PERSPECTIVES SUR L'INTEGRATION FONCTIONNELLE DOCUMENTATION - INFORMATION - FORMATION

Jean MICHEL

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in "Assises de la documentation professionnelle" Orléans - 29 mars 1996 - CRDP région Centre - IUFM Orléans-Tours, pp. 9-27 - 60 ko

 

1 - DE LA DOCUMENTATION A LA SOCIETE DE L'INFORMATION

2 - L'IMPORTANCE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DE MEDIATION

3 - L'INDISPENSABLE FORMATION A L'INFORMATION

4 - DE L'INFORMATION A LA FORMATION

ANNEXE : LE COURS EDUCATE


De tous temps, l'homme a cherché à s'informer pour mieux apprendre, créer, décider et agir. Depuis toujours aussi, il a produit des idées, écrit des textes et contribué au développement des connaissances. Aujourd'hui, il communique aisément avec ses semblables par téléphone, télécopie ou messagerie électronique et exprime fréquemment ses opinions à la télévision, dans les medias ou lors de réunions ou conférences. Cette production d'information générale ou spécialisée a conduit à la création de dispositifs appropriés de diffusion des connaissances tels que les revues professionnelles, les congrès, les bibliothèques, les centres de documentation, les bases de données ou les serveurs de la nouvelle "toile" électronique Internet. Se développent aujourd'hui de véritables marchés et industries de l'information alors que des acteurs professionnels nouveaux apparaissent, indispensables médiateurs au sein d'une société de l'information en émergence. Une autre philosophie des systèmes d'information et de documentation s'impose. La sélection des contenus de l'information, le conditionnement de celle-ci pour une utilisation pertinente, la maîtrise des technologies de l'information, mais surtout l'écoute des besoins et le souci de la réponse économiquement et culturellement acceptable sont autant de composantes d'un "management moderne de l'information". Or face à l'extraordinaire transformation des systèmes d'information et de documentation au cours des vingt dernières années et face à l'explosion actuelle des réseaux électroniques, on doit constater que nombre de responsables d'entreprises comme nombre de chercheurs et d'enseignants restent profondément ignorants des possibilités aujourd'hui offertes comme des risques encourus par une maîtrise imparfaite des ressources disponibles. Collecter, trier, traiter, valider, diffuser l'information utile, c'est certes l'affaire de professionnels de l'information et de la documentation correctement formés et compétents, mais cela concerne tout autant chercheurs, économistes, ingénieurs, industriels que formateurs, responsables d'établissements d'enseignement, élèves et étudiants. Tous doivent désormais être en mesure d'intervenir comme acteurs à part entière d'une nouvelle intelligence des organisations humaines fondée sur un management responsable de l'information. Mais plus encore, on doit aujourd'hui questionner les liens qu'il faut impérativement établir entre processus d'information d'une part et démarches de formation ou d'apprentissage d'autre part. Pour les formateurs, il est devenu urgent de s'interroger sur ce que représentent les diverses heuristiques de l'information, de développer des pratiques pédagogiques originales fondées sur de nouveaux usages de l'information et enfin d'inciter élèves et étudiants à devenir de vrais citoyens de la société de l'information. Préparer les jeunes, de l'école à l'université, aux méthodes de l'information moderne est devenu une impérieuse nécessité. Le centre de documentation et d'information et la bibliothèque universitaire sont des instruments intéressants de mise à disposition de ressources documentaires et de diffusion du savoir, surtout lorsqu'ils s'appuient sur la puissance des réseaux électroniques, de l'Internet et du multimedia. Leur intégration dans un projet pédagogique mettant l'information au coeur du processus d'apprentissage est plus que jamais une priorité. Différentes angles d'attaque donc pour cerner les rapports entre information et formation, pour évoquer la formation à l'information et la formation par l'information.

1 - DE LA DOCUMENTATION A LA SOCIETE DE L'INFORMATION

1-1. Le développement de la documentation spécialisée

Avec la création des grands laboratoires de recherche, des centres d'études techniques et des grandes universités modernes se constituent vers le milieu du XXème siècle, des structures originales d'accès à l'information dite scientifique et technique, à savoir les centres de documentation. Devant l'explosion de la littérature spécialisée et avec l'ouverture plus large des frontières, il devient nécessaire de créer de nouveaux dispositifs d'accumulation de cette documentation spécialisée. Dans ce contexte, la documentation se professionnalise et apparaissent dans les années soixante les premières formations sérieuses de documentation comme les premières organisations professionnelles (l'A.D.B.S., Association des documentalistes et bibliothécaires spécialisés, devenue aujourd'hui "L'Association des professionnels de l'information et de la documentation").

