VEILLE INFORMATIVE, VEILLE STRATEGIQUE,

INTELLIGENCE ECONOMIQUE…

MAIS AU FOND, QU’EST-CE QUE LA VEILLE ?

JM318

Jean MICHEL

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Communication faite le 11 mars 1999 à la journée d'information "Outils de veille pour l'entreprise" organisée par l'IUT de Besançon

PLAN

1 - LA VEILLE INFORMATIVE, UNE DEMARCHE FINALISEE ET DECISIONNELLE

2 - UNE APPROCHE DE LA VEILLE : L'INTELLIGENCE ECONOMIQUE

3 - INTELLIGENCE ECONOMIQUE, METHODOLOGIE ET PROFESSIONNALISME

4 - LA VEILLE INFORMATIVE : QUE VISE-T-ELLE ?

5 - LES MODALITES PRATIQUES DE LA VEILLE INFORMATIVE

6 - LES PRINCIPAUX OUTILS DE LA VEILLE INFORMATIVE

7 - UNE DEMARCHE DE CONDUITE DE PROJET AUTOUR DE LA VEILLE

8 - QUELQUES REFLEXIONS COMPLEMENTAIRES ET PRECEPTS UTILES

1 - LA VEILLE INFORMATIVE, UNE DEMARCHE FINALISEE ET DECISIONNELLE

La veille informative est une activité humaine très ancienne. L'homme entrepreneur a toujours eu besoin de s'informer, de surveiller son environnement et notamment ses concurrents, amis ou ennemis, de se comparer aux autres, de connaître les tendances du marché. La veille informative n'est, somme toute, qu'un dispositif organisé, intégré et finalisé de collecte, traitement, diffusion et exploitation de l'information qui vise à rendre une entreprise, une organisation, quelle qu'elle soit, capable de réagir, à différents termes, face à des évolutions de son environnement. Que l'on parle de veille stratégique, de veille technologique ou de veille concurrentielle ou même encore d'intelligence économique, le concept de base reste le même, c'est-à-dire la veille informative finalisée et décisionnelle. Il s'agit d'obtenir les informations pertinentes et utiles qui permettent une bonne réactivité de l'institution concernée face à des menaces externes ou face à des évolutions significatives de son environnement.

La veille (sous ses différentes formes et appellations) est un processus vital pour les entreprises ou organisations, mais elle n'est généralement pas correctement et durablement organisée. Les moyens qui contribuent à la veille existent souvent mais ne sont pas toujours efficacement sollicités (pensons aux structures d'information et de documentation existantes qui restent souvent à l'écart des démarches de veille stratégique). Les membres de l'organisation ne sont pas systématiquement impliqués, ce qui conduit à une déperdition considérable de grands pans d'information utile. L'absence d'une volonté politique ou managériale claire en matière de veille informative est responsable d'une approche qui reste trop souvent vernaculaire, archaïque et anarchique. D'où la nécessité de bien prendre la mesure des aspects stratégiques, méthodologiques et organisationnels de cette veille informative.

Soulignons d'emblée le fait qu'aucune étude ne permet vraiment d'apporter la preuve formelle que la veille informative est économiquement rentable. Il est déjà souvent bien difficile d'en mesurer le coût global réel : que doit-on prendre en compte, les seules dépenses directement affectées à des mobilisations de ressources externes et le coût des personnes chargées de la veille ou faut-il intégrer tout l'apport indirect des personnels de l'entreprise impliqués dans la gestion collective de l'information ? Il est, bien entendu, encore plus difficile d'évaluer les retombées économiques de la veille informative, sauf dans des cas limites quelque peu caricaturaux (conquête d'un marché exceptionnel suite à une information bien amenée au bon moment ou l'inverse, la perte d'un marché par manque d'information pertinente). Au fond, la veille informative, nous ne pouvons pas nous en passer dès lors que nos entreprises ou nos organisations sont des structures humaines intelligentes dans lesquelles l'échange des flux informationnels devient chaque jour d'avantage le moteur même de l'action.

