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Die Ära der Technocraten geht ihrem Ende entgegen - Article paru dans VDI Nachrichten, 26 mars 2000, p. 2
Linformation est au cur du management moderne des organisations. Les entreprises, engagées dans la spirale de la mondialisation et de la globalisation, doivent plus que jamais, investir dans la préservation et le renforcement de leur capital de savoir et de savoir-faire, ainsi que dans la gestion rigoureuse mais inventive de leurs flux informationnels et de leurs patrimoines immatériels. Cet investissement pour un management moderne de linformation et de la connaissance devient même un axe stratégique majeur de la création de valeur et de la compétitivité durable. Mais contrairement aux biens matériels classiques, linformation ne se laisse pas saisir et exploiter facilement et nombreux sont les échecs en matière de management de linformation surtout dans le contexte actuel de lexplosion des usages dInternet, des technologies numériques, du multimédia et des réseaux.
Linformation, comme la connaissance, est intrinsèquement liée à lhomme, aux groupes humains et à la société et caractérise leur capacité à comprendre et interpréter le monde. Linformation est fondamentalement une perception, un regard contextuel et temporel dune personne ou dun groupe de personnes sur son environnement. Linformation reste donc essentiellement volatile, peu fiable, contradictoire, en permanente évolution. Elle ne prend toutefois de la valeur que si elle est échangée et si elle permet la confrontation des perceptions subjectives. Mais pour quelle soit échangée, il faut que linformation soit véhiculée, fixée sur un support, sertie sur ou dans un document (feuille de papier, film ou segment de disque dur dun ordinateur). Alors quil est bien difficile dévoquer léconomie de linformation en tant que regard (quel est le coût dun regard, le prix dune vision ?), il est plus aisé dévaluer le coût des supports, documents ou dispositifs que lon mobilise pour échanger linformation, dautant plus que ces "artefacts" sont produits par le biais de technologies (imprimerie, informatique, film, réseaux de télécommunications) elles-mêmes appréciables, évaluables, dun strict point de vue économique.
Ainsi met-on en évidence les deux faces, intrinsèquement liées, de la chose informationnelle :
- dune part linformation-regard, subjective, profondément enrichissante par son échange ; elle est à la base même de la formation des hommes et du développement des compétences dans les entreprises et les organisations mais elle est très difficile à cerner dans sa dimension économique,
- dautre part linformation-document, objectivée, exploitable par le biais doutils et de procédures techniques ; cette information-document est bien sûr moins riche que la source humaine première (linformation-regard) et surtout elle engendre des coûts délaboration, dexploitation, de conservation, de transfert.
Les échecs patents constatés en matière de management de linformation dans les entreprises sont nombreux. Des études danalyse de la valeur dans le domaine du management de linformation font ressortir quelques causes principales de tels échecs répétés.
Le premier écueil réside dans lincompréhension des dirigeants des entreprises, et malheureusement souvent des ingénieurs, de la complexité intrinsèque des processus informationnels. Ils ont tendance à vouloir assimiler la gestion de linformation à celle dun quelconque bien matériel (des bits informatiques quon stocke ou diffuse) alors que linformation reste avant tout une immatérialité, une subjectivité dont on doit stimuler lexpression. Dans le contexte de la nouvelle société de linformation caractérisée par la sur-abondance des sources informationnelles et documentaires, le développement du regard critique des hommes est aujourdhui plus important pour lentreprise et sa compétitivité durable que la confiance aveugle placée dans les plus puissantes technologies.
Labsence totale de management des processus informationnels et documentaires est une autre situation déchec reconnue. On pratique linformation au quotidien comme on respire lair ambiant, sans véritablement investir dans des approches plus structurées. On demande à des secrétaires, mal formées, de classer des documentations importantes. On laisse proliférer, de façon anarchique, les fichiers et bases de données sans contrôler la qualité de ces outils et la cohérence de lensemble du dispositif. On constate que les archives de lentreprise sont inexploitables au moment même où émerge le besoin dy recourir. Des ingénieurs et cadres de lentreprise partent à la retraite sans quon se soit préoccupé de capter et capitaliser leur expérience. Enfin, larrivée brutale dInternet dans les entreprises révèle aujourdhui de façon dramatique cet amateurisme dans le management des processus dinformation.
Une autre catégorie déchecs sexplique par la croyance aveugle des dirigeants dentreprise en une solution technique miracle notamment celle des systèmes informatiques qui promettent de tout gérer, dassurer la communication universelle absolue. De ce point de vue, les informaticiens jouent souvent aux apprentis sorciers et produisent de véritables "usines à gaz" globalement peu efficaces. Combien dentreprises ont pensé pouvoir résoudre leurs problèmes de management de linformation en raisonnant dabord en termes de solutions sans vraiment avoir analysé leurs besoins ? Combien dentre elles ont investi dans des dispositifs lourds de gestion électronique de documents ou dans des solutions de groupware pour sapercevoir quelles nutilisaient que 10% des potentialités des systèmes mis en place, que ceux-ci engendraient dincroyables surcoûts dus à leur complexité intrinsèque et quenfin ces dispositifs prenaient mal en compte les vrais besoins informationnels. Les personnels, peu impliqués dans les choix relatifs aux systèmes de gestion dinformation et souvent mal formés, ont du mal à localiser et exploiter les informations stockées dans ces systèmes, se plaignent de "lover-dose informationnelle" et rejettent les outils mis à leur disposition.
