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Communication faite à la Conférence SITJ - "INTERNET IN YUGOSLAVIA AND YUGOSLAVIA ON INTERNET" - Belgrade, 28-30 mai 1997 - 44 ko
PLAN
1 - DES EFFETS POSITIFS POUR LES INDIVIDUS ET LES ORGANISATIONS
1-1. La simplification des processus de travail et de communication
1-3. Le travail de groupe, la créativité collective
1-4. L'élargissement des contacts au niveau mondial
1-5. L'accès à de vastes gisements et sources d'information
2 - L'IMPACT D'INTERNET DANS LA SOCIETE
2-1. Des entreprises plus compétitives
2-2. Des emplois perdus, d'autres gagnés
2-3. La stimulation de la recherche, le développement de la connaissance
2-4. L'éducation et Internet : de nouvelles modalités d'enseignement
2-5. Un nouveau regard sur la vie publique et la démocratie
2-6. Internet au service du développement durable
3 - DES REGLES DU JEU A ETABLIR, DES VALEURS A DEFENDRE
3-1. Les risques inhérents à un développement non maîtrisé d'Internet
3-2. De nouvelles préoccupations à prendre en compte
3-3. Le développement d'une culture de l'information ou info-culture
Internet et plus généralement toute forme d'utilisation des réseaux électroniques "ouverts" ont et auront un impact déterminant sur la société et son devenir. L'échange ouvert de données numérisées par le biais des messageries électroniques, des procédures de transfert de fichiers informatisés et des sites Web constitue certainement le facteur clé de développement des sociétés modernes.
D'un côté, on peut tirer d'évidents avantages de l'usage des nouvelles technologies de l'information que personne ne peut contester :
- simplification des activités quotidiennes ;
- réduction des coûts ;
- accès à de vastes gisements d'information les plus diversifiés ;
- élargissement des contacts au niveau mondial ;
- travail de groupe en réseau et développement de la créativité ;
- etc.
Tous ces aspects positifs de l'usage des NTI se feront sentir dans de nombreux domaines, de l'éducation à l'économie, comme aussi pour la culture, la démocratie, le développement durable, etc.
mais d'un autre côté, ces nouvelles technologies (Internet, réseaux électroniques, multimédia,...) risquent aussi d'engendrer de nouveaux et graves problèmes : criminalité électronique, sécurité,... De nombreux pays comme la plupart des organisations intergouvernementales et non-gouvernementales débattent aujourd'hui des questions d'éthique de l'information et essayent de trouver des règles du jeu acceptables et fiables. Les questions de diversité linguistique et culturelle, d'égalité d'accès à l'information et aux nouvelles technologies, d'équilibre des intérêts entre titulaires de droits et utilisateurs constituent autant de points essentiels à considérer pour un développement équilibré d'Internet et de son usage.
La communication décrit et analyse ces différents aspects positifs et négatifs; elle met en relief les difficultés que les pays et les organisations rencontrent face à la généralisation de l'usage d'Internet. Enfin, elle conclut sur la nécessité de développer, dans la société, une véritable culture de l'information ("infoculture").
Internet and generally speaking any kind of electronic networking within open worlds will certainly have a very important impact on society. The open exchange of digital information through electronic mail, files transfer and Web sites is certainly a key factor for the development of modern societies.
On the one hand, there are some obvious advantages to use these technologies and nobody will refuse them :
- simplification of activities in the day to day life ;
- reduction of costs ;
- access to a huge ocean of information ;
- broader contacts within largest environments ;
- group networking and creativity;
- etc.
Such positive aspects will be profitable in many sectors, from education to business and will also be essential for democracy, culture, sustainable development, etc.
On the other hand, these new technologies (Internet, electronic networks,...) will also generate some new and serious problems (criminality, security,...). Many countries, as well as many inter-governmental and non-governmental associations are debating the question of ethics on the net, trying to find appropriate regulations. Cultural diversity, equal access to information, balance between different rights are key issues for an acceptable development of Internet.
