LES STRUCTURES DOCUMENTAIRES

CONFRONTEES A LA REALITE ET A LA NECESSITE DU CHANGEMENT

Principes et recommandations méthodologiques pour réussir les mutations

 

JM325

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 Conférence introductive à la journée d'étude ADBS du 29 février 2000 (Paris - La Défense)

"Fusions d'entreprises, nouvelles technologies, globalisation : la nécessaire mutation des structures documentaires"

PLAN

1 - PERMANENCE ET ACTUALITE DU CHANGEMENT EN DOCUMENTATION

1-1. Des évolutions successives face à de nouvelles exigences

1-2. La transformation des structures documentaires, un fait nouveau et d'actualité

1-3. Des transformations qui touchent aussi d'autres secteurs d'activité

1-4. Le centre de documentation, modèle d’organisation d’une époque donnée

2 &emdash; COMPRENDRE LES MUTATIONS EN COURS

2-1. Des facteurs de changement et leurs conséquences

2-2. Les finalités et les mécanismes du changement

2-3. Question cruciale : la documentation peut-elle encore être centralisée ?

2-4. Un inventaire de nouvelles modalités d’organisation

3 - DES PRINCIPES ET DES RECOMMANDATIONS POUR L'ACTION

3-1. Des attitudes et des comportements ouverts à l'idée du changement

3-2. Quelques suggestions pour l’ADBS et la profession

Nombre de structures documentaires au sein des entreprises ont été créés et se sont développés dans les années 60 à 90 selon un modèle de centralisation des ressources et des compétences ("le centre de documentation") avec en arrière plan un développement important de grandes bases de données bibliographiques. Actuellement, ce modèle traditionnel d'organisation de la documentation est remis en cause sous la pression combinée de différents facteurs de mutation, notamment :

- la globalisation et la mondialisation;

- les fusions or regroupements d'entreprises et d'organisations;

- les technologies de l'information, les réseaux et Internet;

- les nouvelles pratiques d'accès à l'information et au savoir.

Certaines structures documentaires disparaissent ne parviennent plus à justifier leur utilité. D'autres sont contraintes à fusionner avec d'autres entités auparavant partenaires, parfois concurrentes. Des structures jusque là centralisées et à vocation généraliste éclatent en de multiples unités plus spécialisées fonctionnant désormais en réseau.

Ce texte d'introduction à la journée d'étude ADBS du 29 février 2000 se propose de faire le point sur les mutations structurelles de la documentation dans les entreprises et organisations, de mettre en relief les facteurs de changement à considérer et de faire émerger des voies d'un nouveau management efficace et prospectif d'une documentation adaptée à son temps et à son contexte.

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1 - PERMANENCE ET ACTUALITE DU CHANGEMENT EN DOCUMENTATION

La documentation a été souvent perçue et vécue comme une fonction pérenne au sein de l'entreprise et le centre de documentation a pu largement donner l'impression d'être une des rares permanences ou zones de tranquillité pouvant développer crânement ses activités quels que soient les transformations de la société. Cette perception n'est toutefois pas conforme à la réalité et les structures et pratiques documentaires ont profondément évoluer au cours du temps. Elles sont aujourd'hui soumises à de vrais chocs pouvant les déstabiliser.

1-1. Des évolutions successives face à de nouvelles exigences

Au cours des trente à cinquante dernières années, le milieu de la documentation a connu plusieurs séries de mutations  de  natures variées.

a) Ce sont d'abord les outils professionnels, les ressources mises à disposition et les chaînes d'activité qui ont changé de façon assez spectaculaire. Cela a conduit la profession, au fil des ans, à mettre sur pied avec succès d'importants programmes de formation pour s'adapter. Signalons, pour mémoire et de façon non exhaustive  :

b) Progressivement, dans les quinze à vingt dernières années, on a vu aussi la gamme des produits et services offerts se diversifier fortement suite au développement des approches marketing, qualité ou valeur. La documentation s'est re-positionnée progressivement sur sa relation de base à sa clientèle (fonction de médiation) plutôt que sur la démarche strictement manufacturière de production de notices bibliographiques et de bases de données.

c) Dans les dix dernières années, de nouvelle thématiques socio-professionnelles (tendances "in" ) ont émergé avec toutefois l'impression que les mots nouveaux cachent en fait de veilles préoccupations vieilles comme le monde :

d) Enfin, les missions ou rôles des documentalistes d'une part, les qualifications et les compétences des professionnels d'autre part ont connu également ces dernières années une forte évolution. Le référentiel des métiers et la palette des compétences réelles sollicitées s'est diversifiée. Les formations de professionnels de l'information et de la documentation se sont transformées de façon étonnante, avec pour les plus capées d'entre elles des élévations significatives des niveaux des salaires d'entrée dans la profession. L'explosion des usages d'Internet (et autres technologies associées) explique en grande partie cette mutation alors qu'on peut observer désormais de réelles remises en cause des pratiques professionnelles traditionnelles.

