D'INTERNET

AUX AUTOROUTES DE L'INFORMATION

QUELLES CONSEQUENCES ET QUELLES RESPONSABILITES

POUR LES PROFESSIONNELS DE LA DOCUMENTATION ?

Jean MICHEL

JM257

Publications Jean MICHEL
Page d'accueil Jean MICHEL

Communication au colloque ADBS, Lille, 30 Mars 1995, 48 ko

PLAN

1 - INTERNET, UNE NOUVELLE VISION DE L'INFORMATION

1-1. Internet, un protocole pour une communication ouverte

1-2. De multiples fonctionnalités pour informer et s'informer

1-3. S'approprier l'outil Internet

2 - INTERNET ET LES PROFESSIONNELS DE L'INFORMATION

2-1. Un nouveau regard sur la fonction d'information

2-2. Internet, un défi et une stratégie pour l'ADBS

2-3. Un plan d'actions pour les années à venir

3 - LA SOCIETE DE L'INFORMATION ET SES AUTOROUTES


1 - INTERNET, UNE NOUVELLE VISION DE L'INFORMATION

Internet, on ne parle désormais que de cela. La presse "grand public" agite les esprits, excite la curiosité des familles, commente les tours de force des pirates du réseau qui s'introduisent dans les zones informatiques les plus reculées et les plus inaccessibles et promet les avenirs les plus radieux pour l'accès multimédias à la connaissance. La presse plus spécialisée, celle qui s'adresse aux entreprises notamment, commence sérieusement à s'intéresser au phénomène et à noter les signes de mutations profondes dans l'organisation des échanges de toutes natures entre individus et organisations. Les autoroutes de l'information dont Internet préfigure les usages futurs font l'objet d'apres discussions entre hommes publics, cablo-opérateurs, ingénieurs des télécommunications, industriels, économistes, philosophes, éducateurs et autres professionnels de l'information et des médias.

Mais que faut-il vraiment penser du phénomène Internet aujourd'hui? Les entreprises, les organisations, les professionnels de l'information et de la documentation doivent-is se préoccuper de cette question et si oui, dans quel but et pour quels enjeux? Et plus largement, comment les futures autoroutes ou infrastructures de l'information seront-elles utilisées par les entreprises pour améliorer leur compétitivité et par les documentalistes pour assurer un meilleur accès à l'information utile?

1-1. Internet, un protocole pour une communication ouverte

Revenons quelques instants sur ce qu'est Internet et ce qu'il permet. Au fond, Internet n'est qu'un protocole de communication et d'échange de données entre ordinateurs, le protocole TCP/IP. Développé aux USA il y a une déjà une vingtaine d'années dans les milieux de lé défense d'abord puis dans les milieux scientifiques, Internet permet de faire dialoguer, à distance, des ordinateurs de standards et de configurations les plus variés. C'est donc un système d'intercommunication ouvert qui s'oppose de façon nette aux approches plus classiques en système fermé (les réseaux locaux ou internes mis en place dans les entreprises par exemple). Dès lors, cette possibilité d'échanger des données avec des environnements "étrangers" va modifier en profondeur les comportements des individus, des groupes ou des institutions. C'est ce que comprendront vite nombre de scientifiques universitaires américains puis européens, australiens ou japonais qui mettront au point et installeront gratuitement sur le réseau mondial ainsi constitué plusieurs grands outils informatiques permettant un usage efficace d'Internet. Ainsi fleuriront successivement les procédures FTP ou TELNET, les outils Gopher, Wais et WWW et les interfaces très conviviales Mosaic ou Netscape (tous ces outils fonctionnant selon le principe de l'architecture désormais classique "client-serveur").

Très vite, les usages s'intensifieront et Internet verra son développement croître de façon quasi-exponentielle. On estime (mais il est difficile de vraiment définir les chiffres dans un système ouvert) à plus de 2 millions le nombre de machines connectées et à plus de 30.000 le nombre de réseaux reliés par Internet (on dit qu'Internet est un réseau de réseaux).

Plus de 20 millions de personnes dans plus de 140 pays échangent quotidiennement des données ou des fichiers logiciels via Internet. Un nouvel abonné est compté toutes les 10 minutes (de récentes statistiques indiqueraient un nouvel abonnement toutes les 30 secondes) et le trafic sur Internet croît de 10 à 20% par mois.