The communication points out these different aspects, positive as well as negative, and focuses also on the difficulties that countries and people are facing when trying to develop the use of the net. It concludes on the necessity to develop what we can call an " infoculture " (or mediacy) for any citizen.
Internet est devenu en quelques années un phénomène très médiatisé, quasiment un mythe pour certains de ses apôtres et farouches défenseurs, véritable angoisse existentielle pour d'autres personnes que la communication électronique ouverte et mondiale déstabilise. Il est désormais clair qu'Internet et plus généralement toute forme d'utilisation des réseaux électroniques "ouverts" ont et auront un impact déterminant sur la société et son devenir. Réalité incontournable, les ordinateurs communiquent entre eux en toute simplicité et avec une rare efficacité. Cette révolution à l'origine technologique mais aujourd'hui réellement sociale et sociétale est au fond de même nature que celle qui a suivi l'invention de l'imprimerie par Gutenberg et plus généralement comme de toutes les inventions et innovations permettant aux hommes de rencontrer d'autres hommes et de se déplacer réellement ou virtuellement sur la planète (chemin de fer, automobile, avion, téléphone,...).
Comme toute innovation, Internet présente de nombreux avantages mais engendre aussi de réels problèmes que l'on ne sait pas encore bien résoudre. L'impact d'Internet sur la société sera fonction de ce que les hommes voudront faire d'un tel outil, à condition bien sûr qu'ils sachent le "domestiquer" et qu'ils en déterminent les conditions acceptables d'usage dans une société qui voit ses frontières brusquement élargies. Cela suppose un véritable apprentissage des règles de fonctionnement et de bonne conduite en matière de communication électronique ouverte ("mediacy") et un réel développement d'une "culture de l'information" ou "infoculture".
Internet, c'est un ensemble de fonctionnalités particulièrement utiles comme l'échange ouvert de données numérisées par le biais des messageries électroniques, les possibilités de transfert de fichiers informatisés et la diffusion (et la recherche) d'information sur une "toile" mondiale de sites Web.
Ces fonctionnalités se développent dans un environnement nouveau qui se caractérise par les faits suivants :
- usage généralisé du micro-ordinateur (et pour demain, de l'ordinateur de réseau - NC -) permettant une grande personnalisation et une large individualisation de l'informatique ;
- développement de réseaux de télécommunications de plus en plus puissants permettant des transferts lourds de données et une véritable massification de l'usage de la téléinformatique ;
- capacités de stockage (mémoires d'ordinateur, supports électroniques) en croissance quasi exponentielle ;
- généralisation de la numérisation des données, des textes, des images, des sons permettant des manipulations extrêmement simplifiées de tous ces documents de natures diverses ;
- apparition (surtout au cours des dernières années) de nouveaux langages et de fabuleux outils logiciels d'ingénierie linguistique et documentaire : hypertexte, langage HTML, agents intelligents de recherche, etc.
Internet, avec ses fonctionnalités et dans ce nouvel environnement informatique, conduit à de réelles avancées dans un certain nombre de domaines et produit des effets appréciables, certains attendus d'autres totalement inespérés.
1-1. La simplification des processus de travail et de communication
Un premier effet important d'Internet, effet qui peut être considéré comme positif mais peut aussi avoir des conséquences graves, consiste en la simplification et l'allégement des activités quotidiennes relevant des processus administratifs . Les chaînes de travail sont raccourcies, les organisations complexes s'effondrent, des gains de temps sont mis en évidence. Ainsi, le cadre d'entreprise travaille désormais directement sur son ordinateur et transmet ses données et ses textes à ses collègues, à ses clients ou aux donneurs d'ordre ; les documents sont aisément archivables, réutilisables à tout moment et par d'autres personnes. La messagerie électronique ouverte (c'est à dire sortant de l'entreprise) permet une communication et un travail d'une rare efficacité en raccourcissant considérablement les délais dus aux intermédiations inefficaces.
