L'ingénieur et le management de l'information: nécessités et modalités de formations spécifiques

JM 247

Publications Jean MICHEL
Page d'accueil Jean MICHEL

 

"Transfert d'information et projet d'entreprise, actes du Colloque TRANSINFO 93", ADBS, juillet 1994, pp. 32-44

1 - L'INGENIEUR ET L'INFORMATION

             La société d'aujourd'hui se caractérise par une forte émergence de l'information dans tous les aspects de la vie individuelle, professionnelle et sociale.

1-1. L'ingénieur au centre de transferts d'information

            Pour l'ingénieur, cette réalité est maintenant au centre même de sa pratique professionnelle quotidienne. Qu'il soit chercheur-inventeur, maître d'ouvrage, maître d'oeuvre, agent technico-commercial, directeur de société ou  manager, l'ingénieur est au carrefour de l'échange et de la transformation d'informations spécialisées de toutes natures. L'ingénieur ne fabrique pas lui même les produits qu'il procure, par contre il gère, plus ou moins consciemment, des systèmes d'information à caractère décisionnel qui permettent d'apporter une réponse adaptée aux besoins exprimés. Il s'alimente à de nombreuses sources de savoir et de savoir-faire. Il transforme cette information, fait des plans et des projets, fournit des solutions qui répondront aux attentes de ses commanditaires. Il véhicule aussi l'information, vend son projet ou le défend, cherche à convaincre d'autres partenaires ou décideurs.

            Dans le même temps, les systèmes d'information spécialisée deviennent de plus en plus puissants et incontournables. Des bases et banques de données aux systèmes experts, en passant par les chaînes informatisées de conception et fabrication assistées par ordinateur, les flux trans-frontières de données, l'EDI, le group-ware, les réseaux de télé-informatique (INTERNET notamment) ou encore les normes, les certifications ou les brevets, toute l'activité des entreprises (et donc de l'ingénieur) s'inscrit dans une perspective de développement de la nouvelle ressource "information".

            Cette information spécialisée ou encore "professionnelle" (scientifique, technique, économique,...) n'est pas la seule en jeu dans l'entreprise moderne (ou "entreprise du troisième type" selon Hervé Serieyx). Il faut désormais prendre en compte la légitime capacité d'expression de l'ensemble des salariés (sous la forme de cercles de qualité, de groupes de progrès,...), concevoir et mettre en oeuvre des projets d'entreprise qui s'appuient sur la mobilisation des compétences mais aussi de l'information interne.

            Mais puisque l'on parle de culture d'entreprise, n'est-il pas essentiel aujourd'hui de parler de patrimoine à propos de l'information dont dispose l'ensemble des ingénieurs, cadres et techniciens de l'entreprise? Les secrets industriels, la protection des idées, la valorisation et les transferts de connaissances, la communication des informations spécialisées sont autant d'axes à privilégier dans le cadre de ce qu'on appelle aujourd'hui une culture d'entreprise.

1-2. De sévères constats d'insuffisance et de carence

            On constate souvent que peu d'ingénieurs et de techniciens utilisent des bibliothèques ou des centres de documentation. Rares sont ceux qui interrogent des bases et des banques de données. Comme de nombreuses études l'ont maintes fois montré, ils ont plutôt des pratiques archaïques, vernaculaires, non formalisées d'accès à l'information, pratiques qui conduisent inéluctablement à des inadéquations entre l'offre disponible sur le marché de l'information et leurs demande et besoin.

            Beaucoup de professionnels (ingénieurs notamment) produisent en permanence de l'information et de la documentation spécialisées (essais en laboratoires, notes de synthèse, rapports divers, etc..), mais, à l'exception des efforts faits par  quelques grandes sociétés industrielles, rien n'est vraiment mis en place dans les entreprises pour gérer correctement, par un archivage efficace, ce patrimoine informationnel ou documentaire.

            Une grande majorité d'ingénieurs ignorent les règles de base relatives à la protection de leurs idées, de leur savoir ou de leur savoir-faire, de leurs inventions ou innovations (savoir breveter et valoriser). Ils ignorent souvent tout des démarches de normalisation ou de certification qui sont désormais des outils essentiels de la compétition internationale. 

