Une profession en mutation : la nécessité de développer les qualifications et de certifier les compétences

JM 278

Jean MICHEL, Président de l'ADBS

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Communication au colloque Inforum, Bruxelles, 21 mars 1996

            Les nouveaux acteurs qui entrent sur le marché comme les professionnels en place dans les entreprises doivent savoir maîtriser les nouvelles technologies de l'information. Mais ils doivent aussi être les concepteurs de produits et services performants et de qualité. Ils doivent encore savoir gérer efficacement des services d'intelligence économique et de veille technologique. Enfin, ils doivent replacer leur action dans un nouveau contexte de management global et intégré de l'information pour assurer la compétitivité des entreprises qui les emploient et qui interviennent dns un contexte économique de plus en plus international.

            Face à ces nouvelles exigences, il faut se préoccuper de l'évolution des programmes de formation initiale. Il faut aussi se mobiliser pour faire progresser et reconnaître les niveaux de qualification et de compétence des professionnels en exercice.

            Il devient nécessaire, au niveau d'une profession en profonde évolution, d'instaurer une véritable démarche qualité qui prend notamment son sens le plus stratégique avec la procédure de certification mise en place récemment en France par l'ADBS, « L'Association des professionnels de l'information et de la documentation ».

 

1 - NOUVELLES EXIGENCES, NOUVEAUX REFERENTIELS

1-1. Un environnement changeant et surtout plus exigeant

            L'économie se mondialise, les entreprises travaillent de plus en plus dans un environnement international élargi, l'Europe devient aujourd'hui un cadre de travail obligé. Pour les professionnels de l'information et documentation, il est impératif de se préparer à cette ouverture des frontières et donc de disposer et de développer de solides qualifications et compétences définies dans le cadre de référentiels professionnels qu'il convient d'envisager aujourd'hui eurocompatibles.

            Dans le même temps, les entreprises se préoccupent fortement de la qualité de leurs produits et de leurs services. La démarche qualité devient un facteur clé de conquête de marchés. Les services tertiaires se mettent aussi à appliquer les normes ISO 9.000. Le secteur de l'information et de la documentation n'est pas à l'écart de cette tendance. Une claire vision des évolutions des compétences et des pratiques des professionnels de ce secteur ne peut que contribuer à assurer la qualité exigée par la société aujourd'hui.

            Autre évolution importante à prendre en compte, la dérégulation des marchés et l'influence décroissante des Etats dans de nombreux domaines de la vie économique. De nouvelles régles du jeu sont en train d'apparaître qui ne peuvent résulter que du libre consentement et de la concertation des divers acteurs professionnels. C'est particulièrement le cas des régles d'organisation, de développement et de gestion des professions. Les responsabilités des associations professionnelles représentatives sont désormais clairement engagées dans la conduite des changements à opérer au sein des professions.

            Le problème de l'emploi est à l'évidence un facteur critique que l'on ne peut pas ignorer. Les mutations sont importantes et les professionnels de l'information sont véritablement "dans l'oeil d'un cyclône". La clarification des frontières avec d'autres professions (communication, informatique,...) est nécessaire, comme devient indispensable une nette définition des niveaux de compétence et des responsabilités exercées.

            Du côté de l'entreprise, les exigences s'affermissent et l'on attend désormais des professionnels que l'on recrute ou que l'on emploie qu'ils aient vraiment les compétences requises et qu'ils sachent s'adapter en permanence à de nouveaux contextes économiques, techniques ou socioculturels. Flexibilité, adaptabilité deviennent aujourd'hui de véritables mots d'ordre.

1-2. La nouvelle société de l'information et ses conséquences

            On perçoit clairement aujourd'hui la fin d'une époque, celle des années 70-90, qui a vu le développement remarquable des grandes bases de données spécialisées, la multiplication des services d'information en ligne (avec, en France, l'expérience originale du Minitel) et une première forme - stabilisée - de structuration des marchés et de l'industrie de l'information.