Travail direct, immédiat (au sens littéral du terme), mémorisable, réutilisable, transférable, le travail avec Internet et les réseaux électroniques modifie en profondeur nos habitudes. Il peut conduire aussi à s'interroger sur la nécessité de maintenir certains postes dans les organisations de travail (dactylographie, secrétariat,..) ou certaines lignes hiérarchiques inutiles.
Autre effet étonnant, parfois spectaculaire, d'Internet : la réduction des coûts, notamment les coûts de communication et les coûts de manipulation des informations ou données. On sait aujourd'hui qu'on peut réduire de façon substantielle ses coûts de téléphone, de télécopie, de photocopie par un usage judicieux d'Internet. Liée aussi à la simplification des tâches et des organisations, cette réduction des coûts se fait sentir au niveau des frais généraux des entreprises.
Il est toutefois clair que cette chute des coûts marginaux n'est possible qu'à condition qu'on ait réalisé par ailleurs les investissements nécessaires pour les équipements lourds de réseau (au niveau des Etats, comme au niveau des entreprises).
1-3. Le travail de groupe, la créativité collective
La mise en réseau des ordinateurs, et donc des personnes les utilisant, conduit à un phénomène aujourd'hui aisément observable de développement d'une créativité collective nouvelle. Le travail de groupe, à travers des outils de type "groupware" ou "workflow" ou à travers les fonctionnalités classiques d'Internet, est facilité et même devient la règle. Les traditionnelles notions d'entreprise ou d'association peuvent être revivifiées à partir du moment où Internet permet à la fois une grande individualisation et personnalisation des activités mais aussi une mise en commun facile des apports spécifiques de chacun. Certains évoquent les notions très riches de "collaboratoires" ou de "collecticiels".
Il faut toutefois souligner le risque d'une atomisation extrême des organisations qui doivent certainement repenser leur avenir et leurs structures face au développement d'Internet.
1-4. L'élargissement des contacts au niveau mondial
On ne peut pas passer sous silence l'effet anti-isolement que produit Internet. Brusquement, le cadre de la communication s'élargit, les frontières de l'entreprise, de la ville, de la région, de l'Etat n'ont plus de sens. On communique avec le monde entier, aussi simplement qu'avec son voisin de palier ou son collègue de bureau. On découvre de nouveaux horizons, de nouvelles visions de la société. On coopère avec de nouvelles équipes. On étend son action marketing à l'échelle de la planète.
Bien sûr, on ne communique bien qu'avec ceux que l'on connaît bien. Mais Internet permet de renouveler de façon étonnante son propre vivier de contacts. Il engendre aussi son lot de désillusions, dès lors que l'on n'est pas en mesure de bien cerner qui réellement est au bout de la ligne et ce que représente cet internaute.
1-5. L'accès à de vastes gisements et sources d'information
Enfin (mais cela ne clôt certainement pas la liste des avantages d'un usage actif d'Internet) on peut mentionner le puissant dispositif informationnel que constituent la "toile" et ses millions de sites Web, les multiples forums et listes de diffusion électroniques, les très nombreux sites diffuseurs de fichiers informatisés. jamais nous n'avons été confrontés à une telle richesse informationnelle, voire à une telle surabondance de données et de documents.
Encore faut-il savoir faire le tri entre ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas ; encore faut-il savoir ne pas s'égarer sur les multiples sentiers de la "toile".
Tous les aspects positifs mentionnés ci-dessus vont bien sûr être exploités par la société, les individus et les organisations à des fins diverses. Les puissantes fonctionnalités d'Internet peuvent engendrer de nouvelles pratiques sociales particulièrement originales et intéressantes.
2-1. Des entreprises plus compétitives
Les entreprises qui s'équipent aujourd'hui en matière de réseaux électroniques et qui systématisent l'usage d'Internet en leur sein se donnent un avantage compétitif certain :
- accroissement de l'efficacité en interne, stimulation du travail de groupe et réduction des coûts ;
- approche stratégique renouvelée, conquête de nouveaux marchés et cybermarketing planétaire ;
- intelligence économique, maîtrise de l'information et interventions plus opportunes ;
- nouveaux partenariats ;
- etc.
