Pour lĠun des contributeurs, Òla
DSI, bien qu'interlocuteur ncessaire, n'a pas vocation piloter un projet
informationnel car elle part toujours de l'outil : une Direction mtier
peut plus utilement sĠappuyer sur un professionnel de lĠinfo-doc qui a une
vision plus proche des utilisateursÓ.
La tonalit
gnrale des changes sur les reprsentations et la posture des professionnels,
est particulirement bien marque: Òil
faut refuser le fatalisme et la victimisationÓ. Les professionnels ont leur
destin entre leurs mains et nombreux sont les ceux qui ont envie de Òse retrousser les manchesÓ, de jouer un
rle dterminant dans leurs entreprises ou organisations, de Òconvaincre les acteurs de celles-ci qu'il y
a vraiment du nouveau sous le soleil de l'info-docÓ. On milite donc pour une
approche rsolument dynamique de la conqute du march professionnel.
B4 - Les nouveaux positionnements
Òcomptences-mtiersÓ
Les
dbatteurs sĠaccordent dire que le management de lĠinfo-doc est quelque chose
de difficile comprendre pour les entreprises ou organisations. Les besoins sont objectivement rels pour
autant ils ne sont pas toujours explicitement reconnus et ne se concrtisent
pas facilement sous forme dĠoffres de postes ou d'intentions de recrutement
surtout en cette priode de crise. En tout cas, ces besoins et ces postes ne sont
pas ou plus l o on aurait eu tendance les chercher antrieurement. Outre la
perception prospective des opportunits, les professionnels doivent aussi
reprer et acqurir des savoirs et des savoir-faire que les entreprises
attendent plutt que vouloir tout prix leur vendre ("fourguer") les savoirs et gestes
caractrisant de la profession dĠhier.
Renforcer le dialogue,
jouer lĠentrisme, vendre la mdiation
Pour un contributeur, Òun professionnel de l'info-doc n'a pas vocation exercer dans une tour
d'ivoire, coup des utilisateurs qui ont aujourdĠhui les mmes connaissances et
aptitudes qu'eux en matire dĠaccs lĠinformationÓ. L'change entre les
utilisateurs et le professionnel est indispensable et cela doit se traduire par
concertation, dialogue, partenariat, projets communs ou encore
contractualisation des interventions. On peut mme aller jusquĠ prconiser une
vritable stratgie d'entrisme en tablant sur le recours aux comptences en
info-doc dans les diffrents processus mtier et fonctions de l'entreprise. En
dĠautres termes, sortir le professionnel du Òcentre de documentationÓ et
insrer ou instiller plutt les comptences de lĠinfo-doc partout dans
lĠentreprise o cĠest ncessaire. A cet gard, le modle aujourdĠhui bien
tabli du management de la qualit tmoigne de la russite dĠune stratgie de pntration d'un concept dans les
organisations tous les tages de lĠentreprise.
Dans cette perspective, le professionnel est
amen jouer un rle de mdiateur-conseil entre dĠune part les besoins bien
spcifiques et diversifis des multiples fonctions et mtiers de lĠentreprise
et dĠautres part des ressources documentaires, mthodologiques, logicielles...
mettre disposition. Ces autres mtiers de lĠentreprise ne connaissent pas
ceux de lĠinformation-documentation : il faut donc faire de la pdagogie,
du proslytisme et montrer lĠintrt dĠagir avec lĠaide dĠun professionnel face
aux problmes rencontrs.
Les opportunits
d'implication des professionnels de lĠinfo-doc sont plus particulirement
importantes dans les projets des entreprises ou organisations et elles sont
porte de main condition dĠune part de savoir les dceler (coute des besoins
de l'institution) et dĠautre part dĠoser proposer des interventions originales
et pertinentes en termes de comptences mettre en Ïuvre.
Se positionner sur des
comptences de transversalit et sur la gouvernance de lĠinformationÉ vers une
vision large des interventions professionnelles
Dans le mme esprit, certains contributeurs soulignent la trop faible intgration de la documentation aux processus internes de lĠentreprise, contrairement peut-tre au Records Management et aux archives qui ont bien volu sur ce terrain ou encore la gestion de la qualit, souvent donne comme modle dĠintgration russie. Certains aimeraient bien que lĠinfo-doc puisse devenir un sujet aussi quasiment incontournable que la qualit, qui mlange la fois gestion de processus, mthode, approche fonctionnelle et souci de transversalit ou universalit.