Il est surtout intéressant de noter le glissement d'usage du monde scientifique et universitaire (le berceau d'Internet) vers les milieux économiques et industriels. Aux USA, les entreprises assurent plus de 60% du trafic (contre 40% en France et en Europe). Les milieux économiques suivent désormais de près le phénomène et commencent à prendre des positions sur les divers marchés de télécommunications, d'information, de culture ou d'éducation qu'Internet sous-tend, de même que l'on voit s'engager les premières grandes batailles pour la maîtrise du télépaiement sur le réseau.

Du côté des professionnels de l'information et de la documentation, si dans les milieux anglosaxons, nordiques ou asiatiques on est déjà largement bien branchés, la situation est nettement moins satisfaisante en France. Pour l'heure, ce sont surtout les professionnels des grandes bibliothèques ou ceux intervenant dans les milieux de l'enseignement supérieur et de la recherche qui commencent à vraiment "Surfer sur le Net". Mais la situation change rapidement et nombre de documentalistes des secteurs de l'entreprise, des chambres consulaires ou des collectivités territoriales s'intéressent désormais à Internet.

1-2. De multiples fonctionnalités pour informer et s'informer

Mais qu'apporte au fond Internet? Quelles fonctionnalités autorise-t-il, surtout dans la perspective d'un usage d'Internet par l'entreprise et les professionnels de l'information et de la documentation?

a) La messagerie électronique

On citera en tout premier lieu la messagerie électronique dont la puissance, l'universalité et la convivialité sont en train de surpasser les traditionnels modes de communication (lettre, téléphone, télécopie, réunion de travail). Rapide, simple, interactive mais laissant des degrés de liberté à l'interlocuteur, cette messagerie électronique planétaire permet des gains de temps considérables et des réductions importantes de coût (surtout dans un contexte d'échanges à moyennes et longues distances). Le caractère ouvert de la messagerie de type Internet rend possible une réactivation des messageries internes d'entreprises, bien souvent peu ou mal utilisées du fait même de leur caractère fermé. Pour des documentalistes, dont la mission fondamentales est d'être une fenêtre ouverte sur le monde, cet usage systématisé de la messagerie électronique est essentielle. Il permettra notamment de réactiver et de transformer le très classique mode de travail en réseau au sein des communautés de documentalistes.

b) Les forums électroniques

Dans la logique de la messagerie électronique, les forums électroniques, les listes dites de diffusion (listserv) et les groupes de "news" (Usenet) sont par ailleurs d'excellents modes d'échanges collectifs d'information et de remarquables outils d'aide à la recherche de l'information pertinente. Des communautés d'intérêt se constituent autour de certaines thématiques et des échanges de messages, de données, de "tuyaux" s'y développent. Ces fonctionnalités sont intéressantes, à condition d'en maîtriser le sens et de savoir bien les utiliser. Elles permettent de trouver des réponses fraîches, vivantes, dynamiques à des questions d'actualité, comme d'approfondir collectivement certains sujets. De tels forums peuvent être "ouverts" (et même très largement ouverts pour les groupes de "news" sur des sujets de société). Mais ils peuvent aussi "fermés", délimiter des territoires précis et être réservés à des groupes de personnes bien identifiés (comme par exemple, des groupes de projets au sein d'entreprises); de ce point de vue, Internet peut être un instrument d'accompagnement du développement du "group-ware"). En documentation, l'usage de ces groupes de "news" ou de ces forums eléctroniques constituera sûrement dans l'avenir un mode original et puissant de développement de la recherche d'information et de documentation (avec des forums plus ou moins spécialisés auxquels les documentalistes prendront l'habitude de s'abonner). La croissance des usages des forums (listserv) BIBLIO-FR, ADBS-INFO ou LIS-FID témoigne de l'intérêt que portent les professionnels de l'information à cette modalité de travail collectif en documentation.

c) Les outils de transfert de fichiers et de travail à distance

A côté de ces fonctionnalités de communication électronique interactive que l'on pourrait qualifier de "grand public", il convient d'en mentionner d'autres qui rendent possible un travail professionnel informatique selon de nouvelles modalités. Ainsi la procédure FTP (File Transfer Protocol) permet-elle d'adresser à distance ou de recevoir sur sa machine des fichiers informatiques (parfois volumineux), qu'ils s'agissent de données, de textes ou de logiciels. De même la procédure TELNET permet-elle de faire travailler, pour soi, une machine distante, comme par exemple faire traiter ses propres données à partir d'un outil informatique disponible sur une machine lointaine. Ces dispositifs sont intéressants dans la perspective d'une réduction des coûts des procédures de traitement de l'information (en utilisant des ressources partagée), mais aussi parcequ'ils élargissent considérablement le volume des ressources dont l'entreprise peut disposer. En documentation, ces outils facilitent la récupération de gros fichiers de textes (documents en texte intégral par exemple, comme les rapports de littérature grise) ou de données numériques ou factuelles. Ces mêmes outils permettent de procéder à des recherches documentaires classiques sur des serveurs distants, avec dans un certain nombre de cas, des coûts très bas.