Mais tout cela n'est possible que si on adopte une attitude résolument novatrice. Il faut changer ses modes d'organisation, abandonner certaines structures trop hiérarchiques ou pyramidalisées, accepter plus de spontanéité et de mobilisation de la créativité de ses personnels et de ses équipes, oublier les frontières par trop protectrices. Il faut encore investir en outils et équipements appropriés et surtout former les personnels à ces nouvelles approches (ce qui ne va pas sans quelque difficultés).
2-2. Des emplois perdus, d'autres gagnés
Globalement, on peut attendre des nouvelles technologies de l'information et d'Internet qu'ils changent la structure et la répartition des emplois dans un pays ou une zone donnée.
Il est clair que beaucoup d'emplois traditionnels relevant de certaines formes antérieures d'organisation et de travail vont disparaître, notamment dans tout ce qui relève des opérations d'intermédiation aujourd'hui remplacées par l'informatique et les communications électroniques (secrétariat, dactylographie,..).
Mais dans le même temps on voit apparaître de nouveaux métiers liés au développement des NTI, comme on voit se spécialiser, dans l'entreprise, certaines personnes et certaines équipes autour des usages d'Internet. Il est difficile d'établir aujourd'hui un bilan complet de ces transformations, mais on commence à déceler certains signes avant-coureurs d'une réelle mutation.
Enfin, il faut mentionner les créations d'emploi engendrées indirectement par la conquête de nouveaux marchés du fait d'une compétitivité accrue.
2-3. La stimulation de la recherche, le développement de la connaissance
S'il est un domaine d'activité qui bénéficie tout particulièrement d'Internet, c'est bien celui de la recherche et du développement de la connaissance. mais cela n'a rien d'anormal et d'inattendu quand on sait qu'Internet est né dans les milieux scientifiques pour stimuler la coopération dans ce domaine.
La recherche progresse en raison directe de l'intensité des contacts qui s'établissent entre les équipes de chercheurs. Elle se nourrit d'échanges permanents et vit de la coopération (à tous les niveaux). On a vu par exemple la rapidité avec lequel ont pu déboucher les travaux sur la connaissance du génome humain grâce aux échanges entre équipes de recherche via Internet.
La multiplication des sites Web et des forums électroniques dédiés aux activités scientifiques va conduire dans un proche avenir à une avancée considérable de nos connaissances. C'est une nouvelle vision de la communication scientifique et technique qui est aussi à l'oeuvre avec, en outre, de nouvelles pratiques de publication et d'échange qui ne vont pas sans poser de problèmes aux acteurs traditionnels de l'édition scientifique.
2-4. L'éducation et Internet : de nouvelles modalités d'enseignement
Dans le domaine éducatif, on peut et on doit attendre beaucoup d'une généralisation des usages d'Internet.
C'est d'abord la possibilité de donner un accès plus large, plus universel aux sources de savoir. Les responsables américains en décidant d'équiper toutes les Ecoles en accès efficaces au réseau ont bien compris que cette façon d'agir au niveau de l'éducation, c'est donner un avantage certain à long terme à l'économie américaine.
Outre de nouvelles possibilités d'accès à l'éducation et au savoir, Internet permet de repenser l'éducation, l'enseignement, la pédagogie : enseignement à distance, formation in situ (dans l'entreprise ou à domicile), formation tout au long de la vie, tutorat électronique, collectifs d'apprentissage, etc. C'est sur ce terrain qu'il faut s'attendre dans un proche avenir à des innovations majeures, remettant profondément en cause les dispositifs d'éducation et d'enseignement hérités d'un XIXème siècle positiviste et productiviste. Encore faut-il que les milieux enseignants se mettent réellement à utiliser Internet et à en tirer des conséquences dans leur façon de faire : de nombreux rapports, notamment européens, soulignent le caractère fortement conservateur de ces milieux enseignants.
