LE CHANGEMENT

DANS LES DEMARCHES ET STRUCTURES

DOCUMENTAIRES

 

JM324

Jean MICHEL

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 Conférence faite à Tours, le 8 décembre 1999, au CDDP d'Indre et Loire, dans le cadre de BibDoc-37

(BibDoc gère un annuaire des centres de documentation en Indre et Loire).

PLAN

1 - LA REALITE ET LA NECESSITE DU CHANGEMENT EN DOCUMENTATION

1-1. Des exemples de structures confrontées à la nécessité du changement

1-2. Permanence et changement : exigences contradictoires pour la documentation?

2 - LE CHANGEMENT, COMMENT LE PENSER ET LE PILOTER?

2-1. Trois niveaux concernés par le changement

2-2. Adaptation par choc ou adaptation par anticipation

2-3. Les illusions de la résistance au changement

2-4. Des approches managériales facilitant la maîtrise du changement

3 - LE MONDE CHANGE, LA DOCUMENTATION L'ACCOMPAGNE

3-1. Les transformations de la société, des entreprises et des organisations

3-2. Internet et la nouvelle économie de l'information

4 - QUEL AVENIR POUR LE DOCUMENTALISTE ET LA DOCUMENTATION?

4-1. De nouvelles fonctions ou responsabilités

4-2. Des professionnels du management de l'I-D

4-3. Le sens de la médiation professionnelle en documentation

5 - DES PRINCIPES POUR REUSSIR LE CHANGEMENT

Le changement, ça se conduit. Les mutations en documentation, ça se maîtrise et se pilote. Je vais essayer de vous en convaincre et vous faire partager certaines de mes vues sur la question. Pour cela, je m'appuyerai sur mon activité de consultant amené à aider des institutions, des entreprises, des centres de documentation à réussir leurs transformations. Je ferai aussi appel à mon expérience personnelle, très instructive, de Président de l'ADBS, "L'Association des Professionnels de l'Information et de la Documentation" à un moment où la profession a dû prendre un nouveau tournant, celui d'Internet.

1 - LA REALITE ET LA NECESSITE DU CHANGEMENT EN DOCUMENTATION

1-1. Des exemples de structures confrontées à la nécessité du changement

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il me semble intéressant de faire état de quelques exemples de situations vécues qui montrent que le changement, souvent inéluctable, est difficile à mettre en œuvre.

J'évoquerai un premier exemple, celui du Ministère de la Défense à qui le Premier Ministre a demandé, comme à tous les ministères, de développer un site Internet substantiel (et ce avant la fin de l'année 1999), dans une logique de mise à disposition la plus large possible de l'information relevant du domaine public. On imagine facilement qu'Internet et Défense ne se conjuguent pas facilement et que l'injonction ne va pas sans quelques réticences et résistances de la part de responsables militaires très attachés à la sécurité et au secret. Or on peut aisément constater que le Ministère américain de la Défense a développé depuis longtemps un site Web très riche (avec, bien entendu, sa part non négligeable de désinformation) ; en procédant ainsi, les américains espèrent récupérer des marchés d'armement au nez et à la barbe de concurrents plus frileux dans la diffusion de leur information. On comprend vite qu'il est plus difficile de convaincre des ingénieurs généraux de l'armement d'aller vers Internet que des documentalistes ! Le changement à conduire se situe là au niveau des mentalités et des attitudes.

Une deuxième exemple concerne une grande organisation humanitaire internationale pour qui la gestion de l'information est capitale. Depuis plusieurs années, cette institution recourt à une approche de "groupware", basée sur l'utilisation assez généralisée du logiciel Lotus Notes. Quelques 2000 à 3000 bases de données ont été constituées pour des besoins les plus divers. Mais paradoxe : aujourd'hui tout le monde se plaint de ne plus pouvoir retrouver l'information. Ce choix technologique, sans doute judicieux, consistant à mettre sur pied une infrastructure efficace, avait été retenu sans qu'une réflexion préalable sur ce que j'appelle "l'infostructure" ait été conduite (en gros quelle schéma directeur pour le développement des bases de données Notes ?). Dans le même temps, on constate un éparpillement préjudiciable des ressources documentaires. Dès lors, il devient nécessaire, voire même urgent, de mettre en place une véritable politique documentaire, de retrouver une cohérence globale dans un dispositif qui semble de plus en plus éclaté et de re-centraliser les différentes structures documentaires de l'institution dans un souci de plus grande efficacité et d'amélioration des services avec les usagers. Comment faire accepter un tel changement qui touche une vingtaine de personnes faisant fonction de documentalistes et une dizaine de grands services qui ont développé des approches particulières de la gestion de leur documentation ?

D'autres exemples me sont fournis par deux structures documentaires nationales importantes (l'une dans le domaine de l'armement, l'autre dans le domaine de l'eau) produisant de très solides bases de données bibliographiques, ayant été à la pointe des solutions technologiques avancées dans les années 60 à 80 mais qui se trouvent brusquement déstabilisées par l'arrivée d'Internet et par un autre mode d'accès à l'information. Un problème de repositionnement stratégique et de restructuration se pose à ces deux structures comme il se pose aussi à tous les centres de documentation qui ont évolué, dans les vingt dernières années, en développant de façon quasi exclusive une fonction de producteur de bases de données au détriment sans doute de leur vraie mission de médiation dans le transfert de l'information utile en réponse aux besoins de clientèles naturelles, bien identifiées.