Pour
dĠautres dbatteurs, les secteurs potentiels pour un dploiement de lĠinfo-doc
sont trouver aujourdĠhui du ct du marketing, de lĠinformatique, des ressources humaines et de la
formation, de la R&D et de lĠinnovation, de la communication (plates-formes
intranet et internet d'entreprise) et aussi du ct du juridique... en
proposant un ÒmixÓ de comptences allant de la veille au RM et au KM ou encore
au collaboratif, dans lĠesprit dĠune nouvelle "gouvernance de
l'information".
Le domaine de la
gestion de l'information est vaste et vari et bouge beaucoup aujourdĠhui. Un
contributeur tmoigne : ÒCette anne
je fais du TAL, jĠapprends programmer, je fais des ontologies. L'anne
dernire j'ai fait un thsaurus, j'ai mis en place un CMS. L'anne d'avant
j'apprenais faire des produits documentaires, j'apprenais utiliser
Alexandrie. Et aujourd'hui je sais que je vais associer l'ensemble de ces
connaissances que je retrouve principalement dans le KMÓ.
Un autre
contributeur dit avoir expriment sur 2011 l'impact de deux audits pratiqus
par des socits externes (sur la veille et sur les systmes d'information) :
Òces audits ont conduit produire des
messages forts, impartiaux, surtout impliquent fortement la Direction et enfin
et plaident en faveur des mtiers et comptences en Info-docÓ.
Pour un
professionnel dĠune collectivit territoriale, Ònotre organisation actuelle, porte par la direction gnrale, nous
positionne en tant que pilote de la fonction KM dans la collectivit ; nos
hirarchies ont de toute vidence compris lĠimportance de la gestion des
connaissances et les atouts que les professionnels de lĠinfo/doc reprsententÓ.
Des changes
se dgage une vision largie des modalits dĠintervention des professionnels
mettant en avant des valeurs ajoutes qui commencent tre mieux identifies.
Cela conduit les professionnels se positionner comme des acteurs cls
dĠune nouvelle Ògouvernance de lĠinformationÓ, se positionner aussi des ÒinfologuesÓ,
pouvant intervenir aussi bien sur des perspectives de veille, de mdiation que
de capitalisation tout en tant toujours l'coute des besoins mergents et
visionnaires en matire de niches professionnelles conqurir.
Pour certains
dbatteurs, il faut trouver autre chose que lĠappellation "documentaliste"
qui ne correspond pas du tout aux missions ou fonctions vises aujourdĠhui et au
travail au quotidien que lĠon sera amen faire. Il faudrait pouvoir trouver
sur les sites d'emploi gnralistes ou non (comme sur les rseaux sociaux
professionnels) des catgorisations permettant aux professionnels de mieux se faire
reconnatre. Dterminer une liste d'une dizaine de facettes de caractrisation serait
dj un pas en avant important par rapport ce que l'on trouve aujourd'hui
avec peut-tre deux niveaux pour illustrer les niveaux de responsabilit et de
comptence dans certains cas. Ainsi, titre dĠexemples, ce contributeur
mentionne : documentaliste/responsable
de centre de documentation, veilleur/responsable IE, knowledge manager, chef de
projet application gestion de l'information (GED, KM, ECM, BPM...), Records
Manager, archiviste/Responsable des archives, gestionnaire de communauts
(RSE)...
B5 - La formation des professionnels :
adapte ou non ?
Les difficults rencontres par les professionnels dans la situation de double-crise voque au dbut de lĠchange tiennent-elles la formation initiale de ces professionnels ? Difficile de tout mettre sur le dos des formateurs disent certains, mais les formations sont elles aujourdĠhui bien adaptes aux besoins des entreprises ? La question est ouvertement pose.
LĠimpression dĠune
inadaptation au monde de lĠentreprise
Une jeune diplme (master
en information-documentation) actuellement au chmage exprime des doutes sur sa
formation. Une autre jeune diplme souligne que certains de ses collgues ayant
prolong leur formation par un Master en info-doc sont extrmement dus et
regrettent lĠabsence de partie pratique par comparaison avec leur DUT (ÒCertains ont mme dcid d'arrter avant la fin
du semestre pensant que le Master ne leur apporterait que de la thorie et ne les
prparerait pas assez au monde de l'emploiÓ).
Pour une tudiante
en dernire anne de formation en Master 2, puriste de lĠinfo-doc (filire DUT
info-com GIDO complt par une licence pro et un Master toujours dans ce
domaine), le corps enseignant est compos plus de 50% de chercheurs en labo
qui ont certes un savoir thorique trs important, mais qui nĠapporte rien pour
agir en entreprise, o la thorie arrive trs loin, alors quĠon demande au
jeune professionnel d'tre oprationnel (ÒUne
vision statique et poussireuse de la profession : la CDUÉ OK mais en
entreprise a sert quoi ?Ó).