            Mais à quelques années de la fin du vingtième siècle, les cartes semblent brusquement se brouiller. Une nouvelle vision de la société de l'information de demain commence à émerger. Le développement subite et exponentiel, des usages d'Internet, des réseaux électroniques et des outils multimédias en est le signe le plus évident. Les rapports et les débats sur les futures autoroutes de l'information se multiplient. Il faut désormais changer les référentiels, changer l'échelle des préoccupations, revoir les modèles de management de l'information, raisonner désormais dans une perspective infiniment plus ouverte et plus multidimensionnelle. Les cadres juridiques, économiques, éthiques de la production et de la circulation de l'information sont remis en cause en profondeur.

1-3. L'élargissement du champ des interventions professionnelles

            Les métiers de l'information et de la documentation se sont progressivement développés soit autour des documents, de leur gestion, de leur exploitation et de leur mise en circulation, soit autour des contenus plus immatériels de ces documents, c'est à dire l'information, sa diffusion et son intégration aux processus de travail et de décision.

            Les bibliothèques et les divers systèmes documentaires traditionnels sont fondés sur des pratiques de constitution, de conservation, d'exploitation et de diffusion de collections de livres ou de revues et sur la création d'une documentation d'accompagnement (les références des documents conservés). L'émergence des nouvelles technologies de l'information conduit à une transformation profonde des pratiques de gestion de ces stocks de documents. Les fichiers manuels des bibliothèques se transforment en fichiers informatisés, en bases de données accessibles en ligne (ou disponibles sur CD-Rom). La digitalisation et la gestion électronique des documents amènent à une véritable ingénierie documentaire qui permet de mieux traiter et d'exploiter les grandes masses de documents, de toutes natures, qui circulent dans l'entreprise ou qui constituent son patrimoine.

            Côté information (au delà du document), le besoin d'être tenu correctement informé a toujours été une nécessité vitale mais donne naissance aujourd'hui à de nouvelles pratiques professionnelles intitulées, selon les contextes, veille stratégique, veille technologique, veille concurrentielle ou encore intelligence économique. L'appel à des courtiers en information  se développe pour assurer certaines quêtes d'information utile. Les réseaux électroniques et Internet facilitent les transferts et la recherche d'information au niveau de la planète et rendent possibles de fertiles interactions entre les divers acteurs de la société. De même met-on en place de puissants dispositifs d'échanges de données informatisées (EDI) ou préconise-t-on encore le développement du  "group-ware" comme nouvelle méthode de travail basée sur le partage de l'information (notion de collecticiel). Ces pratiques se focalisent sur l'exploitation des contenus d'information à des fins de travail collectif ou de décision.

            Les métiers de l'information-documentation se développent selon un large éventail de démarches privilégiant soit des processus d'accumulation (de supports  ou de contenus), soit des préoccupations de quête ou d'échange de contenus informationnels. Ils s'articulent autour de grandes préoccupations (la veille et l'intelligence économique, la gestion des patrimoines documentaires internes, la circulation de l'information décisionnelle...) qui fixent les nouvelles frontières du champ de "l'information-documentation".     

1-4. Un autre management de l'information

            Un nouveau management global et intégré de l'information s'impose  et conduit à de nouvelles exigences pour les professionnels de l'information et de la documentation:

            - savoir et pouvoir maîtriser l'information de veille, de découverte, d'invention et d'ouverture sur le monde; rendre possible la navigation efficace mais créative et sélective dans le "cyber-espace";

            - savoir et pouvoir développer et exploiter l'information utile, l'information de référence, celle qui accompagne et rend possible l'activité quotidienne des individus et des entreprises;

            - valoriser l'information auto-produite par les organisations, l'information à caractère patrimonial et les vastes gisements documentaires longtemps restés en jachère ou en hibernation;

            - tenir compte désormais de l'information vivante, de l'information de communication, de l'information à courte durée de vie dont les réseaux et les messageries électroniques largement ouverts amplifient brutalement la croissance .

            En termes de champs de préoccupations couverts, cette problématique d'un nouveau management global et intégré de l'information se traduit par une riche diversité de produits, de services et de pratiques pratiques professionnelles allant des traditionnelles bases et banques de données accessibles en ligne aux produits sur CD-Rom et autres produits multimédias, en passant par la gestion électronique de documents, par la circulation de l'information vivante sur Internet ou autres réseaux électroniques, le développement de dispositifs Intranet et l'animation de collecticiels ou encore par l'intelligence économique et les différentes démarches de veille informative.