Donnons encore l'exemple du CNFE, le Centre National de Formation et d'Etudes de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, dépendant du Ministère de la Justice. Le nouveau directeur a fait le choix de mettre l'accent sur l'accès autonome à des ressources pour la formation des personnels de la PJJ. Il convient donc de créer et mettre en place un nouveau dispositif d'accès aux ressources informationnelles et pédagogiques dans un établissement de formation, alors que les pratiques traditionnelles des formateurs semblent assez éloignées (en première analyse) de ce qui se profile en arrière plan de ce centre de ressources (auto-formation, pédagogie constructiviste,…) .

Dans le même ordre d'idées, je peux citer toute la réflexion et l'action menées à titre personnel comme aussi à un niveau collectif autour du développement des "Universités Virtuelles". Cette thématique importante émerge au niveau mondial et nombre de réalisations significatives peuvent être aujourd'hui mentionnées. Dans ce contexte, on peut se demander si les établissements d'enseignement supérieur, les Ecoles d'ingénieurs notamment (pour le contexte que je connais bien) existeront encore demain, si les enseignants et autres responsables de formation, n'adaptent pas leurs pratiques aux NTIC - nouvelles technologies de l'information et de la communication - (Internet , Intranets pédagogiques, ressources en ligne, forums et tutorats électroniques,...) et ne se positionnent pas stratégiquement sur le nouveau marché mondial du transfert des informations et des connaissances.

1-2. Permanence et changement : exigences contradictoires pour la documentation?

Dans le domaine de la documentation (au sens large de ce terme, comprenant aussi bien les activités des centres de documentation, des services d'archives ou des bibliothèques), il convient de trouver un subtile équilibre entre d'une part la nécessité et la capacité à progresser vers d'autres horizons et d'autre part le besoin de conservation de certaines missions telles que la préservation du patrimoine et la consolidation de la mémoire collective. On s'aperçoit effectivement, à travers les diverses interventions de consultant, que les centres ou structures documentaires assurent, de fait, une réelle mission de permanence malgré les changements, souvent caotiques, imposés aux entreprises ou organisations .

Pour autant, il ne faudrait pas se cramponner à ses bases de données sous prétexte qu'elles ont toujours existé (en fait, seulement dix à vingt ans d'accumulation d'une certaine forme d'artefacts documentaires). Aujourd'hui ces bases de données ne répondent plus très bien aux nouveaux besoins d'information et aux nouvelles exigences des clients. Il est important de souligner ici le fait que si les outils changent en permanence (du fait de l'évolution constante des sciences et des techniques), les besoins par contre subsistent. Ainsi les gens ont toujours eu besoin de savoir l'heure qu'il est : pendant longtemps la montre mécanique a été la bonne solution (économiquement parlant) pour satisfaire le besoin, mais l'outil a été détrôné, de façon inéluctable, par la montre à quartz. De même, les individus et les organisations ont toujours besoin d'être informés et surtout bien informés ; pour autant la base de données, le bulletin bibliographique, la revue de presse ne constituent que des réponses conjoncturelles qui peuvent être facilement remplacées par d'autres produits ou services recourant aux nouvelles technologies aujourd'hui disponibles.

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2 - LE CHANGEMENT, COMMENT LE PENSER ET LE PILOTER?

2-1. Trois niveaux concernés par le changement

On peut dire, en première analyse, que le changement peut intervenir à trois niveaux ou sur trois plans :

- celui de l'individu confronté personnellement au changement : comment se comporte-t-on face au changement, comment réagit-on ? Quelles aptitudes d'ouverture et de créativité adopte-t-on pour franchir le cap de l'innovation sans traumatisme ?

- celui du service assurant une fonction donnée ( par exemple, le centre de documentation, la bibliothèque) : comment faire bouger une entité pour qu'elle s'adapte à de nouvelles exigences, à de nouvelles contraintes ? Comment l'amener à anticiper les changements ou mutations ? Quel est l'apport d'approches méthodologiques telles que l'analyse de la valeur et le management par projet dans le pilotage réussi du changement ?

- celui, enfin, de toute une profession, de toute une organisation professionnelle : comment une profession peut-elle changer et piloter sa transformation ? Quels rôles peuvent jouer les pouvoirs publics, les entreprises, les structures associatives dans cette démarche du changement collectif maîtrisé?

2-2. Adaptation par choc ou adaptation par anticipation

Dans un ouvrage du Club de Rome, édité il y a une quinzaine d'années par l'OCDE et intitulé "No Limits to Learning" ("On ne finit pas d'apprendre", en français), les auteurs analysaient de façon intéressante les processus de changement et d'adaptation. Ils distinguaient notamment l'adaptation par choc et l'adaptation par anticipation. La plupart du temps, les hommes et les organisations vivent le changement selon le mode "adaptation par choc" et sont en permanence en quête de solutions conjoncturelles miracles (faire face à l'imprévu, coûte que coûte). Pour les auteurs, l'adaptation par anticipation leur semblait préférable ; elle permet de conduire le processus de changement dans un esprit de service public bien compris : focalisation sur les vrais besoins et sur l'essentiel, implication, en amont, des diverses parties prenantes, vision globale et systémique du problème qui se pose, motivation des collaborateurs, etc.