d) La navigation dans les sources et leur présentation

Naturellement et pour terminer le panorama des grandes fonctionnalités offertes sur et par Internet, il faut mentionner l'ensemble des outils de présentation des ressources et de navigation dans ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui le cyber-espace. Les Gophers (fonctionnant en mode client-serveur) permettent à une organisation, une entreprise, un centre de documnetation de se faire connaître sur le réseau et de rendre accessible ce qu'ils veulent mettre à disposition de la communauté. Inversement, en version client, ces outils Gopher permettent de faire des recherches sur le réseau pour trouver des ressources répondant aux questions que l'on se pose. Selon la même logique, les outils Wais permettent la diffusion et la circulation de documents en texte intégral ainsi que la recherche de textes pertinents par interrogation automatique de l'ensemble des corpus de mots qu'ils contiennent. L'utilisation de l'hypertext et de l'hypermédia a permis plus récemment l'élaboration d'outils encore plus séduisants comme les WWW (World Wide Web) ou Webs et leurs habillages conviviaux de type Mosaic ou Netscape. A partir de sa machine personnelle, il est désormais possible de consulter, avec des outils de navigation très conviviaux, l'ensemble des ressources disponibles au niveau de la planète entière, comme il est possible de présenter ses propres informations ou ressources à l'ensemble des utilisateurs du réseau. On aura compris que ces fonctionnalités peuvent intéresser l'entreprise et les services de documentation, à la fois pour rechercher les sources d'information et les outils dont ils peuvent avoir besoin mais aussi pour diffuser sur le réseau leur propre offres de services et de produits (tout en prenant garde à respecter une certaine déontologie dans l'usage du réseau). De ce point de vue, Internet devient un extraordinaire outil de veille informative sur les marchés, les produits, les technologies, les idées innovantes, les sources utiles et en même temps un puissant levier de démultiplication de l'offre commerciale ou non de l'entreprise comme de l'offre de services du centre de documentation.

1-3. S'approprier l'outil Internet

a) Se connecter, mais surtout se former

Pour une organisation aujourd'hui, pour un service de documentation, se connecter à Internet ne présente strictement et sérieusement aucune difficulté. Les opérateurs ou intermédiaires offrant de telles services de connexion se sont multipliés et il est relativement simple de déterminer la procédure adaptée à son contexte et ses besoins (connexions au forfait, à la consommation, à la distance, etc...). Mais la connexion n'est pas tout. Il va falloir rapidement maîtriser l'outil, apprendre à opérer dans un monde ouvert, changer donc d'attitude, voire même de culture. La formation des personnes est en général la préoccupation primordiale de ceux qui se mettent à utiliser Internet. C'est notamment le cas des professionnels de l'information et de la documentation qui doivent revoir assez profondément leurs méthodes de travail et leurs conceptions du monde de l'information. Il faut dans le même temps mettre en place, en interne, les procédures qui permettront de bien utiliser l'outil, de veiller en permanence à la sécurité, d'assurer une maintenance sans faille.

b) Imaginer les nouveaux usages et services

Il apparait vite nécessaire de faire un effort collectif de créativité pour déterminer les services ou usages correspondants le mieux aux besoins de l'organisation, quelle soit ou non de nature documentaire. Va-t-on mettre l'accent sur la messagerie, sur l'amélioration de la circulation interne ou externe de l'information, sur la réduction des coûts de communication? Préfèrera-t-on utiliser Internet pour stimuler l'invention, pour accompagner le travail collectif de projet, pour assurer certaines logistiques (par exemple, mettre à jour et diffuser les textes utiles à l'ensemble des personnels de l'entreprise ou assurer le contact opérationnel entre des personnes ou des groupes dispersés sur de vastes territoires)? Choisira-t-on plutôt de jouer la carte de la veille informative, de l'observation des tendances du marché dans un environnement très ouvert, du "surfing" sur le réseau pour percevoir les faits marquants susceptibles de donner des idées de produits ou de services? Ou encore, privilégiera-t-on la démarche de démonstration de ses potentialités, d'information sur son offre commerciale, de mise en valeur - au plan international - de son image de marque? Et pourquoi ne pas se servir d'Internet pour maintenir le contact avec la clientèle, pour gérer les échanges avec les fournisseurs, pour assurer l'information et la documentation des unités decentralisées?