            Il faut désormais se préoccuper non seulement d'information bibliographique ou de documentation scientifique et technique traditionnelle, mais prendre aussi en considération de nouveaux champs de management de l'information, de l'information médicale à l'information géographique, de la donnée économique ou statistique à la donnée graphique ou sonore, de l'information structurée à l'information informelle, de l'information d'actualité à l'information patrimoniale.

1-5. Une profession qui se diversifie et se complexifie

            La profession, qui a déjà connu de grandes évolutions au cours des vingt dernières années, est aujourd'hui en pleine mutation. Le traditionnel métier de documentaliste se complexifie. De nouveaux métiers et de nouveaux marchés professionnels apparaissent (veille technologique, intelligence économique, documentation technique interne d'entreprise, navigation sur réseaux électroniques, concepteur de produits multimédias, experts en bibliométrie, etc.). De nouvelles formes d'exercice de la profession se développent dont certaines liées à l'externalisation inéluctable des fonctions de documentation.

            Ce qui est vrai de la diversification en termes de métiers ou de filières de métiers existe aussi en matière de diversité d'origines et de parcours professionnels. La profession accueille des personnes avec des niveaux de formation les plus variés (sans formation supérieure, avec des diplômes de techniciens, avec des diplômes d'enseignement supérieur long, avec des doubles qualifications, etc.). Des documentalistes ayant des diplômes professionnels spécifiques co-existent dans la profession avec des ingénieurs, des juristes, des médecins qui sont amenés à travailler dans le management de l'information et y acquièrent sur le tas une expérience professionnelle.

            Dès lors, la question fondamentale qui se pose est de savoir comment gérer une telle diversité. Comment faire progresser globalement l'ensemble de la profession, le "stock" ou "parc" de professionnels en exercice, tout en respectant les situations spécifiques? Comment apporter des réponses aux légitimes questions de progression de carrière et d'amélioration continue des qualifications et compétences?

            Comment, dans le même temps, aider les instituts universitaires et autres écoles de formation professionnelle qui aliment le marché en flux de nouveaux spécialistes diplômés à déterminer les meilleurs axes de positionnement de leurs projets éducatifs? Quels segments de marché viser? Quels niveaux et caractéristiques de compétences choisir? Quelles exigences nouvelles imposer?

 

2 - DEVELOPPER ET RECONNAITRE LES COMPETENCES

            Le rôle d'une association professionnelle consiste traditionnellement à défendre, promouvoir et faire progresser la profession qu'elle représente. On cherche généralement, à travers l'action d'une association professionnelle, à rendre des services aux membres adhérents, en particulier leur permettre de mettre à jour leurs connaissances et de s'adapter aux évolutions de leur environnement. On cherche aussi  à assurer les conditions d'une reconnaissance économique et sociale globale de la profession par des actions d'influence (lobbying).

            Un axe important d'intervention de l'association professionnelle consiste aujourd'hui, et de plus en plus fréquemment, à intervenir dans la détermination des exigences à prendre en compte dans les programmes de formation initiale, à stimuler et développer la formation continue des professionnels en exercice et aussi à agir au niveau de l'amélioration des conditions d'exercice de la profession en préconisant des régles minimales relatives à la qualité des actes professionnels ou des services rendus comme à la qualification des acteurs professionnels.

            On donnera, ci-après, quelques éclairages sur l'action de l'ADBS en France.

2-1. Contribuer à l'évolution des formations initiales

            Si l'association professionnelle n'a pas normalement légitimité à développer des formations initiales (même si cela s'est fait dans la passé et continue à se faire dans certains pays), elle a malgré tout le devoir d'apporter son concours à l'amélioration des dispositifs éducatifs mis en oeuvre par les instituts universitaires et autres écoles de spécialisation. Elle a surtout un rôle à jouer dans l'aide à la détermination des référentiels de compétence à respecter, dans l'affirmation d'axes de développement des formations (quels marchés viser) et sûrement dans l'évaluation de ces formations initiales.

a) L'action de la Commission Formation de l'ADBS

            La Commission Formation de l'ADBS, placée auprès du conseil d'Administration de l'association, a notamment pour but de mettre en application ces intentions.