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2 - UNE APPROCHE DE LA VEILLE : L'INTELLIGENCE ECONOMIQUE

"L'intelligence économique est constituée par l'ensemble des concepts, des outils, des méthodologies et des pratiques permettant de mettre en relation, de façon pertinente, différentes connaissances et informations dans la perspective de la maîtrise et du développement de la dynamique économique. Cette mise en relation implique en particulier :

- une mobilisation des hommes ;

- un traitement et une analyse de l'information et de la connaissance orientés vers une finalité opérationnelle ;

- une circulation efficace des informations et des connaissances au sein des organisations concernées.

" Cette définition établie par le " Groupe de Projet Intelligence Economique " constitué en juillet 1995 à l'initiative de l'ADBS (L'Association des professionnels de l'information et de la documentation), met en relief toute l'ambition de la réflexion et de l'action à mener collectivement autour de l'intelligence économique, de la veille informative et stratégique.

L'intelligence économique, variante particulière de la veille informative finalisée et décisionnelle, est l'indispensable rencontre ou intégration de trois perspectives managériales : le management de l'information, le management de l'organisation et le management de la compétitivité.

La dynamique de l'intelligence économique montre aujourd'hui tous les signes permettant de considérer qu'il s'agit d'un mouvement réel touchant l'ensemble des acteurs économiques. Les grandes entreprises et autres sociétés multinationales ont, depuis de nombreuses années, développé des pratiques organisées de surveillance de leur environnement concurrentiel et font largement appel à des professionnels qualifiés pour mettre en Ïuvre des démarches rationnelles d'intelligence économique avec utilisation des meilleurs outils aujourd'hui disponibles. Mais la place occupée actuellement dans ce mouvement par les personnes travaillant au niveau de l'économie locale (PME, CCI, centres techniques, etc.) paraît aussi bien témoigner de la profondeur et de l'importance de la dynamique de l'intelligence économique. C'est, du reste, ce qu'ont nettement indiqué les rapports majeurs des dernières années (Mayer, Martre,...) ou ce que reflètent de façon assez évidente les multiples travaux menés ici ou là (Commissariat Général du Plan, Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie, Conseil National du Patronat Français &emdash; aujourd'hui MEDEF -, etc.).

La motivation ou l'intérêt des entreprises pour l'intelligence économique peut également être considérée comme la manifestation concrète de tendances lourdes qui sont en train de restructurer l'activité économique, avec notamment la mondialisation de l'économie et surtout la transformation progressive des entreprises et organisations, passant de " machines dédiées à la production " à une fonction de " machines informationnelles ". Il est encore possible d'appréhender cette dynamique de l'intelligence économique comme une démarche structurée qui s'apparente assez bien au mouvement de la qualité des années 80. Il en va donc de la compétitivité des entreprises, de leur capacité à conquérir des marchés ou à maintenir leurs positions. Il en va tout autant de la protection des patrimoines économiques et stratégiques nationaux. Quant au tissu des petites et moyennes entreprises, sa richesse et son développement dépendent désormais en grande partie des capacités à aider ces acteurs dispersés sur le territoire à maîtriser leur information vitale, avec des conséquences évidentes en termes d'aménagement du territoire.

On doit souligner ici le fait que le mouvement actuel autour de l'intelligence économique se caractérise comme la convergence de diverses préoccupations qui émanent soit d'acteurs publics nationaux, soit d'entreprises ou organisations privées, soit encore de corps professionnels spécialisés dans les questions de stratégie, de management ou de gestion de l'information et de la compétitivité. En d'autres termes, les approches de l'intelligence économique sont très diverses, mais peuvent parfois donner l'impression d'enfermement dans des chapelles stériles.

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3 - INTELLIGENCE ECONOMIQUE, METHODOLOGIE ET PROFESSIONNALISME

Accéder à l'information pertinente, exploiter au mieux celle-ci et éclairer les décisions stratégiques des acteurs économiques, telle est l'ambition de l'intelligence économique et plus généralement de tout processus ou dispositif de veille informative. L'émergence d'une société de l'information ne peut que rendre plus impérative cette vigilance de tous les instants en même temps qu'elle conduit à faire désormais intervenir un réel professionnalisme dans ce management de l'information pour décider.