c) Décider, au plus haut niveau, du recours à Internet

Toutes les fonctions de l'entreprise sont aujourd'hui concernées par Internet, la documentation étant naturellement une des fonctions les plus concernées mais pas la seule. C'est la raison pour laquelle il importe d'aborder la question de la connexion à Internet au plus haut niveau de l'entreprise et de mettre en place rapidement des dispositifs et des démarches de conduite de projet qui faciliteront cette appropriation de l'outil par tous les secteurs concernés et rendront possible une vision collective des usages efficaces d'Internet.

De cette approche ou vision collective des usages d'Internet, naîtront sûrement de nouvelles façons de travailler au sein de l'entreprise. Pour la documentation, il peut en résulter un repositionnement dans la structure de l'entreprise et une amélioration substantielle d'image, pour autant que les documentalistes sauront montrer leur aptitudes à s'approprier l'outil et leur volonté de penser et mettre en oeuvre des démarches nouvelles d'information pour l'entreprise.

d) Repenser la sécurité des données

Reste la question, souvent mise en avant par la presse, de la sécurité du travail et des données sur un réseau informatique ouvert. Il faut être clair sur ce point. Internet pose à l'entreprise comme aux documentalistes les mêmes problèmes de sécurité que l'usage du téléphone ou du fax, l'ouverture des locaux aux visiteurs ou la circulation du courrier. La sécurité relève de la stricte responsabilité de l'utilisateur et donc des responsables de l'organisation et des services concernés qui doivent prendre les dispositions qui s'imposent. Il est évident que l'on évitera de rendre accessibles les données confidentielles et de connecter au réseau les machines assurant certaines tâches délicates.

Pour l'essentiel des échanges d'informations et de données sur Internet, la question de la sécurité ne se pose pas. Elle se pose par contre pour tout ce qui a trait aux transactions de nature commerciales ou financières et aux actes de nature juridique. De ce point de vue, de nombreux travaux sont en cours qui rendront possibles, à brève échéance, certaines formes de cryptage des messages ou données et d'authentification des signatures. De même commence-t-on à voir apparaître des services d'authentification des actes ou transactions par des sociétés spécialisées. Les rapprochements récents de grandes institutions du secteur bancaire et des principaux opérateurs sur les réseaux (comme par exemple entre American Express Bank et American On Line) témoignent de cette évolution, notamment dans l'objectif de sécuriser le télépaiement et les transactions commerciales.

Ces considérations valent bien entendu pour les professionnels de l'information et de la documentation qui devront repenser non seulement leurs choix de solutions dans l'accès aux données ou aux textes disponibles sur le réseau (à quels coûts, selon quelle convivialité, avec quelle rapidité d'accès,...?), mais aussi leur façon d'apprécier la fiabilité des données circulantes et la conformité juridique des acquisitions faites. Ils devront également intégrer la dimension "sécurité" dans leur propre mode de fonctionnement désormais ouvert sur le réseau.

2 - INTERNET ET LES PROFESSIONNELS DE L'INFORMATION

Outre le fait constaté chaque jour davantage que de nombreuses entreprises, organisations et services de documentation commencent à utiliser fortement Internet, on ne peut que suivre avec intérêt les réflexions développées dans certains groupements ou réseaux d'acteurs économiques (les Chambres de commerce et d'industrie par exemple) visant à promouvoir un usage efficace de l'outil pour accroître la compétitivité des entreprises et améliorer l'accès à l'information. Les conseils régionaux s'emploient activement à mettre sur pied les réseaux et plates-formes permettant aux entreprises de bénéficier des avantages d'Internet et des futures autoroutes de l'information. Il faut par ailleurs souligner le succès de la consultation organisée par le Ministère de l'industrie pour développer des expérimentations en matière de plates-formes de services susceptibles d'être offerts sur les futures inforoutes. Il est donc temps pour les acteurs économiques français - et parmi eux les services de documentation - d'adopter une attitude plus dynamique face à cette nouvelle façon de communiquer au sein d'un monde ouvert et de déterminer le plus rapidement possible maintenant les usages d'Internet et les services qui l'aideront à conquérir des marchés, à améliorer son fonctionnement et à être à l'écoute d'un environnement aux frontières repoussées fort loin.