1-2. L'émergence d'une industrie de l'information

Dans le courant des années soixante-dix, l'informatique révolutionne le monde de la documentation spécialisée (encore appelée de façon limitative information scientifique et technique, les données prises en compte touchant des secteurs aussi variés que la science pure et dure, la médecine, le droit, l'économie, l'art, la linguistique ou la cuisine). On commence donc à parler de bases ou banques de données bibliographiques comme par exemple les bases PASCAL, COMPENDEX, INSPEC, etc.. Il devient désormais possible pour le chercheur, l'ingénieur, le juriste, le musicien, l'historien ou le médecin de retrouver facilement des documents qui l'intéressent dans ces nouveaux réservoirs d'information, et cela grâce à l'apparition de logiciels de recherche documentaire de plus en plus puissants. La fin des années soixante-dix voit la multiplication des bases de données, avec comme avantage l'apparition d'une offre fabuleuse pour l'époque, mais aussi avec un grave inconvénient, celui de la juxtaposition de nombreux langages de commande (ou procédures de communication entre l'homme et la machine). Parallèlement, les postes et télécommunications (France-Télécom aujourd'hui ou ses filiales) proposent une fonction de transporteur des données et mettent en place des équipements très structurants comme les réseaux de transport des données à grands débits (réseau TRANSPAC en France). Des centres serveurs disposant de puissants ordinateurs, sont créés de toutes pièces pour faciliter l'interrogation des bases de données: QUESTEL, STN, DIALOG, ESA, etc.. Ces centres serveurs sont à la fois des hypermarchés de la distribution des informations et des guichets uniques pour l'accès à des dizaines de bases de données. Sous la pression d'un consumérisme naissant, ils font évoluer les logiciels d'interrogation ou langages de commande (recherche sur chaînes de caractères, interrogation en langage naturel, bases de données en texte intégral,...), développent des ergonomies d'interrogation plus conviviales, poussent les producteurs à améliorer la qualité de leurs produits. Au cours de la dernière décennie, serveurs, producteurs et transporteurs ajoutent à la production et à la diffusion de bases de données classiques en mode ASCII, une nouvelle offre basée sur l'emploi du standard vidéotex (minitel). On commence sérieusement à parler dÕune industrie de lÕinformation pour tous ces services nouveaux «en ligne».

1-3. Un nouveau management de l'information

L'offre devenant surabondante, on fait alors de plus en plus appel à des sous-traitants spécialisés pour sélectionner ce qui est pertinent de ce qui ne l'est pas. Le courtier en information, ou encore "broker", apparait effectivement comme un nouveau professionnel de l'information. Il écoute la demande de l'entrepreneur, de l'ingénieur ou du chercheur et se débrouille dans la jungle informationnelle pour déceler l'information intéressante et la remettre au client. Les entreprises «externalisent» alors de plus en pluses les recherches dÕinformation spécialisée faites, traditionnellement, par les centres de documentation, Le management de l'information, c'est à dire la gestion et l'organisation de l'ensemble des pratiques relatives à l'information dans une organisation donnée, se complexifie et se diversifie dans les années soixante-dix et quatre-vingt. On assiste alors au développement des pratiques dites de veille stratégique, technologique, concurrentielle ou commerciale dont on fait grand cas aujourd'hui, le concept-clé à la mode étant désormais lÕintelligence économique. L'entreprise, le centre de recherche prennent conscience des risques d'une non-maîtrise de l'information spécialisée et s'organisent pour développer des dispositifs de surveillance de l'environnement. La profession de "veilleur" voit même le jour et des formations supérieures se mettent en place dans cette perspective. La veille technologique et lÕintelligence économique peuvent enfin s'appuyer sur des outils nouveaux de bibliométrie ou de scientométrie, basés sur des analyses statistiques des grands flux et stocks d'information électronique. La gestion de la documentation produite en interne dans une organisation donnée devient également une priorité. Cela conduit notamment centres de recherche et grands établissements dÕenseignement supérieur à chercher à valoriser leur «littérature grise». Quant aux entreprises, elles investissent en équipements de gestion électronique de dcouments pour améliorer lÕaccès à leurs documentations techniques internes.