L'intelligence économique est certes une notion qui peut éveiller la curiosité des décideurs et des stratèges et peut devenir une préoccupation de nature managériale. Mais elle doit aussi se structurer, se fonder sur des méthodes sûres, qualifiées et surtout faire appel à une certaine expertise qui reste aujourd'hui à mieux définir et à exprimer en termes de compétences et de métiers. La matière première de base de l'intelligence économique est à l'évidence l'information. Certes, comme la définition donnée plus haut l'indique, il ne s'agit pas seulement de collecter de l'information et de la stocker ou l'enterrer dans des réservoirs plus ou moins informatisés. L'intelligence économique met en perspective l'information, cherche à lui donner du sens et surtout à faire en sorte qu'elle devienne facteur de décision et d'action.

Dès lors, trois aspects du management de l'information dans la démarche de l'intelligence économique et de la veille informative doivent être pris en considération :

- d'une part, la quête de l'information pertinente qui renvoie aux notions de veille, de vigilance ou de surveillance de l'environnement et qui peut nécessiter soit la mobilisation d'experts aptes à cerner les contenus informationnels significatifs, soit le recours à des outils et méthodes spécifiques (scientométrie, bibliométrie,...), soit encore le soutien de toute une infrastructure de gestion de l'information et de la documentation avec appel à des professionnels qualifiés ; on pourrait désigner cette phase comme celle de l'observation et de l'écoute ;

- d'autre part, le traitement de cette information qui implique de donner du sens aux apparences informationnelles, des suites de " bits " n'ayant pas de sens en dehors de leur mise en perspective dans un contexte donné ; pour cette phase que l'on pourrait désigner comme celle de la compréhension et de l'interprétation, il est indispensable de disposer de structures ad hoc au sein de l'entreprise ou de l'organisation concernée capable d'assimiler et d'interpréter l'information recueillie comme on peut aussi faire appel à des experts pouvant fournir une vision synthétique de la situation étudiée ;

- enfin, et c'est finalement le plus important, l'intégration de l'information interprétée dans les processus de décision et d'action de façon à se déterminer de façon opportune et pertinente ; cette phase, celle de l'intégration-décision, suppose une réelle sensibilisation du décideur à l'intelligence économique, une démarche aussi de communication (à différents niveaux et pour divers groupes d'acteurs ciblés) et une bonne structure de décision autour de l'information (management par l'information ou encore " management informé ") .

A ces trois facettes principales de la veille informative et de l'intelligence économique, doit être ajouté un dispositif d'accompagnement visant à assurer une implication de tous les acteurs concernés dans le processus, à les sensibiliser, à les former, à faire aussi exprimer des attentes et des besoins, à faire apprécier ou évaluer les résultats de la veille (rétroaction). On pourrait appeler cette composante complémentaire le pilotage-accompagnement de l'action de veille. Il est clair que l'on peut être tenté de faire de l'intelligence économique (ou de la veille informative) comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Et c'est peut-être la tendance majoritaire des cadres dirigeants des entreprises et organisations françaises (comme ce fut le cas pour la qualité et d'autres démarches comme le value management ou le marketing). La compréhension de ce que représente vraiment le management de l'information dans l'entreprise n'est généralement pas bonne, en France notamment (ce qui renvoie à un problème de formation des élites dirigeantes). Ainsi verra-t-on telle ou telle entreprise décider de créer une fonction " veille " ou " intelligence économique " sans se rendre compte qu'une large part du travail à faire pourrait être réalisé par des structures ou professionnels de l'information en place dans la maison, souvent très compétents ... et bien informés ou encore sans vraiment impliquer les divers acteurs de l'entreprise dans l'action de veille.

Rigueur méthodologique et professionnalisme autour de l'information et de la documentation sont indispensables pour un bon développement de l'intelligence économique et de la veille informative. C'est ce qui a conduit trois associations professionnelles à produire et diffuser un guide pour définir les prestations de veille et les spécifications et exigences contractuelles minimales (ADBS - " L'Association des professionnels de l'information et de la documentation " -, SCIP-France - " Association pour la promotion de l'intelligence économique " - et SYNAPI, - Syndicat national des prestataires et conseils en information "-).