            Cela se traduit concrètement par la mise en place d'un observatoire des formations initiales et la tenue d'un inventaire permanent des structures et programmes d'enseignement correspondant (et cela tant pour ce qui existe en France que pour les dispositifs étrangers, notamment européens). Les membres de la Commission recueillent et exploitent la documentation diffusée par les instituts de formation comme ils entendent régulièrement les responsables des programmes d'enseignement. A noter que l'ADBS s'intéresse à toutes les formations initiales du champ de l'information-documentation, du niveau bac+2 (Diplômes universitaires de technologie, DUT ou formations privées équivalentes) jusqu'au nivaeu des formations postgraduées, bac+5 ou bac+6 (DEA et DESS ou diplômes de niveau équivalent).

            La Commission prépare également des avis ou recommandations de l'ADBS qu'elle transmet aux autorités administratives compétentes lorsque des problèmes se posent en matière de conditions de recrutement ou de reconnaissance de diplômes.

            Un important travail de détermination des nouvelles exigences professionnelles à respecter est fait par la Commission, de même qu'elle s'efforce d'établir et indiquer de nouvelle sorientations à moyen terme pour les formations initiales du champ de l'information-documentation.  Dans cette perspective a notamment été mis sur pied un groupe de prospective qui a entendu de nombreux experts de diffèrents milieux professionnels de façon à établir un cadre cohérent pour les évolutions à venir des métiers de l'information-documentation et la définir les nouveaux marchés ou niches d'emploi.

            La Commission Formation de l'ADBS met sur pied une journée d'étude qui se tiendra à Paris, le 21 mai 1996, à l'occasion du Congrès IDT 96. Elle sera l'occasion d'un large débat public (et international) sur les nouvelles tendances dans le domaine des formations initiales en information-documentation.

            A noter enfin l'articulation que la Commission assure avec la structure correspondante de la Fédération Internationale d'Information et de Documentation (FID).

b) Un ensemble complémentaire d'actions

            Outre l'activité de la Commission Formation, il faut encore citer plusieurs actions complémentaires qui contribuent à l'amélioration permanente des formations initiales.

            Ainsi, le Président de l'ADBS est-il amené à présider la Commission Pédagogique Nationale des Instituts Universitaires de Technologie (CPN-IUT) du secteur information-communication, instance paritaire officielle placée auprès du Ministère de l'Education Nationale et de l'Enseignements Supérieurs qui est chargée notamment de la révision des programmes de ces formations .

            Par ailleurs, il est intéressant de souligner le fait que de nombreux professionnels, membres actifs de l'Association, interviennent comme formateurs dans diverses formations initiales.

            Enfin, on peut mentionner le souci de l'ADBS de travailler en collaboration plus étroite avc les diverses associations d'anciens élèves des formations du secteur de l'information-documentation. 

2-2. Stimuler la formation continue des professionnels

            Pour beaucoup de professionnels de l'information et de la documentation, il est devenu indispensable d'actualiser en permanence les connaissances et de faire évoluer les compétences.

            C'est le but de la formation continue que d'assurer cette mise à jour des savoirs et des savoir-faire. L'ADBS propose à ses membres un vaste programme de séminaires de formation continue, avec plus de soixante titres de séminaires, plus de cent sessions de formation organisées par an. Ce programme de formation continue concerne les techniques documentaires de base, les technologies mises en oeuvre en documentation, la veille et l'information stratégique et enfin la gestion et le management en documentation. Les nouveaux outils tels qu'Internet, les nouvelles perspectives telles que l'intelligence économique ou la veille techologique ou les nouvelles méthodes de travail (analyse de la valeur, créativité, ...) sont particlièrement bien représentés dans ce programme.

            Il faut par ailleurs souligner l'importance des nombreuses journées d'étude comme du congrès annuel IDT dans la démarche d'actualisation permanente des connaissances des professionnels au même titre, du reste, que la gamme des publications éditées par l'association.   