L'ADBS, l'Association des professionnels de l'information et de la documentation, ne peut pas rester passive face à la révolution et au développement spectaculaire d'Internet. Elle ne peut pas non plus rester à l'écart du débat qui s'instaure à propos des futures autoroutes de l'information ou inforoutes. En tant que grande association professionnelle moderne, elle doit prendre en considération ces nouvelles pratiques de travail en réseau et aider ses membres à se familiariser avec l'outil et à se l'approprier. Elle doit se prononcer sur les nouvelles conditions d'exercice de la profession et inciter à l'innovation dans ce domaine. Mais elle doit aussi penser son propre développement en tenant compte de cette nouvelle approche du télétravail, de la télé-information et vraisemblablement développer des pratiques de "télé-association".

2-1. Un nouveau regard sur la fonction d'information

Internet renvoie les documentalistes et plus généralement l'ensemble des professionnels de l'information et de la documentation aux origines de leur métier à savoir l'importance de la recherche et de la fourniture d'informations pertinentes pour aider à résoudre des problèmes (et non pas au seul catalogage de documents).

Internet, documentation virtuelle planétaire, est une source inépuisable d'informations qu'il faut savoir observer en permanence (veille informative, stratégique, technologique, sociale,...) et solliciter de façon simple (hypertext et langage naturel) pour accéder à des catalogues, des fichiers, des documents ou au contenu même de l'information. Ces informations désormais accessibles électroniquement existent sous différentes formes (textuelles, factuelles, numériques, iconiques, sonores). Le professionnel de l'information doit donc apprendre à connaître les ressources disponibles sur le réseau, sélectionner, trier, éliminer, conseiller la pertinence et surtout faire vivre l'information. Il doit aussi savoir solliciter activement le réseau

Il doit se préoccuper encore de présenter ses propres ressources documentaires sur le réseau, mettre ses fichiers à disposition, vendre ses savoirs ou savoir-faire.

Par la puissance de la messagerie électronique comme par l'efficacité et la simplicité des outils tels que Mosaic, Internet donne la faculté à tout professionnel de l'information qui sait être à l'écoute du monde, de tisser sa toile de relations, de constituer les forums d'échange indispensables, de créer et offrir des produits électroniques de diffusion de l'information.

Internet est à la fois un puissant outil de télécommunication (messagerie point-à-point ou collective), un moyen d'accès à de vastes gisements de ressources en information et documentation (fondamentalement différent de ceux actuellement maîtrisés par les documentalistes), un instrument de télé-travail (accès à des machines distantes, télé-déchargement de fichiers et de logiciels,...) et surtout une philosophie moderne du travail en réseau.

Mais Internet est aussi une vision nouvelle du libre parcours dans l'information. Il pose donc des problèmes à l'industrie de l'information et remet en cause des pratiques développées depuis une vingtaine d'années. Internet peut déstabiliser les professionnels de l'information et de la documentation dans la mesure où il renforce l'accès immédiat, aisé, de tous à tout. Les documentalistes doivent donc redéfinir leur rôle de médiateur dans l'accès à l'information, redevenir des spécialistes de l'orientation vers les sources pertinentes et des évaluateurs des ressources disponibles sur le réseau.

2-2. Internet, un défi et une stratégie pour l'ADBS

Depuis plusieurs mois, de nombreuses idées ont été émises au sein de l'ADBS, pour permettre à la profession de mieux s'impliquer dans le développement d'Internet. On s'accorde désormais à penser qu'il est urgent d'agir et surtout d'agir collectivement.

Il faut en premier lieu éviter les pertes de temps dans des apprentissages individuels anarchiques et favoriser au contraire une approche collective de la maîtrise de l'outil (et c'est bien le rôle d'une association professionnelle que de viser cet objectif de transfert de savoir au bénéfice de l'ensemble de ses membres).

Il paraît en outre souhaitable que s'intensifient rapidement les échanges électroniques au sein de l'ADBS. Les connexions à Internet doivent se multiplier de façon à disposer dans les meilleurs délais d'une "masse critique" de professionnels aguerris pouvant tester listes de diffusion et forums électroniques spécialisés et identifier les sources pertinentes d'information.