2-3. Les illusions de la résistance au changement

La perspective du changement engendre souvent un certain nombre de crispations, de résistances, de blocages (souvent contre-productifs):

- tendance naturelle à aller dans le sens opposé au changement (lutter contre le courant) : il paraît souhaitable au contraire de savoir "accompagner" les évolutions, avec souplesse et flexibilité, par des réponses professionnelles intelligentes, appropriées, et par des modes d'organisation de la profession ouverts, tournés vers l'avenir ; on peut aisément faire ici une analogie avec le pilotage d'une voiture sur neige ou sur glace nécessitant qu'on accompagne les mouvements du véhicule plutôt que les contre-carrer) ;

- tendance à construire des murailles de protection (corporatistes, syndicales, statutaires,…): il convient au contraire de se méfier de telles pseudo-défenses (lignes Maginot inefficaces) et adopter plutôt des démarches actives, positives, opportunistes, pour faire bref, choisir la stratégie de l'attaque subtile plutôt que celle de la défense vaine ;

- tendance encore à refuser l'affrontement en recourant à des dérivatifs ou comportements stériles tels que la recherche du soutien, de la solidarité, de la pitié, au sein des corporations et des réseaux de connivence ou encore l'implication exacerbée dans l'action associative pour la défense des solutions du passé ; il est prudent d'éviter cette tentation du renfermement sur soi-même et de l'introversion professionnelle et de rechercher au contraire l'ouverture sur le monde réel, le dialogue et le partenariat avec d'autres que son double.

2-4. Des approches managériales facilitant la maîtrise du changement

A l'opposé des comportements négatifs mentionnés ci-dessus, plusieurs approches managériales, voire même philosophiques, peuvent aider à la bonne maîtrise du changement et des évolutions.

a) Le management systémique

Il est basé sur le souci de mieux comprendre le milieu dans lequel on s'insère et de le modéliser en vue de conduire des actions efficaces. Il s'agit de bien percevoir toute la complexité du système concerné et d'identifier les éléments sur lesquels on peut agir, de gérer les interactions entre différents facteurs d'influence et finalement de viser la cohérence globale de la stratégie et de l'action. Prenons un exemple : aujourd'hui, quand on veut faire des nouveaux produits d'information, exploitant les ressources disponibles sur l'Internet, il ne faut pas seulement se focaliser sur la maîtrise des seuls outils informatiques et documentaires (langages html et Java, scripts cgi, agents de recherche,…), il faut aussi considérer le développement des compétences des personnes qui utiliseront ces produits, peut-être faire appel à des juristes pour certains points litigieux relatifs au droit d'auteur, mettre en place les dispositifs bureautiques d'accompagnement des sollicitations ou demandes des clients, etc.... En d'autres termes, il faut favoriser des approches multidisciplinaires, systémiques ; il faut apprendre à travailler en tenant compte de différentes parties prenantes et en trouvant le meilleur compromis entre diverses exigences souvent contradictoires.

b) Le management par la valeur (Value Management)

C'est un concept qui peut paraître nouveau mais qui ne l'est pas vraiment (il s'inscrit dans la suite logique des actions dites d'analyse de la valeur menées depuis 50 ans dans les milieux industriels et tertiaires). Qu'est-ce que le "Value Management"? C'est une démarche qui a pour objectif de toujours placer son action dans une perspective de réponse à des besoins (ceux de ses clients ou de diverses parties prenantes) et en corrélant la maîtrise de ses dépenses et de ses efforts à ces besoins hiérarchisés. C'est donner la priorité à la satisfaction des besoins des clients et non à la seule capacité de l'entreprise à inventer, produire et mettre sur le marché des produits qui flattent l'ego de leurs créateurs.

La médiation professionnelle, quelle qu'elle soit, coûte de l'argent et c'est naturellement vrai en documentation. Créer une base de données, rechercher des informations sur Internet, produire et diffuser une revue de presse, ça a un coût économique : est-ce que cette dépense est bien justifiée au regard des attentes des clients visés? Est-ce que l'on a choisi la solution la plus économique, la plus judicieuse, eu égard aux possibilités offertes par les avancées technologiques du moment?

c) Le management prospectif

Il est essentiel de penser les évolutions à long terme, de prendre du recul (tant historique que prospectif). Cela peut consister à viser ce que l'on appelle désormais le développement durable et combiner ainsi le systémique et le prospectif. Que va-t-on laisser aux génération futures et quelle pérennité (validée) visons nous pour nos produits, nos services et nos solutions ?

Comprendre la documentation (et plus largement comprendre les modalités de transfert ou d'accès à l'information-documentation) à travers son histoire serait certainement un pré-requis indispensable dans toute formation de documentaliste. Dans le même ordre d'idées, il est important de comprendre aussi les différences socioculturelles en matière d'information et de documentation (les anglo-saxons ont par exemple un rapport à l'information différent de celui des latins ou de celui des asiatiques).