1-3. Le management de l'information pour l'ingénieur

            Concernant l'ingénieur, l'information, dite spécialisée, que l'on envisage ici englobe  tout ce qui est relatif au savoir, au savoir-faire et à l'exercice de sa  profession: c'est bien sûr l'information qualifiée de scientifique, technique, technologique ou industrielle, mais c'est aussi aussi tout ce qui a trait à l'environnement dans lequel l'ingénieur travaille: l'entreprise, le marché, la concurrence, les technologies, les coûts, les ressources humaines, le droit international, etc... C'est, à l'évidence,  de l'information, c'est à dire des données, des signes, des faits, des chiffres, des plans, des concepts, mais c'est aussi de la documentation, beaucoup de documentation, des écrits, des tableaux, des dessins, des notes, des rapports, et c'est encore des logiciels, des fichiers, des disquettes, des diapositives ou des cassettes magnétiques.

            L'ingénieur a besoin  à la fois de données brutes (chiffres, faits, schémas,...) et d'informations élaborées et transcrites sur des supports divers (textes, rapports, synthèses, références bibliographiques,...). Cette information utile est nécessairement complexe, multidiscipinaire, contrastée,voire même contradictoire. Elle est véhiculée de différentes manières: contacts et échanges interpersonnels, rencontres formelles ou informelles, supports écrits ou audiovisuels, notes de calculs ou textes très formels (brevets, normes,...), bases ou banques de données interrogeables en ligne, disques CD-ROM, réseaux d'ordinateurs interconnectés,.... Elle est constituée d'un ensemble  de données ou documents produits au sein même de l'entreprise (c'est la plus grande source d'information utile pour l'ingénieur) et de ressources externes à l'entreprise (concurrence, clients, technologies disponibles, textes de référence, ouvrages généraux, articles de revues professionnelles).

            Le management de l'information concerne l'ensemble des activités relatives au processus d'information et non pas seulement le seul accès à l'information. Ainsi est-on conduit à se poser des questions aussi complexes que les suivantes:

            - comment l'ingénieur produit-il  de l'information et pour quoi faire?

            - comment la présente-t-il et comment la diffuse-t-il?

            - comment l'entreprise gère-t-elle ensuite l'information et la documentation  produites en son sein?

            - comment l'ingénieur formule-t-il ses besoins en matière d'information?

            - comment accède-t-il à des gisements d'information, autres que les sources classiques et connues?

            - comment réalise-t-il les synthèses informationnelles lui permettant de créer ou de décider?

            - comment gére-t-il son patrimoine d'information et de documentation?

            - quels liens l'ingénieur établit-il entre différents systèmes d'information (de l'imagerie technique à l'information géographique ou cartographique, en passant par les systèmes d'aide à la décision et les outils de conception assistée par ordinateur)?

1-4. Former l'ingénieur à la maîtrise de son information

            Dans ces conditions, la question de la formation de l'ingénieur prend un relief particulier et ne peut pas se limiter au seul transfert vers l'âge de 20 ans d'une "boîte" de connaissances figées une fois pout toutes. Peut-on encore imaginer dispenser dans une salle de cours ce qui est aisément accessible de n'importe quel point de la planète et à tout moment de la carrière?

            Il parait désormais impératif d'amener l'étudiant futur ingénieur à savoir maîtriser son propre système d'accès à l'information et à la connaissance, à savoir gérer ses propres démarches de traitement et de communication de ces données ou documents. Pour celà la fréquentation des bibliothèques et des centres de documentation, la consultation des bases et banques de données, la lecture critique de nombreux ouvrages et articles, dans différentes langues, doit constituer la première étape de toute formation d'ingénieur.

            Les ressources peuvent provenir de diverses origines et les divers programmes de  formation d'ingénieur doivent inciter le futur ingénieur à naviguer dans ce nouvel "hyper-espace" de l'information. Les moyens classiques que constituent les livres, les revues, la littérature grise, sont, bien entendu, à privilégier en priorité. Mais désormais les CD-ROM, les bases et banques de données, les vidéo-disques, les systèmes documentaires hypermedia, les réseaux de type INTERNET, les satellites et les formations dispensées à distance constituent autant d'alternatives efficaces pour l'accès à l'information et à la connaissance. Les  contacts en milieu industriel, les échanges avec des partenaires étrangers, le travail avec des techniciens ou avec des spécialistes d'autres disciplines fournissent également autant d'occasions nouvelles d'enrichir les bases de données personnelles de l'étudiant.

