FORMATION A LA DOCUMENTATION,

CULTURE DE L’INFORMATION,

NOUVELLES PERSPECTIVES PEDAGOGIQUES

JM320

Jean MICHEL

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In Les Cahiers de l'ISP (Institut Supérieur de Pédagogie) n°30 - Information et Documentation - Enjeux et Formation - 2000, pp. 8-21

PLAN

Introduction

La formation à la documentation : 20 à 30 années d'expériences variées

L'information-documentation (ID) au cœur d'une nouvelle société de l'immatériel

L'impact des nouvelles technologies de l'information

Nouvelles pratiques sociales autour de l'information, nouvelles exigences éducatives

Vers une culture de l'information : inventer, expérimenter, capitaliser, échanger

Introduction

La formation à la documentation : une mode ou une nécessité ? Une marotte de quelques bibliothécaires ou documentalistes en quête de reconnaissance ou une nouvelle façon de penser l'éducation dans la perspective d’un développement de l’auto-formation? Sans doute, tout cela en même temps, mais une chose est sure, c'est que les jeunes que nous formons aujourd'hui dans nos établissements d’enseignement, dans nos écoles et universités seront bien des acteurs à part entière d’une nouvelle société de l'information et de la connaissance que nous commençons à voir émerger. Ils en seront des citoyens responsables et efficaces, à condition toutefois de les avoir sensibilisés et préparés à jouer ce rôle. Tout l'enjeu de la formation à la documentation est là. Au delà des apprentissages élémentaires de quelques principes essentiels (savoir se documenter), c’est bien un bien un objectif de transformation en profondeur des rapports à l’information et au savoir qui est visé et qui conduit à parler désormais du développement d’une culture de l’information.

Pour bien comprendre la nécessité de la formation à la documentation, une analogie intéressante peut être faite avec le développement de la maîtrise des langues vivantes. S'il est vrai qu'il existe des professionnels de la médiation linguistique (interprètes, traducteurs) dont on peut difficilement se passer dans certaines circonstances, il est tout aussi évident que tout un chacun doit maîtriser un minimum de connaissances et de compétences linguistiques dans une société contemporaine ouverte et de plus en plus internationale. Il faut bien sûr former, au plus haut niveau, des professionnels des usages des langues mais il indispensable de donner dans le même temps un certain niveau d'autonomie dans le maniement des langues à des cohortes d'individus qui auront à voyager, commercer, échanger des informations dans un contexte de mondialisation des économies. Pour l'information et la documentation, ou information-documentation (ID), on en est arrivé au même point aujourd'hui. Comme pour les langues, l'information-documentation est à la fois une affaire de professionnalisme (assurer des médiations fondées économiquement) et de citoyenneté (devenir citoyen au quotidien de la société de l'information). S’il est indispensable de recourir à des professionnels convenablement formés dans certaines situations, il est tout aussi important aujourd’hui de donner à chacun le bagage suffisant lui permettant d'être acteur autonome de la société de l'information, dans le but de mieux apprendre et d’assurer son propre développement personnel permanent comme dans celui d’exercer pleinement et efficacement son métier.

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La formation à la documentation : 20 à 30 années d’expériences variées

La problématique de la formation à la documentation dans les établissements d’enseignement n’est pas vraiment une nouveauté et nombreuses sont les expériences et réalisations faites sur ce terrain depuis une bonne trentaine d’années. Des actions d’envergure nationale ont été menées sur ce terrain avec l’aide des pouvoirs publics comme se sont multipliées au cours des deux dernières décennies les initiatives visant à procéder à des comparaisons internationales.

Dans le cas de la France et pour illustrer cette affirmation, il peut être intéressant de rappeler l'effort entrepris depuis plusieurs années pour mettre à disposition des enfants les indispensables outils d'accès à l'information à travers les CDI, Centres d'Information et de Documentation, développés dans les divers collèges et lycées. Des professionnels de l’ID avec un statut de formateur y assurent des actions de sensibilisation à l'information. La plupart des CDI sont aujourd'hui bien équipés en matière de nouvelles technologies numériques et d'accès aux réseaux ce qui permet le développement d’expérimentations intéressantes autour des usages pédagogiques d’Internet. Les publications relatives à ces démarches innovantes sont désormais abondantes et on ne peut que renvoyer à leur consultation pour mesurer les progrès accomplis en une bonne vingtaine d’anneés.