Il est très utile de comprendre d'où l'on vient et d'identifier les tendances lourdes d'évolution. Ainsi dans cette perspective, il me semble légitime d'affirmer qu'Internet n'est pas un phénomène créé par génération spontanée et que l'explosion de ses usages était aisément prévisible : les dénégations d'il y a quatre ou cinq ans et les manœuvres de retardement étaient bien vaines: elles démontraient l'incapacité de certains acteurs (je pense à quelques majors de la soi-disante industrie française de l'information) à comprendre les évolutions de la technologie et de la société.

d) Le management humaniste

Et finalement, c'est bien dans l'homme que se trouvent les motivations et les ressorts pour le changement. C'est en lui que résident les capacités d'innover comme aussi les blocages à l'innovation. C'est en replaçant l'homme au cœur des projets, au cœur des processus de mutation qu'on peut le mieux réussir le changement, non pas en imposant des solutions plaquées au nom de telle ou telle idéologie, mais en laissant plutôt l'homme construire lui-même son futur (démarche "constructiviste").

Il paraît souhaitable et urgent de "ré-humaniser" la documentation qui pendant une bonne vingtaine d'années s'est transformée progressivement en une activité que j'ai qualifiée, de façon caricaturale, "d'usinière" ou "de manufacturière" (pour faire simple, fabriquer des bases de données selon des protocoles mettant l'accent sur le respect de chaînes documentaires considérées comme des fins en soi).

Revenons aux sources, à l'essentiel : qu'est-ce que la documentation? C'est mettre des sources, des documents, des livres, des informations à disposition d'individus ou de groupes. C'est transférer de l'information, de la connaissance, du savoir faire (documentation vient de docere qui, en latin, signifie enseigner). C'est donc établir des liens socio-cognitifs entre des personnes qui savent et d'autres qui ne savent pas (au même moment entre des personnes d'une même institution ou de structures différentes ou, dans le temps, entre diverses générations de personnes). La documentation est un acte de formation et de développement personnel.

Etre documentaliste, bibliothécaire ou archiviste, c'est réellement exercer un métier de médiation. Mais attention, les livres ou documents (quels qu'ils soient) ne sont que la trace pérenne ou fugace de la pensée des hommes. Il est important qu'on perde l'habitude de ne penser la documentation qu'à travers la gestion des artefacts que sont ces traces, ces documents qu'on collecte et qu'on met sur des rayonnages ou des disques durs. Les centres de documentation et autres structures info-documentaires doivent sûrement se repositionner par rapport à l'homme réinvestir sur l'homme, entité apprenante (nos clients, usagers, partenaires, collaborateurs,…) aussi bien que force pensante (productrice d'idées, de messages, puis d'artefacts). Le professionnel de la documentation doit repenser sa mission comme un accompagnement intelligent de l'homme et des groupes humains dans leur développement.

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3 - LE MONDE CHANGE, LA DOCUMENTATION L'ACCOMPAGNE

3-1. Les transformations de la société, des entreprises et des organisations

a) La mondialisation

Qu'on le veuille ou non, on est désormais entraîné dans la logique de la mondialisation et de la globalisation, logique qui peut légitimement faire peur. Il va de soi qu'il faut prendre en compte cette mondialisation des activités économiques comme de la circulation désormais très ouverte de l'information et de la connaissance et adopter une démarche résolument ouverte et pro-active face à cette nouvelle situation.

Ainsi, pour un formateur à l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, ne pas mettre son cours de mécanique des sols sur le Web, c'est à coup sûr ne plus être visible sur la scène internationale et risquer que d'autres occupent le terrain. Et les droits d'auteurs, qu'en fait-on alors ? A dire vrai, la question stratégique est désormais de savoir si l'on préfère exister sur le Web (être connu, sollicité,…) et contribuer au développement collectif de la connaissance plutôt que toucher des redevances au titre des droits d'auteurs (souvent ridiculement faibles, voire même inexistants pour les revues scientifiques ou pour les produits didactiques). Des collègues roumains, tunisiens, vietnamiens sont désormais en mesure de diffuser leurs cours via le Web et de se positionner comme de nouveaux entrants sur le marché du transfert des connaissances… et tant mieux pour eux!

b) La réduction drastique des coûts

Avec la globalisation et la mondialisation comme avec le développement des technologies de l'information, la pression sur les coûts augmente. On peut le déplorer, mais c'est une réalité incontournable. C'est donc toute la chaîne des médiations professionnelles qui est remise en cause du fait même de la lourdeur de leurs interventions et du coût (ou sur-coût) de leurs turpitudes de fonctionnement. Obtenir un rapport officiel sur Internet est quasi immédiat et coûte infiniment moins cher que de passer par telle ou telle structure nationale de diffusion de ces rapports. Il est évident que le coût des prestations et médiations documentaires va devenir un élément clé de la survie ou de la disparition de nombre de structures existantes.