             N'est-il pas aujourd'hui souhaitable de demander au futur ingénieur de se constituer, par lui même son propre patrimoine de ressources informationnelles, de le gérer et le faire évoluer?

2 - EXPERIENCES DE FORMATION A L'INFORMATION

             Une étude très complète de la question de la formation des ingénieurs à la maîtrise de l'information spécialisée a été réalisée entre 1989 et 1991, sur la base d'investigations conduites auprès d'Ecoles d'ingénieurs au niveau mondial. Le travail, réalisé par la Commission "Information de l'ingénieur" de la Fédération mondiale des organisations d'ingénieurs (FMOI) a été publié récemment par l'UNESCO sous la forme d'un guide présentant une méthodologie générale d'approche du problème de la formation des ingénieurs à la maîtrise de l'information, suivie de descriptions d'une cinquantaine d'expériences (1).

2-1. Partir des besoins et non des outils

             Les objectifs en matière de formation à l'information spécialisée ne sauraient se limiter à ce qu'il est usuel d'appeler la "formation des utilisateurs des bibliothèques" ("users' education").  Pour les responsables des formations d'ingénieurs le problème est le suivant: comment sensibiliser de futurs ingénieurs à la maîtrise des processus d'information, quels que soient les outils qu'ils peuvent employer (bibliothèques, CD-ROM ou bases de données, etc...). En d'autres termes, il convient de se centrer d'abord et avant tout sur l'ingénieur, sur la spécificité de ses pratiques professionnelles, sur ses besoins en information et documentation et donc sur les perspectives pédagogiques d'une intégration de la formation à la maîtrise de l'information dans le cursus général de sa formation, initiale comme continue. Il faut analyser le problème en priorité à partir des besoins, à partir de la demande ou encore du constat des insatisfactions et éviter la focalisation sur la seule perspective de la recherche d'une meilleure utilisation de l'offre en services d'information et de documentation.

2-2. Des pratiques pédagogiques concertées et intégrées

            La question de la sensibilisation et la formation des étudiants futurs ingénieurs à la maîtrise de l'information spécialisée concerne au premier chef les concepteurs des plans ou cursus de formation de ces ingénieurs, au même titre que l'introduction des techniques de management, de l'apprentissage des langues étrangères, ou du calcul des probabilités dans ces cursus.

            Si le directeur d'une Ecole d'ingénieurs doit peser de tout son poids dans la décision de mettre en place de telles formations et dégager les moyens financiers de leurs réalisations, les enseignants eux-mêmes doivent s'impliquer fortement et intégrer cette perspective à leurs propres enseignements. Ne serait-il pas souhaitable que l'enseignant de mécanique des sols ou  celui de robotique soient les premiers à orienter la curiosité de leurs étudiants vers les sources informationnelles ou documentaires appropriées? Ne serait-il pas souhaitable que tout travail de projet confié à des étudiants futurs ingénieurs fasse l'objet de synthèses préalables, assemblant et commentant des données, informations ou documents de diverses natures, scientifiques, techniques, technologiques, économiques, environnementales, concurrentielles, sociales ou politiques?

            Les professionnels de l'information et de la documentation présents dans l'établissement ne doivent se sentir pour autant écarter d'une telle démarche ou philosophie de la formation à la maîtrise de l'information. Le responsable de la bibliothèque universitaire ou du centre de documentation, les spécialistes de l'information affectés à tel ou tel département ou faculté de génie, sont et seront bien souvent les opérateurs principaux des programmes de formation à la maîtrise de l'information: visite des bibliothèques, apprentissage du maniement  des principaux outils documentaires, initiation à la recherche bibliographique, manuelle ou automatisée, cours spécialisés sur les sources documentaires de domaines spécifiques de génie, initiations aux techniques et outils de la normalisation, de la certification et de la propriété industrielle, sensibilisations à la lecture efficace, à la rédaction scientifique ou technique ou à la communication, formations à la veille technologique, concurrentielle ou stratégique,...