1-4. Les innovations des années quatre-vingt-dix

La téléinformatique, l'interconnexion des ordinateurs, le courrier électronique et le multimédia conduisent aujourd'hui à de nouveaux développements des pratiques d'information et de documentation. S'ils savent le faire, chercheurs, ingénieurs, enseignants et autres spécialistes du monde entier peuvent communiquer directement entre eux à travers des réseaux d'ordinateurs (RENATER, INTERNET,...), transférer des textes ou bouts de textes sans avoir recours au papier. Ils peuvent participer à de vastes conférences ou forums "en ligne" (plusieurs milliers de spécialistes de toute la planète font des contributions en direct sur des thèmes donnés). Ils peuvent échanger à distance des logiciels informatiques, consulter des images de la NASA, obtenir sur leur ordinateur les discours du Vice-Président des Etats-Unis, écouter un enregistrement sonore rarissime ou plus simplement consulter tous les catalogues informatisés des bibliothèques du monde entier. Cette nouvelle forme de télé-information court-circuite les traditionnels acteurs de lÕédition et de la documentation, accélère les échanges d'idées et d'expériences, renforce la dimension collective de la créativité et de l'invention (on parle désormais de collecticiels et de collaboratoires). Elle debouche sur un changement radical des mentalités, privilégiant désormais le libre parcours dans l'information et la mobilisation des ressources au sein de réseaux ouverts. Cette nouvelle perspective («la société de lÕinformation») rend plus nécessaire que jamais le maniement par tous de nouvelles heurististiques de l'information. Il faut encore évoquer le développement des nouvelles technologies de stockage des documents (DON - disque optique numérique -, notamment) et celui de la GED (gestion électronique de documents). Les techniques de numérisation des textes et des images, associées aux mémoires électroniques ou optiques de grande capacité, offrent aux entreprises la possibilité de se constituer de grands réservoirs électroniques de documents et de gérer leurs propres patrimoines internes de données et de documents. L'apparition de nouveaux logiciels de reconnaissance optique des caractères (OCR), de traitement linguistique des textes et d'indexation automatique apporte aujourd'hui à l'archivage électronique de nouvelles possibilités: on s'achemine vers la création de grands systèmes documentaires très performants permettant à la fois le stockage des documents, la réponse à des questions complexes sur plusieurs critères, la navigation dans les ensembles de documents (grâce à des logiciels d'hypertexte), la visualisation et restitution des documents eux-mêmes, ainsi que le développement de pratiques de bibliométrie et de veille. De même doit-on noter l'apparition et le développement prodigieux d'une offre nouvelle d'information sur support CD-ROM (autre forme du multimédia, qui peut aussi exister sur les réseaux électroniques). La production des disques CD-ROM dans les domaines de la formation et de l'information spécialisée est en très forte croissance. Les grands éditeurs traditionnels s'y mettent. S'affranchissant de la contrainte du transporteur (le droit de péage des télécommunications), le CD-ROM apparaît comme un outil privilégié d'accès (multiple, répété) à de vastes gisements d'information, avec la possibilité de naviguer, à coût quasiment nul, dans ces nouveaux conteneurs de savoir. L'emploi du CD-ROM, comme celui du CD-I (CD Interactif) en éducation est source certaine d'innovation et révolutionnera, à l'avenir les pratiques pédagogiques. Le CD-ROM, le CD-I, les logiciels d'hypertexte et le "multimédia" aident à mettre en relation des textes, des images et des sons et à offrir des possibilités de navigation entre différents "documents" de natures très variées. On peut ainsi constituer de véritables encyclopédies multimedia, nouvelles formes interactives de documentation, mais plus encore nouvelles approches d'une imbrication intelligente et moderne de l'information et de la formation. Associé à l'usage des réseaux de type INTERNET, le multimedia devient un instrument de démocratisation des accès à la connaissance et un outil de stimulation de la soif d'apprendre.

1-5. L'émergence de la société de l'information

LÕavènement du multimédia et surtout le développement prodigieux des réesaux électroniques (croissance de 10 à 20% par mois du trafic sur INTERNET) conduisent à parler dÕune véritable société de lÕinformation. Jamais, dans toute lÕhistoire de lÕhumanité, lÕinformation nÕa été aussi présente dans toutes les activités des individus et des groupes. Jamais cette information nÕa été aussi abondante et aussi aisément accessible. Et jamais lÕinformation nÕa été à ce point facteur de transformation en profondeur de nos mentalités et de nos pratiques. Mais cette surabondance de lÕinformation et cette immédiateté et cette universalité dÕaccès aux sources les plus diverses posent de nouveaux problèmes auxquels nous ne savons pas encore apporter de solutions. La propriété intellectuelle de ce qui circule électroniquement est fortement questionnée. La sécurité des accès, la fiabilité des informations, la sélection des sources pertinentes,... autant dÕinterrogations nouvelles (ou plutôt renouvelées) au sein des entreprises, alors que sÕouvrent des débats de fond relatifs aux effets de cette société de lÕinformation: développement de nouvelles formes dÕexercice de la démocratie, risques dÕinégalités sociales et économiques, menaces pour les cultures et les langues non dominantes, accèlération du développement des connaissances, etc. Plus que jamais, la question du «sens» est posée, sens de lÕinformation et sens de la société de lÕinformation. Cette question du sens renvoie directement à celle de la préparation des jeunes, des professionnels et des citoyens à savoir agir en toute responsabilité dans cette nouvelle société de lÕinformation.


2 - L'IMPORTANCE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DE MEDIATION

2-1. Une profession en forte évolution

Les métiers de la documentation s'organisent traditionnellement soit autour du livre, soit autour de lÕinformation, soit enfin, et de plus en plus, autour d'une combinaison des deux dimensions précédentes. La documentation et les métiers correspondants vont aujourd'hui se développer sur tout l'espace entre ces deux pôles. On va désormais se positionner entre accumulation et quête, entre offre et demande, entre gestion de stocks et gestion de flux. Un véritable continuum de pratiques professionnelles existe, avec des missions simples ou complexes, générales ou spécialisées, ponctuelles ou globales. Traditionnellement, être documentaliste consistait à acquérir des documents, à les traiter (catalogage, indexation), à réaliser des fichiers dÕinformation, à mettre les documents à disposition des demandeurs et à répondre à des questions de ces derniers. Exerçaient le métier de la documentation des personnes de toutes origines et surtout de niveaux de formation ou de responsabilité très divers. Ce métier de documentaliste sÕidentifiait bien à un contenu de travail spécifique, généralement réalisé hors hiérarchie stricte et souvent réalisé dans un lieu bien identifié, le centre de documentation. Par suite de lÕévolution des formations de documentalistes (avec des formations à différents niveaux: DUT, maîtrise, DESS, CAPES de documentaliste,...), mais par suite aussi de la complexification des opérations de la documentation comme de la nécessité dÕune meilleure gestion et d'un nouveau management des unités documentaires, on assiste désormais à une tendance vers une définition plus stricte des niveaux de responsabilité, avec des conséquences parfois importantes sur les contenus professionnels et sur les salaires. Les études menées par les associations professionnelles sur les métiers et les qualifications font désormais ressortir plus nettement les niveaux suivants: assistant ou aide-documentaliste, technicien en documentation (formation de niveau Bac + 2), ingénieur en documentation (niveau Bac + 4 ou 5). On serait aussi tenter de définir un niveau supplémentaire, celui de lÕexpert reconnu, intervenant comme conseiller dans diverses organisations.

