INTERNET

UNE STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DES ASSOCIATIONS

Jean MICHEL

JM289

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PLAN

1 - L'EXPERIENCE DE L'ADBS

1-1. L'Association des professionnels de l'information et de la documentation

1-2. Une volonté politique de se tourner vers Internet

1-3. Les premières mesures : sensibilisation, formation et connexion

1-4. Une liste de diffusion électronique associative professionnelle ADBS-INFO

1-5. Créer et maintenir un site Web

1-6. De nouveaux développements

1-7. Un bilan plutôt positif et de nouveaux enjeux

2 - LA STRATEGIE ET LES PROJETS DE LA FMOI

2-1. La Fédération Mondiale des Organisations d'Ingénieurs

2-2. Internet, une stricte nécessité pour la FMOI

2-3. Internet, au coeur de la stratégie et du plan d'action de la FMOI

2-4. Des priorités très concrètes

3 - QUELQUES ENSEIGNEMENTS ET PRECONISATIONS

3-1. La communication et l'association : Internet pour rassembler et partager

3-2. Déspatialiser les activités associatives, pour surmonter le barrage des distances

3-3. Désynchroniser les activités, pour mieux gérer le temps associatif

3-4. Exploiter, valoriser la diversité associative

3-5. Revisiter les fondements de la vie associative

3-6. Des politiques et des plans d'actions spécifiques


Si Internet s'est largement développé dans les milieux académiques et scientifiques, son usage de plus en plus intensif par d'autres grandes composantes de la société commence à devenir significatif d'une tendance lourde, irréversible, de généralisation d'une nouvelle forme de communication entre les hommes. Désormais les entreprises et autres acteurs de la vie économique se mettent à utiliser Internet, commencent à communiquer sur la "toile" et investissent en outils et services Intranet. Les administrations et les divers milieux publics se tournent aussi, quelque peu forcés, vers ce nouveau mode d'information et de communication. Le grand public (ou plutôt un certain grand public, élite plus fortunée et branchée) commence de même à se prendre au jeu.

Une composante importante de la société s'intéresse sérieusement à Internet, à savoir le milieu associatif. Cette partie importante de la société civile ne peut pas rester à l'écart du mouvement général et doit considérer son investissement autour d'Internet comme une démarche volontaire, stratégique, de développement. Contrairement à l'université, à l'entreprise ou à l'administration, le milieu associatif peut rencontrer de réelles difficultés dans la mise en oeuvre d'une telle démarche en raison de la faiblesse des moyens dont il dispose, comme aussi de la structure même du tissu social représenté. Toutefois, on peut noter une forte proximité, voire même une grande similitude, entre les valeurs et pratiques du mouvement associatif et les caractéristiques socioculturelles et fonctionnelles d'Internet.

Dans la présente communication, on s'efforce de montrer comment des associations professionnelles traditionnelles s'impliquent et mobilisent leurs troupes pour une appropriation intelligente d'Internet, avec en arrière-plan des préoccupations essentielles comme la stimulation (ou simplement la consolidation) de la vie associative, l'amélioration de la communication entre les membres et divers sous-ensembles des associations, la réduction des coûts de fonctionnement des structures ou encore l'assistance à la transformation des pratiques professionnelles des membres. On présente les démarches suivies par ces associations pour intégrer Internet dans leurs pratiques quotidiennes et on formule différentes recommandations pour le succès de telles stratégies.


1 - L'EXPERIENCE DE L'ADBS

1-1. L'Association des professionnels de l'information et de la documentation

L'ADBS, "L'Association des professionnels de l'information et de la documentation"a été créée en 1963. Ayant connu une forte croissance au cours des dix dernières années, elle regroupe aujourd'hui quelque 6.000 acteurs profesionnels du domaine de l'Information-Documentation (ou ID) : documentalistes, bibliothécaires spécialisés, veilleurs et spécialistes de l'intelligence économique, experts en ingénierie documentaire, etc. Les membres sont à 95% des personnes physiques et à 90% françaises ou travaillant en France (avec une forte représentativité des professionnels situés en Ile-de-France, mais aussi une non moins forte pratique associative de terrain développée dans les diverses régions). L'association est dirigée par un conseil d'administration et un bureau national élus et comprend plusieurs commissions nationales et divers groupes sectoriels et régionaux. Elle dispose d'une équipe de permanents salariés (une douzaine de personnes) et fournit divers types de produits à ses membres : publications, actions de formation continue, journées d'étude, congrès - IDT-, bourse pour l'emploi, etc.. L'ADBS travaille en liaison étroite avec des associations soeurs, en France, en Europe et au plan mondial, comme aussi avec divers partenaires des milieux scientifiques ou académiques. A noter que ses moyens viennent pour un tiers environ du paiement des cotisations des membres et, à plus de 50%, de la vente des services ; les subventions publiques représentent moins de 10% du budget total.