2-3. Certifier les niveaux de compétence des professionnels

            L'ADBS a décidé récemment d'aller plus loin et de mettre sur pied une procédure de certification des compétences des professionnels de l'information et documentation, après avoir travaillé depuis plusieurs années sur les référentiels de métiers de ce secteur. L'ADBS a beaucoup misé dans le passé sur l'usage des démarches qualité en documentation. Il était donc logique qu'elle aille plus loin et qu'elle s'engage à fond dans une démarche ambitieuse visant à mieux étalonner les compétences professionnelles et à proposer un instrument permettant aux professionnels comme à leurs employeurs ou clients de négocier sur des bases saines, socialement reconnues et garanties et surtout prometteuses en termes de développement des compétences professionnelles.

a) Une certification pour quoi faire?

            Les besoins d'une certification des compétences professionnelles sont multiples. Pour la profession, prise dans sa globalité, la certification est un moyen de clarifier les référentiels professionnels et donc de mieux se structurer. Une telle certification peut aussi aider la profession à mieux se positionner dans les grilles ou conventions collectives d'emploi, notamment en facilitant la comparaison avec d'autres secteurs professionnels. Cette nécessité est évidente par exemple, en France, pour les documentalistes exerçant dans la fonction publique et pour qui un statut spécifique est à l'étude: la structuration proposée par l'ADBS, à travers la certification mise en place, constitue une aide précieuse dans la mise au point de ce statut.

            Pour certains professionnels en exercice, la certification est une aide à la reconnaissance des compétences et doit contribuer à la progression de leurs carrières. Le cas est patent, en France, pour de nombreux documentalistes disposant d'un D.U.T. (Diplôme Univeristaire de Technologie) et qui risquent d'être condamnés à rester "techniciens" (non-cadres) tout au long de leur vie professionnelle, en dépit de la richesse des expériences qu'ils auront pu avoir. La certification est, dans cette perspective, un outil puissant d'aide à la négociation salariale et à la revalorisation des carrières.

            Pour d'autres professionnels, le besoin de reconnaissance officielle des compétences acquises peut être dû à des considérations de mobilité géographique et notamment (et de plus en plus) de mobilité professionnelle intra-européenne. Du fait de l'absence de toute directive européenne relative à l'équivalence des diplômes dans le secteur de l'information et de la documentation, du fait aussi de l'hétérogénéité des situations professionnelles réelles, un schéma clair de structuration de la profession pouvant être reconnu au plan international (et plus particulièrement en Europe dans le cadre d'ECIA - l'European Council of Information Associations -) ne peut qu'aider ces professionnels à réaliser positivement leur mobilité géographique.

            D'autres professionnels encore ont besoin d'une telle certification parcequ'ils doivent répondre, en tant qu'experts, à des consultations nationales ou internationales. Cette exigence est fréquente dans certaines instances telles que la Banque Mondiale ou les organisations des Nations-Unies. Pour de nombreux consultants, cette certification professionnelle est aussi un réel outil de promotion commerciale ou d'aide à la consolidation de leur clientèle ou à la conquête de nouveaux marchés.

            Pour les entreprises, la certification doit faciliter le recrutement de professionnels de l'information et documentation en assurant un bon marquage des compétences réelles. C'est plus particulièrement le cas du recrutement de professionnels confirmés (la situation des jeunes professionnels diplômés étant par nature plus simple).

b) La démarche de l'ADBS et les fondements de la certification

            La création par l'ADBS d'un dispositif de certification des compétences des professionnels de l'information et documentation a été un acte politique fort et responsable. S'appuyant sur l'expérience d'associations professionnelles d'autres secteurs d'activité (Marketing, Contrôle Qualité, Analyse de la Valeur, Maintenance, Ingénierie,...), l'ADBS a décidé la mise en place de ce dispositif de certification en respectant un certain nombre de régles essentielles.