2-2. La diversité croissante des interventions professionnelles

Les contenus professionnels de la documentation se limitaient souvent aux activités composant ce que lÕon appelait Òla chaîne documentaireÓ: acquisition de documents, catalogage et indexation de ceux-ci, mise à disposition des livres ou revues aux usagers. Une seule personne assurait bien souvent la totalité de la chaîne dans les petites unités documentaires (et l'assure encore dans nombre de situations). Dans les grands centres de documentation pouvait exister une division socioprofessionnelle du travail (les approvisionneurs, les catalogueurs, les indexeurs, les informaticiens,...). LÕinformatique et les nouvelles technologies de lÕinformation ont commencé à modifier lÕenvironnement des métiers. Une nouvelle génération de concepteurs et de producteurs de bases de données en mode ASCII puis en vidéotex voie le jour et se démultiplie, comme apparaissent les métiers spécifiques des organismes "serveurs" et ceux du courtage en information. L'arrivée en force sur le marché des technologies de numérisation des documents (GED) ajoute encore une nouvelle complexité puisque désormais archives et documentation vont se trouver plus aisément rapprochées. Ainsi apparaissent de nouveaux métiers toujours plus spécialisés qui ne font plus référence à la classique et linéaire chaîne documentaire, mais qui mettent lÕaccent sur la dimension systémique de la documentation dÕaujourdÕhui. On continue à parler bien sûr de documentalistes mais on évoque de plus en plus des métiers tels qu'experts en veille technologique, spécialistes en bibliométrie ou scientométrie, concepteurs de systèmes dÕinformation ou de produits multimedias ou hypermédias, gestionnaires de documentation structurée, rédacteurs techniques, spécialistes de lÕarchivage électronique, voir encore "recherchistes" ou "infomètres". On peut voir désormais des documentalistes devenir des modérateurs de forums électroniques INTERNET alors que des entreprises recrutent désormais des «netsurfeurs» et des concepteurs-développeurs de serveurs Web. Par ailleurs, les documentalistes trouvent de plus en plus à utiliser leurs compétences du côté de la communication (interne ou même externe) ou du côté de certains savoir-faire méthodologiques (PAO, conception de produits de vulgarisation, muséographie,...) ou encore du côté de la pédagogie et de la formation (spécialistes des transferts informatifs et cognitifs). D'autres commencent à explorer les liens entre information, documentation, archives et culture d'entreprise. En matière dÕintelligence économique enfin, les documentalistes apportent une contribution déterminante en tant que point de passage obligé dÕinformations les plus variés. A travers de cette extraordinaire diversité de pratiques professionnelles, cÕest surtout un nouveau rôle de médiateur qui émerge aujourdÕhui, médiateur assurant une mise à disposition intelligente des informations et contribuant sans aucun doute au transfert des connaissances .

2-3. La quête de la valeur ajoutée

La documentation ne peut plus se réduire à la somme ou succession de ses seuls gestes constitutifs (la catalogage ou lÕindexation, par exemple). La technique documentaire ne peut pas et ne peut plus être une fin en soi. Il faut raisonner en termes de finalités, de services et de produits, c'est-à-dire en termes de management. Il faut se situer autrement par rapport à lÕusager, à ses besoins et ses pratiques d'information. Il faut cerner les conséquences économiques des propositions techniques ou professionnelles. On passe progressivement d'une logique de la production à une nouvelle logique de l'usage et de la valorisation. La tendance est désormais à lÕincorporation de valeur ajoutée dans les produits et services d'information. Il ne suffit plus de faire circuler correctement les périodiques dans lÕentreprise ou au sein des laboratoires de l'université. Il faut maintenant exploiter lÕinformation, faire des recoupements, alerter, concevoir des produits adaptés aux différentes cibles. Cette recherche dÕune plus grande valeur ajoutée sÕexprime à la fois dans les contenus mêmes de lÕinformation (expertise, conseil, veille, alerte,...), dans les procédures de recoupement ou croisement des informations et de la documentation (gestion de systèmes dÕinformation, conception de systèmes dÕaide informatisée à la décision, animation de groupes dÕexperts, travaux de synthèse multidimensionnelle,...) ou encore dans les modalités de la diffusion (conception de produits spécifiques, fabrication de lettres d'information, réalisation de posters ou dÕexpositions, mise en oeuvre de systèmes vidéotex de diffusion ou implication dans des réseaux de courrier électronique,...). Il faut savoir scruter l'horizon, découvrir les ressources pertinentes, évaluer ce que l'on trouve dans les bases de données ou sur les réseaux, conseiller sa clientèle, favoriser l'orientation des usagers vers ce qui a de l'intérêt ou de la valeur. Médiateurs de l'information dans l'entreprise ou l'organisation, ces professionnels n'hésitent plus à se positionner comme des partenaires à part entière, tant les dispositifs de développement et de diffusion de la connaissance que dans les démarches de conception et de décision.