Il est intéressant de souligner le fait que des éléments de méthodologie de l'intelligence économique sont désormais systématiquement introduits dans les formations initiales et continues des professionnels de l'information et de la documentation de façon à mieux orienter ceux-ci vers ce besoin nouveau exprimé par les entreprises. Des programmes spécifiques de formation se développent avec succès ici ou là : Universités de Marne-la-Vallée, d'Angers, de Nancy ou de Marseille, Pôle Léonard de Vinci à Nanterre, INTD et DESS de Sciences-Po à Paris,...). Cette tendance témoigne bien de la volonté de fonder l'intelligence économique de demain sur des bases professionnelles solides. De même tente-on (mais encore souvent en vain) de systématiser la sensibilisation et la formation des cadres dirigeants à un meilleur management de l'information au sein de l'entreprise ; sans cette culture informationnelle adulte, l'intelligence économique risque de n'être qu'une façade ou un alibi bien peu efficace.

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4 - LA VEILLE INFORMATIVE : QUE VISE-T-ELLE ?

Au-delà des gestes techniques qui composent la veille informative, il peut être intéressant de se demander à quoi peut servir cette démarche, quelles grandes fonctions de service elle assure et quel outils elle mobilise en conséquence. Il est difficile d'établir une liste exhaustive de ces fonctions, chaque institution devant définir ses propres objectifs de veille. Une entreprise pharmaceutique peut avoir des objectifs très précis et ambitieux pour la mise en place d'un dispositif de veille technologique (anticiper les choix de la concurrence, par exemple) alors qu'un établissement d'enseignement supérieur se limitera à des fonctions de veille plus modestes visant à développer une certaine culture collective sur des sujets le concernant.

On peut, à titre d'exemple, distinguer de grandes composantes fonctionnelles comme :

- aider à décider dans des choix à court terme ;

- orienter au mieux les travaux et les investissements à moyen et long terme ;

- tenir en alerte (capacité de réactivité) les forces vives de l'institution ;

- développer une compréhension des évolutions de l'environnement ;

- contribuer à une culture d'entreprise pour assurer des progrès collectifs ;

- etc.

Il importe de bien déterminer au départ les objectifs et grandes fonctions de la veille informative que l'on veut mettre en place, d'où le vocable utilisé de veille informative finalisée. Le risque est grand, en effet, de se lancer à corps perdu dans des démarches de veille institutionnelle lourde et de se précipiter sur des choix de solutions techniques (outils de bibliométrie ou technologies dites "push" par exemple) qui n'apporteront, en fait, aucune réponse satisfaisante aux besoins de l'organisation, des individus ou des groupes.

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5 - LES MODALITES PRATIQUES DE LA VEILLE INFORMATIVE

A partir de cette dernière remarque, il est possible distinguer plusieurs façons d'aborder la question de la veille informative et de son organisation pratique.

a) Selon l'orientation générale des axes d'écoute ou d'observation

- une veille environnementale externe, avec regard périphérique: on observe et interprète les évolutions de plusieurs composantes de l'environnement extérieur à l'institution à travers ce qu'en disent les divers vecteurs d'information et de communication (mettre le nez à la fenêtre, " surfer judicieusement sur le Net ",...) ;

- une veille plus axée sur l'analyse des pratiques constatées des clients et concurrents de l'institution et constituée des observations remontant du terrain et des acteurs de l'institution (agréger de multiples observations remontant du terrain).

b) Selon les termes ou objectifs de la veille

- la veille-alerte dont l'horizon temporelle est le court terme ; on pourrait par exemple mentionner ici la veille concurrentielle (pour des produits), la veille boursière, la veille parlementaire ; la fonction de ces types de veille-alerte à court terme est d'aider à la prise de décision réactive à très court terme ;