            La première de ces régles est la conformité du dispositif à la récente norme européenne EN 45013 qui détermine les conditions de mise en place des certifications dites de personnels. La norme impose une démarche qualité que l'ADBS s'efforce de suivre. La mise au point et la diffusion des référentiels de métiers constitue par exemple un des piliers de cette démarche qualité. La procédure elle-même de certification s'inscrit dans cette perpective "Qualité" (codification et transparence de la procédure, représentation de toutes les parties concernées au sein de la Commission de certification, archivage des décisions, procédure de recours, etc.).

            La certification imaginée par l'ADBS s'appuie sur la détermination aussi rigoureuse que possible de quatre niveaux de compétences (assistant, technicien, ingénieur, expert) clairement définis et autorisant les possibilités de mobilité professionnelle entre ces divers niveaux. Ainsi est prise en compte la double nécessité de clarification  (structuration) des situations professionnelles et de dynamique de progression des carrières. 

            Autre considération importante: la certification mise en place concerne la reconnaissance des compétences professionnelles réelles telles qu'elles peuvent être constatées à un moment donné de la carrière. La certification s'appuie donc sur deux éléments importants: la formation académique initiale (diplômes de différentes natures) et la formation continue (actualisation des connaissances) d'une part, l'expérience professionnelle réellement acquise d'autre part. Il est important de souligner le fait que la certification se démarque nettement de tout diplôme académique: elle ne sanctionne pas une seule acquisition de connaissances, mais valide des compétences acquises au cours de la carrière. A noter que la certification des compétences n'est valable que pour des périodes de temps limitées (par définition, les compétences professionnelles évoluent en permanence).

            Il faut ajouter que la certification doit correspondre à un acte volontaire de la part du professionnel qui en a besoin et la réclame. En d'autres termes, la certification n'est pas une obligation: elle ne constitue qu'un outil parmi d'autres pour aider les professionnels dans leurs démarches pour la progression de leur carrière.

            Le rôle d'une association professionnelle telle que l'ADBS dans la mise en place d'une telle procédure de certification est important et légitime. Cette responsabilité nouvelle, l'ADBS a souhaité l'assumer parcequ'elle est représentative de la grande majorité des professionnels de l'information et de la documentation exerçant en France et qu'elle est reconnue comme telle par les pouvoirs publics comme par diverses instances internationales (et notamment l'Union européenne).

c) Les perspectives de développement de la certification

            Cette "certification des professionnels de l'information et documentation" est un dispositif original, qui nécessite beaucoup d'efforts de pédagogie pour en expliquer les fondements et qui doit aussi s'inscrire dans une perspective de développement à long terme.

            La montée en puissance de la certification doit être raisonnable; il ne s'agit pas de certifier des milliers de professionnels en deux ou trois ans, cela n'aurait pas de sens. Il faut que le dispositif permette la meilleure adaptation possible entre l'offre et la demande et cela de façon aussi régulière que possible.

            Des efforts de promotion de la certification auprès des employeurs, des recruteurs et des donneurs d'ordre doivent être faits désormais. Ils s'inscriront dans une démarche plus globale de promotion de la profession.

            La certification doit contribuer par ailleurs à faire progresser la réflexion collective sur la profession et ses évolutions. Dans ce sens, la mise au point, par l'ADBS, des référentiels de métiers a sûrement été accélèrée par la mise en place de la procédure de certification. De même verra-t-on les programmes de formation continue proposés ici ou là tenir mieux compte du cadre nouveau institué par la certification.

            Les négociations avec certains milieux patronaux, avec de grands réseaux d'entreprises, avec la fonction publique, vont bénéficier désormais des acquis de la certification. D'ores et déjà des démarches en partenariat entre l'ADBS et certaines organisations sont à l'étude pour appliquer collectivement la certification ou l'adapter à certains contextes spécifiques.

            Au plan européen, la certification mise en place par l'ADBS paraît intéresser d'autres associations professionnelles qui pourraient envisager de créer leur propre dispositif de certification, en s'inspirant du modèle français. Des échanges fructueux au sein de l'ECIA (European Council of Information Associations) et des contacts bilatéraux récents laissent entrevoir une évolution rapide de ce dossier au niveau européen. Les efforts à faire désormais résident dans la recherche de régles permettant l'euro-compatibilité des diverses procédures nationales.  Il en résultera sûrement une valorisation importante de la profession au plan européen.