Il faut encore faire preuve d'audace et d'imagination et désirer activement construire les futurs possibles pour la profession. La communication électronique entre les membres de l'ADBS réduit les distances (mais elle peut aussi en créer de nouvelles) et rend plus immédiate et interactive l'expression de propositions pour le futur.

C'est autour de ces idées que s'élabore la stratégie de l'ADBS, pragmatique, responsable et tournée vers l'avenir. Cette stratégie vise délibérément l'appropriation professionnelle de l'outil Internet par un maximum de membres de l'Association dans un délai de deux à trois ans. Elle s'appuie sur la motivation explicite des acteurs de terrain et sur la détermination des différents groupes régionaux et sectoriels de l'ADBS de multiplier les initiatives et d'apprendre collectivement l'usage d'Internet.

2-3. Un plan d'actions pour les années à venir

Les actions mentionnées ci-après sont soit déjà en cours de réalisation soit à l'état de projets ou de perspectives plus lointaines. Certaines d'entre elles doivent être étudiées plus à fond ou faire l'objet d'investissements intellectuels ou financiers spécifiques. Il faut bien sûr dégager des priorités parmi l'ensemble de ces actions et mettre en place les dispositifs de suivi appropriés. Mais la liste n'est pas close et les idées nouvelles sont et seront appréciées des instances dirigeantes de l'ADBS.

a) La multiplication des connexions

Equiper rapidement le siège de l'ADBS (la Délégation permanente) de connexions sur Internet, en recherchant la meilleure solution au moindre coût. Cette action est désormais réalisée: l'adresse électronique de la Délégation permanente est adbs@iway.fr

Identifier un premier ensemble de sites connectés sur Internet permettant aux divers groupes régionaux et sectoriels et aux commissions de l'ADBS, comme aux membres du Conseil d'administration et du Bureau national de développer une communication électronique intra-associative.

Réaliser et diffuser rapidement des textes simples permettant aux professionnels de l'information et de la documentation de bien comprendre l'outil et ses fonctionnalités et de négocier avec leur employeur ou leur organisation leur connexion sur Internet.

Etablir, tenir à jour et diffuser rapidement un début de liste des membres disposant d'adresses électroniques (annuaire).

b) Les actions de transfert de savoir et de savoir-faire

Programmer et organiser des séminaires de formation continue relatifs à une première découverte d'Internet et de ses usages professionnels, séminaires intégrés au catalogue général des stages de l'ADBS.

Etudier, programmer et organiser d'autres actions de formation, plus diversifiées et correspondant à différents besoins spécifiques (comment interroger des sources d'information lointaines, comment créer un serveur Mosaic pour la documentation, etc...).

Concevoir et organiser un ensemble de séances de présentation rapide d'Internet à destination des divers groupes sectoriels ou régionaux ou commissions.

Réaliser une série de journées d'étude ou colloques à Paris ou dans les régions. Une première manifestation a été organisée à Rennes, en décembre 1994. Elle sera suivie d'autres rencontres, en 1995, en Alsace, en Provence-Côte-d'Azur ou dans d'autres régions comme le Nord-Pas-de-Calais. Ces journées d'étude font appel à des intervenants auxquels on demande de parler plutôt des fonctions, pratiques ou usages professionnels d'Internet que des déterminations strictement informatiques de l'outil.

Mettre en place, au niveau national comme dans les régions, des dispositifs permettant aux membres de se rendre compte très concrètement des possibilités d'Internet: postes de démonstration, actions de visualisation-sensibilisation,...

Réaliser un ensemble de fiches pratiques sur Internet: comment se connecter, quelles ressources sont disponibles dans différents domaines, quels outils utiliser?

Réaliser et diffuser rapidement un ouvrage ADBS de la série "Recherche et Documents" (collection blanche) par compilation de textes existants, en veillant toutefois à ce que ces textes soients centrés sur les usages d'Internet et les attentes des documentalistes (éviter les descriptions trop informatiques).

Réaliser et diffuser, en 1995, un ouvrage ADBS de la série "Etudes et Techniques" (collection noire) sur Internet et ses usages professionnels; identifier des auteurs potentiels comprenant le point de vue des professionnels de l'information et de la documentation ou faire traduire éventuellement des ouvrages de ce type existant en langue anglaise.

c) Le développement de forums électroniques

Constituer assez rapidement un premier forum électronique ADBS sur Internet: cette action est d'ores et déjà réalisée avec la liste de diffusion ADBS-INFO accessible via le serveur LISTSERV de l'Université de Rennes-1.