Une autre démarche de formation à la documentation - la formation à l'information spécialisée ou encore formation à l'IST (information scientifique et technique) - a connu quelques développements intéressants dans différents pays, notamment en France, depuis les années 75-80. Ainsi au niveau des études universitaires a été constitué un réseau d'entités spécialisées dans la formation à l’IST, les URFIST (Unités Régionales pour la Formation à l'Information Scientifique et Technique). De telles structures conduisent des programmes de sensibilisation et de formation, notamment pour les étudiants des premiers cycles universitaires. Orientées dès leur origine sur l'accès aux bases de données, les URFIST se tournent assez naturellement aujourd'hui vers les ressources disponibles via Internet. Dans un secteur particulier de l'enseignement supérieur (les études d'ingénieurs), de nombreuses expériences ont été réalisées depuis une vingtaine d'années à l'initiative de la Conférence des Grandes Ecoles. De telles démarches de formation des étudiants futurs ingénieurs se sont largement multipliées dans de nombreux pays au cours des 15 à 20 dernières années, avec des approches très diversifiées ; la Fédération Mondiale des Organisations d'Ingénieurs (FMOI) a du reste réalisé un guide méthodologique publié par l'UNESCO à partir de ces formations documentaires dans ce domaine de l'enseignement supérieur.

Plus récemment émergent de nouvelles expressions comme celle de culture de l'information ou infoculture, alors que les spécialistes du monde anglo-saxon évoquent aujourd'hui le besoin de développer une véritable "mediacy" face à la généralisation du document numérique et des usages des réseaux électroniques. Une réalisation symptomatique de cette tendance consiste en la réalisation d'un cours électronique "EDUCATE" (aujourd'hui diffusé sur Internet sous l'appellation Into-Info) de sensibilisation et de formation à l'information scientifique et technique. Ce cours élaboré dans le cadre d'un programme de l’Union Européenne est l'oeuvre d'un consortium de six grandes universités européennes. Basé sur un usage systématique d'Internet, ce dispositif d’autoformation présente la caractéristique d'être à la fois un outil et une ressource pédagogiques (des contenus précisément définis, des cheminements bien étudiés) et aussi un instrument d'orientation vers les sources utiles.

On pourrait encore souligner, pour la France, les efforts faits depuis cinq ans environ, par l'interassociation ABCD des archivistes, bibliothécaires, documentalistes et autres professionnels de l'information, pour le développement d'une culture de l'information en liaison avec des responsables de diverses grandes universités. Plusieurs manifestations nationales ont permis d'attirer l'attention des pouvoirs publics et des professionnels et un manifeste a été rédigé et diffusé. Des publications ont aussi permis de faire ressortir diverses tentatives visant à "brocher longitudinalement" diverses actions de formation à la documentation (voir notamment "Un passeport documentaire de l’école à l’université : de la BCD au CDI et à la BU", ouvrage coordonné par Simone Brunel-Bacot). Au plan international, d’autres initiatives se sont multipliées ces dernières années comme par exemple la création de la liste électronique francophone EDUDOC qui permet désormais un échange continu d’expériences et de points de vue sur la question.

Mais la formation à la documentation et le développement de la culture de l’information ne se limitent pas à la seule initiation réalisée au niveau du CDI ou faite lors de l'entrée de l'étudiant à l'université. Nombreux sont les spécialistes qui pensent qu’il convient de multiplier les actions tout au long de la vie professionnelle et inscrire celles-ci sur la longue durée. On peut aller jusqu'à parler d'une formation continuée, dispensée pendant la carrière et concernant des professionnels en exercice devant être sensibilisés ou formés à certains aspects particuliers de la documentation (intelligence économique, capitalisation des savoirs, propriété industrielle, propriété intellectuelle et droit de l’information, etc.). De multiples initiatives sont prises dans ce sens tant par des organisations professionnelles (ingénieurs, médecins, …) que par les entreprises elles-mêmes (industries pharmaceutiques, chimiques,…).

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L'information-documentation (ID) au cœur d’une nouvelle société de l'immatériel

S’informer, se documenter, constitue une pratique humaine naturelle qui remonte aux temps les plus reculés de l'humanité. Le développement de l’ID en tant que ressource utile est indissociablement lié à l'essor des études et de la recherche dans les 30 à 40 dernières années. Les centres de documentation, les grandes bases de données scientifiques et techniques, les traditionnels produits documentaires sont nés de la volonté des hommes de repousser le plus loin possible les frontières de la connaissance et donc de la nécessité de disposer des meilleures bassins de documents, d'informations et de connaissances pour résoudre les problèmes posés.