1-2. Une volonté politique de se tourner vers Internet

En raison même du champ professionnel qu'elle couvre, l'ADBS a été très vite confrontée à l'émergence de la nouvelle société de l'information. Les professionnels de l'ID sont directement interpelés par le développement exceptionnel des nouvelles technologies numériques et en particulier d'Internet. Ainsi a-t-on pu lire dans la presse, toujours en recherche d'accroches vendeuses, des articles avec des titres inquiétants du genre "Les agents intelligents de recherche vont-ils supprimer les documentalistes?", ce qui n'a pas manqué de créer un débat de fond sur les notions d'intelligence et de stupidité dans la nouvelle société de l'information... et surtout sur le nouveau rôle des professionnels médiateurs.

Le Conseil d'administration et le Bureau de l'association ont pris la décision, fin 1993 - début 1994, de mettre résolument le cap sur Internet et d'investir intellectuellement et financièrement dans un projet autour de l'usage d'Internet par la profession et par l'association.

1-3. Les premières mesures : sensibilisation, formation et connexion

Dans un premier temps, de grandes actions nationales et régionales de sensibilisation des troupes ont été systématiquement organisées, avec des auditoires de 100, 200, parfois plus de 300 personnes. Il fallait expliquer, montrer, donner des exemples et surtout encourager et mobiliser les membres à passer un premier cap, celui de la connexion au réseau (attention, cela n'était pas et n'est toujours pas si simple en raison notamment des nombreuses oppositions formulées par les responsables hiérarchiques de ces professionnels, conditionnement culturel français oblige).

En parallèle, un petit noyau d'animateurs branchés (venant principalement des milieux académiques ou scientifiques) s'est employé à définir les premiers éléments d'une stratégie et à mettre sur pied divers programmes d'actions.

Très vite est apparue la nécessité, vitale, d'assurer une bonne connexion Internet pour l'équipe de la Délégation permanente. Une première étape a consisté à disposer d'un minimum d'adresses électroniques, suivie d'une nouvelle décision, plus récente, visant à mettre sur pied un réseau interne robuste et à bénéficier d'une liaison Numeris efficace et plus économique pour l'accès à Internet. Une action de formation a été réalisée au bénéfice des personnels de cette délégation permanente.

1-4. Une liste de diffusion électronique associative professionnelle ADBS-INFO

Vers la mi 94, l'association prenait l'initiative de créer une liste de diffusion électronique, baptisée ADBS-INFO et hébergée par le serveur de listes de l'Université de Rennes 1. Cette liste est volontairement non-modèrée et ouverte. Les membres de l'ADBS peuvent y échanger des messages, mais d'autres personnes intéressées par les problématiques professionnelles développées sur la liste peuvent aussi y accèder librement. Le respect des régles du jeu est assuré tacitement en raison de la communauté d'intérêts partagés ; de petites mesures de police a posteriori (rappel aux régles de la liste) permettent de recadrer les débats en cas de déviations patentes. Aujourd'hui, la liste est adoptée et suivie par quelque 800 professionnels ; elle se définit surtout comme un outil de solidarité professionnelle, comme un instrument professionnel à utiliser au même titre que la recherche dans une base de données ; elle permet enfin d'assurer une veille informationnelle collective sur les sujets de préoccupations.