c) La dématérialisation des activités et l'émergence de la logique de service

Un autre facteur très important de changement réside dans la tendance à la dématérialisation des activités humaines dans la société contemporaine (tendance à la tertiarisation). Nous sommes entrés dans la société de l'immatériel (celle de l'information, de la connaissance, de l'intelligence) avec la nécessité de réaliser en amont des investissements de plus en plus importants (établir des réseaux, concevoir des plateformes de diffusion et autres sites portails, réaliser de nouveaux produits à haute valeur ajoutée,…). Dans le même temps, on tend à passer d'une logique de "produit" à une logique de "service". Il est intéressant par exemple de noter que les ordinateurs comme les téléphones portables sont désormais fournis gratuitement et que l'essentiel est bien de faire prendre aux clients potentiels des abonnements à Internet ou des forfaits téléphoniques calibrés en fonction de leurs besoins. En matière de commerce électronique, on voit se développer des approches privilégiant les services "one to one" (personnalisation extrême du service rendu) alors que des groupes de consommateurs s'organisent et font pression sur les producteurs pour leur imposer leurs conditions. Le client définit désormais son besoin et influence directement les acteurs de l'offre.

Les professionnels de la documentation sont a priori bien placés par rapport à cette logique de service, à cette tendance vers la dématérialisation des activités, mais cela implique pour eux de se recentrer sur le client et son besoin et de penser marché (et non plus raisonner seulement chaînes de production et gestes canoniques du métier).

d) La qualité

Autre facteur de changement dans la société contemporaine, le développement des démarches "qualité" (cf. normes ISO 9000, certifications,…) a des conséquences réelles sur les missions et les activités de domaine de l'information-documentation. Il faut désormais prouver que les choses sont faites conformément à des référentiels pré-établis et assurer la traçabilité de ses produits, faits et gestes : les documentalistes, les archivistes, les records managers peuvent jouer un rôle important sur ce terrain.

e) Le nouveau marché des compétences

Notons encore le développement de nouvelles approches des métiers et l'émergence d'un marché des compétences (au delà des diplômes). La mise à niveau permanente des compétences, la formation continue pour le plus grand nombre, la formation tout au long de la vie, l'auto-formation deviennent de réelles exigences de société. La documentation peut venir ici en appui pour aider à l'actualisation des compétences et les savoirs d'où l' intérêt porté aujourd'hui aux "centres de ressources pour la formation" et aux nouveaux outils mixtes de transfert d'informations et de connaissances recourant aux NTIC.

3-2. Internet et la nouvelle économie de l'information

La documentation est directement confrontés aujourd'hui à l'émergence des technologies de l'information et de la communication (qui, du reste, ne sont pas réellement nouvelles puisque l'ordinateur et le téléphone ont déjà une longue histoire derrière eux). Le fait nouveau, c'est que ces technologies convergent, s'articulent et s'intègrent : le téléphone portable permet d'accéder à Internet, la musique passe de l'ordinateur au baladeur, la photographie numérique rejoint la bureautique, le four à micro-ondes se branche sur le Web,…). La véritable révolution est moins dans la technologie mais dans les usages nouveaux et de plus en plus hybrides de celle-ci.

a) De la cantine documentaire à l'autonomie des branchés

En documentation, cette évolution conduit à une rupture par rapport à ce qui se faisait dans les années 70-90, époque qui a vu se développer le concept de bases de données et le principe d'accumulation dans un réservoir unique d'un certain nombre de notices (bibliographiques) permettant de savoir où se trouvaient les documents (logique de "retrouvage").

Aujourd'hui, tout le monde est équipé d'un ordinateur, et plus précisément d'un disque dur sur lequel on stocke ce que l'on a envie ou besoin de conserver par de vers soi. Et ces ordinateurs se relient à d'autres, dans des environnements proches ou lointains. Cela se traduit par une autonomisation accrue des individus (et des petits groupes), une capacité nouvelle de chacun à travailler sur son disque dur, qu'il soit local ou distant et par un développement inouï du travail coopératif ou en réseau.

b) La chute des coûts dans la "netéconomie"

Parallèlement, l'augmentation considérable des capacités de stockage (les mémoires d'ordinateurs deviennent vraiment impressionnantes), la mise en place de réseaux à haut et très haut débits ainsi que la numérisation des documents font chuter de façon drastique le prix de l'information et permettent d'atteindre des coûts marginaux de transfert, d'usage et de manipulation de l'information quasiment nuls. Nous entrons dans une nouvelle économie (la "netéconomie") où faire circuler l'information ne coûte rien à condition toutefois de réaliser en amont les investissements nécessaires, notamment la mise en place de réseaux à haut débit et de plates-formes robustes de diffusion, et cela est vrai pour les investissements des individus (l'achat de l'ordinateur et de ses logiciels), des entreprises (réseaux internes, plates-formes Intranet ou de groupware) comme pour l'Etat et les structures publiques (autoroutes de l'information, équipement des Ecoles, etc…). Ces données changent radicalement le regard que l'on peut porter sur l'information. Auparavant l'information coûtait cher (ou du moins était facturée chère) : ainsi le coût de la connexion au Minitel, monopole France Telecom, a pu paraître prohibitif à certains. Aujourd'hui, on est dans une autre logique, avec une accessibilité accrue (universelle) à de nombreux services et une concurrence réelle qui font chuter les coûts.