Les évolutions dans le domaine de l’ID ont été réellement exceptionnelles au cours des vingt dernières années, la révolution Internet constituant la plus étonnante de ces transformations. Derrière ce constat, une réalité évidente : les hommes, et la société ne peuvent vivre et se développer sans échanger de l'information. Cela est d'autant plus vrai aujourd'hui que nous sommes entrés dans une véritable société de l'immatériel. Le besoin d'information-documentation est manifeste, plus fort que jamais, à un moment où les diverses communautés humaines sont de plus en plus interdépendantes du fait de de nouvelles solutions technologiques rendant plus aisé l'accès à la connaissance et aux informations utiles et cela à un niveau réellement planétaire.

L’ID est pleinement à l'oeuvre dans les dispositifs de formation. Elle l'est à l'évidence dans le rôle essentiel que jouent les bibliothèques et les diverses structures documentaires dans l'accompagnement de l'enseignement. Nombre de resposnables s’interrogent actuellement sur la nécessité de créer des centres de ressources documentaires et éducatives pouvant servir d’infrastructure au développement de nouvelles pratiques d’auto-formation. Peut-on parler raisonnablement d'enseignement à distance (ou d’écoles ou universités virtuelles) aujourd'hui sans évoquer l'indispensable dispositif de ressources documentaires et pédagogiques à mobiliser et sans avoir préparer les apprenants à savoir les utiliser? L’ID est aussi présente dans les diverses pratiques professionnelles allant de la recherche (de la veille technologique aux plus classiques investigations documentaires), à la conception de projets techniques en passant par la démarche qualité ou encore le management stratégique (besoin d'intelligence économique). Dans le même temps, la part de la ressource informationnelle incorporée dans les produits mis sur le marché ne cesse de croître, le coût de la matière grise ainsi figée dans les objets produits par l'homme surpassant de très loin celui du matériau lui-même.

On pourrait avoir tendance, pour simplifier la réflexion, à limiter les contours de cette information-documentation à ce que l'on connaît bien, à savoir l'IST, les ressources traditionnelles des centres de documentation ou encore le marché des bases de données et des cédéroms spécialisés. En fait l’ID est quelque chose d'infiniment plus riche et de profondément multiforme, tentaculaire, caméléonesque. Pour l'entreprise, pour le chercheur, pour l'étudiant, pour l'individu, l'information se trouve sur des supports traditionnels comme le papier (livres, revues,...) mais est de plus en plus accessible via des vecteurs électroniques ou numériques, disponible sur place ou à distance. L’ID est à la fois bibliothèque, base de données, revue spécialisée, site Web, forum électronique ou système de group-ware comme elle peut être à la fois gisements d’écrits structurés et flux d’informations fugaces transitant via les messageries électroniques. Elle est la ressource clé de l'intelligence économique ou de la veille technologique ou stratégique, la substance essentielle des systèmes d'information géographique ou encore l'arrière-plan incontournable de tout dispositif d'archivage électronique. Elle est encore le fondement des nouveaux dispositifs de capitalisation des savoirs et des démarches de "Knowledge Management" dont on parle beaucoup dans les congrès spécialisés aujourd’hui.

Dès lors, la formation à la documentation et le développement de la culture de l’information doivent impérativement faire prendre conscience aux personnes concernées (élèves, étudiants, enseignants, acteurs de l'entreprise, etc.) de l'extraordinaire potentiel de cette ressource immatérielle inépuisable qu’est l’ID. Elles doivent aussi en révéler l'impressionnante et très riche complexité comme sa profonde fécondité.

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L'impact des nouvelles technologies de l'information

Le développement rapide, explosif, des nouvelles technologies de l'information au cours des dernières décennies aboutit aujourd'hui à une sorte de rupture de pente dans l'évolution de nos sociétés et plus nettement encore dans les pratiques d'information-documentation.

La généralisation de la microinformatique conduit à une banalisation d'un outil qui devient et deviendra plus encore la machine domestique ou professionnelle la plus proche de l'homme, son indispensable prolongement dans la pensée et l'action. La numérisation généralisée des données et des documents facilite les opérations de traitement, de diffusion, d'exploitation de l'information (au delà des traditionnelles barrières de formats ou de standards) et en réduit considérablement leur coût. Les capacités accrues de stockage de ces données numérisées et le développement des réseaux à haut-débit conduisent à de nouvelles perspectives pour l'archivage, la diffusion et la valorisation de nos pensées et de nos travaux. Les réseaux de télécommunications et leurs performances de plus en plus exceptionnelles, qu'ils soient matériels (réseaux de téléphone, fibre optique,...) ou plus immatériels (transmission par satellites, téléphonie cellulaire,...), renforcent l'interdépendance des diverses sociétés et contribuent largement à de nouvelles structures d'association ou de coopération.