- la veille à moyen terme relative aux évolutions de la clientèle (veille sur les comportements, pratiques ou usages) ou des partenaires ou concurrents (institutions) ;

- la veille-prospective recherchant la compréhension des phénomènes sur la longue durée (tendances lourdes, faits porteurs d'avenir) ; ce type de veille-prospective doit être nettement démarquée de la futurologie ; elle s'appuierait plutôt sur des analyses sociologiques et historiques ; ce type de veille-prospective concerne la stratégie et peut accompagner la culture et le projet d'entreprise.

c) Selon les degrés de focalisation

- la veille orientée, pilotée, avec détermination préalable d'un tableau de bord de thèmes focaux à surveiller (ou facteurs critiques) ;

- la veille non-orientée, non-dirigée thématiquement, visant à l'écoute du bruit de fond, au recueil des signaux faibles (rapports d'étonnement,...).

d) Selon les destinataires des résultats de la veille

- la veille centrée sur les besoins d'une direction générale (veille plutôt stratégique) ;

- la veille alimentant les directions plus techniques ou opérationnelles, dans des champs de spécialisation plus affirmés (veille tactique et opérationnelle) ;

- la veille alimentant les cadres techniques et les acteurs de terrain et contribuant à éveiller leur curiosité professionnelle (le bain informationnel de conditionnement).

e) Selon les objets ou domaines de la veille

- la veille stratégique, qui scrute tout ce qui a trait aux grands concurrents de l'entreprise et à leur positionnement sur les marchés et aussi aux facteurs de transformation de l'environnement ;

- la veille technologique qui suit de près les évolutions en matière de recherche, de R&D, de brevets et qui s'appuie aujourd'hui fortement sur des outils de traitement avancé de l'information (bibliométrie, scientométrie) ;

- la veille commerciale qui s'intéresse aux produits mis sur le marché, à leur prix, à leur packaging, etc. ;

- la veille juridique et réglementaire, importante dans nombre d'institutions nationales ou internationales qui ne veulent pas " se faire avoir " par l'adoption d'un texte nouveau de loi ou qui veulent pénétrer, en toute légalité, des marchés étrangers soumis à régles nationales contraignantes ;

- la veille socioculturelle dégageant les grands déterminants des comportements (sociostyles et pratiques sociales de terrain notamment) de divers groupes d'acteurs (consommateurs, citoyens, jeunes, sectes,…) ;

- et d'autres natures de veille liées à l'émergence de nouveaux marchés (dans le domaine de l'infoconnaissance par exemple).

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6 - LES PRINCIPAUX OUTILS DE LA VEILLE INFORMATIVE

La veille informative ne se fait pas en mettant seulement le nez à la fenêtre de l'entreprise. Il faut investir de l'énergie, du temps, de l'argent, recourir à des moyens les plus divers.

a) Les moyens humains

Ce sont bien sûr les plus importants et il faut envisager ici les individus comme les groupes. On peut distinguer plusieurs natures d'acteurs :

- les personnels de l'entreprise ou de l'organisation : chacun contribue à sa façon à l'écoute des évolutions de l'environnement et chacun passe en permanence 30% de son temps à traiter de l'information ; on considère désormais que l'information est une fonction partagée, collective, au sein des organisations, chacun étant, à son niveau, responsable et impliqué dans la veille informative ;

- les professionnels de l'information et de la documentation : c'est leur métier que de collecter et mettre à disposition des informations utiles ; ils connaissent les sources utiles et sont capables de mobiliser les ressources externes à l'entreprise ; ils leur faut toutefois changer leur façon de concevoir leur rôle et donner plus de sens stratégique et de finalisation managériale et décisionnelle à leur action ;

- les spécialistes ou experts de la veille (sous-catégorie du groupe précédent ou nouveau groupe émergeant, selon les cultures informationnelles des organisations concernées) qui peuvent animer des dispositifs de veille, utiliser des outils avancés (réseaux, bibliométrie,...) ou devenir des "agents intelligents" ;