Dans cette perspective d'une économie du virtuel, sont de plus en plus évoquées, liées au développement de l'information numérique en réseau, les questions de droit à l'information et d'accès à l'information de domaine public.

c) Le document numérique, véritable caméléon multimédia…

Notons aussi les effets nouveaux de la généralisation du document numérique. Tout document qu'il soit texte, image, vidéogramme, musique ou bande sonore peut se codifier en un même langage unique, universel, le langage binaire 0 -1, autorisant une très large flexibilité dans les usages de ce document numérique (cette caractéristique commence du reste à inquiéter sérieusement les grands majors de l'industrie du disque qui redoutent la généralisation des usages du standard de compression MP3 sur Internet). La numérisation conduit à ne plus faire de différence dans la manière de traiter l'information entre une source virtuelle, sonore ou textuelle. Le document numérique devient un véritable caméléon multimédia. L'information et le document deviennent malléables, transformables et réutilisables à l'infini, ce qui pose de nouveaux problèmes de nature juridique et déontologique dans la mesure où ils sont largement disponibles, exploitables et exploités sur la Toile. Ainsi des étudiants "pompent" tout ou partie de travaux ou thèses diffusés sur Internet pour faire leur mémoire; en riposte, aux Etats-Unis, vient de se créer un service proposé aux enseignants consistant à déterminer si le mémoire est un plagiat ou non (et cela grâce à la puissance des agents de recherche).

d) L'hypertexte ou la re-fondation de la documentation

L'hypertexte constitue une autre révolution importante pour les professionnels de la documentation. Qu'est-ce que l'hypertexte ? C'est tout simplement un dispositif qui permet de créer un lien entre deux ou plusieurs éléments documentaires et donc de rendre possible la navigation "hyper-documentaire". Avant l'hypertexte, le travail du documentaliste consistait à décrire un livre, un article, à en réduire la complexité, à passer d'un corpus entier à quelques mots clés ou lignes de résumé. Aujourd'hui, ce qui est nouveau et intéressant, c'est de mettre un document en relation avec un autre, de passer du document élémentaire au chaînage des documents. L'hyper-documentation consiste à penser et à gérer des liens et faisant, suit une logique d'accompagnement du développement de la connaissance. Ces liens peuvent être établis non seulement entre des parties d'un même document, mais aussi entre deux documents présents sur le même disque dur et mieux encore entre un document disponible sur un disque dur local et un autre fichier présent sur un ordinateur situé à l'autre bout de la planète (grâce à une gestion efficace de signets, favoris, bookmarks). Ainsi crée-t-on des liens, non seulement d'information mais aussi de connaissance et de cohérence entre des éléments (les grains) qui sont apparentés (la grappe).

e) La centralisation a-t-elle encore un sens?

Une des conséquences immédiates du développement de l'hypertexte et du document numérique en réseau, c'est qu'il n'est peut-être plus nécessaire de conserver par de vers soi, sur ses rayonnages ou son disque dur, des choses qu'on peut aisément trouver ailleurs. D'une certaine façon, cela pourrait conduire à la disparition du centre de documentation conçu initialement comme structure centralisatrice à un moment où il n'était pas possible de s'affranchir de la nécessité de la centralisation pour donner accès à l'information et à la documentation. Cette médiation technique traditionnelle basée sur le concept de centralisation devient d'autant plus problématique que les individus peuvent être désormais en mesure d'aller chercher eux-mêmes sur la Toile les documents dont ils ont besoin.

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4 - QUEL AVENIR POUR LE DOCUMENTALISTE ET LA DOCUMENTATION?

La description précédente pourrait engendrer un certain pessimisme chez les professionnels, médiateurs de l'information et de la documentation. Rassurons les tout de suite : ils ont plus de chances que jamais d'être au cœur de mutations importantes de la société et leurs missions et leurs métiers vont évoluer très favorablement.

4-1. De nouvelles fonctions ou responsabilités

a) Le documentaliste, explorateur-cartographe

Un nouveau rôle, évident, réside justement dans l'établissement de liens intelligents entre des documents et des grappes de documents (qui ne sont pas nécessairement sur les rayonnages de la bibliothèque). Il va falloir établir des listes et catalogues de signets ou favoris. Il faut rendre possible le cheminement efficace des clients ou usagers vers des sites intéressants pour eux. Le documentaliste nouveau devient un véritable géographe de l'information et de la connaissance, il est l'indispensable cartographe de la nouvelle cyber-hyper-documentation. Cela implique pour lui d'aller à la découverte des nouveaux territoires (le documentaliste comme explorateur professionnel des nouveaux cyber-continents), de pouvoir en identifier la consistance et en évaluer l'intérêt pour les autres, enfin de dresser les cartes (avec points de repère et cheminements privilégiés) pour faciliter la pénétration utile de ces territoires par des acteurs les plus divers (clients, partenaires,…).

b) L'animation du partage de l'information

Une autre mission importante réside dans l'accompagnement des nouvelles pratiques d'échange et de partage de l'information dans les entreprises ou organisations. Les développements du groupware, de l'intranet, du travail coopératif autour de l'information visent à donner la possibilité à un certain nombre de personnes de réfléchir et d'agir ensemble, d'échanger des informations utiles dans le contexte d'un nouveau management par projet. Dans cette philosophie nouvelle de l'action, le partage de l'information devient essentiel. Dès lors, le projet stratégique d'un centre de documentation pourrait consister à penser, mettre sur pied et faire vivre les dispositifs de partage, d'appropriation collective et d'animation de l'information. Cela signifie aussi être capable de capter des signaux de l'environnement de l'entreprise et de les redistribuer à l'intérieur en faisant en sorte qu'un maximum de personnes modifient leur comportement grâce à cette diffusion plus ou moins sélective de l'information.