Le couplage des diverses technologies précédentes, notamment les réseaux d'interconnexion des ordinateurs et l'interopérabilité de ces réseaux, constitue sans doute le fait majeur qui permet de parler aujourd'hui de société de l'information. Le phénomène Internet est sûrement l'événement le plus marquant de cette fin de millénaire. Paradoxalement son succès est moins dû à l'invention d'une nouvelle technique qu'à la force d'une formidable innovation socio-économique et sociétale qui permet le développement d'une véritable socio-intelligence à l'échelle planétaire.

Les nouveaux langages structurés (SGML, XML), l'hypertexte et les outils d'ingénierie linguistique (agents intelligents de recherche, interfaces utilisateurs-machines,...) conduisent à des progrès substantiels dans la convivialité des dispositifs techniques et dans la consultation de volumes considérables de données, quelles qu'en soient leurs origines, leurs langues, leurs formats. De nouvelles logiques de mises en relation des documents entre eux apparaissent qui elles-mêmes renvoient à de nouvelles possibilités de relier les hommes entre eux.

La formation à la documentation est directement concernée par l'existence et par l’impact de ces nouvelles technologies de l'information. Celles-ci par leur caractère attractif, voir ludique, contribuent sûrement à la motivation des personnes à former (les jeunes générations notamment). Elles constituent bien évidemment aussi des modalités incontournables pour l'accès à de nombreuses sources d'information et il importe de former les individus et les groupes à leur usage efficace. Enfin, elles peuvent même être utilisées comme vecteur de formation, comme le montrent bien certaines réalisations récentes (projet EDUCATE ou Into-Info par exemple). En même temps, la surabondance de l’information accessible via les nouveaux réseaux électroniques oblige à repenser ces formations ou sensibilisations à la documentation en attirant désormais l’attention des personnes sur le nécessaire questionnement critique autour ce cette information-documentation circulante et là, la formation à la documentation devient véritablement acte d’éducation.

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Nouvelles pratiques sociales autour de l'information, nouvelles exigences éducatives

Les nouvelles technologies rendent désormais possible et aisé l'accès à l'information, tant en volume de données mis à disposition, qu'en spectre ou diversité de cette information ou encore en origines des sources émettrices. Toutefois cette apparente et subite surabondance peut engendrer aussi beaucoup de nuisances qu'il faudra apprendre à maîtriser (diffusion d'informations non pertinentes, manipulations indélicates, saturation des réseaux, ...).

Les technologies conduisent aussi l'individu à être réellement à la fois utilisateur et producteur d'information, la communication n'étant désormais plus strictement unidirectionnelle (en jouant sur un néologisme franglais, on pourrait dire que tout individu devient ou redevient un "produser" ou "produsant"). L'interactivité des nouveaux systèmes d'information est bien au coeur de la mutation en cours. Mais la libre expression sur les réseaux peut vite se transformer aussi en cauchemar suite à des usages illicites des réseaux ou à des démarches non contrôlées de prosélytisme abusif.

Le nouvel environnement engendré par les nouvelles technologies est celui de l'ouverture des frontières, de l'internationalisation et de la mondialisation des échanges d'information. Le nouveau village global mondial devient peu à peu notre référentiel et l'information numérique circulant sur les réseaux crée les conditions de nouvelles formes de créativité. Mais le risque est grand aussi de voir s'instaurer de regrettables situations de dépendance vis à vis de nouveaux monopoles sur la diffusion de l'information.

Enfin il est intéressant de constater l'intégration plus poussée de ces nouvelles ressources informationnelles dans les différentes pratiques humaines, professionnelles ou non. Ainsi apparaissent de nouvelles modalités de travail (télétravail), de même que se multiplient de façon symptomatique les formules d'enseignement et de formation à distance ou d'autoformation (la thématique des universités virtuelles est en train de devenir une préoccupation majeure de l’enseignement supérieur). De véritables innovations sociales émergent encore en matière de téléassociations, de clubs virtuels, de collaboratoires ou de collecticiels d'apprentissage et de recherche, avec en arrière-plan la constitution de véritables "forums de connaissances et d'information-documentation".