2-3. L'information, véritable projet pédagogique

2-3-1. Les finalités de l'apprentissage  à la maîtrise de l'information        

On peut en retenir trois, en première analyse.

            a) Consolider la formation des ingénieurs: on considère, dans cette perspective,  l'information comme une  composante essentielle du processus d'apprentissage. C'est la sensibilisation générale aux méthodologies de l'information et de la documentation. Cette initiation doit permettre aux étudiants de pouvoir utiliser au mieux les ressources informationnelles et documentaires à leur disposition à l'Université ou dans les entreprises.

            b)  Préparer à un exercice plus efficace du métier: on cherche à apprendre aux étudiants, futurs ingénieurs, à travailler plus efficacement en les sensibilisant à diverses méthodologies telles que l'analyse de la valeur, la démarche qualité, les méthodes de compétitivité de l'entreprise, méthodologies dans lesquelles l'information joue un rôle essentiel. Cette  seconde finalité relève d'une approche déjà plus spécifique du travail de l'ingénieur, avec des apprentissages relatifs à la maîtrise stratégique de l'information, en tant que composante du travail quotidien de l'ingénieur.

            c) Faire acquérir une double compétence: cette  troisième finalité concerne ceux des étudiants et des ingénieurs qui peuvent inscrire cette compétence particulière (la maîtrise des processus d'information) dans la panoplie de leurs armes professionnelles. En d'autres termes, on peut chercher à former, par des options ou cycles particuliers, des spécialistes de la maîtrise stratégique de l'information ayant une double compétence "ingénieur" d'une part et "spécialiste de l'information" d'autre part. On peut ainsi former, à titre d'exemple, des ingénieurs spécialistes de la veille technologique ou de la propriété industrielle.

2-3-2. Les périodes de la formation à la maîtrise de l'information            

            a)  Les débuts de la formation initiale:  c'est, bien sûr, la période privilégiée pour une première sensibilisation des étudiants futurs ingénieurs aux ressources informationnelles ou documentaires existantes. L'étudiant, futur ingénieur, doit maîtriser quelques outils essentiels qu'il utilisera à coup sûr dans ses études mais aussi dans sa vie professionnelle.

.           b)  La fin du cursus de formation initiale:  entre la troisième et la cinquième année d'un cursus de formation d'ingénieurs, au moment où les étudiants ont à réaliser des travaux personnels ou de groupes, ou encore à préparer des thèses de Diplôme, les étudiants sont confrontés à des disciplines plus complexes, mixant des fondements scientifiques, des développements technologiques et des pratiques professionnelles .

            c)  Les formations complémentaires ou post-graduées: c'est le cas notamment des formations complémentaires (Masters of Science, Mastères, Certificats d'études supérieures,...), des formations par la recherche (comme le Diplôme d'études approfondies en France), ou  des formations doctorales, qui nécessitent, pour les étudiants, le recours à des sources d'information et de documentation plus spécialisées, plus professionnelles dans certains cas.

2-4. Une typologie des formations existantes

            Concrètement, comment organiser une ou des formations à la maîtrise de l'information pour de futurs ingénieurs? A partir du recueil d'une cinquantaine d'expériences ou réalisations pédagogiques significatives,  entrepris systématiquement au cours des années 1989 à 1991 au niveau mondial, on peut appréhender globalement les caractéristiques principales des formations existantes en les représentant très succinctement selon un schéma bi-dimensionnel.

 

  La première dimension, horizontale, permet de situer l'origine de la préoccupation ou de la démarche: partir de l'offre proposée par les professionnels de l'information  ou partir des besoins manifestés par les ingénieurs et les étudiants. La deuxième dimension, l'axe vertical permet d'identifier la forme pédagogique et le degré d'intégration de la formation à la maîtrise de l'information dans le cursus des étudiants: du simple ajout optionnel d'une action relativement marginale (se limiter à la visite de la bibliothèque par exemple) à l'intégration très forte de cette formation dans des enseignements disciplinaires ou méthodologiques, avec innovation pédagogique.