1-5. Créer et maintenir un site Web ADBS

Un an plus tard, l'ADBS décidait de disposer d'un site Web propre et d'en financer la conception et la réalisation. Celle-ci a été confiée à une société privée, externe, la délégation permanente (l'équipe de salariés) assurant la fourniture des informations ; un groupe ad-hoc de membres compétents a aussi été constitué pour piloter la réflexion générale et déterminer le cahier des charges fonctionnel du futur site. Dans un premier temps (ou pour ce premier site), on a surtout cherché à transférer sur Internet les données aisément disponibles (informations institutionnelles, reprises de pages du service Vidéotex 36-16 ADBS notamment, catalogues de produits, services et publications,...). Le site ADBS a donc été ouvert à l'automne 1995 et a vite été fréquenté par de nombrexu professionnels français ou étrangers (on peut considérer qu'au plan mondial, et pour le domaine professionnel concerné, ce site était l'un des deux ou trois premiers à être ouverts).

Depuis, une nouvelle décision a été prise pour passer d'un site encore trop marqué par la philosophie du minitel (arborescences de pages d'information) à un nouvel outil plus interactif, allant vraiment dans la logique d'Internet. Un nouveau cahier des charges fonctionnel a été élaboré et une consultation de maisons spécialisées a été faite ; un budget plus important a été alloué pour le nouveau site qui devra notamment être plus aisément enric

1-6. De nouveaux développements

Vers le milieu de l'année 1994, l'ADBS décidait de bâtir très rapidement un vaste programme de formation continue pour ses membres (en s'appuyant sur un partenariat avec l'INTD, l'Institut National des Techniques Documentaires). La demande de formation explosait alors ; il fallait ajouter de nouveaux stages au catalogue de la formation continue de l'association, en réaliser bien sûr à Paris, mais aussi dans les régions. Progressivement, il fallait monter en puissance, passer de la sensibilisation de premier niveau à des formations plus avancées (la recherche d'informations sur Internet, la conception de serveurs Web documentaires, etc.). Progressivement également se dégageait un panel de formateurs réellement compétents pour tout ce qui a trait à l'usage d'Internet par les professionnels de l'ID.

Pour faire face à cette demande, réllement explosive, l'association a dû de nouveau investir financièrement. Une salle de formation multimédia dotée d'un parc de machines interconnectées a été installée fin 1996. Elle permet non seulement de multiplier les actions classiques de formation mentionnées plus haut, mais aussi d'en offrir d'autres, plus pointues, plus centrées sur certaines problématiques. Surtout, cette salle (qui permet de former à Internet comme aussi aux techniques du group-ware, du work-flow, de la gestion électronique de documents,...) va rendre d'importants services aux membres des groupes sectoriels de l'ADBS. Des ateliers se développent, avec des rencontres spécifiques autour de la découverte et de l'évaluation des services ID professionnels disponibles sur Internet en matière de santé, ou pour le secteur bancaire ou en encore pour l'environnement.

Au cours des deux dernières années, plusieurs autres actions ont accompagné le mouvement général. Ainsi des publications se sont multipliés, avec des ouvrages spécialisés (La recherche d'informations sur Internet). La diffusion de textes électroniques sur le site ADBS commence également à devenir une pratique plus courante. Un projet est par ailleurs en cours de réalisation pour mettre sur le site une version Internet du catalogue des bases de données professionnelles.

1-7. Un bilan plutôt positif et de nouveaux enjeux

Fin 1996, on peut considérer que 15% environ des membres de l'ADBS sont connectés au réseau et ont des pratiques professionnelles réelles. L'objectif est de passer à au moins 50% à la fin de 1997. D'ores et déjà de nouvelles initiatives apparaissent, comme par exemple la création de pages Web pour les groupes régionaux, qui posent assez vite la question de la juste articulation à trouver avec le site national.

Dans le même temps (et sans doute grâce à l'action de sensibilisation menée depuis deux ou trois ans), l'association et ses membres se mobilisent pour prendre position dans certains débats publics majeurs et défendre certaines valeurs essentielles. Ainsi l'ADBS manifeste-t-elle publiquement son désaccord sur les limitations que certains veulent imposer à la circulation de l'information sur les réseaux électroniques (au profit, à l'évidence, des seuls intérêts de grands investisseurs économiques) ; la décision de modifier, à la sauvette, sans consultation publique réelle, la Convention de Berne sur les droits d'auteurs et de reproduction a fortement choqué toute la profession des documentalistes et bibliothécaires, tant en France qu'au plan mondial (mais aussi les milieux académiques et scientifiques). De même, l'association soutient fortement l'idée d'un accès aussi libre que possible (au coût le plus bas possible) à l'information officielle ou publique, encourageant par ailleurs les acteurs du secteur privé à faire des efforts pour concevoir et diffuser des produits et services à réelle valeur ajoutée qui, eux, devront être légitimement rémunèrés.


