INTERNET, SON IMPACT SUR LA SOCIETE, L'ENSEIGNEMENT ET LA RECHERCHE ET SES CONSEQUENCES SUR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

JM 304

Jean MICHEL

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Texte pour la revue des administrateurs de l'Education Nationale - Ecrit : décembre 1997 (reprise partielle de textes anciens) - 32 ko


PLAN

1 - INTERNET, SES FONCTIONNALITES ET SES EFFETS

2 - LE DEVELOPPEMENT ET LA DIFFUSION DE LA CONNAISSANCE

3 - INTERNET ET LE DROIT D' AUTEUR


Internet est devenu en très peu de temps le phénomène sociotechnique le plus médiatisé de cette fin de siècle (et de millénaire) mais certainement le plus symptomatique d'une évolution quasiment irréversible. Il est désormais clair qu'Internet et plus généralement toute forme d'utilisation des réseaux électroniques "ouverts" ont et auront un impact déterminant sur la société et son devenir. Cette révolution d'origine technologique mais aujourd'hui réellement sociale et sociétale est au fond de même nature que celle qui a suivi l'invention de l'imprimerie par Gutenberg et plus généralement comme de toutes les inventions et innovations permettant aux hommes de rencontrer d'autres hommes et de se déplacer réellement ou virtuellement sur la planète (chemin de fer, automobile, avion, téléphone,...). L'impact d'Internet sur la société sera fonction de ce que les hommes voudront faire d'un tel outil, à condition bien sûr qu'ils sachent le "domestiquer" et qu'ils en déterminent les conditions acceptables d'usage dans une société qui voit ses frontières brusquement élargies et qui doit repenser le droit de l'information et de la connaissance.


1 - INTERNET, SES FONCTIONNALITES ET SES EFFETS

1-1. Internet, en bref Internet, c'est au fond un ensemble de fonctionnalités voulues par diverses communautés de chercheurs et particulièrement utiles comme l'échange ouvert de données numérisées par le biais des messageries électroniques, le transfert de fichiers informatisés et la diffusion (et la recherche) d'information sur une "toile" mondiale de sites Web. Ces fonctionnalités se développent dans un environnement nouveau qui se caractérise par : - un usage généralisé du micro-ordinateur permettant une grande personnalisation et une large individualisation de l'informatique ; - un développement de réseaux de télécommunications de plus en plus puissants permettant des transferts lourds de données et une véritable massification de l'usage de la téléinformatique ; - des capacités de stockage (mémoires d'ordinateur, supports électroniques) en croissance quasi exponentielle ; - la généralisation de la numérisation des données, des textes, des images, des sons permettant des manipulations extrêmement simplifiées de tous ces documents de natures diverses ; - l'apparition (surtout au cours des dernières années) de nouveaux langages et de fabuleux outils logiciels d'ingénierie linguistique et documentaire : hypertexte, langage HTML, agents intelligents de recherche, etc. Internet, avec ses fonctionnalités et dans ce nouvel environnement informatique, conduit à de réelles avancées dans un certain nombre de domaines et produit des effets appréciables, certains attendus d'autres totalement inespérés.

1-2. La simplification des processus de travail et de communication Un premier effet important d'Internet consiste en la simplification et l'allégement des activités quotidiennes relevant des processus administratifs ou de gestion. Les chaînes de travail sont raccourcies, les organisations complexes s'effondrent, des gains de temps sont mis en évidence. Ainsi, le cadre d'entreprise, le chercheur universitaire, le consultant travaille désormais directement sur son ordinateur et transmet ses données et ses textes à ses collègues, à ses clients ou aux donneurs d'ordre. Les documents sont aisément archivables, réutilisables à tout moment et par d'autres personnes. La messagerie électronique ouverte (c'est à dire sortant de l'organisation) permet une communication et un travail d'une rare efficacité en raccourcissant considérablement les délais dus aux intermédiations inefficaces. Travail direct, immédiat (au sens littéral du terme), mémorisable, réutilisable, transférable, le travail avec Internet et les réseaux électroniques modifie en profondeur nos habitudes. Il peut conduire aussi à s'interroger sur la nécessité de maintenir certains postes dans les organisations de travail (dactylographie, secrétariat,..) ou certaines lignes hiérarchiques inutiles.

