LE RECOURS A LA METHODE

DE L'ANALYSE DE LA VALEUR

DANS LES BIBLIOTHEQUES

POUR RENDRE UN MEILLEUR SERVICE AUX USAGERS

ET POUR ETRE PLUS EFFICACE ET COMPETITIF

JM317

Jean MICHEL

Président de l'AFAV (Association Française pour l'Analyse de la Valeur)

Publications Jean MICHEL
Page d'accueil Jean MICHEL

in ABIR - Buletin Asociatia Bibliotecarilor din Invatamant - Romania - (Bulletin ABIR de l'Association des Bibliothecaires de l'Enseignement de Roumanie) - Vol 10 n°2-3 / 1999, pp 66-74

PLAN

1 - PRINCIPES ET CONCEPTS DE BASE DE L'ANALYSE DE LA VALEUR

2 - POUR QUELLES RAISONS APPLIQUER L'ANALYSE DE LA VALEUR?

3 - L'AV DANS LA DOCUMENTATION ET LES BIBLIOTHEQUES

4 - LES CAUSES D'ERREUR OU D'ECHEC DANS LA QUETE DES SOLUTIONS

5 - L'EVALUATION FONCTIONNELLE, PARTICIPATIVE ET CREATIVE

6 - UN BILAN DES APPLICATIONS DE L'AV EN DOCUMENTATION

7 - UN NOUVEAU MANAGEMENT DE LA DOCUMENTATION ET DES BIBLIOTHEQUES

REFERENCES

La compétitivité des produits et des services est l'un des défis majeurs des sociétés modernes, dans le contexte d'une concurrence internationale de plus en plus vive ("globalisation"). Il ne suffit plus aujourd'hui de concevoir, produire et vendre des biens réalisés par les meilleurs spécialistes, et satisfaisants au plan de leur stricte technicité. Il faut désormais, pour maintenir ses positions sur un marché concurrentiel exacerbé, fournir des produits offrant des services parfaitement adaptés aux besoins de clients de plus en plus exigeants et surtout les vendre au meilleur prix en sachant dégager les marges bénéficiaires indispensables pour affronter la concurrence et intégrer les diverses évolutions techniques, sociologiques, économiques ou même écologiques.

Les produits et services d'information et de documentation, longtemps considérés ou placés en marge de la compétition économique, sont désormais et à leur tour directement concernés par cette nécessité de la qualité et cet impératif de la compétitivité. Comme dans d'autres secteurs d'activité, industriels ou tertiaires, l'utilisation de méthodes nouvelles telles que l'Analyse de la Valeur, apporte un nouvel éclairage dans la conception des produits d'information comme pour la gestion des centres de documentation.

Les bibliothèques ne sont pas à l'écart de cette exigence de performance, de maîtrise des coûts, de qualité et de compétitivité : les usagers attendent des services de plus en plus diversifiés et complexes ; les responsables économiques en charge des bibliothèques imposent des règles de plus en plus drastiques pour le fonctionnement de ces institutions ; les nouvelles technologies de l'information et de la communication obligent de même à une remise en cause permanente des habitudes et des pratiques. D'une certaine façon, certaines des dérives constatées aujourd'hui au niveau de l'économie globale de la Bibliothèque François Mitterrand à Paris et nombre de dysfonctionnements dénoncés largement par la presse, auraient pu être évités si l'on avait travaillé dès le départ selon des principes proches de ceux de l'Analyse de la Valeur.

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1 - PRINCIPES ET CONCEPTS DE BASE DE L'ANALYSE DE LA VALEUR

Conformément au glossaire établi au plan européen (1), l'Analyse de la Valeur ou AV est une "méthode organisée et créative ayant pour but d'augmenter la valeur d'un sujet AV (produit, système, service,...)". La norme française sur l'Analyse de la Valeur NF X 50-150 définit celle-ci comme "une méthode de compétitivité, organisée et créative, visant la satisfaction du besoin de l'utilisateur par une démarche spécifique de conception à la fois fonctionnelle, économique et pluridisciplinaire".

Accroître la valeur d'un bien, d'un produit ou d'une service, c'est au fond faire en sorte que celui-ci réponde bien aux attentes de l'usager ou du client avec le souci d'une parfaite maîtrise des coûts d'obtention de ce produit ou service.