2-5. Un nouveau regard sur la vie publique et la démocratie
Aujourd'hui les discussions sur les forums électroniques comme dans la presse se focalisent tout particulièrement sur la question de la nouvelle citoyenneté dans la société de l'information. Se pose désormais de façon cruciale la question de l'influence d'Internet sur le développement démocratique et sur les règles du jeu de la vie publique. Il est difficilement acceptable aujourd'hui qu'un gouvernement puisse limiter les conditions d'accès au réseau électronique ou exercer certaines formes de censure. Ce qui est vrai d'un gouvernement l'est tout autant d'un acteur qui aurait une position dominante exclusive (un monopole de fait de tel ou tel opérateur du secteur informatique).
Internet peut laisser craindre certains risques de manipulation non acceptables. Mais dans le même temps, il revivifie certaines attitudes et certains réflexes en faveur d'une réelle démocratie.
Il est intéressant aussi de noter l'émergence aujourd'hui de la question de l'accès à l'information du domaine public. Tout citoyen a le droit de savoir, de connaître ce qui s'impose à lui. Les gouvernements, les administrations, les diverses collectivités territoriales sont désormais fortement poussés à donner des réponses satisfaisantes à cette question.
2-6. Internet au service du développement durable
Il est intéressant de noter un effet incontestable d'Internet dans le domaine du développement durable (sustainable development). Du fait même de la structure en réseau de la "toile", du fait aussi de la facilité de communication par voie électronique, Internet est un vecteur privilégié de promotion de la notion de développement durable. De nombreux sites permettent de donner accès à de riches informations utiles en la matière ; des forums se multiplient qui aident à concrétiser les plans d'actions pour le développement durable.
En d'autres termes, Internet apparaît clairement comme un moyen de promotion d'idées et de projets sur lesquels se dégagent aujourd'hui de larges consensus politiques mais qui ne trouvent pas toujours de concrétisations pratiques du fait des pesanteurs techniques, administratives ou purement humaines.
On pourrait mentionner d'autres domaines encore qui seront touchés de façon évidente par la révolution Internet. C'est le cas notamment de la santé ou celui encore du tourisme. La culture enfin peut connaître de nouvelles formes d'expression grâce à la puissante de l'outil de communication électronique multimédia.
3 - DES REGLES DU JEU A ETABLIR, DES VALEURS A DEFENDRE
Alors même que ces nouvelles technologies (Internet, réseaux électroniques, multimédia,...) promettent beaucoup pour l'avenir, elles risquent aussi d'engendrer de nouveaux et graves problèmes dont on commence à percevoir l'importance. L'impact d'Internet sur la société sera également dépendant de la capacité de celle-ci à gérer au mieux la coexistence d'effets positifs et négatifs du nouvel outil.
3-1. Les risques inhérents à un développement non maîtrisé d'Internet
Pour la plupart, ces risques sont ceux liés à l'informatique et notamment à la téléinformatique dans un monde qui n'échappe pas aux perversités et criminalités de toutes sortes.
On peut citer en premier lieu les problèmes de sécurité informatique et les risques d'intrusion dans des environnements informatiques plus ou moins bien protégés. Ces problèmes sont réels, mais peuvent être résolus la plupart du temps par des mesures de bon sens. En tout cas, la sécurité a un coup et mérite un minimum d'investissement fonction de l'importance de ce que l'on doit protéger.
Les problèmes d'atteinte à la vie privée et les problèmes de confidentialité ne sont pas nouveaux mais prennent une certaine importance à l'heure des réseaux ouverts et des outils intelligents de manipulation des données. Cela va des outils logiciels placés sur les sites informatiques des personnes à leur insu au contrôle des transactions de toutes natures sur Internet en passant par l'utilisation à des fins commerciales (ou d'autres) des adresses électroniques des personnes. Dans certains pays, des législations existent qui permettent de contrôler ces abus, mais ce n'est pas le cas partout.