1-2. La transformation des structures documentaires, un fait nouveau et d'actualité

Une dernière grande mutation semble aujourd'hui se produire et même s'accélérer. Elle concerne les structures socio-économiques mêmes de la documentation, l'organisation structurelle des activités dans le contexte d'un secteur économique en rapide développement. Les centres de documentation sont remis en cause face aux nouvelles exigences de la société de l'information et aux nouvelles réalités d'une économie placée sous le signe de la mondialisation. Certaines structures disparaissent ne parvenant plus à justifier leur utilité.et dans certaines entreprises ou institutions, on supprime purement et simplement les belles mécaniques mises en place dès les années 60-70. Des structures jusque-là centralisées et à vocation généraliste éclatent en de multiples unités plus spécialisées fonctionnant désormais en réseau. Ici on regroupe des dispositifs documentaires existants (auparavant partenaires, souvent concurrents) du fait même des restructurations ou fusions d'entreprises. Là, on décide d'arrêter la production de notices documentaires et la fabrication des traditionnels produits de documentation en externalisant la réalisation des prestations documentaires. Les développements de la GED , du groupware, de l'Intranet ou encore de la gestion moderne des flux d'information (Workflow) conduisent à la remise en cause du centre de documentation et à la mise sur pied de nouvelles organisations prenant mieux en compte la complexité des nouveaux dispositifs informationnels.

1-3. Des transformations qui touchent aussi d'autres secteurs d'activité

Il est important de mentionner ici le fait que d'autres milieux socio-professionnels et d'autres secteurs d'activité, plus ou moins proches de la documentation, connaissent actuellement des mutations de même nature. C'est le cas de l'informatique, du journalisme, de l'édition, du commerce traditionnel, de la formation, des services tertiaires ou de l'administration.

On peut dégager quelques traits communs à l'ensemble de ces domaines d'activité soumis à de réels changements dans leurs modes d'organisation :

Il faut toutefois de souligner le fait que dans tous les cas évoqués, les fonctions de base en arrière plan des activités, des métiers et des pratiques professionnelles concernés n'ont jamais été aussi importantes dans le contexte du développement de la société de l'information globale, virtuelle et mondiale. Il s'agit donc bien d'un problème spécifique d'adaptation de la modalité d'organisation structurelle de la réponse à apporter et non d'une remise en cause des fondements fonctionnels justifiant cette réponse. Le besoin d'un bon management de l'information et de la documentation n'a jamais été aussi fort mais les façons de s'organiser pour satisfaire ce besoin sont désormais plus variées et plus ouvertes.

1-4. Le centre de documentation, modèle d'organisation d'une époque donnée

Le modèle structurel basique, quasi universel, de réalisation des prestations documentaires a été pendant longtemps et reste encore largement le centre de documentation. Mais le modèle semble avoir trouvé ses limites aujourd'hui.

a) Retour historique rapide sur le centre de documentation

Structure centralisant un certain nombre de ressources documentaires et de moyens (humains, techniques, fonds documentaires, …), le centre de documentation s'est développé dès les années 50-60 pour faire face aux besoins documentaires des structures d'étude et de recherche, publiques ou privés. Le Centre de Documentation Scientifique et Technique du CNRS (aujourd'hui INIST) peut être désigné comme le modèle extrême de ce modèle et de ce processus de centralisation de la documentation.

Dans les années 60 à 80, le centre de documentation devient l'instrument incontournable d'une bonne gestion de la documentation avec bien sûr de nombreuses variantes selon les contextes (centres importants, petites unités, secteurs publics, entreprises privées …). Ce modèle économique d'organisation et de management centralisés de la documentation a été considéré pendant longtemps comme un invariant, une sorte de continent de stabilité et de pérennité avec parfois l'impression que ce centre de documentation pouvait continuer à exister selon ses logiques propres indépendamment de ce que vivait par ailleurs le reste de l'entreprise. Le fonctionnement en "routine" (l'usine documentaire et ses chaînes de production) se perpétue jour après jour, accompagné dans les années 80, d'une importante codification "qualité" des gestes et pratiques professionnels de production et d'exploitation de la documentation.

b) Une caractérisation à gros grains

Quelques traits caractéristiques de ce modèle organisationnel peuvent être dégagés:

c) Le centre de documentation et la société de l'information

Les cinq dernières années viennent brutalement brouiller la perspective, même si les prémisses de la crise sont décelables depuis une bonne dizaine d'années comme en attestent les résultats des audits et études d'analyse de la valeur menés vers la fin des années 80.