2 - LA STRATEGIE ET LES PROJETS DE LA FMOI

2-1. La Fédération Mondiale des Organisations d'Ingénieurs

Dans un tout autre contexte, la FMOI - Fédération Mondiale des Organisations d'Ingénieurs - s'emploie de même à utiliser et à faire utiliser Internet par ses membres (les associations nationales d'ingénieurs) et à travers eux par les ingénieurs eux-mêmes sur leur propre terrain professionnel.

La FMOI est une fédération d'associations (une bonne centaine de structures nationales ou régionales - Europe, Asie, etc.- ) intervenant au niveau mondial. Son budget est très limité (cotisations versées par les membres nationaux, en fonction de leur taille) et son équipe de permanents est réduite à 3 ou 4 personnes. Un comité exécutif, avec un bureau élus, dirige la fédération, qui s'appuie aussi sur plusieurs commissions permanentes (travaillant au plan mondial).

La FMOI est reconnue comme Organisation Non Gouvernementale accréditée par les Nations Unies et leurs diverses organisations (UNESCO, UNIDO, UNEP, Banque Mondiale,...) et bénéficie de quelques contrats de la part de celles-ci. La FMOI travaille essentiellement sur quelques thèmes stratégiques comme par exemple le développement durable, le transfert de technologies, la formation des ingénieurs ou encore l'information et la communication au sein des communautés d'ingénieurs.

2-2. Internet, une stricte nécessité pour la FMOI

Au cours de l'année 1995, la nouvelle équipe dirigeante de la FMOI décidait de considérer Internet et les réseaux électroniques comme "a strategical issue" pour la fédération. Plusieurs raisons imposaient ce choix;

- impossibilité, à l'évidence, d'ignorer Internet, d'autant plus que certains membres commençaient à développer de réels usages professionnels de l'outil (Australie, Nouvelle-Zélande notamment) ;

- nécessité de trouver une solution à la question de plus en plus délicate de la non participation réelle des membres nationaux aux activités de la FMOI : restrictions budgétaires limitant les déplacements internationaux, lenteur et surtout coût excessif des circuits classiques d'information et de communication ;

- nécessité d'améliorer la présence et la visibilité de la fédération sur la scène mondiale mais aussi au niveau des différents pays ;

- également rendre plus efficace le travail de la petite équipe permanente comme aussi celui des commissions, du comité exécutif et du bureau (comment permettre à un australien, un argentin, un américain, un français, un anglais, un hongrois, un japonais, un chinois,... de travailler efficacement à distance?) ;

- réduire drastiquement les coûts de communication au sein de la FMOI.

2-3. Internet, au coeur de la stratégie et du plan d'action de la FMOI

Dans un premier temps, une large action de sensibilisation a été mise sur pied. Des conférences ont été données à plusieurs reprises par l'auteur de cette communication devant les membres du Comité exécutif lors des assemblées annuelles (notamment lors de l'assemblée générale de la fédération, à Budapest, en octobre 1995).

Fin 1995, une large enquête a été faite auprès des membres nationaux pour connaître l'état des connexions Internet dans les différents pays. Le texte de l'enquête a été conçu après quelques échanges de messages et de documents électroniques entre la France et l'Australie. Les résultats de cette investigation ont permis d'identifier plusieurs problèmes à résoudre (de connexion notamment) et surtout ont montré que les membres nationaux attendaient beaucoup de la fédération (en matière de sensibilisation et de formation notamment).

Un plan d'action a alors été défini, puis incorporé au plan stratégique de la fédération et enfin largement diffusé auprès des membres nationaux.
Parmi les mesures énoncées, on peut citer la réalisation effective à Rio-de-Janeiro en octobre 1996 d'un séminaire pour les membres du comité exécutif élargi, avec démonstration de différents usages d'Internet par les associations d'ingénieurs.