1-3. La réduction des coûts Autre effet étonnant, parfois spectaculaire, d'Internet : la réduction des coûts, notamment les coûts de communication et les coûts de manipulation des informations ou données. On sait aujourd'hui qu'on peut réduire de façon substantielle ses coûts de téléphone, de télécopie, de photocopie par un usage judicieux d'Internet. Liée aussi à la simplification des tâches et des organisations, cette réduction des coûts se fait sentir au niveau des frais généraux des organisations. Il est toutefois clair que cette chute des coûts marginaux n'est possible qu'à condition qu'on ait réalisé par ailleurs les investissements nécessaires pour les équipements lourds de réseau (au niveau des Etats, comme au niveau des entreprises ou des établissements d'enseignement).

1-4. Le travail de groupe, la créativité collective La mise en réseau des ordinateurs, et donc des personnes les utilisant, conduit à un phénomène aujourd'hui aisément observable de développement d'une créativité collective nouvelle. Le travail de groupe, à travers des outils de type "groupware" ou "workflow" ou à travers les fonctionnalités classiques d'Internet (ou de sa version Intranet), est facilité et même devient la règle. Les traditionnelles notions d'entreprise ou d'association peuvent être revivifiées à partir du moment où Internet permet à la fois une grande individualisation et personnalisation des activités mais aussi une mise en commun facile des apports spécifiques de chacun. Certains évoquent les notions très riches de "collaboratoires" ou de "collecticiels". Il faut toutefois souligner le risque d'une atomisation extrême des organisations qui doivent certainement repenser leur avenir et leurs structures face au développement d'Internet.

1-5. L'élargissement des contacts au niveau mondial On ne peut pas passer sous silence l'effet anti-isolement que produit Internet. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, les hommes ont produit et utilise collectivement une technologie "globale" (non locale) Brusquement, le cadre de la communication s'élargit, les frontières de l'entreprise, de l'université, de la ville, de la région, de l'Etat n'ont plus de sens. On communique avec le monde entier, aussi simplement qu'avec son voisin de palier ou son collègue de bureau. On découvre de nouveaux horizons, de nouvelles visions de la société. On coopère avec de nouvelles équipes. On étend son action de marketing et de communication à l'échelle de la planète.

1-6. L'accès à de vastes gisements et sources d'information Enfin (mais cela ne clôt certainement pas la liste des effets d'un usage actif d'Internet) on peut mentionner le puissant dispositif informationnel que constituent la "toile" et ses millions de sites Web, les multiples forums et listes de diffusion électroniques, les très nombreux sites diffuseurs de fichiers informatisés, nouvelles bibliothèques virtuelles, nouveaux musées en ligne. Jamais nous n'avons été confrontés à une telle richesse informationnelle, voire à une telle surabondance de données et de documents. Encore faut-il savoir faire le tri entre ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas ; encore faut-il savoir ne pas s'égarer sur les multiples sentiers de la "toile".


2 - LE DEVELOPPEMENT ET LA DIFFUSION DE LA CONNAISSANCE

2-1. La stimulation de la recherche, le développement de la connaissance S'il est un domaine d'activité qui bénéficie tout particulièrement d'Internet, c'est bien celui de la recherche et du développement de la connaissance. Cela n'a rien d'inattendu quand on sait qu'Internet est né dans les milieux scientifiques pour stimuler la coopération dans ce domaine. La recherche progresse en raison directe de l'intensité des contacts qui s'établissent entre les équipes de chercheurs. Elle se nourrit d'échanges permanents et vit de la coopération (à tous les niveaux). On a vu par exemple la rapidité avec lequel ont pu déboucher les travaux sur la connaissance du génome humain grâce aux échanges entre équipes de recherche via Internet. La multiplication des sites Web et des forums électroniques dédiés aux activités scientifiques ne peut que conduire dans un proche avenir à une avancée considérable de nos connaissances. C'est une nouvelle vision de la communication culturelle, scientifique et technique qui est aussi à l'oeuvre avec, en outre, de nouvelles pratiques de publication et d'échange qui ne vont pas sans poser de problèmes aux acteurs traditionnels de l'édition scientifique.