On peut encore souligner le risque pris dans les transactions financières ou monétaires sur un réseau non encore sécurisé. mais avec les outils d'encryptage comme avec la mise en place de procédures appropriées (tiers de confiance, porte-monnaie électronique,...), on peut espérer trouver des solutions acceptables à assez court terme.
Dans un tout autre registre, il convient de mentionner la diffusion sur le réseau Internet de messages ou d'informations allant à l'encontre de la morale ou des règles fixées par la société : incitation à la haine raciale, défense de causes non tolérées (thèses néonazies et négationnistes,..), prosélytisme des sectes, pornographie, apologie du meurtre, du suicide, de s comportements pervers, etc. cela conduit nombre de pays à mettre en place des dispositifs d'observation et de régulation de ces comportements anormaux. Ces dispositifs doivent éviter le piège des mécanismes de censure (du reste facilement contournables dans un contexte de réseau électronique mondial et ouvert). ici ou là se mettent en place des comités nationaux ou internationaux d'infoéthique qui vont travailler sur ces questions.
3-2. De nouvelles préoccupations à prendre en compte
Des groupes d'internautes de nombreux pays, des comités nationaux ou internationaux ad-hoc comme la plupart des organisations intergouvernementales et non-gouvernementales débattent donc aujourd'hui des questions d'éthique de l'information et essayent de trouver des règles du jeu acceptables et fiables. Mais au delà des problèmes évidents de criminalité électronique se posent désormais des problèmes plus subtils nécessitant une véritable réflexion sur Internet, son développement et son impact sur la société.
Ainsi évoque-t-on de façon très intense la question de la diversité linguistique et culturelle sur le réseau. Dans le contexte d'une mondialisation de plus en plus évidente, le risque est grand d'une perte d'identité grave pour la plupart des cultures "minoritaires". Le contrôle de fait du réseau par les grands monopoles économiques , notamment ceux du secteur informatique et la diffusion d'informations essentiellement en langue anglaise peuvent conduire à une véritable catastrophe culturelle. face à ce risque réel, il est important de privilégier la diversité linguistique et culturelle sur le réseau comme on s'efforce aujourd'hui de préserver la biodiversité.
L'égalité des chances d'accès aux nouvelles technologies, à Internet et aux informations diffusées sur le réseau constitue une autre préoccupation majeure aujourd'hui. Il faut éviter qu'Internet élargisse le fossé entre ceux qui ont de multiples possibilités d'accéder au réseau et à ses potentialités et ceux à qui cet accès est manifestement refusé pour diverses raisons (économiques notamment). Ce problème concerne non seulement les conditions d'accès à Internet dans les pays en développement, mais touche également de vastes ensembles de populations des pays industrialisés. Les fossés peuvent aussi se creuser entre différents groupes au sein de la société : conflits de génération (les jeunes mieux armés pour maîtriser Internet face aux gens de pouvoir plus âgés mais moins experts), conflits aussi entre ceux qui ont la culture électronique-ordinateur et ceux qui ne l'ont pas, etc. C'est la raison pour laquelle le développement d'Internet ne peut pas être laissé à la seule initiative du marché ; il est indispensable que les pouvoirs publics prennent bien en considération les aspects sociaux et sociétaux du développement des réseaux électroniques et apportent d'indispensables éléments de régulation.
Il est encore intéressant de souligner qu'Internet et les réseaux conduisent à l'expression de légitimes revendications de la part de divers groupes au sein de la société. Ainsi, les producteurs, les investisseurs économiques souhaitent bénéficier des larges avantages permis par un marché électronique mondial : ils s'efforcent donc d'obtenir des protections légales de leurs investissements comme on a pu récemment le constater lors de la discussion de nouveaux traités sur le droit d'auteur et le droit de reproduction. Les créateurs, les auteurs également souhaitent voir leurs oeuvres être correctement protégées sur le réseau, sachant qu'il est extrêmement facile de piller les oeuvres des créateurs sur un réseau mondial et ouvert, et cela quasiment en toute impunité (certains pays allant jusqu'à systématiser cette pratique). Les utilisateurs des réseaux, les citoyens, souhaitent de leur côté ne pas être placé dans la situation où ils n'auraient plus que la possibilité de consommer et de payer des sommes importantes aux titulaires de droits ; s'exprime désormais de façon très nette un droit légitime de l'utilisateur d'Internet comme est plus nettement réaffirmé aujourd'hui la nécessité de laisser le plus libre accès à l'information non protégée et notamment à l'information du domaine public.