- les réseaux de collecte (internes ou externes), les partenaires, les acteurs indirects de la veille ; la dimension " réseau " est essentielle pour assurer une bonne veille informative et le développement de la nouvelle société de l'information renforce cette tendance au point de brouiller sérieusement les traditionnels territoires de jeu des acteurs (cf. Colloque TRANSinfo 98 : " L'effet réseau : impact sur les entreprises et les organisations ") ;

- enfin l'échelon directionnel qui doit s'impliquer fortement dans la mise en place d'un dispositif de veille et qui en est aussi l'un des bénéficiaires privilégiés.

b) Les ressources informationnelles et documentaires

Elles sont pléthoriques, de plus en plus abondantes, diversifiées et ouvertes, et surtout mondiales ou mondialisées. Il faut savoir identifier les plus pertinentes et faire les meilleurs choix économiques. Il est courant désormais de distinguer des ressources existant au sein même de l'entreprise ou des ressources qui n'existent qu'à l'extérieur de l'organisation. Une bonne veille informative commence déjà par une capitalisation intelligence de ce dont dispose l'entreprise en interne, mais qui reste assez souvent en jachère. Quant aux sources externes, elles explosent littéralement sous la déferlante Internet et des réseaux électroniques, ce qui nécessite désormais de nouvelles approches professionnelles de sélection et de qualification de l'information pertinente.

On peut encore classer ces ressources selon la nature de supports qu'elles requièrent pour leur manipulation (sources écrites, orales, électroniques,...). Par rapport à la démarche traditionnelle de documentation, on peut nettement affirmer que la veille informative élargie, l'intelligence économique et la veille stratégique font feu de tout bois et ne s'embarrasse pas de telles considérations technico-maniaques sur les natures des supports des informations. Tout au plus, pourrait-on mentionner ici l'importance de bien qualifier les sources en questions selon le degré de formalisme, d'authentification et de confiance qu'on peut leur accorder. Des conférences ou séminaires en passant par les bases de données ou le réseau Internet, des collèges invisibles aux rapports d'étonnement en passant par les revues spécialisées, les sources d'information et de documentation constituent un véritable hyper-espace (cyber-espace dans sa version électronique) au sein duquel il va falloir savoir naviguer.

c) Les ressources méthodologiques et technologiques

Dès lors que l'on veut aller plus loin que la simple cueillette de l'information, il faut se doter de moyens nouveaux, de nature soit méthodologique (modalités d'organisation de la veille), soit technologique (ingénierie du traitement de l'information, intelligence artificielle, bibliométrie et scientométrie,...). Le rôle des réseaux électroniques est aujourd'hui fondamental dans la veille informative et des outils comme Internet, avec certaines technologies nouvelles de type " push " amène à un nouveau regard sur les processus de transfert et d'intégration de l'information au sein des institutions.

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7 - UNE DEMARCHE DE CONDUITE DE PROJET AUTOUR DE LA VEILLE

La mise en place d'un dispositif de veille informative structurée dans une entreprise ou organisation nécessite que soient respectées plusieurs conditions :

- décider de la mise en place d'un tel dispositif au niveau décisionnel ou hiérarchique le plus élevé possible, de façon à se donner les moyens de réussir ;

- mobiliser les individus et les divers groupes de l'institution, les impliquer dans le processus et dégager un noyau de partenaires les plus motivés par l'idée de la veille ;

- penser à mettre en place un comité de pilotage de la veille informative (en plus de réseau de collecte) ;

- s'appuyer systématiquement sur les entités documentaires ou structures d'information existantes, en leur confiant la réalisation de telle ou telle partie de la veille informative ;

- associer si nécessaire des experts ou partenaires extérieurs (sociologues, collègues étrangers, ...) ;

- ne pas hésiter à faire appel à des stagiaires de certaines formations spécialisées qui peuvent aider à collecter l'information, la traiter, en assurer les meilleures synthèses.

La veille informative est une activité qui devient incontournable dans un environnement de plus en plus international, dans un monde de plus en plus ouvert et dans une société de l'information rendue possible par le développement de puissantes infrastructures ou autoroutes de l'information. C'est la raison pour laquelle elle doit être correctement pilotée aujourd'hui et doit s'intégrer dans un management global de l'information et de la compétitivité au sein des entreprises ou organisations, d'où l'importance du couplage des actions de veille avec des démarches telles que l'analyse de la valeur (ou management par la valeur).