2-2. De nouvelles modalités pour le transfert des connaissances C'est d'abord la possibilité de donner un accès plus large, plus universel aux sources de savoir. Les responsables américains en décidant d'équiper toutes les Ecoles en accès efficaces au réseau ont bien compris que cette façon d'agir au niveau de l'éducation, c'est donner un avantage certain à long terme à l'économie américaine. Outre de nouvelles possibilités d'accès à l'éducation et au savoir, Internet permet de repenser l'éducation, l'enseignement, la pédagogie : enseignement à distance, formation in situ (dans l'entreprise ou à domicile), formation tout au long de la vie, tutorat électronique, collectifs d'apprentissage, etc. C'est sur ce terrain qu'il faut s'attendre dans un proche avenir à des innovations majeures, remettant profondément en cause les dispositifs d'éducation et d'enseignement hérités d'un XIXème siècle positiviste et productiviste. Encore faut-il que les milieux enseignants se mettent réellement à utiliser Internet et à en tirer des conséquences dans leur façon de faire.

2-3. Les nouveaux centre de ressources, la nécessaire intermédiation Internet touche de plein fouet les organisations chargées de donner accès aux ressources informationnelles et documentaires, bibliothèques, centres de documentation, CDI,... Faut-il encore concentrer ces ressources en certains lieux particuliers alors que la circulation des données sur les réseaux permet un accès aisé à des multitudes de gisements d'un extraordinaire richesse? Quel rôle doivent jouer les professionnels de l'information et de la documentation dans ce contexte? Seront-ils inéluctablement remplacés par les agents intelligents de recherche dont la performance de "farfouillage" et de "retrouvage" sur les réseaux ne cesse de progresser de façon étonnante? En fait, on observe que le développement des usages d'Internet conduit à valoriser la fonction d'intermédiation et de guidage dans l'accès aux ressources documentaires et aux connaissances. Mais là encore, il faut que les professionnels changent profondément leurs pratiques pour jouer pleinement ce rôle.

2-4. Un nouveau regard sur la vie publique et la démocratie Aujourd'hui les discussions sur les forums électroniques comme dans la presse se focalisent tout particulièrement sur la question de la nouvelle citoyenneté dans la société de l'information. Se pose désormais de façon cruciale la question de l'influence d'Internet sur le développement démocratique et sur les règles du jeu de la vie publique. Il est difficilement acceptable aujourd'hui qu'un gouvernement puisse limiter les conditions d'accès au réseau électronique ou exercer certaines formes de censure. Ce qui est vrai d'un gouvernement l'est tout autant d'un acteur qui aurait une position dominante exclusive (un monopole de fait de tel ou tel opérateur du secteur informatique). Il est intéressant aussi de noter l'émergence aujourd'hui de la question de l'accès à l'information du domaine public. Tout citoyen a le droit de savoir, de connaître ce qui s'impose à lui. Les gouvernements, les administrations, les établissements d'enseignement, les diverses collectivités territoriales sont désormais fortement poussés à donner des réponses satisfaisantes à cette question.


3 - INTERNET ET LE DROIT D' AUTEUR

3-1. Un nouveau questionnement sur la propriété intellectuelle La question des droits d'auteur et de reproduction des oeuvres et plus largement du droit de l'information prend actuellement une importance considérable. Cette question résolue traditionnellement par l'établissement de règles collectives et l'adoption de conventions internationales prend une actualité toute particulière alors que se généralise l'usage de l'information numérique, des réseaux électroniques ouverts (Internet notamment) et des outils et produits multimédias. Les nouvelles technologies de production, de traitement, de diffusion et d'exploitation de l'information numérique modifient en effet en profondeur les pratiques sociales et professionnelles autour de l'usage de l'information et l'économie même de "l'industrie" de l'information. La question est complexe et impose que s'ouvre un véritable dialogue de fond entre les diverses parties concernées. Il faut vraiment qu'auteurs, éditeurs, industriels de l'information, médiateurs (les professionnels de l'information et de la documentation), utilisateurs (notamment enseignants, chercheurs, etc.) et pouvoirs publics se mettent autour d'une table pour jeter les bases de nouveaux dispositifs juridiques accompagnant le développement de la production, de la diffusion et de l'utilisation de l'information et de la documentation pour le bénéfice de l'entreprise et de la société.