Les structures fonctionnelles chargées de gérer linformation (centres de documentation, services de communication, directions des systèmes informatiques, ) répondent mal aux besoins réels de leurs clients, ou plus exactement répondent de façon décalée, inappropriée. Ces structures sinsèrent difficilement dans lorganigramme des entreprises et sont de plus en plus mises en cause pour leurs échecs patents. Bien souvent ce décalage entre services offerts et besoins réels se fait progressivement sans que personne (notamment la direction générale) ne sen rende vraiment compte. Ainsi, un service documentaire de niveau national ne voit pratiquement plus ses clients et dépense une énergie démesurée pour réaliser une base de données centralisée au moment même où Internet remet en cause le principe de centralisation de linformation sous forme de grandes bases de données.
Sur quoi fonder un bon management de linformation aujourdhui ?
Il est intéressant de souligner le fait que nombre dentreprises ou dorganisations sintéressent de plus en plus aux démarches danalyse fonctionnelle et de management par la valeur pour résoudre leurs problèmes de management de linformation. Compte tenu du caractère particulier des processus informationnels et de leur complexité, il est clair quil vaut mieux éviter de sorienter trop vite sur des solutions, aussi séduisantes soient-elles et quil est préférable de bien comprendre préalablement la complexité des besoins en information et documentation. Ainsi la création, le développement et la maintenance de sites Internet ou Intranet ou de plate-formes de diffusion de linformation nécessitent un important travail préalable de clarification des besoins informationnels de lensemble des cibles ou clientèles visées et une définition stratégique du produit ou service en question. Lexpression fonctionnelle de besoins est donc un point de passage obligé rendant possible un management intelligent et efficace de linformation.
Il est important également damener les directions des entreprises à sexprimer sur la hiérachisation des divers besoins. Faut-il privilégier le soutien logistique aux activités du quotidien (bases de données dappui, outils de gestion électronqiue de documents, ) ou au contraire mettre laccent sur la veille informationnelle et sur lécoute de lenvironnement (en surfant sur Internet ou renforçant les dispositifs dintelligence économique) ? Faut-il se préoccuper de la préservation de la mémoire (archives) et de la capitalisation des expériences ou faut-il plutôt stimuler la communication fluide, connexe, transversale (messageries, forums électroniques, ) ?,
Il est essentiel aussi de confronter lexpression fonctionnelle des besoins avec les potentialités offertes par les technologies émergeantes : les technologies numériques, les réseaux, lhypertexte, le multimédia sont autant de données nouvelles qui modifient en profondeur le rapport des hommes à linformation. Il faut de même tenir compte de contraintes spécifiques comme lexistence ou non dune culture informatique dans les entreprises concernées ou la plus ou moins grande flexibilité de management des ressources humaines (la circulation accrue de linformation dans les entreprises a un effet immédiat sur le développement des compétences).
Les approches basées sur le management par la valeur aboutissent à des réductions drastiques des coûts inutiles des dispositifs et services dinformation. Les coûts de traitement et de manipulation de linformation deviennent vite excessifs du fait des choix techniques retenus. Par souci de perfectionnisme professionnel, informaticiens, documentalistes, Webmasters, mettent toute leur énergie dans la production et la gestion de solutions souvent bien coûteuses, au détriment de la satisfaction du vrai besoin informationnel. Ainsi lalimentation dune base de données peut représenter 30 à 40% du coût de fonctionnement dun service de documentation alors que cette même base nest quun outil parmi dautres pour informer les clients du service, et cela au moment où les nouvelles technologies réseau et Internet font véritablement chuter les coûts de manipulation et de transfert de linformation.
Du fait de la nature profondément subjective de linformation, il est indispensable enfin de sortir le management de celle-ci du strict monopole des experts professionnels, de mobiliser au contraire des points de vue variés et complémentaires et dassocier toutes les parties prenantes dans la conception, la mise en place et la gestion des dispositifs informationnels. La réalisation de sites Internet-Intranet fonctionnels réussis (et tenus à jour de façon efficace) atteste de la nécessité et de lintérêt dune telle approche concertée et ouverte pour la création de dispositifs informationnels et documentaires acceptés, utiles et efficaces.
La nouvelle société de linformation dont Internet préfigure les tendances futures ne se réduit pas au seul choix doutils techniques aussi perfectionnés soient-ils. Le management de linformation dans lentreprise ne se limite pas à la décision de construire un site Intranet, de mettre en place des base de données sous Lotus Notes, de recourir à la gestion électronique de documents. Le management de linformation, cest dabord et avant tout une façon intelligente de mobiliser efficacement les connaissances et les compétences des multiples acteurs et groupes dacteurs. Cest une certaine vision de la compétitivité et du développement durables de nos sociétés fondée sur lhomme et sa capacité à échanger des regards avec dautres hommes pour se faire plaisir, se développer et progresser avec eux. Alors que les années 70 à 90, ont pu laisser croire que les machines résoudraient pour toujours la question de linformation, on re-découvre aujourdhui que lindividu, citoyen actif de la société de linformation, est bien le cur du management moderne de linformation et de la connaissance.