On sait aujourd'hui que ce qui compte c'est la capacité des organisations à pouvoir s'appuyer sur un patrimoine informationnel riche et sur un réseau de partage de connaissances qu'on échange, développe et fait fructifier. Si la documentation reste dans son isolement en se cramponnant sur sa seule démarche de fabrication usinière d'artefacts documentaires de l'information, elle risque très vite d'être mise hors jeu et de passer à côté de l'opportunité que constitue le développement de l'entreprise ouverte et apprenante. Il faut oublier l'économie de la documentation des années 70-80 et s'intégrer aujourd'hui aux processus de création de valeur de l'entreprise. Le centre de documentation isolé n'a pas de sens, il faut qu'il soit en phase avec le bouillonnement de l'information dans l'organisation. Dans le contexte de l'entreprise ouverte, fonctionnant en réseau et par projet, les interventions professionnelles en documentation peuvent connaître de profonds changements : télétravail, information à distance, externalisation,…

c) Webmasters et autres managers de l'information

De nouveaux acteurs et de nouveaux rôles se développent comme en témoigne ce qui émerge autour de la fonction de webmaster ou webmestre. Des formations professionnelles se multiplient sur ce terrain dans des Universités, des Ecoles de commerce, d'ingénieurs ou de documentalistes. Les cursus de formation des nouveaux managers de l'information se diversifient et débouchent sur des situations d'emploi qui n'ont jamais été aussi variées.

d) L'accompagnement méthodologique

On assiste également à une remise en cause de la relation entre offreurs de services et clients et cela est encore plus vrai pour les métiers de l'information et de la documentation. Aucune profession ne peut prétendre avoir le monopole de l'information. La capacité à s'informer est très largement partagée et dans tous les métiers, quels qu'ils soient - ingénieurs, médecins, juristes,…- , une partie importante de l'action relève de la gestion de l'information. Dès lors, le médiateur documentaliste qui se prétend être l'acteur privilégié du management de l'information risque de venir en conflit avec la légitime revendication de ces ingénieurs, médecins ou juristes à gérer eux-mêmes leur information. Internet leur permet en outre de s'affranchir de toute médiation obligée. Il est donc clair que le plus grand concurrent du professionnel de la documentation aujourd'hui, c'est son utilisateur ou client qui sait ce qu'il veut, qui sait gérer son disque dur et ses accès au réseau et qui est même capable de créer son site Web pour diffuser sa propre information. Désormais, la mission du professionnel sera de plus en plus celle d'un accompagnement, notamment méthodologique, de ses clients et partenaires.

4-2. Des professionnels du management de l'I-D

Cela nous amène alors à nous poser la question de l'utilité de la médiation professionnelle. Mais avant de répondre, il semble bon définir le domaine de compétence concerné. Que vend finalement un professionnel des archives, de la documentation ou des bibliothèques ? La réflexion collective ces dernières années a permis de mettre en avant un concept intéressant pouvant aider à préciser et cadrer le domaine de compétence en question. Ce concept, c'est celui de l'I-D - "information-documentation"- et de sa gestion. L'I-D, c'est un peu la même histoire que celle bien connue du couple "signifiant-signifié". Les professionnels de l'I-D sont de fait des gestionnaires d'une entité à deux faces, d'un objet unique présentant deux réalités, à savoir :

- une face ou réalité I (comme information) qui concerne les contenus, l'information, le sens,…, au fond ce que cherche à obtenir au final le client du professionnel pour son action, son plaisir ou sa décision;

- et une face D (comme document ou documentation) qui concerne le support, le contenant et tout l'ensemble matériel, logistique, des conditions de mise à disposition de l'information.

Le professionnel de l'I-D est donc un spécialiste du management et de la gestion duals, articulés, de cette entité unique à deux faces. Il lui faut savoir retrouver le document là où sait qu'il peut se trouver (rayonnage, disque dur, Web) et savoir en même temps se prononcer sur le sens et répondre avec pertinence à la question posée. Si on considère un axe avec un point I à gauche et un point D à droite, on peut imaginer le déplacement d'un curseur entre ces deux points et identifier alors un vaste continuum de positionnements professionnels. Certains acteurs seront plus proches du pôle I (journalistes, experts de l'intelligence économique et d'une certaine façon aussi enseignants). A l'opposé, plus proches du pôle D, on peut trouver les archivistes qui doivent conserver religieusement les traces de l'activité de l'entreprise ou encore les bibliothécaires mettant des livres à disposition de leurs usagers. Les documentalistes et les centres de documentation se situent dans ce schéma vers le milieu de l'axe avec un mélange d'activités à polarité D (constituer une base de données, créer un répertoire de favoris,…) et d'activités plus tournées vers le pôle I (recherches, synthèses, conseil,…).