3-2. Un droit équilibré entre les différents intérêts en présence La première composante de droit à prendre en compte est celle de la création intellectuelle, point de départ de tout le mécanisme économique et social de diffusion des idées et des oeuvres. En France notamment, le droit de copie ou de reproduction s'appuie essentiellement sur le droit d'auteur. Un auteur qui publie un document bénéficie d'un double droit moral d'une part, patrimonial d'autre part. Dès lors, la reproduction de tout ou partie de l'oeuvre (le document) nécessite autorisation explicite de l'auteur, qui peut en outre réclamer et obtenir une juste rétribution financière pour la consultation et l'usage de son oeuvre. L'utilisation privée (à des fins individuelles) de l'oeuvre est autorisée, mais par contre, tout usage collectif est illicite, sans l'autorisation formelle de l'auteur. La question que l'on peut se poser est celle de savoir où commence vraiment la notion de création intellectuelle (une quelconque suite de "bits" informatiques peut-elle légitimement être considérée comme une création originale et si oui, sur quelle base ou critères?) A noter que dans nombres de situations courantes, l'auteur abandonne son droit patrimonial, considérant son oeuvre comme tombant dans le domaine public (cas fréquent des communications scientifiques, cas aussi du "copyleft"). L'oeuvre de l'auteur est généralement publiée et diffusée par un éditeur à qui, bien souvent, il cède ses droits, et notamment les droits associés dont celui lié à la reproduction de son oeuvre. A partir de ce moment-là, c'est l'éditeur, c'est-à-dire l'investisseur économique, qui fait valoir ses exigences. Dans le monde anglo-saxon, le droit de reproduction (copyright) est principalement fondée sur la protection de l'investissement économique, le droit de l'auteur n'ayant pas la même force que dans le cas de la France. La question que l'on peut se poser ici est celle des limites du droit assurant la protection de l'investissement économique : jusqu'où l'exigence de l'investisseur peut-elle aller sans devenir intolérable pour ceux qui devront la subir et sans créer de rentes de situation intolérables? Traditionnellement, l'arsenal juridique autour du droit d'auteur et du droit de reproduction (et de représentation) s'articule autour de cette mise en relation des intérêts du créateur et de ceux de l'investisseur, le consommateur ou utilisateur des oeuvres ou produits diffusés n'ayant, au fond, qu'à respecter le droit et à en payer les conséquences. Ce qui semble émerger aujourd'hui de façon plus nette, c'est la nécessité de mieux prendre en compte désormais un troisième groupe d'intérêts, celui des utilisateurs ou consommateurs. Il peut s'agir d'un droit fondamental à l'information (accéder à l'information et à la connaissance, accéder aussi aux textes de loi, etc.) ; il peut encore s'agir d'un droit d'usage limité, loyal ("fair-use") d'oeuvres protégées ; il peut enfin s'agir d'un droit plus global de protection du consommateur comme du citoyen, comme par exemple le droit à l'anonymat (se protéger de certaines intrusions électroniques par exemple), la protection de la vie privée, etc.

3-3. De l'idée au document, de l'oeuvre à l'information Il est essentiel de bien garder en tête le principe fondamental suivant: seule la mise en forme des idées (le document, le texte) est protégée, les idées, par contre, ont toujours été "de libre parcours". Ce principe a largement été repris dans les échanges lors du récent congrès Infoéthique organisé par l'UNESCO. On peut dès lors s'interroger sur les limites mêmes du droit d'auteur et du droit de reproduction dans le contexte de la diffusion électronique de l'information. Une distinction pourrait être faite dans l'avenir (et certains spécialistes des questions juridiques commencent à y penser) entre oeuvre d'auteur et oeuvre d'information, cette dernière restant de libre circulation, dans les limites d'une juste rétribution du coût de production de cette information. L'établissement d'un nouveau droit "sui generis" pour les produits et services d'information telles que les bases de données va dans ce sens, en cherchant à construire un droit protégeant l'investissement économique sans l'appuyer sur le droit d'auteur.