Le souci de l'économie, le calage strict sur le besoin du client et le marché, l'analyse fonctionnelle et la spécification de la qualité fonctionnelle, l'approche pluridisciplinaire de la conception et le travail de groupe, la mobilisation efficace de l'information et l'usage des techniques de la créativité sont au coeur de la méthode. L'Analyse de la Valeur, par sa démarche, ses concepts et ses outils, constitue une nouvelle approche de l'évaluation et de la conception des produits et services. Méthode originale de conduite de projet, elle facilite par là même l'obtention d'une efficacité globale et déployée bien à propos. L'Analyse de la Valeur est une méthode de travail qui valorise les compétences de l'organisation et des hommes, qui privilégie les synergies et la démarche systémique. Elle s'inscrit parfaitement dans la cohérence des évolutions de l'organisation vers la qualité totale.

Longtemps limitées aux produits industriels, les applications de l'Analyse de la Valeur sont aujourd'hui plus systématiques et nombreuses dans les divers secteurs tertiaires : rationalisation des approvisionnements des entreprises, re-conception de chaînes de facturation, "check-up" ou bilan de santé de services administratifs, étude des processus d'apprentissage ou de recherche,... et plus récemment applications aux produits et services d'information et de documentation et aux bibliothèques. Des applications récentes de l'Analyse de la Valeur ont montré tout l'intérêt de la démarche pour aider à formuler un "Projet d'Entreprise ou d'Institution" (un Projet de Bibliothèque par exemple), pour améliorer l'accueil dans un grand hôpital, pour définir l'image de marque d'une société, pour organiser les temps des élèves et des professeurs dans les établissements scolaires, pour repenser les chaînes de traitement des livres dans une médiathèque publique ou pour réduire les coûts d'information et de communication dans de grandes sociétés industrielles.

Méthode générique de compétitivité, l'Analyse de la Valeur ou AV est aussi une méthode de questionnement et de remise en cause, donc d'innovation.

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2 - POUR QUELLES RAISONS APPLIQUER L'ANALYSE DE LA VALEUR?

L'évaluation-reconception des produits et services d'information comme des activités des bibliothèques s'impose aujourd'hui de façon évidente pour plusieurs raisons:

- la permanence des fonctions, les habitudes du travail documentaire, la stabilité même des missions des bibliothèques peuvent conduire à des pertes de conscience des vrais problèmes et en particulier à sous-estimer les décalages parfois importants entre besoins attendus et services rendus (on s'intéresse plus à la chaîne de traitement et au catalogage-indexation du livre qu'au service réellement rendu à l'usager);

- l'organisation même des bibliothèques, la structuration des groupes de personnels autour de grades et statuts figés, le découpage socio-professionnel des tâches et activités conduisent souvent à l'impossibilité de remise en cause des processus et des chaînes de travail comme aussi à l'impossibilité d'un réel travail collectif concerté (pluri-professionnel) innovant ;

- les coûts sont de plus en plus un facteur à prendre en compte et les responsables des centres de documentation et bibliothèques, comme aussi les producteurs de bases de données et les centres serveurs, sont désormais contraints à rendre des comptes, à faire des choix et surtout à réduire leurs coûts ;

- les relations dans le travail, l'expression des exigences légitimes des salariés, la gestion dynamique des ressources humaines, la communication sont autant de composantes du bon fonctionnement des unités documentaires et bibliothèques, mais qui, malheureusement et bien souvent, sont à l'origine de nombre de conflits internes et donc d'une perte d'efficacité globale;

- les technologies de l'information (numérique, multimédia, réseau,…) au coeur de la transformation de nombre de structures et pratiques documentaires sont souvent un point de passage obligé, mal intégré: l'outil impose sa loi au détriment d'une claire conscience des objectifs et du service à rendre ;

- enfin l'environnement socio-économique et culturel, national et international, et les exigences qu'il impose, rendent plus illusoire que jamais le repli sur soi des structures documentaires et des bibliothèques; il faut désormais vivre en symbiose de plus en plus étroite avec différents partenaires et privilégier des interactions multi- ou trans-disciplinaires.

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3 - L'AV DANS LA DOCUMENTATION ET LES BIBLIOTHEQUES

Les objectifs des actions d'Analyse de la Valeur conduites dans les quinze dernières années concernent aussi bien la recherche de réductions de coût (faire chuter de 30% le coût annuel de constitution et de gestion d'une base de données en texte intégral, gagner 25% sur le coût annuel de production d'un bulletin de documentation, réduire drastiquement le temps consacré au catalogage non réellement utile, ...) que l'amélioration de la qualité (mieux cibler des bulletins ou lettres d'information, améliorer l'ergonomie de consultation de produits télématiques, repenser l'accueil du public dans une bibliothèque, etc...) ou encore l'adaptation du management et de l'organisation des unités documentaires à de nouvelles exigences d'environnement ou à de nouvelles contraintes.