2-4-1. Les introductions aux lieux et outils de la documentation

            C'est classiquement ce que font nombre de responsables de bibliothèques d'Universités techniques ou d'Ecoles d'ingénieurs et qui est généralement décrit sous le vocable d'introduction à la bibliothèque (library orientation) ou à la documentation. Il s'agit de faire reconnaitre par les étudiants les lieux, les ressources documentaires, les compétences des professionnels, les principaux outils. Généralement de courtes durées (1 à 3 heures), ces séances d'initiation  consistent, en règle quasi générale en:

            - des présentations théoriques brèves de l'institution "bibliothèque" et parfois à des aperçus sur les enjeux de l'information et de la documentation;

            - des visites des bibliothèques ou centre de documentation, avec commentaires en direct sur les fonds documentaires, sur les modalités d'inscription ou celles de consultation et de prêt d'ouvrages ou périodiques, sur les horaires d'ouverture, etc...;

            - des présentations des principaux outils (fichiers, catalogues, bases de données,...) avec parfois de petits exercices pour tester l'aptitude des étudiants à retrouver par eux-mêmes certains documents.

2-4-2. Les formations aux recherches et pratiques documentaires

            Au delà des introductions aux possibilités offertes par les bibliothèques et les centres de documentation, certains établissements proposent à leurs étudiants de courts séminaires ou rencontres (d'une durée d'un à trois jours en général) qui visent à les rendre plus efficaces dans le maniement des outils bibliographiques, dans la codification de réfèrences documentaires ou dans la collecte de données.

            L'utilisation des outils propres de catalogage, la présentation des sources documentaires du domaine concerné, l'interrogation de bases de données bibliographiques sont quelques uns des aspects pratiques de ces modules de formation.

            Il faut noter que ces formations sont d'autant plus appréciées par les étudiants qu'elles se déroulent dans le phase terminale des études et qu'elles peuvent être organisées autour des projets personnels ou de groupes. L'utilisation des technologies modernes de l'information (recherche en ligne, CD-ROM, gestion électronique de documents, télécopie, réseau RNIS, courrier électronique,...) renforcent la motivation des étudiants futurs ingénieurs, pour ces modules de formation et paradoxalement peuvent redonner le goût pour des recherches manuelles de documentation, auparavant considérées comme fastidieuses ou d'un autre âge.

2-4-3. Les formations à des aspects spécifiques de l'information

            Plus ambitieux et plus originaux sont les modules spécifiques de formation, structurés sous forme d'unités de valeur complètes et visant à faire prendre en compte, dans un cursus, l'acquisition d'une compétence relative à tout ou partie d'un processus de maîtrise de l'information de l'ingénieur. De tels modules, validés au même titre qu'un module de mathématiques, de langues ou deconception de routes, s'inscrivent déjà dans une logique de gestion professionnelle de l'information utile à l'ingénieur.

            On peut mentionner des modules sur  l'acquisition, la gestion, l'utilisation et la communication de l'information scientifique et technique, ou encore relatifs à l'information stratégique, à la normalisation ou à la propriété industrielle.

            La veille stratégique, la veille technologique, sont également des sujets appréciés par les étudiants, futurs ingénieurs, à travers de tels modules, surtout s'ils peuvent manipuler quelques outils statistiques (traitement des citations, cartographies des réfèrences bibliographiques,...) permettant de repèrer les sources actives de connaissances et les évolutions des problématiques de recherche et d'innovation.

            La communication spécialisée, la rédaction scientifique et technique, la lecture efficace sont autant de thèmes qui apparaissent, ici ou là, comme modules spécifiques de formation.

2-4-4. Les intégrations disciplinaires ou méthodologiques

            Un quatrième groupe d'actions de formation à la maîtrise de l'information renvoie à une démarche plus ambitieuse d'intégration de cette formation dans des enseignements ou ensembles d'enseignements existants par ailleurs. L'information apparait alors comme un élément essentiel à prendre en compte dans ces enseignements et s'intégre pédagogiquement de façon naturelle.

            Il peut notamment s'agir d'insertion dans des enseignements disciplinaires donnés comme par exemple des cours sur les composants électroniques, l'agronomie, les matériaux  ou  la chimie. L'intégration de la formation à la maîtrise de l'information peut se faire assez naturellement également dans les enseignements de gestion offerts aux futurs ingénieurs.

            L'insertion dans des enseignements à caractère méthodologique parait aussi très prometteuse. Il est en effet très clair que la mobilisation de l'information utile est une des composantes essentielles des démarches de résolution de problèmes et de créativité. La maîtrise de l'information est au coeur des méthodes de la prise de décision comme elle l'est dans les plans de travail développés dans les groupes d'analyse de la valeur ou dans les cercles de qualité.