A cette occasion, a été présentée, en ligne, la maquette d'un futur site Web de la FMOI. Une décision a alors été prise par le comité exécutif de passer à la réalisation, en 1997, d'un site en vraie grandeur sur la base d'un cahier des charges fonctionnel bien adapté au contexte de la fédération (prise en compte de la question de subsidiarité ou de la juste relation entre la FMOI et ses membres).

Un autre axe du plan d'action consiste en la réalisation d'une série de séminaires ou ateliers régionaux à l'intention des présidents, directeurs exécutifs et autres responsables de diverses associations nationales d'ingénieurs. L'objectif de ces séminaires est de faire prendre conscience à ces "décideurs" de l'importance de l'enjeu Internet pour leurs associations et de mettre sur pied des politiques ad-hoc. Des mesures d'entraide sont également proposées (par exemple, une association nationale d'Uruguay peut s'appuyer sur l'expérience des collègues du Brésil ou d'Argentine ; de même, des modèles de structures de sites Web sont mis à disposition de ceux qui ne pourraient pas développer facilement leurs propres sites). Un premier séminaire régional pour l'Amérique latine s'est tenu avec succès début décembre 1996 à Montevideo. Il sera suivi en 1997 d'autres réalisations en Asie, en Europe de l'Est et en Afrique (les organisations des Nations Unies soutiennent activement ce projet).

2-4. Des priorités très concrètes

L'étape à franchir désormais pour la fédération consiste à généraliser l'emploi d'Internet (et en priorité absolue celui du courrier électronique, avec la fonctionnalité très utile des attachements de documents), tant au niveau des instances de travail et de décision de la fédération. Le Président, les vice-présidents et les responsables de commission pratiquent désormais aisément ce genre de communication électronique internationale efficace, mais l'équipe du secrétariat général reste encore en retrait (pour d'obscures raisons), ce qui ne va pas sans créer quelques conflits sérieux. Alors que les minutes de la réunion de Rio ont été diffusées électroniquement quelques jours après la tenue de la réunion par le vice-président australien, pourquoi le secrétariat général (sis à Londres) n'est-il pas en mesure, trois mois plus tard, d'intégrer les modifications à apporter au texte et d'assurer la diffusion de celui-ci?.

Le développement du site Web constitue également une étape déterminante, en particulier pour la mise en valeur des ressources des différentes associations nationales membres de la FMOI comme aussi pour la promotion de grands projets internationaux dans le domaine du développement durable.


3 - QUELQUES ENSEIGNEMENTS ET PRECONISATIONS

Les deux expériences présentées ci-dessus sont loin, à l'évidence, de couvrir l'ensemble de la problématique relative à l'usage d'Internet par les milieux associatifs. Elles permettent de dégager malgré tout certains points qui peuvent servir d'éléments d'ancrage pour un débat public ouvert.

3-1. La communication et l'association : Internet pour rassembler et partager

D'abord, il convient de souligner le constat qu'Internet comme le mouvement associatif relèvent au départ d'une même philosophie, celle de la libre volonté d'échanger, de partager des idées, des informations, des savoirs et des savoir-faire. On crée et on participe à des communautés d'intérêt autour de certains thèmes. Au fond, une association est fondamentalement une structure en réseau, structure qui peut être plus ou moins cadrée, encadrée, en fonction de l'objet des statuts déposés et acceptés. Une association met en contact des individus, des groupes pour agir dans une certaine direction. L'instrument principal de consolidation et de développement de l'association est la communication sous toutes ses formes : communications verticales ou horizontales, communications formelles ou informelles, communications sur supports des plus variés. Dans ces conditions, la "technologie" Internet apparaît vraiment comme l'instrument, l'outil de communication et de travail le plus conforme à l'idéal du mouvement associatif. Inversement, le mouvement associatif, par ses focalisations sur ses thèmes de préoccupations, par ses règles du jeu parfois assez formelles, constitue un sous-ensemble particulier du monde Internet.

Les difficultés dans le mouvement associatif sont nombreuses et, dans certains cas, peuvent conduire à la disparition des structures laborieusement mises en place.