Les demandes d'application de l'Analyse de la Valeur sont exprimées par:

- des responsables d'unités documentaires ou de bibliothèques, conscients de leurs responsabilités et décidant d'investir dans un tel travail d'évaluation-reconception ;

- des chefs d'entreprise ou des directeurs d'organismes divers souhaitant mieux comprendre les forces et les faiblesses des structures documentaires relevant de leur autorité ou décidant de faire re-concevoir les produits diffusés par ces structures (c'est le cas notamment des instances de tutelle de certaines bibliothèques);

-et parfois aussi des personnels eux-mêmes des centres de documentation ou des bibliothèques réclamant un audit ou une évaluation et souhaitant un regard externe sur le fonctionnement de leurs structures.

Il est intéressant d'observer ici que les démarches d'Analyse de la Valeur permettent de concilier ces trois types de demandes, dans la mesure où le changement qui résultera de l'étude AV ne pourra se faire qu'avec l'assentiment de toutes les parties (la direction, les responsables opérationnels et les personnels). En ce sens, il est légitime de parler, à propos de l'Analyse de la Valeur, de démarche d'évaluation participative.

On distingue traditionnellement deux catégories d'actions d'Analyse de la Valeur et donc deux catégories distinctes d'applications de l'AV aux produits et services d'information et de documentation:

- l'Analyse de la Valeur de rationalisation (value analysis) qui vise à étudier des produits ou services existants pour chercher à les améliorer, à les reconcevoir et les rendre plus compétitifs (évaluation-reconception);

- l'Analyse de la Valeur d'innovation (value engineering) qui permet de créer de nouveaux produits ou services (ingéniérie documentaire, innovation) et qui s'appuie notamment sur le "Cahier des charges fonctionnel" (ou CdCF).

Les demandes d'interventions en Analyse de la Valeur restent dans la plupart des cas centrées sur l'évaluation et la reconception de produits ou services existants: bilans de santé de centres de documentation ou de bibliothèques, de bulletins d'information ou de documentation, de bases de données, avec détermination de médications ou thérapies appropriées. Utiles à court terme, ces démarches de rationalisation conduisent aussi très souvent à modifier les attitudes des personnes et constituent, à cet égard, un excellent tremplin pour des innovations pour le moyen et le long terme.

Récemment, les spécialistes en AV comme les sociétés qui recourent à cette méthode, ont introduit une nouvelle approche, le Management par la Valeur (Value Management) qui fait désormais l'objet d'une norme au plan européen. Le Management par la Valeur (MV) introduit l'idée d'un pilotage plus stratégique du changement dans l'institution selon la philosophie AV. Dans le cas des bibliothèques, cette approche du MV n'est pas encore développée mais devrait pourtant s'avèrer très intéressante.

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4 - LES CAUSES D'ERREUR OU D'ECHEC DANS LA QUETE DES SOLUTIONS

L'Analyse de la Valeur met en relief assez aisément différentes raisons ou causes d'échec ou d'erreur dans les pratiques professionnelles traditionnelles lorsqu'on veut ou doit innover ou lorsqu'on conçoit des produits, services ou organisations. Les pathologies sont assez classiques et il convient de bien en prendre conscience.

Une erreur fréquente consiste à vouloir intégrer trop de complexité dans les produits ou services que l'on conçoit. Cette complexité ne répond pas la plupart du temps aux attentes des utilisateurs et elle augmente fortement et inutilement les coûts. Des strates successives de complexité viennent figer les solutions au point d'interdire toutes possibilités d'évoluer. On peut aisément se rendre compte de cette tendance à la complexification dans nombre de grandes bases de données bibliographiques ou dans les grands dispositifs documentaires (les "Grandes Bibliothèques" notamment, mais aussi certains sites Internet devenus complètement incontrôlables et trop complexes pour les clients ou utilisateurs).

Une autre erreur consiste à privilégier exclusivement la recherche de la performance en soi. La quête obsessionnelle de la performance pour la performance est fréquente dans nombre de professions et conduit à promettre "tout, tout de suite" ou à s'afficher comme "le plus grand", "le plus gros", "le plus performant" au mépris de toute réalité des besoins et avec le risque d'engendrer d'inquiétants gouffres financiers. Cette tendance à l'exacerbation des performances est souvent le propre de secteurs économiques ou industriels monopolistiques ou des grands organismes centralisés d'Etat. C'est vrai aussi dans les bibliothèques qui affichent des objectifs démesurés de linéaires de rayonnages ou de nombre d'ouvrages conservés au détriment de services immédiats simples attendus par les usagers).