3 - L'INDISPENSABLE FORMATION A L'INFORMATION

Les systèmes d'information spécialisée deviennent de plus en plus puissants et incontournables. Des bases et banques de données aux systèmes experts, en passant par les chaines de production informatisées, les flux trans-frontières de données, les réseaux télématiques, l'archivage électronique ou le multimédia, toute l'activité des organisations, des professionnels ou des citoyens s'inscrit dans une perspective de développement et d'usage des ressources en information et documentation. En outre, cette information spécialisée (scientifique, technique, économique,...) n'est pas la seule en jeu: il faut désormais tenir compte de la légitime capacité d'expression de l'ensemble des salariés (cercles de qualité, groupes de progrès,...), du dialogue indispensable avec des partenaires de cultures techniques ou géographiques différentes, de la communication sociale avec le grand public, etc. Dans ce contexte et dans ces conditions, la question de la sensibilisation et la formation des jeunes aux enjeux et aux méthodes de l'information devient cruciale. Il faut impérativement promouvoir une véritable culture de lÕinformation permettant à chacun de savoir et pouvoir se situer comme citoyen dans cette nouvelle société de lÕinformation.

3-1. Développer une culture de l'information

Il est désormais impératif d'amener les jeunes à savoir maîtriser leurs propres systèmes d'accès à l'information et à la connaissance, et cela de l'école à l'université. La fréquentation des bibliothèques, des CDI, des BU et autres unités documentaires, la consultation des bases et banques de données (sur CD-ROM ou à travers des réseaux informatiques,...), la lecture critique de nombreux ouvrages et articles de revues doivent constituer une étape essentielle de toute formation moderne, ce qui n'est malheureusement pas toujours reconnu par de trop nombreux enseignants français. De telles ressources informationnelles et pédagogiques peuvent provenir de diverses origines et la formation spécifique à mettre en place doit inciter élèves et étudiants à naviguer dans ce vaste univers multidimensionnel de l'information et à savoir l'exploiter. Les moyens classiques que constituent les livres, les revues, la littérature grise (on appelle ainsi les publications non commerciales, telles que les rapports de recherche, les travaux d'étudiants, les notes techniques, etc.) sont bien entendu à privilégier. Mais désormais les CD-ROM, les bases et banques de données, les vidéo-disques, les satellites et les formations dispensées à distance constituent autant d'alternatives efficaces pour l'accès à l'information et à la connaissance.

3-2. Apprendre les méthodes de maîtrise l'information

Il faut apprendre aux jeunes et aux moins jeunes à se mouvoir efficacement dans l'information. Il faut notamment leur apprendre la conduite sûre sur les "autoroutes de l'information", chères au Vice-Président américain Al-Gore et à d'autres personnalités politiques européennes. Il faut leur donner l'envie de se promener dans les bases de données, dans les catalogues informatisés des bibliothèques du monde entier, dans les arborescences des CD-ROM encyclopédiques. Il faut leur donner le goût de découvrir une information pertinente, utile en réponse à une de leurs questions ou encore les amener à prendre du plaisir à la lecture d'un livre que l'on aura découvert au hasard d'une pérégrination dans les labyrinthes de l'information et de la documentation. Ce développement d'une culture de l'information passe à l'évidence par une démarche pédagogique nouvelle relative à la gestion des processus d'information et de documentation. Le formateur en maîtrise de l'information (ou l'informateur en contexte de formation) doit être capable de construire une réponse globale à un ensemble de questions que chaque individu est amené à se poser. Comment produit-on l'information, comment la présente-t-on et la diffuse-t-on? Comment perçoit-on et formule-t-on besoins en matière d'information? Que vaut lÕinformation que lÕon collecte? Comment gère-t-on son information et sa documentation? Quels processus de recherche de données ou de documents met-on en oeuvre dans le cadre de ses activités? Comment accède-t-on à des gisements d'information, traditionnels comme ceux des bibliothèques ou centres de documentation ou moins classiques comme ceux disponibles sur les réseaux? Quelles synthèses réaliser à partir de l'information recueillies et pour quoi faire? Quels liens établir entre différents systèmes et pratiques d'information et de documentation et le reste de son activité de citoyen ou de professionnel? Et bien d'autres questions encore? Il est évident par ailleurs qu'il faut désormais intensifier les formations conduisant les étudiants à savoir identifier les sources d'information pertinentes, à savoir les exploiter de façon intelligente et à savoir encore maîtriser les méthodes de gestion de l'information. La multiplication à l'infini des sources accessibles sur les réseaux comme la philosophie de l'interactivité propre à Internet obligent à transformer radicalement les modalités pédagogiques de ces formations. Il faut certes stimuler les aptitudes à la navigation sur les réseaux électroniques mais il faut encore plus amener les étudiants à savoir sélectionner les sources pertinentes et à exploiter au mieux celles-ci. Il faut favoriser le travail collectif, interactif, de découverte des sources et d'évaluation de celles-ci. Il faut soutenir les efforts de capitalisation collective des connaisances que font les étudiants dans ce domaine. Dans certaines formations supérieures étrangères, on prend désormais le parti de donner, aux étudiants, le plus libre accès possible aux ressources du réseau, et cela dès le début des cursus, en les amenant à construire par eux même des systèmes pertinents de repèrage des sources utiles. Ailleurs, on facilite les échanges à distance entre groupes d'étudiants ainsi que le tutorat électronique avec des personnes ressources de façon, là encore, à permettre la construction, par les étudiants, de leurs propres modèles informationnels. Dans d'autres formations, l'élaboration, par les étudiants, de Web Internet visant à repèrer et organiser les ressources d'information et de savoir accessibles électroniquement semble déboucher sur des résultats très fructueux.