L'avenir d'Internet et son impact sur la société dépendra en grande partie de la capacité que nous aurons à trouver des solutions équilibrées et acceptables à tous ces nouveaux problèmes. Cela passe par l'ouverture d'un vaste dialogue social à tous les niveaux de la société, par un débat démocratique sur cet outil de communication sociale majeur qu'est Internet. Cela passe enfin par un considérable effort de sensibilisation et de formation pour une meilleure maîtrise de l'outil et surtout pour une prise de conscience des atouts et des risques de ce nouvel environnement de téléinformatique.
3-3. Le développement d'une culture de l'information ou info-culture
L'outil est là, certains l'utilisent déjà abondamment. De vastes gisements d'information sont désormais accessibles. Les agents intelligents, les robots ou moteurs de recherche de toutes sortes sont en mesure de brasser quasi instantanément des millions et des millions de documents. Une nouvelle société de l'information émerge, extrêmement prometteuse mais aussi terriblement angoissante.
Or on doit faire le constat que dans nos sociétés traditionnelles, les têtes évoluent beaucoup moins vite que les outils. On n'est absolument pas préparer à faire face à ce nouvel environnement. Ainsi voit-on des dirigeants d'entreprise ne pas comprendre (littéralement ne pas percevoir le sens de) la mutation en cours. N'a-t-on pas ironisé récemment sur un Président de la République d'un grand pays industrialisé ne sachant pas ce qu'était une souris d'un ordinateur! Les écoles manquent d'équipements informatiques, les enseignements restent passablement traditionnels. Les structures associatives professionnelles manquent de moyens pour s'approprier réellement l'outil mais surtout ont du mal à imaginer ce qu'elles peuvent en faire.
Ainsi donc constate-t-on un déficit global de maîtrise des potentialités des réseaux électroniques et de sensibilisation ou formation aux richesses auxquelles ils donnent accès. Cela conduit à affirmer la nécessité d'un véritable plan d'action pour le développement d'une culture de l'information. Pas de société de l'information sans une réelle culture spécifique que l'on peut désigner par le vocable d'infoculture.
Cela passe par des actions de sensibilisation et de formation depuis le plus jeune âge jusqu'à l'université. On en vient à parler de "médiacy" (maîtrise du nouvel environnement électronique). Cela vaut aussi pour les personnes en activité avec des actions de formation continue pour les amener au bon niveau de compréhension de ce qui se passe sur ce terrain qu'elles découvrent.
On doit mentionner également la nécessité de créer de véritables groupes de réflexion ou forums autour de ce thème. L'infoculture ne se développera pas facilement en raison des pesanteurs mêmes des systèmes administratifs ou éducatifs. Il faut forcer la main aux responsables, décloisonner, montrer des expériences réussies, en solliciter de nouvelles. Il faut faire également de la recherche dans ce domaine et diffuser largement les résultats des travaux correspondants, de même que doivent être étudiées sans tarder les méthodes pédagogiques allant dans le sens de cette "médiacy" ou infoculture.
Enfin il est clair que l'infoculture ne se développera que si les individus et les groupes ont les moyens d'accéder au réseau, de travailler réellement sur des équipements adaptés. Cela signifie que de sérieux efforts financiers doivent être consentis par les gouvernements comme par les entreprises pour la mise en place de réseaux à haut débit, pour le développement de parcs de micro-ordinateurs suffisants et pour l'acquisition ou le développement de logiciels appropriés. La solidarité nationale et internationale doit enfin être mobilisée pour assurer que cette infoculture devienne réellement l'indispensable démarche d'accompagnement du développement de la société de l'information.