Une pathologie classique peut encore être identifiée dans la tendance à suivre systématiquement les effets de mode, à adopter, de façon mimétique, des solutions en vogue. On néglige l'analyse lucide de son propre problème et la compréhension de ses propres contraintes et de son propre contexte pour se précipiter sur les solutions du moment. Combien d'organisations ont ainsi cru résoudre leur problèmes de management de l'information et de la documentation en se dotant de puissants outils de GED (gestion électronique de documents) pour se rendre compte très vite qu'elles n'utilisaient pas 10% des possibilités offertes et que l'essentiel du travail de rationalisation restait à faire. L'informatisation des bibliothèques a souvent été conduite de cette façon avec des échecs patents.

Une autre erreur, malheureusement très fréquente, réside dans l'oubli du marché que l'on vise, de la clientèle qu'on est censé devoir satisfaire. On se réfugie dans les solutions que l'on sait produire et mettre en oeuvre, l'ego du professionnel concepteur-réalisateur occultant toute velléité d'analyse des besoins réels, toute analyse critique de la solvabilité et exigences de la clientèle ou de la réalité du marché. Cette tendance n'est pas que le fait des concepteurs intervenant sur le marché des biens et services ; on la trouve aussi dans les milieux ou institutions publics qui ne parviennent pas à trouver l'adéquation entre leurs fantasmes professionnels et les ressources mises à leur disposition grâce à l'impôt (c'est le cas notamment de certaines bibliothèques beaucoup plus faites pour donner du plaisir aux bibliothécaires sans véritablement prender en compte les attentes des usagers).

On peut encore mentionner l'erreur consistant à vouloir créer seul, à vouloir trouver des solutions, en s'isolant du reste du monde. Le cloisonnement des structures est fatal à la bonne résolution des problèmes. Les points de vue monopolistiques finissent par manquer terriblement d'esprit d'ouverture face à la complexité de la réalité.

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5 - L'EVALUATION FONCTIONNELLE, PARTICIPATIVE ET CREATIVE

Comment procède-t-on traditionnellement quant on veut évaluer un service de documentation ou une bibliothèque?.

a) Les démarches classiques d'évaluation

On peut mentionner en premier lieu les inspections ou évaluations d'autorité: souvent superficielles, parfois truquées, elles conduisent à des rapports qui finissent toujours par dormir dans des placards, sans que des suites concrètes et opérationnelles leur soient données.

Les audits constituent une autre forme d'évaluation: dans ce cas un regard extérieur, d'expert, permet de mettre en évidence des dysfonctionnements et bien souvent de dégager des responsabilités. De ce fait, les audits sont souvent vécus comme assez traumatisants et les préconisations faites ne sont pas toujours mises en application eu égard aux traumatismes susceptibles d'être engendrés.

Les présentations euphoriques, à travers de brillantes brochures commerciales ou de complaisants rapports d'activité, peuvent s'apparenter à une certaine forme d'évaluation: trop manipulées pour être honnêtes et pour être prises au sérieux, ces évaluations de communication ou médiatiques restent peu utiles pour se faire une vraie opinion sur les services et produits des centres de documentation ou des bibliothèques.

Reste encore une autre catégorie d'évaluation que les professionnels de la documentation et des bibliothèques apprécient et qui consiste à bâtir et entretenir de remarquables et très complexes tableaux de bord, dans lesquels figurent d'incroyables données statistiques allant du nombre de livres achetés dans l'année au nombre de clients reçus tous les vendredis en passant par le temps moyen de recherches au terminal ou à l'accroissement annuel de la base de données. Fort utile dans certains cas, cette évaluation par la mesure (ou évaluation "comptable") des choses reste limitée et il convient de se souvenir, que pas plus que la carte n'est le territoire, le chiffre n'est la vie réelle.

b) L'apport original de l'Analyse de la Valeur

Par rapport aux démarches précédentes, l'Analyse de la Valeur peut se définir comme une approche fonctionnelle, participative et créative de l'évaluation. L'AV aborde l'évaluation et la reconception de produits ou de services comme un processus volontaire et collectif de changement ou d'aide à la transformation de l'entité documentaire. Elle se caractérise comme une démarche de conduite de projet qui vise la meilleure adaptation des services rendus aux besoins actuels et futurs dans un contexte économique et institutionnel donné.