Dans ces conditions, la formation à la documentation doit impérativement mettre l'accent sur le rôle des acteurs (citoyens ou professionnels) face à l’ID. Une chose est d'apprendre le maniement des outils documentaires, la recherche et l'exploitation optimales des ressources informationnelles, mais plus important encore est la préparation des personnes (notamment des jeunes) à produire et diffuser de l'information de qualité, à savoir partager et valoriser collectivement l'information et à développer une réelle créativité, tant individuelle que collective, autour de l'information-documentation.

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Vers une culture de l'information : inventer, expérimenter, capitaliser, échanger

La formation à la documentation doit résolument aller au delà de ce qu'on appelle traditionnement dans les bibliothèques, la formation des utilisateurs ("user education", voire même "user instruction"), vocable qui dénote bien souvent d'une réelle et profonde incompréhension de la part des professionnels de la documentation de ce que représente la société de l'information. Cette formation spécifique ne peut pas être purement instrumentale ; elle ne peut plus se concevoir comme un placage de petits savoirs ou savoir-faire relatifs à la consultation de fichiers de bibliothèques (avec ou sans recours aux équations booléennes). La formation documentaire est une réelle composante d'une éducation de la personne, futur professionnel et citoyen.

Les actions de sensibilisation ou de formation doivent viser différents objectifs. Il faut d'abord amener les personnes concernées à percevoir et à comprendre ce qui est en train de se passer, identifier les éléments constitutifs de ce nouveau monde complexe et en forte évolution de l’ID. Il faut ensuite leur faire comprendre les grands mécanismes propres de l’ID, les amener à être capable d'appréhender ce monde sans le craindre, sans le fuir, donc à en vouloir en devenir des acteurs-citoyens. Il est évident aussi qu'il faut très vite parvenir à faire maîtriser un minimum de savoir-faire, relatifs notamment aux outils, ressources et techniques de base de l’ID et plus encore les méthodologies qui président à la production, au traitement, à la diffusion ou à la recherche de l'information. Il devient alors rapidement nécessaire d'aider les personnes en formation à acquérir des aptitudes nouvelles et des compétences plus spécialisées, être capable de jongler avec les nouveaux outils, savoir donner du sens à l'information manipulée, comprendre les contextes où cette information s'exprime. Il faut enfin que ces personnes deviennent des acteurs à part entière du système d'information, qu'elles soient capables d'intervenir pour le modifier ou pour créer et diffuser de nouveaux objets informationnels.

Pour atteindre les objectifs visés et pour aller dans le sens d'une formation pertinente, efficace et durablement reconnue, il faut libérer un maximum d'énergies. Il faut inventer les solutions quand elles n'existent pas. Il faut oser expérimenter. Il faut surtout assurer une capitalisation des expériences, tout en permettant un très large échange d'idées sur ce thème.

La formation à l'information-documentation nécessite l'implication de nombreux acteurs, enseignants des diverses disciplines traditionnelles comme professionnels bibliothécaires, documentalistes. Elle doit viser à l'intégration de la démarche dans les cursus de formation, se penser comme une action structurelle de longue durée, s'inscrire dans un véritable projet pédagogique qui peut et doit conduire à redéfinir la formation même des individus et des groupes.

Plusieurs écueils doivent être évités. Les démarches mettant exclusivement l'accent sur les outils ou instruments documentaires comme les formations alibis qui visent à justifier l'existence de corporatismes professionnels étroits n'ont aucun intérêt et aucun avenir. Les formations qui restent centrées sur la seule "offre documentaire" ne sont guère plus satisfaisantes, l'essentiel étant de redonner la priorité à l'expression par l'individu de son besoin d’information (comme aussi au développement des potentialités de la personne en matière de production et de diffusion de l'information de qualité). Il faut surtout éviter de s'enfermer dans des démarches trop rationalisantes ou trop "normatives" aussi, et privilégier au contraire l'ouverture, la flexibilité, la multiplicité des approches, favoriser des démarches plus expérimentales et créatives. Il est important enfin de s'appuyer résolument sur les technologies nouvelles de l'information et de la communication et faire preuve d'imagination et d'audace pédagogiques pour intégrer ces nouvelles ressources dans la conception des modules de formation.

Dès lors la formation à la documentation peut devenir la pierre d'angle d'une démarche éducative ambitieuse qui remet l'individu au coeur du dispositif d'apprentissage et qui privilégie pluridisciplinarité et compréhension de la complexité, démarche qui épouse aussi son temps et s'adapte parfaitement à son environnement tout en préparant l'avenir de façon efficace et prospective.

Tel est le sens profond de ce que l’on pourrait appeler une culture de l’information pour chacun dans une société soucieuse de son développement équilibré.

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