3-3. Etudier et développer les heuristiques de l'information

Cette pédagogie de l'information repose aussi sur une bonne compréhension des heuristiques de l'information, c'est-à-dire des processus cognitifs spécifiques que chacun met en oeuvre dans sa recherche de l'information. Si ces heuristiques sont multiples et si chacun développe des heuristiques qui lui sont propres, on peut malgré tout distinguer schématiquement plusieurs tendances générales. Ainsi peut-on opposer, en première analyse les heuristiques de la classification à celles de la navigation. Les premières, classificatoires, privilégient des démarches structurées basées sur des cheminements selon des arborescences de connaissances ou de données: un bon plan de classement permet de retrouver aisément le livre que l'on recherche, les fichiers qui se trouve sur son disque dur ou la photographie relative à un souvenir de vacances donné. Les heuristiques de la navigation privilégient au contraire des cheminements plus chaotiques, fondés sur des liens entre connaissances et données, sur des pratiques d'association d'idées; elles permettent la découverte de continents non encore explorés, stimulent l'inventivité, créent l'étonnement. Mais on pourrait aussi penser à d'autres schémas heuristiques dans l'accès à l'information, schémas conformes à ce qu'Abraham Moles appelait les grands courants philosophiques de la créativité: heuristiques de la combinatoire (matrices de découvertes, méthode morphologique,...), heuristiques de la négation ou du non (un principe et son contraire), heuristiques du pourquoi et des causalités (remonter à l'essence des choses), heuristiques du comment et de la description d'un fait ou objet en ses diverses composants (démarche cartésienne par excellence), et d'autres encore. Appliquées au champ de l'information, ces démarches heuristiques sont autant de façons pour l'enfant, l'étudiant, l'individu ou le professionnel de savoir trouver un chemin dans les méandres des fleuves de linformation. Bien sûr, il faudrait parler de ces heuristiques en termes de processus individuels, mais aussi en termes de processus collectifs: au fond le développement du "group-ware" dans les entreprises et les organisations, c'est-à-dire du travail de projet en commun autour d'un dispositif approprié d'information, comme celui des réseaux de télé-informatique sont bien des investissements cognitifs collectifs qui caractérisent les organisations apprenantes d'aujourd'hui. Amener les jeunes à savoir et pouvoir contribuer aux futurs collaboratoires et autres collecticiels qui se développeront inévitablement dans les entreprises, les centres de recherche, les orgnaisations diverses, tel pourrait être un autre objectif pédagogique majeur des établissements dÕenseignement.

4 - DE L'INFORMATION A LA FORMATION

Tenant compte de ces évolutions, comment repenser le problème de la formation des jeunes dans le contexte de sociétés "post-industrielles", marquées par une mondialisation des économies, par une élévation incontestable des niveaux de savoir et de curiosité des jeunes générations, par une imbrication accrues des diverses composantes des sociétés et surtout par la prolifération des sources et dispositifs d'information et de documentation? Peut-on inventer de nouvelles modalités de formation qui prennent mieux en compte l'accès de plus en plus généralisé à l'information et lÕouverture sur le monde? Quels partenaires, quelles structures, quels réseaux de compétence, quels professionnels peuvent intervenir dans une transformation profonde des modalités de formation?