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs régles doivent être respectées:

- d'abord et avant tout, clarifier les objectifs ou intentions de l'action, en cerner les limites et adapter en conséquence les moyens qui seront retenus pour le travail d'évaluation-reconception ;

- mettre en oeuvre un processus collectif de résolution de problème, en déléguant à un groupe ad-hoc la réalisation de l'évaluation: ce groupe représentant plusieurs points de vue est animé par un spécialiste des démarches AV;

- faire participer à la réflexion toute personne le souhaitant (auditions, travail en sous-commissions,...);

- mettre l'accent sur tout ce qui relève de l'expression des finalités, des missions, des fonctions pour mieux percevoir les glissements qui peuvent se produire dans le management de l'unité documentaire ou dans la charte fonctionnelle du produit ;

- chiffrer, mesurer, peser, estimer, avoir l'obsession du coût des choses: on veut comprendre à combien reviennent les diverses fonctions introduites dans le produit ou le service, de façon à pouvoir les comparer avec les préférences des utilisateurs ;

- en permanence questionner, mobiliser l'information pertinente, ne pas se laisser abuser par l'apparence première des choses, recouper les données, croiser les perceptions, en d'autres termes parvenir à un modèle plus complexe et plus pertinent de compréhension de la réalité étudiée ;

- prendre en compte la dimension systémique du problème, en recherchant les relations entre ses diverses composantes et en resituant le problème dans son contexte ;

- ouvrir des perspectives d'innovation en intégrant des démarches de créativité dans l'évaluation même. Il est essentiel que l'analyse débouche sur des solutions pour l'avenir: la motivation des personnes participant à l'évaluation est d'autant plus forte qu'elles perçoivent à la fois les problèmes qui se posent et les voies de solution appropriées ;

- considérer le travail d'évaluation comme un processus de conduite de projet, avec notamment un strict respect des échéances et des délais, un plan de travail efficace, un schéma clair des éléments et des étapes de la décision et un dispositif d'information et de communication adapté.

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6 - UN BILAN DES APPLICATIONS DE L'AV EN DOCUMENTATION

En France, plusieurs expérimentations ont donc été conduites avec succès, dès le milieu des années 80. Les travaux menés dans le cadre de cette expérimentation ont fait l'objet de nombreuses publications, dont un premier volume sur l'analyse de la valeur appliquée aux produits et services d'information et de documentation publié en 1988 par l'ADBS, L'Association des professionnels de l'information et de la documentation (2).

D'autres applications ont également été faites depuis, portant sur des bases de données informatisées, des chaînes de traitement documentaire, la création de centres de documentation ou de bibliothèques, le re-calibrage des activités de cellules documentaires, etc... Ces applications plus récentes ont été demandées et financées par des responsables d'unités documentaires ou des producteurs de bases de données qui se trouvaient confrontées à des impératifs nouveaux d'adaptation de produit, de reconversion d'activité ou de réduction de personnel. L'arrivée d'Internet et le développement des sites Web (Intranet notamment) amènent à une utilisation nouvelle des concepts et outils de l'analyse de la valeur pour bien poser le problème à résoudre. Ces applications, dont certaines sont relatées dans un second ouvrage paru à l'ADBS - "Pratique du Management de l'Information" &emdash; (3), se caractérisent par les résultats globaux intéressants. Ces applications de l'AV aux produits et services d'information et de documentation peuvent se classer en plusieurs catégories.

a) Les études légères d'évaluation, bilans de santé

Un premier groupe d'applications de cette démarche d'évaluation fonctionnelle, participative et créative concerne de petites unités documentaires (4 à 6 personnes). On cherche principalement à faire un bilan de santé, à redéfinir les missions et les produits, à cerner des possibilités de redéploiement et des voies d'innovation. Un travail assez léger avec quelques réunions d'un groupe AV permet en quelques semaines de sortir des éléments clés pour revoir les axes stratégiques, le positionnement institutionnel et le management de ces unités ou les éléments fonctionnels de détermination du produit étudié. Deux grands types de problèmes sont généralement constatés:

- d'une part une dérive dans les missions et une tendance à privilégier le perfectionnement des outils et des procédures techniques au détriment des services rendus;

- d'autre part des conflits de personnes et des carences dans la communication interne et dans le management des ressources humaines.