4-3. Le sens de la médiation professionnelle en documentation

Revenons à la question de la nécessité de la médiation professionnelle et essayons de voir à quoi l'on sert et surtout à quoi on peut servir dans le futur dans le contexte de la nouvelle société de l'information.

a) Les médiations de premier niveau

En documentation, on s'occupe volontiers de la circulation des périodiques, de la commande des ouvrages pour les services de l'entreprise ou pour les enseignants, de la passation de contrats de groupe pour les interrogations collectives de bases de données, etc.

Faut-il maintenir ce genre d'activités ? Leur valeur ajoutée est faible et peut parfois avoir des effets induits négatifs (c'est le centre de documentation qui est critiqué lorsque les périodiques fournis par le libraire choisi ne sont pas livrés à temps). La médiation professionnelle correspondante peut être appréciée (avantages possibles d'une certaine centralisation d'activités purement logistiques) à condition toutefois qu'elle soit économiquement raisonnable et qu'elle ne constitue pas un écran ou ne soit pas rouage inutile.

On pourrait de même mentionner ici la réalisation en sous-traitance par le centre de documentation de recherches d'information ou de documents pour de simples raisons d'efficacité ou de gain de temps (au fond, le directeur d'entreprise a bien autre chose à faire que de surfer sur Internet pour rechercher une information dont il peut avoir besoin).

b) Les médiations à valeur ajoutée ou de deuxième niveau

Ce sont des missions qui vont se développer de façon importante du fait même de l'émergence de la société de l'information et de son "trop-plein informationnel". Citons en quelques unes :

- guider-orienter, faciliter le cheminement documentaire : nous en voyons les prémices avec l'organisation de collections thématiques de favoris;

- évaluer la pertinence de l'information et recommander des cheminements intéressants : par exemple se prononcer sur tel ou tel site et décerner des étoiles comme le fait le Guide Michelin;

- critiquer, authentifier et valider les sources: dans cet esprit, on peut donner l'exemple du projet ambitieux mené au niveau international par les associations nationales d'ingénieurs et leur fédération mondiale (FMOI) avec l'aide de l'UNESCO et consistant à créer une bibliothèque virtuelle sur le développement durable pour la formation des ingénieurs, notamment des pays en voie de développement" avec des sélections critiques de textes, références et sources utiles;

- simplifier le complexe : les nouveaux outils de bibliométrie et d'ingénierie linguistique peuvent y contribuer alors qu'émerge aussi un besoin très fort de documents ou produits de synthèse systémique et interdisciplinaire;

- faciliter le partage de l'information et assurer son animation au niveau de toute une entreprise. Donnons ici l'exemple du dispositif de capitalisation des connaissances tout à fait original développé chez Renault. A partir du constat que tous les acteurs de l'entreprise disposent d'informations riches et utiles relatives aux produits fabriqués, on fait établir des fiches REX (Retour d'Expériences) respectant un certain nombre de critères. Une synthèse de ces informations recueillies est faite sous la forme de fiches MEREX concues de façon à dégager des règles de conception. Ces fiches MEREX sont alors mises à la disposition de tous les acteurs de l'entreprise par le biais de l'Intranet. Des projets de cette nature peuvent se développer dans les centres de documentation et conduire à des produits et services bien éloignés des traditionnelles bases de données bibliographiques.

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5 - DES PRINCIPES POUR REUSSIR LE CHANGEMENT

En guise de conclusion, mentionnons quelques principes de base d'un bon pilotage du changement:

- savoir se détacher des solutions existantes, prendre de la distance par rapport aux solutions universelles traditionnelles, revenir en permanence à l'essentiel, à savoir le besoin : les solutions sont effectivement changeantes, conjoncturelles (c'est évident pour les techniques et outils documentaires) par contre le besoin d'information, lui, reste permanent. La base de données bibliographiques a existé pendant près de 20 ans ; elle n'a aucune raison d'être éternelle et il en sera peut-être de même pour les solutions Internet dans un avenir plus ou moins lointain;

- chercher à se confronter à différents points de vue, à différents regards au sein de groupes de travail pluridisciplinaires et d'entreprises ouvertes et apprenantes ; voir large, écouter les autres, comprendre l'histoire de son métier, se décaler par rapport à sa propre culture, c'est la base même d'un bon management de l'information ;

- savoir percevoir et interpréter les réels champs de "contraintes" (au sens d'influences externes qui s'imposent à vous) et dans lesquels il faut se mouvoir, trouver son chemin, agir de façon pro-active ; plutôt que nier l'utilité et l'impact des technologies Internet ou la mondialisation, essayons d'en tirer le meilleur bénéfice possible pour notre mission de médiation info-documentaire;

- agir en pratiquant des démarches de conduite collective de projet et en privilégiant les dispositifs qui favorisent le changement : implication des personnes, travail coopératif, priorité accordée à la satisfaction des besoins,…;

- et bien sûr, ne jamais oublier d'évaluer et maîtriser les conséquences économiques, organisationnelles, sociales et humaines des solutions susceptibles d'être retenues au final.

 

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