Créer dans un deuxième temps, et en fonction des besoins, d'autres listes de diffusion plus spécialisées: une liste strictement réservée aux animateurs et membres de l'ADBS pourrait être consacrée au maangement de l'Association; d'autres listes ou forums pourraient être créées pour les divers groupes sectoriels (documentation presse, documentation agriculture, etc.).

Créer éventuellement un groupe de news ADBS sur USENET.

Etablir des passerelles ou des accords avec des listes de diffusion voisines (BIBLIO-FR, LIS-FID,...) pour assurer la meilleure circulation possible des informations professionnelles.

d) Le développement de travaux et outils spécifiques

Réaliser régulièrement un sondage électronique auprès des membres de l'ADBS connectés pour mieux connaître leur niveau de maîtrise des fonctionnalités d'Internet et leurs attentes en matière d'actions collectives.

Constituer, tenir à jour et diffuser régulièrement une documentation électronique, interactive, progressive et collective, sur les conséquences d'Internet sur les pratiques professionnelles dans le domaine de l'information et de la documentation.

Mettre en accès sur Internet le répertoire ADBS des bases de données (REBK, INFOBDD).

Créer et gérer au sein de la Délégation permanente de l'ADBS un serveur WWW-Mosaic permettant de donner accès aux diverses informations produites par l'Association (catalogues des publications et des stages de formation, listes des groupes sectoriels et régionaux, textes officiels,...).

e) Les investigations et les réflexions à plus long terme

Etudier les conséquences de l'usage d'Internet sur les métiers de la documentation, déterminer de nouvelles opportunités d'emploi et analyser les nouvelles conditions de travail en environnement Internet.

Etudier les actions à mener en direction des formations initiales de professionnels de l'information et de la documentation pour qu'elles intégrent rapidement la donnée Internet dans leurs programmes de formation.

Conduire une réflexion sur l'articulation Internet - Multimedia et ses conséquences sur la documentation et son enseignement.

Poursuivre le travail d'investigation sur Internet entrepris lors des rencontres ADBS intitulées "Les 5 à 7 de la recherche" et déterminer les axes de recherche à encourager ou préconiser pour satisfaire les besoins des professionnels de l'information et de la documentation.

Constituer, au sein de l'ADBS, un groupe de travail (assisté électroniquement) sur la déontologie professionnelle face au développement des usages des réseaux de télé-informatique et sur l'expression d'un nouveau droit relatif à la circulation et à la médiation de l'information.

f) L'innovation dans la vie associative

Encourager les groupes sectoriels de l'ADBS à développer des pratiques d'évaluation des ressources disponibles sur le réseau Internet dans leurs domaines de compétence.

Expérimenter et développer, en liaison avec les groupes régionaux et sectoriels, des pratiques nouvelles de la vie associative basées sur l'usage d'Internet (pouvoir s'affranchir des contraintes de localisation géographiques).

Expérimenter et développer des pratiques nouvelles de questionnement des membres de l'ADBS (sur des sujets d'intérêt général) par voie électronique.

Constituer, au sein de l'ADBS, un groupe de créativité pour déterminer les usages potentiels d'Internet dans le champ de la documentation et les services à concevoir et mettre en oeuvre par l'Association.

Analyser, de façon ouverte et prospective, en quoi Internet peut changer la philosophie de l'Association et ses pratiques; étudier les possibilités de gains économiques globaux (courrier, animation des groupes, etc.); étudier les services nouveaux à offrir ainsi que les problèmes techniques et économiques à résoudre.

g) L'expression des points de vue de la profession

Suite à la diffusion du rapport Thery relatif aux autoroutes de l'information et aux récentes recommandations du G7, faire connaître aux pouvoirs publics le point de vue spécifique des professionnels de l'information et de la communication.

Intervenir auprès des parlementaires français, lors d'un futur débat relatif à un projet de loi sur le droit de copie, pour exprimer le point de vue des professionnels de l'information et de la documentation (position officielle de l'ADBS); actualiser cette prise de position en tenant compte des développements futurs d'Internet et des autoroutes de l'information.

Proposer au Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (DISTB) un plan d'actions pour le développement de services français d'information électroniques accessibles via Internet.

Organiser une action auprès des responsables de la Direction générale ndeg.XIII de l'Union Européenne pour que soient mieux prises en compte les préoccupations des professionnels de l'information et de la documentation dans le soutien apporté au développement de nouvelles infrastructures et de nouveaux services d'information électronique.