Compte tenu de la très petite taille de ces unités documentaires, il n'est pas possible de passer trop de temps à l'évaluation et en même temps il est essentiel d'impliquer tous les personnels.

b) Les études de reconception de produits ou services

Des centres de documentation ou bibliothèques plus importants (10 à 20 personnes), des réseaux d'unités documentaires, des services industriels constituent le terrain de prédilection d'un deuxième groupe d'applications de l'analyse de la valeur. En général, on s'attaque à des problèmes plus conséquents: une base de données collective, un ensemble de bulletins documentaires, des restructurations, un fonctionnement en réseau, les chaînes de traitement des livres, l'acueil du public, .... Dans ce cas, il peut s'avérer utile de compléter le travail du groupe AV par un ensemble d'auditions et de travaux collectifs connexes. En outre la démarche met l'accent, non seulement sur l'analyse de l'existant (le produit, ses coûts, ses fonctions), mais aussi sur l'établissement d'un nouveau "Cahier des charges fonctionnel" (CdCF) et sur la recherche créative de principes de solutions.

Ainsi dans une grande organisation nationale du secteur tertiaire, il a été décidé de procéder aux études suivantes

- la reconception du bulletin documentaire de la structure centrale ;

- la conception d'un Cahier des charges fonctionnel générique des bulletins et autres produits d'information des structures décentralisées ;

- la définition de la Fonction Information Documentation (FID) à mettre en oeuvre dans ces structures l'échelon régional ;

- l'évaluation de la politique générale de documentation au sein de l'institution.

Des travaux importants ont également été menés dans le même sens au cours des dernières années, au sein d'organismes producteurs de grandes bases de données nationales, comme au sein de grandes institutions accueillant du public (bibliothèques). Au sein d'une grande bibliothèque publique parisienne, il a été possible de repenser :

- les chaînes de traitement des livres ;

- le dispositif d'accueil du public ;

- la gestion du temps des divers cadres de la bibliothèque ;

- les tableaux de bord permettant de mieux contrôler le développement des activités.

c) Les démarches d'innovation

Résolument tournées vers l'innovation, les actions d'Analyse de la Valeur de la troisième catégorie visent à déterminer des Cahiers des Charges Fonctionnels (CdCF) de nouveaux produits ou services. On peut citer ici la conception d'un Cahier des charges fonctionnel générique de bulletins documentaires et autres produits d'information d'un grand réseau national, la détermination du CdCF d'une nouvelle banque de données sur des matériaux au sein d'une société de technologie avancée ou encore l'étude AV en vue de la création de futurs centres de ressources en milieu scolaire ou universitaire. A l'heure d'Internet et des nouvelles technologies d'information et de communication, se pose la question du développement ce centres de ressources multimédias permettant l'auto-formation et l'accompagnement de l'enseignement à distance. Enfin, l'Analyse de la Valeur et le CdCF constituent de remarquables outils pour aider à la conception et au développement de sites Web (Internet ou Intranet), grâce à une rigoureuse analyse des fonctions attendus des futurs sites.

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7 - UN NOUVEAU MANAGEMENT DE LA DOCUMENTATION ET DES BIBLIOTHEQUES

Améliorer la management des centres de documentation, des bibliothèques et des entreprises d'information passe par une claire définition des produits et services offerts adaptés à un marché et une clientèle bien cernés, par une maîtrise rigoureuse des coûts de réalisation de ces produits et services (et des chaînes d'activité correspondantes) et enfin par une mobilisation efficace et concerté de tout le savoir et le savoir-faire disponible. L'Analyse de la Valeur, par son approche économique, fonctionnelle, participative et pluridisciplinaire, est une méthode moderne de conception et de management qui concourt à l'accroissement de l'efficacité et de la compétitivité.

L'Analyse de la Valeur, par sa démarche fonctionnelle, participative et créative renvoie à une conception responsable de l'innovation et du changement. Elle peut contribuer à une meilleure définition des missions des unités documentaires, des bibliothèques et des entreprise d'information, à de meilleurs choix parmi l'ensemble des moyens disponibles pour atteindre les objectifs et rendre les services attendus. Mais elle peut aussi contribuer à une amélioration des conditions de travail et à une motivation accrue ou renouvelée des personnels des unités documentaires ou bibliothèques et des professionnels de l'information spécialisée.

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REFERENCES

a) Références citées dans l'article

(1) Commission des Communautés européennes. DG XIII. - Glossaire de l'Analyse de la valeur: rapport EUR 13