            L'information et la documentation sont également présentes dans les formations relatives à la création de produits, au "design", à l'innovation  ou encore à la gestion de la technologie.

            Les formations relatives à la communication, de plus en plus systématiquement développées dans les études d'ingénieurs (l'ingénieur est un communicant par nécessité professionnelle) sont souvent l'occasion d'un élargissement des préoccupations à l'ensemble des problèmes de l'information. La rédaction des écrits scientifiques, la préparation à la présentation de conférences orales, la communication médiatisée et la production et l'usage de moyens audiovisuels, la maîtrise des nouvelles technologies de communication constituent autant de points d'accroche pour des formations intégrées information-communication.

2-4-5. Les formations pour la double compétence

            Ce cas de figure particulier concerne des populations d'ingénieurs déja diplômés ou de futurs ingénieurs qui cherchent à acquérir une double compétence, à savoir une compétence dans la spécialité de génie d'origine et un certainprofessionnalisme  dans la maîtrise des processus d'information. De telles formations commencent à se développer ici ou là.

            Ces formations, s'adressant à des étudiants en fin de cursus pour le diplôme d'ingénieur, leur permet de s'orienter vers les méthodes de management de l'information. Les étudiants peuvent ainsi être amenés à traiter l'ingéniérie du système  d'information dans une entreprise donnée (par exemple  établissement des flux d'information sur une grande installation industrielle).

2-5. La formation à l'information et l'ingénieur de demain

            L'ingénieur du XXIème siècle sera de plus en plus confronté à des démarches nouvelles de mobilisation de la connaissance,  requérant des méthodes de compréhension d'une réalité de plus en plus complexe. Les formations à la maîtrise de l'information pour les ingénieurs doivent donc impérativement  anticiper certaines évolutions.

2-5-1. La démarche qualité

            Elle est  aujourd'hui largement ancrée dans les pratiques des entreprises performantes . Or cette démarche qualité est un processus permanent de maîtrise de l'information. Le contrôle de la  qualité, les cercles de qualité , la qualité  globale , l'assurance qualité, la fiabilité, la sécurité du fonctionnement, toutes ces approches nécessitent une parfaite mobilisation et un traitement efficace de l'information.

2-5-2. Les méthodologies de travail

            Celles-ci et plus particulièrement les méthodologies dites de résolution de problèmes (problem  solving) et d'analyse de système sont désormais amplement utilisées par les entreprises compétitives. Des méthodes telles que l'analyse de la valeur ou les techniques de créativité ont fait leurs preuves et témoignent de l'intérêt porté au travail de groupe ou encore à la notion de plan de travail pour la résolution d'un problème . Toutes ces méthodes ont un point en commun: l'indispensable maîtrise de l'information.

 2-5-3. L'ingénierie de l'information et de la connaissance

            Cette problématique nouvelle constitue une troisième composante d'évolution du métier de l'ingénieur. Ingénierie linguistique, intelligence artificielle et systèmes experts sont désormais des mots clés  du travail de l'ingénieur.  Derrière ou en amont de la machine, il faut aujourd'hui davantage  de  connaissance, de savoir, de matière grise et surtout de beaucoup de données. Il faut disposer de bases ou banques de faits et de lois de relations entre ces faits.

2-5-4. La multiplicité et la rencontre fertile des cultures

            La mondialisation de l'économie, l'ouverture des frontières, la circulation des hommes et des biens introduisent une nouvelle donnée à prendre en compte dans toute prospective de la formation des ingénieurs. Les responsables de formations d'ingénieurs ont imposé, depuis plusieurs années déjà, l'apprentissage systématique des langues étrangères à leurs étudiants.

            La maîtrise stratégique de l'information pour les ingénieurs, c'est aussi prendre en considération la nécessité de bien gérer les flux trans-frontières de données et de travailler à l'échelle planétaire, tout en sachant que les besoins des hommes et de la société s'expriment en tout premier lieu au niveau de son propre village.

Réfèrence bibliographique

(1) - Principes directeurs pour la formation des ingénieurs à la maîtrise de l'information spécialisée. - UNESCO - PGI 92/WS/4,  Paris 1992, 131 p..