3 - LA SOCIETE DE L'INFORMATION ET SES AUTOROUTES

Le Sommet des sept pays industrialisés s'est réuni les 25 et 26 février derniers à Bruxelles pour parler de la "société de l'information" de l'avenir et du développement des services qu'elle autorisera.

Les orientations qui se dessinent ne peuvent pas laisser indifférents les professionnels de l'information et de la documentation que l'ADBS représente. Mais l'ADBS et les professionnels de l'information et de la documentation ont-ils quelque chose à dire et à proposer? S'il n'est pas dans leurs compétences de se prononcer sur les choix technologiques stratégiques (fibre optique, ATM,...), ils doivent néanmoins se prononcer sur les conséquences de ce développement mondial des infrastructures de l'information sur leurs propres évolutions professionnelles et sur les missions comme sur les services et produits qu'ils ont à imaginer et à offrir à leurs clients ou utilisateurs.

Comment redéfinir ce rôle essentiel de médiateur de l'information dans un contexte de réseau ouvert, international et universellement accessible? Comment repenser les fonctions de collecte, de traitement, de diffusion ou encore d'expertise ou de synthèse de l'information? Comment, selon les divers lieux d'exercice du métier, concevoir les réponses professionnelles appropriées aux besoins de clientèles proches ou lointaines, solvables ou non, publiques ou privées?

Les experts du G7 (comme les spécialistes qui travaillent sur ces questions depuis plusieurs mois) mettent l'accent sur la nécessité de libèrer l'initiative privée et l'accès aux marchés (s'affranchir des monopoles en matière de télécommunications notamment) pour permettre l'émergence de la société de l'information et de vastes "gerbes" de services. Mais ils mettent aussi en évidence la nécessité d'assurer dans le même temps un "service universel de l'information" pour permettre de relier écoles, bibliothèques ou hôpitaux, de diffuser le savoir, de rendre possible des formations personnalisées ou de disséminer l'information publique à destination des citoyens.

Les professionnels de l'information et de la documentation qui travaillent dans le secteur public pourraient connaître de nouvelles responsabilités dans la collecte, la mise en forme et la diffusion des informations produites au sein de leurs institutions, de même qu'ils pourraient avoir à mieux satisfaire les besoins en information des individus, groupes et usagers les plus divers des services publics concernés (y compris dans le domaine de l'information publique personnalisée communiquée à distance).

Les professionnels intervenant dans le secteur privé (et plus particulièrement ceux travaillant dans des entreprises dont la mission n'est pas de vendre de l'information) pourraient être conduits à modifier profondément leurs méthodes de travail pour assurer une veille informative plus pertinente dans un contexte très ouvert de circulation des informations utiles. Ils pourraient aussi être associés à d'autres partenaires au sein de l'entreprise pour accompagner, par un nouveau management de l'information, la mise sur le marché des produits de l'entreprise comme les actions collectives d'amélioration de la conception et de la production des produits.

Quant aux professionnels dont la fonction est de vendre de l'information ou du savoir-faire en matière de traitement et de diffusion de l'information, les nouvelles inforoutes leur fourniront un cadre exceptionnel de renouvellement de leur offre de service et de nouvelles perspectives pour la médiation commerciale des données, des savoirs et des savoir-faire.

Mais les professionnels de l'information et de la documentation ne doivent pas attendre que le futur confirme ces prévisions pour agir. Ce sera alors bien trop tard pour la profession. Il importe qu'ils "prennent le taureau par les cornes", s'impliquent dans la réflexion collective sur la future société de l'information, fassent preuve d'audace et d'imagination et inventent dès à présent les réponses professionnelles à apporter aux besoins nouveaux des citoyens et des entreprises.

C'est la raison pour laquelle, chaque membres de l'ADBS doit suivre attentivement les discussions et développements en cours (c'est vraiment le moment de faire de la veille stratégique pour la profession). Chaque membre doit dès à présent se familiariser avec Internet, dont les usages préfigurent ce qui sera monnaie courante sur les futures inforoutes. Chaque professionnel doit faire connaître ses propres analyses et suggestions, travailler activement au sein des groupes régionaux et sectoriels de l'association sur ce thème. Toutes les idées qui seront émises dans ces groupes remonteront et seront consolidées au niveau national pour que soit définie une position politique de l'ADBS et que soient mises en place sans tarder les programmes d'action qui permettront aux professionnels de l'information et de la documentation d'être acteurs à part entière de la nouvelle société de l'information.