D'abord, contrairement à l'entreprise, à l'université ou à l'administration, l'objet fédérateur (celui qui figure dans les statuts de l'association) reste essentiellement une ardente obligation qui vaut tant qu'on a la volonté et les moyens de se rassembler et d'unir ses forces. Equilibre instable (comme celui de la pratique de la bicyclette ou de la natation) qui ne peut être tenu que par une forte et permanente mobilisation des membres. Cela se traduit par des démarches actives de communication et de diffusion d'information, par la mise à disposition de services à valeur ajoutée et par une visibilité (ou lisibilité) externe facilitant les processus d'identification. On comprend aisément pourquoi Internet est intéressant pour les associations (l'expérience de la liste de diffusion électronique ADBS-INFO est ici déterminante).

3-2. Déspatialiser les activités associatives, pour surmonter le barrage des distances

Une sérieuse difficulté réside (c'est banal de le dire, mais ça mérite d'être évoqué) dans l'éclatement du tissu des membres des associations. Ces derniers appartiennent à des structures les plus diverses, sont des lieux parfois très éloignés. Cette dispersion géographique et structurelle est la caractéristique la plus forte du mouvement associatif. Alors, comment fonctionner efficacement dans un tel contexte? Comment permettre la rencontre (la réaction chimique élémentaire du fait associatif) entre les individus, entre les groupes? Comment déspatialiser le rappochement, l'association? On voit encore ici que le recours à Internet est des plus fécond, surtout si l'on travaille à vaste échelle, nationale et encore plus internationale ou mondiale.

3-3. Désynchroniser les activités, pour mieux gérer le temps associatif

Une autre difficulté tient au fait qu'en règle générale, on n'est pas salarié d'une association. On est bénévole ; on accepte de passer un petit peu de son temps à (pour) l'association. Or ce temps est limité, cruellement limité. Il l'est encore plus en période de crise économique ; on constate actuellement une diminution réelle de participation des individus aux activités des associations auxquelles ils adhérent, en raison, bien souvent, du refus des supérieurs hiérarchiques de considérer cette activité associative (je limite ici la réflexion au cas des associations professionnelles) comme essentielle pour leurs collaborateurs. Alors à nouveau, comment fonctionner efficacement dans un tel contexte? Comment permettre l'implication des membres sans créer de difficultés d'emploi du temps (réunions qui prennent une demi-journée, au plus mauvais moment pour l'individu ou l'entreprise,...)? Comment permettre la rencontre désynchronisée des membres? Comment développer des activités associatives en désynchronisant les implications de chacun? Internet est bien à nouveau un instrument intéressant dans cette perspective (allant bien évidemment au delà d'autres outils de désynchronisation tels que le répondeur téléphonique).

3-4. Exploiter, valoriser la diversité associative

On pourrait évoquer d'autres difficultés spécifiques du développement des associations, comme par exemple l'hétérogénéité des groupes d'individus ou de structures qui les composent (et la diversité des attentes de chacun). Mais celle-ci reste fondamentalement une richesse et doit être valorisée. Dans les pratiques traditionnelles, cette diversité est consciemment ou inconsciemment gommée ou plus généralement non prise en compte (le plat unique offert à tout le monde). Le caractère ouvert, transparent de la communication via Internet et la facilité d'expression des particularités obligent à mettre en évidence et à gérer cette donnée (mais attention, cela ne veut pas dire que les associations doivent systématiquement adopter les logiques du nouveau marketing électronique - le "one to one" - et l'inéluctable enfermement de chacun dans des grilles ou matrices de pratiques et besoins finement observés et notés).

3-5. Revisiter les fondements de la vie associative

Certes, toutes les associations ne passeront pas du jour au lendemain sur Internet et se transformeront radicalement en télé-associations. Tous les membres des associations ne seront pas à 100% des "interassociés" ou internautes associatifs. Beaucoup d'efforts restent à faire pour aller dans ce sens là, mais la voie est tracée. Alors que faire?