4-1. Repenser le lien entre information et formation

Nous sommes aujourdÕhui confrontés à une complexité accrue de tous les phénomènes scientifiques, techniques, socioéconomiques ou culturels, complexité qui nécessite plus que jamais une grande flexibilité dans notre façon de penser, de communiquer et dÕagir et une aptitude à apprendre en permanence. La formation d'un individu ne peut plus se limiter au seul transfert, à un âge donné, d'une "boite" de connaissances figées une fois pour toutes. Or, chacun est désormais en mesure (et cela tout au long de sa carrière) d'accéder à n'importe quel élément de connaissance, à n'importe quelle information, y compris aux données disponibles à l'autre bout de la planète et à des renseignements quasiment confidentiels. De façon schématique et volontairement provocante, on peut affirmer qu'il n'est plus nécessaire aujourd'hui de s'appuyer sur des écoles ou des universités pour former des ingénieurs, des médecins, des juristes, des sociologues, des cadres d'entreprises ou dÕautres acteurs de la vie sociale ou culturelle. Ou, plus exactement, il ne sert plus à rien aujourd'hui de concentrer géographiquement des étudiants en un lieu donné, pour suivre des enseignements et accéder à des connaissances aisément transférables à travers les réseaux électroniques. On peut même se demander si cela a encore un sens de limiter ce transfert formel de connaissances à un moment donné de la vie des individus (disons entre 18 et 23 ans pour l'enseignement supérieur), alors quÕils devront actualiser en permanence leurs connaissances chaque fois qu'ils en auront besoin. Les technologies de lÕinformation (inforoutes, multimédia, etc.) permettent désormais de sÕaffranchir des cadres géographiques et temporels et d'envisager le développement de formations hors les murs, en temps réel. Le Président du Massachussets Institute of Technology présentait récemment les résultats d'une étude qui indiquait que plus de 50% des connaissances acquises par les jeunes diplômés des universités américaines provenaient de la libre consultation de sources d'information et de savoir disponibles sur Internet. Cette donnée constitue désormais un paramètre essentiel que l'on ne peut plus ignorer. Si, pour leurs missions de formation, les écoles, les universités, les établissements dÕenseignement ont encore un sens ou un futur, pour quelles fonctions et pour quels services l'ont-t-ils? S'agit-il pour eux de se contenter de dispenser, besogneusement, ce qui est aisément accessible à partir de n'importe quel point de la planète ou n'y aurait-il pas plus intérêt pour eux à s'efforcer d'établir des liaisons entre des connaissances éparpillées et contradictoires («à la découverte du sens»), à créer une vie culturelle spécifique, à contribuer à la stimulation de la production et du transfert des savoirs? Quel est donc, aujourd'hui, le rôle réellement indispensable des écoles, des universités et des établissements dÕenseignement dans l'acte de formation (au delà bien sûr des effets de socialisation quÕils peuvent utilement provoquer)? Au fond, n'est-il pas temps de mieux distinguer ce qui relève de la production et de la transmission des données ou informations constitutives des savoirs, de ce qui a trait à la consolidation des connaissances et à la préparation des futurs ingénieurs, médecins, juristes ou autres professionnels à la maîtrise des méthodologies de l'action efficace. Il est donc nécessaire aujourd'hui de mieux distinguer ce qui relève de la transmission des données ou informations constitutives des savoirs, de ce qui a trait à la consolidation des connaissances et à la préparation des jeunes à la maitrise des méthodologies de la réflexion et de l'action.

4-2. Des champs d'innovation pour la formation

Des expériences et réalisations se multiplient de façon spectaculaire sur tous les continents. Elles articulent de façon originale, moderne et systémique, information et formation. On voit se développer, au plan international, des projets d'universités électroniques, comme celle que des responsables croatiens de l'enseignement supérieur mettent aujourd'hui sur pied pour disposer des meilleurs sources de connaissances mondiales (des prix Nobel notamment) et qui diffusent cours et bases de données et de connaissances à des milliers de personnes connectées sur le réseau INTERNET. On commence aussi à voir proliférer les modules de formation électroniques dispensés à distance (une base de données spécialisée recense plus de 30.000 cours électroniques en langue anglaise accessibles sur l'ensemble du Commonwealth). L'auteur même de ces lignes participe actuellement à un projet européen réalisé en coopération avec six établissements supérieurs de divers pays pour créer un cours électronique multimedia destiné aux étudiants en sciences de l'ingénieur et visant à leur apprendre à maîtriser l'information dite scientifique et technique (toutes disciplines confondues): ce cours EDUCATE sera diffusé sur le réseau INTERNET, permettra l'interrogation de bases de données et sera actualisé en permanence en tenant compte des réactions directes des étudiants. Des congrès internationaux tels que CALISCE et CAEE permettent de faire le point, chaque année, sur les développements les plus récents en matière de nouvelles approches et réalisations pédagogiques dans le domaine des formations scientifiques et techniques recourant à lÕordinateur, au multimédia, à lÕhypermédia et aux inforoutes. Au fond, il devient très actuelet pertinent de penser un cursus de formation comme un dispositif organisé, guidé, mais personnalisé d'accès aux informations ou connaissances pertinentes couplé à une démarche de structuration des apprentissages. A côté de la stricte fourniture des modalités d'accès aux ressources informationnelles, l'établissement de formation doit mettre en place les procédures permettant de consolider les savoirs en constitution (travaux pratiques, projets, échanges pédagogiques,...) et de contrôler les résultats des élèves ou étudiants eu égard aux objectifs assignés.