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8 - QUELQUES REFLEXIONS COMPLEMENTAIRES ET PRECEPTS UTILES

a) L'importance et la nécessité d'une approche à moyen et long terme.

La veille informative (intelligence économique, veille stratégique,…) est un investissement à faire et à maintenir sur une longue durée (5 à 10 ans) pour qu'elle soit réellement efficace.

b) La mobilisation des individus, de leurs connaissances et compétences

Ce sont les hommes qui constituent les institutions et qui font vivre l'information. Contrairement à une vision trop étroitement manufacturière ou mercantile de " l'industrie de l'information ", l'information n'est pas un objet, pur bien de consommation : elle est essentiellement un échange et un partage de représentations mentales. L'information, comme la connaissance, est le propre de l'homme pensant et agissant.

c) Le rôle essentiel du médiateur informationnel, " gate keeper ".

Observateur, électron libre, polyvalent, navigateur sur les réseaux, placé au bon endroit, ayant la confiance de la hiérarchie, ouvert sur un vaste monde, sachant comprendre les besoins de ses clients, cette personne pivot, carrefour de flux d'informations complexes, est le facilitateur des processus informationnels et de leur intégration dans la décision.

d) L'importance de la participation à des réseaux ouverts.

La veille informative efficace ne peut pas se contenter d'approches réductionnistes trop rationnelles ; elle se nourrit de la richesse des échanges dans des réseaux ouverts, se recoupant, se contrariant. Il est essentiel de connaître et pratiquer les réseaux utiles, les personnes ressources, les canaux d'information privilégiés, etc.

e) La nécessité du décentrement et du changement de posture

La veille implique de s'ouvrir aux autres, de dépasser l'hexagonalisme étroit et frileux, d'accepter l'hégémonie de la langue anglaise tout en ne se limitant pas à ce seul véhicule de l'information utile. La veille efficace suppose écoute et acceptation, intelligence des différences socioculturelles, décentrement des perspectives, intégration de la variété.

f) S'impliquer dans le travail avec les autres.

On n'obtient que si l'on donne. Il faut savoir être aux commandes quand il le faut, créer les évènements qui font sortir l'information, stimuler la production (émergence) d'information utile quand celle-ci tarde à apparaître sur les vecteurs formels classiques.

g) Pour une veille "communicante"

Savoir traduire, vulgariser, faire passer les messages, convaincre les sceptiques, bien maîtriser la conception et la réalisation des produits de diffusion : il n'y a pas de veille informative efficace sans une démarche forte de communication, d'explication et de vulgarisation, en accompagnement. L'information, la plus riche soit-elle, qui reste enfermée dans la tête d'un seul homme, sans aucune possibilité d'imprégnation d'autres personnes dans l'organisation, cette information-là n'a aucune valeur économique et sociale.

h) Un étonnement permanent et une créativité fertile

Rester en permanence ouvert à toute sollicitation nouvelle, rester créatif, prêt à fertiliser toute idée nouvelle, savoir mettre en relation : la veille informative est forcément synonyme de créativité et d'innovation, elle ne peut pas rester pure compilation de données, de faits ou de textes ; elle est une combinatoire permanente de possibles à fusionner ou à mettre en interaction.

i) La culture informationnelle moderne et la culture "réseaux"

Bien maîtriser les techniques avancées de l'information et de la documentation, se brancher résolument sur les réseaux électroniques, c'est une évidence, mais il convient d'en souligner aujourd'hui l'importance. Il faut acquérir la culture " réseau ", maîtriser les processus de l'information permanente, vivante, jongler avec les ressources de l'Internet et des réseaux électroniques et savoir exploiter à fond les possibilités offertes par les TIC (traitement de texte avancé, messagerie électronique, forums électroniques, navigation sur la Toile et diverses technologies " push " ou " pull " de management de l'information utile.

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