C'est d'abord dans les têtes qu'il faut changer les connexions (de neurones). Il faut aider à modifier certains conditionnements culturels, faciliter des changements d'attitude. Il faut aider à repenser les "fondamentaux" ou fondements de la vie associative à la lumière de la nouvelle communication numérique. Cela passe par des actions de sensibilisation auprès des responsables élus ou salariés des associations (comme il faudrait le faire pour les patrons de l'industrie ou de l'administration). On pense immédiatement à des conférences, des séminaires, des recueils d'exemples, des démarches d'entraide entre associations. Les pouvoirs publics devraient sûrement mettre sur pied et contribuer au financement d'un tel programme d'incitation des associations à s'approprier Internet et à se présenter sur la "toile".

3-6. Des politiques et des plans d'actions spécifiques

Si les dirigeants ou animateurs les plus actifs des associations comprennent vraiment l'enjeu Internet, alors ils peuvent passer à la conception et à la mise en oeuvre de plans stratégiques spécifiques. Ils doivent déterminer une politique, dégager des moyens, faire des choix, définir des programmes d'actions. Dans les cas mentionnés plus haut, on notera l'importance de cette démarche politique volontariste. Il ne faut pas aborder Internet par la bande, en catimini, sur la pointe des pieds. Il faut y aller carrément.

Très vite des actions de formation pour les membres des associations (comme pour leurs salariés) sont à développer de façon systématique. Là encore, des démarches d'entraide interassociative sont envisageables. La création de supports de sensibilisation et de formation peut être vivement encouragée, en même temps que doivent être étudiées des formules d'implication plus forte (ateliers de découverte sur des thèmes spécialisés ou problématiques particulières).

L'usage de la messagerie électronique par les membres de l'association doit être considérée comme la première des priorités. Cela devrait aller de soi, mais l'expérience montre combien les réticences sont fortes et les habitudes pesantes. Le rôle des responsables des bureaux élus est déterminant ; ils doivent donner l'exemple, imposer les mesures nécessaires : par exemple faire circuler les documents de travail électroniquement pour éviter de payer dix à trente fois plus chers la diffusion de ces pièces, faire établir et diffuser des annuaires d'adresses électroniques, rapprocher dans l'espace virtuel les élus et les permanents pour un travail plus efficace, etc.. L'utilisation des outils tels que les listes de diffusion électronique, les groupes de news, les babillards est également à systématiser en fonction des objectifs et préoccupations des associations. On s'aperçoit du reste très vite qu'il faut repenser la globalité de la communication au sein de l'association, réintégrer des outils existants (papier, vidéotex, rencontres,...).

Et très vite se pose la question de la création et de la maintenance du site propre de l'association, outil prodigieux pour la diffusion d'informations et de documents, mais aussi vecteur moderne de transfert des savoirs et des savoir-faire. Il faut insister ici sur la spécificité des sites Web des associations (au même titre qu'il existe des spécificités pour les sites universitaires, administratifs ou commerciaux) ; on recommande de faire établir des cahier des charges fonctionnels de ces sites (pour préciser les objectifs, les fonctions, l'architecture générale du site, ses modes d'alimentation et de maintenance, ses apparences,...) et de définir des responsabilités bien précises au sein de l'association pour éviter de tomber dans la prolifération ou juxtaposition de pages HTML incohérentes, parfois allant à l'opposé des objectifs et des statuts de l'association. Une démocratie bien particulière que celle des associations!...

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Internet et les associations : le débat est ouvert. Il est voisin (tout en présentant certaines différences) à celui de la présence des administrations sur Internet, étant admis que de nombreuses associations jouent de fait un rôle important d'accompagnement du service public ou en démultiplient les actions. On ne peut qu'appeler à l'échange large et ouvert sur ce thème. Un prochain congrès international de l'UNESCO "Infoéthique" (Monte-Carlo, 10-12 mars 1997) abordera du reste prochainement certains des thèmes développés ci-dessus. D'autres manifestations plus directement consacrées à la consolidation ou à la revitalisation de la vie associative grâce à Internet devraient être envisagées assez rapidement de façon à permettre l'échange d'expériences et à aider à progresser dans la réflexion et l'action sur ce terrain.

Et au fond, pourquoi ne pas imaginer des "maisons virtuelles des associations", sites Web majeurs permettant d'orienter les citoyens, les utilisateurs d'Internet, sur les diverses associations actives dans différents domaines de compétence bien définies (associations professionnelles, associations sportives, associations caritatives, etc.)?