4-3. Des investissements à faire, de nouvelles responsabilités à assumer

Les établissements dÕensignement supérieur situés dans une même région ou ceux qui fonctionnent en réseau (la tendance au regroupement et au partenariat est patente depuis quelques années) sont, ou seront amenées à investir dans de nouveaux équipements éducatifs lourds, véritables machines à dispenser de l'information structurante, pouvant être consultés par des étudiants de diverses origines, sur place ou à distance, appartenant ou non à la même institution. Ils devront faire d'importants investissements en ingénierie éducative comme ils sont conduits à renforcer leurs équipements pour la recherche. Déjà, les universités IBM ou Siemens (pour ne citer que quelques institutions nouvelles) montrent la voie à leurs consoeurs plus traditionnelles. De grandes universités américaines sÕassocient aujourdÕhui pour mettre sur pied de tels dispositifs lourds dÕindustrialisation de la formation des cadres supérieurs alors que des institutions australiennes sÕattaquent sérieusement à la conquête des marchés de la formation du Sud-Est asiatique par des produits et services électroniques de diffusion de la connaissance. Un récent rapport commandé par le gouvernement finlandais préconise des mesures radicales pour permettre à l'éducation et à la formation d'entrer de plain pied dans la nouvelle société de l'information. En France, cette orientation pourrait signifier la fin de l'habilitation d'établissements ou de cursus de formation dépourvus de moyens modernes et puissants d'accès à l'information et de structuration des connaissances nouvelles. En partenariat avec des industriels, pourraient être conçus des postes intelligents d'auto-apprentissage intégrant divers outils de gestion de l'information. Ces postes de travail et postes dÕapprentissage personnalisés pourraient être utilisés par les élèves ou étudiants tout au long de leur scolarité, ce qui permettrait de conserver l'essentiel du patrimoine des ressources accumulées, de le gérer et de l'actualiser, plus tard, dans la vie professionnelle, grâce à la formation continue et aux diverses modalités d'entretien des savoirs. Plus que jamais, les enseignants et autres formateurs doivent être incités à réaliser des produits d'information et de formation aisément transférables ou échangeables, alimenter des banques de cas et des bases de données didactiques, créer des cours diffusables par satellite ou réseaux d'ordinateurs. Quant aux professionnels de l'information et de la documentation, ils deviennent des partenaires à part entière du processus moderne de formation et de gestion des savoirs et savoir-faire. Ils vont de plus en plus participer à des équipes pédagogiques mixtes au sein desquelles cohabiteront divers spécialistes médiateurs de la connaissance. Déjà apparaissent sur le marché, au niveau international, des produits et services d'information-formation qui bousculent les rôles réciproques traditionnels du professeur et du bibliothécaire ou documentaliste.

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L'information du monde entier est à nos portes. La circulation des idées s'accèlère au point d'ébranler nos certitudes et nos acquis des vingt dernières années. L'intelligence collective se développe de façon spectaculaire sur les réseaux électroniques. Nos élèves, nos étudiants auront-ils la possibilité de bénéficier des atouts que représentent Internet, les inforoutes et le multimédia? Devront-ils rester à l'écart des grandes voies de circulation de l'information planétaire parceque nous n'aurons pas su mettre en place les moyens et les actions de formation appropriés? Devront -ils se résigner à n'être que desmarginaux «non branchés" parceque les autorités politiques et administratives et les responsables du système éducatif et les enseignants n'auront pas perçu en temps opportun la nécessité de faire les efforts indispensables ou n'auront pas compris l'importance des mutations en cours? Devront-ils rester longtemps ignorants des enjeux, des potentialités mais aussi des risques ou des menaces que représente l'émergence d'une société de l'information? Il faut impérativement faire preuve d'imagination, d'audace et de détermination politique et repenser assez fondamentalement nos pratiques dÕinformation et de formation.

ANNEXE : LE COURS EDUCATE

Une nouvelle approche de la formation à l'information Le cours électronique EDUCATE En matière de création de cours électroniques ayant trait à la maîtrise de l'information scientifique et technique, on peut citer le développement du projet EDUCATE, retenu par le programme européen dit des bibliothèques. Ce cours électronique EDUCATE vise à contribuer à la formation des étudiants des disciplines scientifiques ou d'ingénierie dans le domaine de l'information scientifique et technique. Basé sur l'usage d'Internet et du Web (mais pouvant aussi être distribué en versions papier et CD-ROM), EDUCATE aide à organiser la connaissance des étudiants par rapport aux méthodes, outils et sources de l'information scientifique et technique (par exemple, la propriété industrielle et les brevets), mais il permet surtout un accès direct, en ligne ("hot links") avec des ressources électroniques pré-identifiées. La navigation des étudiants dans le "cyberspace" est stimulée mais guidée selon des cheminements recommandés. Et naturellement le cours (mais peut on encore appeler cela un cours?) continue à se développer en parmanence, de façon interactive et itérative, avec l'aide de tous les utilisateurs d'EDUCATE. Le cours, actuellement réalisé par un consortium de six établissements européens (Université Chalmers en Suède, Imperial College de Londres, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Université de Limerick en Irlande, Université de Plymouth en Angleterre et Université de Barcelone), existe en trois langues - anglais, français, espagnol - et met l'accent pour le moment sur les sources du domaine de la physique d'une part, de l'électricité et de l'électronique d'autre part. D'autres champs disciplinaires seront intégrés ultérieurement avec ouverture du consortium à d'autres partenaires. C'est un excellent exemple des démarches d'investissement à entreprendre aujourd'hui dans le domaine de la formation dispensée à distance avec l'aide des réseaux électroniques.