Le sentiment
prvaut que les formations sont mal conues et organises pour prparer des
jeunes des fonctions I&D plus transversales et une intgration de la
comptence en info-doc aux autres grandes fonctions de l'entreprise
(comptences I&D pour la fonction RH, pour la qualit, pour la marketing,
ou encore l'I&D d'accompagnement des projets de l'entreprise...). Si comme
lĠobserve un contributeur Òon admet quĠil
ne faut quĠun an pour apprendre les bases du mtier de documentaliste, alors,
certaines entreprises prfreront former certains de leurs employs qui
connaissent bien la structure pour grer une info-doc bien adapte plutt que
de recruter de jeunes diplmsÓ.
Du dbat se dgage
toutefois lĠaffirmation que les tudiants des formations en info-doc sont
rellement motivs par les nouveaux dfis de l'I&D, passionns par les
ÒobjetsÓ de connaissance dont on parle, mais que subsiste un important hiatus
entre ce dont on leur parle et la ralit de lĠemploi et de lĠexercice
professionnels dans lĠentreprise.
Le recrutement dans les
formations, la double comptence, les littraires
Une autre question
merge alors du dbat : la filire de formation nĠest-elle pas trop
troite, trop referme sur elle-mme, avec souvent des recrutements peut-tre
trop dcals par rapport aux besoins mergents des entreprises ?
Certains mettent
en avant lĠimportance et la ncessit de la double comptence (bases en conomie,
droit, mdecine, mtiers techniques couples des comptences spcifiques en
info-doc) mais constatent que les gens en formation viennent surtout des tudes littraires comme
lĠhistoire qui semblent peu tournes vers les proccupations rellement
concrtes des entreprises. DĠautres contributeurs considrent cependant quĠune
formation littraire n'est pas forcment un handicap si l'on fait l'effort de
s'intresser la technique : Òles
littraires savent crire, penser, apprendre, ce qui est aussi une comptence
importanteÓ.
Une autre ralit
est pointe dans le dbat: 80% des lves entrant dans les formations de la
filire info-comm souhaitent travailler dans des secteurs Òglamour" mais
malheureusement atones quant aux dbouchs. Comment motiver les lves s'intresser
des secteurs moins connus et plus porteurs ?
Le besoin de mieux
connatre la ralit des besoins des entreprises
ÒLes 3/4 des diplms en info-doc ne
travailleront plus en centre de documentation mais dans des fonctions
transversales ou en intgration sur des projets de lĠentrepriseÓ. Il est
indispensable de donner aux jeunes en formation des ides claires sur ce que
sont les fonctions de l'entreprise, en vitant de regarder les possibilits dĠemploi
dans ces fonctions avec la seule lorgnette de l'I&D. Poussant plus avant la
rflexion critique, lĠun des contributeurs indique que Òn'en dplaisent aux tenants de l'I&D
pure et dure, les meilleures
opportunits sont plutt rechercher aujourdĠhui du ct des cursus qui se
focalisent sur le e-Marketing ou le e-commerce ; autant dire que c'est
beaucoup plus sduisant pour un recruteur qu'un expert en norme de catalogageÓ. Cela devrait conduire aussi envisager
des convergences ou complmentarits avec les formations ÒdigitalesÓ (multimedia
, intranet, internet...) et Òse positionner sur les chanons manquantsÓ. De
mme faudrait-il envisager des convergences avec les Ecoles de commerce ou de
marketing ou encore avec des Ecoles dĠingnieurs et pourquoi pas intgrer dans
ces formations (hors info-doc) des modules de formation sur le management ou la
gouvernance de lĠI&D.
Mieux connatre la
ralit de lĠentreprise, de sa culture et de ses besoins, suppose de tisser des
liens forts, structurs, agressifs aussi, entre formateurs et employeurs (commanditaires,
structures RH...) et srement de soutenir fortement les formations en
alternance, les formations ÒcombinesÓ (I&D + autre chose...), la pdagogie
de ou par projet, le dveloppement de stages en lien avec des nouvelles niches
dĠemploi, comme sans doute aussi une meilleure prparation au 1er poste.
***
Pour conclure, on
peut reprendre ici les exigences dgages par le modrateur du dbat dans une des
reformulations faites lors des changes:
CĠest ces
conditions que les professionnels et la profession russiront surmonter la
crise actuelle, crise tant identitaire quĠconomique.