3-4. Derrière le juridique, l'économique Les problèmes juridiques posés expriment bien des conflits d'intérêts qui pour l'essentiel sont de nature économique. La révolution engendrée par les réseaux électroniques et l'information numérique se traduit par une chute assez importante des coûts de production et de transmission de l'information qui fragilise à l'évidence certains acteurs de la chaîne de diffusion des oeuvres (cas par exemple des éditeurs de revues spécialisées à petit tirage). Cette même chute des coûts conduit également à reconsidérer les conditions d'accès à l'information produite dans un contexte public. Dans le même temps, un gigantesque marché semble se profiler derrière les promesses du numérique et du multimédia. Mais ce marché doit être encadré juridiquement pour qu'il se concrétise économiquement. Il est donc absolument nécessaire de repenser le droit en se fondant sur une nouvelle compréhension de l'économie de l'information. Ainsi, les revendications des titulaires de droits ne peuvent pas dépasser certaines limites au delà desquelles elles pourraient conduire à des rentes de situation injustifiées, artificiellement et anormalement protégées. Cette même analyse économique conduit à reconsidérer autrement la question de l'accès à l'information publique (accès démocratique aussi à la culture et à la connaissance via les bibliothèques, les établissements de formation, les associations professionnelles,...) ou encore celle de l'accès à cette même information dans les pays en développement.

3-5. Les exemptions, les limitations dans l'application du droit Il apparaît évident que des exemptions ou limitations doivent être clairement (et si possible universellement) établies en ce qui concerne le droit de l'information. Ainsi, et comme cela est exprimé dans les positions de l'UNESCO le "fair-use" (usage loyal, raisonnable) des oeuvres protégées est et doit être préservé, de même que doit être fortement réaffirmé et défendu l'usage privé du copiste, même dans le nouvel environnement électronique. Le "fair-use" est une pratique courante qui contribue non seulement à une meilleure exploitation des documents circulants, mais qui, en outre, ne peut que consolider les positions des éditeurs concernés. Ce "fair-use" concerne notamment un grand nombre de produits et services documentaires dont le but n'est pas de reprendre l'intégralité des supports diffusés par les éditeurs mais qui visent à assurer intelligemment les missions d'information assignées. Il n'altère en rien les marchés de l'édition. Le "fair-use" doit jouer un rôle important dans l'avenir; il est aussi un garant du développement de la démocratie et de la connaissance. D'autres situations, d'autres contextes appellent de telles limitations dans l'application du droit. C'est le cas notamment de l'accès aux textes, informations, documents officiels, publics. L'accès gratuit ou au coût le plus bas, et par le plus grand nombre, à une information nécessaire aux hommes et à la société est un impératif qui doit être affirmé. On retrouve cette exigence dans le concept de service universel de l'information préconisé tant par les gouvernements européens que ceux du groupe du G7. Dans le même ordre d'idées, on en vient à préconiser de telles limitations à des fins éducatives, scientifiques et culturelles.

3-6. L'information du domaine public et les limites de la "marchandisation" Pour aller un peu plus loin, on ne peut que se réjouir de la prise de conscience récente de nombre de responsables de diverses institutions de la nécessité de protéger le libre accès à l'information du domaine public de toutes entraves, même fondées sur des principes juridiques apparemment logiques. La réflexion sur ce thème conduit à s'interroger sur ce qui doit relever du "commercial" et du "non-commercial", sur les limites de l'approche strictement "marchande" des questions d'information, sur les limites aussi des propositions trop exclusivement techniques préconisant des dispositifs de traçabilité des usages de l'information ("marquage" des oeuvres). Contrairement aux biens strictement matériels, l'information ne peut pas se limiter à sa seule objectivation dans une stricte série de "bits" informatiques dont on imagine aisément la "marchandisation". L'information est aussi un bien culturel et social, une valeur de progrès et de culture. L'information, comme la connaissance s'enrichit par son échange. Le droit qui la régit ne doit pas refléter les seuls intérêts commerciaux et de court terme, assimilant de façon simpliste l'information à un bien de consommation, la réduisant à un pur objet marchandable. Par certains côtés, le droit de l'information peut s'apparenter assez aisément à celui de l'environnement ou à celui de l'éducation.