L'émergence de la nouvelle société de l'information et le développement explosif et inéluctable des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication), secousse tellurique dont Internet constitue une des manifestations les plus évidentes, remettent brutalement en cause le modèle traditionnel du centre de documentation. Les fonctionnements "routine" antérieurs (la production de la base de données "maison" notamment) perdent rapidement de leur sens, de leur utilité et de leur pertinence. Les chaînes paraissent bien lourdes, peu flexibles et les réponses du centre de documentation se caractérisent par une faible réactivité au moment même où Internet donne l'impression que tout est désormais accessible à un niveau de coût quasiment nul et où malléabilité, flexibilité, volatilité deviennent de réels avantages compétitifs. Les nouvelles règles du jeu économiques qui accompagnent cette montée en puissance des NTIC (mondialisation notamment) conduisent à questionner la pertinence du modèle traditionnel que constitue le centre de documentation et à procéder à la reconfiguration des dispositifs structurels et adoptés dans la période antérieure.

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2 &emdash; COMPRENDRE LES MUTATIONS EN COURS

Comment comprendre aujourd'hui les mutations des structures documentaires  et pour être plus précis, celles concernant les centres de documentation traditionnels ?

2-1. Des facteurs de changement et leurs conséquences

Plusieurs facteurs explicatifs des mutations actuelles peuvent être identifiés. Certains sont liés à la nouvelle donne que constitue la mondialisation de l'économie et sont plutôt extérieurs (en première analyse) au monde de l'information et de la documentation; les évolutions mêmes des modalités d'organisation et de fonctionnement des entreprises expliquent alors les transformations des dispositifs documentaires (fusions, disparitions, rapprochements, réseaux,…). D'autres facteurs sont plus directement la conséquence de l'émergence de la nouvelle société de l'information et sont l'expression des nouvelles relations que les hommes et les entreprises entretiennent désormais avec tout ce qui a trait à l'information .

a) Une première série de causes de changement relèvent de  strictes démarches managériales, conjoncturelles, contextuelles ou locales (parfois politiques) :

b) Des facteurs relevant de la marche actuelle de l'économie mondiale peuvent créer de sérieuses perturbations pour le milieu de la documentation. La mondialisation des économies, l'accentuation de la compétition entre les entreprises sur des marchés désormais plus ouverts, la concentration capitalistique des structures économiques, la dérégulation et la désétatisation se traduisent de façon concrète par des fusions d'entreprises, par des modifications des périmètres d'activité, par des changements importants dans la structure des marchés avec en outre une nouvelle géographie des interventions et une recherche de nouvelles économies d'échelle. La documentation est forcément touchée par ce mouvement :

c) Enfin, une troisième série de facteurs liés à l'émergence de la société de l'information conduisent des dirigeants d'entreprises et autres responsables à s'interroger sur l'avenir de leurs systèmes ou dispositifs d'information et de documentation. Les NTIC, Internet, l'information numérique multimédia en réseau, le groupware, le workflow et d'autres développements des systèmes d'information changent forcément, et en profondeur, l'approche du management de la documentation.

De nouveaux bassins de ressources semblent désormais plus aisément accessibles. Ils peuvent donner l'impression d'être infiniment plus riches et plus ouverts que ce peut offrir le centre de documentation "maison". Les métiers mêmes de la documentation évoluent avec comme conséquence la remise en cause des frontières traditionnelles avec d'autres corps de métiers : communication, informatique, ressources humaines,... La documentation interne et le records management se développent de façon spectaculaire et font ressortir le besoin d'une démarche plus globale, plus cohérente de la gestion des flux informationnels dans l'entreprise (la séparation entre documentation externe et documentation interne tend à s'estomper). Le développement des sites Internet et Intranet et des solutions de groupware fait ressortir très nettement cette difficulté à raisonner le management de l'information et de la documentation selon les schémas traditionnels et rend plus nécessaire que jamais une nouvelle organisation pour l'ensemble des processus de gestion de l'information et de la documentation .

De nouveaux besoins émergent qui ne sont plus strictement d'ordre documentaire (au sens traditionnel du terme) et donnent lieu à l'apparition d'un vaste continuum de pratiques professionnelles : veille technologique, intelligence économique, gestion des connaissances, ingénierie documentaire, records management,…Dans le même ordre d'idées, les NTIC provoquent l'émergence de nouveaux besoins: ainsi évoque-t-on de façon de plus en plus fréquente la nécessité d'utiliser au mieux les outils avancées de gestion de l'information pour mieux gérer la connaissance dans l'entreprise, capitaliser les acquis, assurer les retours d'expériences et la remontée de l'information des acteurs du terrain vers les structures de conception et les échelons de direction.

. Le développement des plates-formes Intranet ou Lotus Notes conduit à l'apparition de nouveaux acteurs qui doivent assurer au jour le jour la maintenance des bases de données et autres produits créés : on parle dans certaines organisations d'assistants en gestion de l'information. Dans le même temps, le besoin d'assistance méthodologique avancée se fait sentir pour aider l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise à bien maîtriser ces nouveaux outils.

La société de l'information et les technologies qui la fondent conduisent à une remise en cause sérieuse de l'utilité des médiations professionnelles traditionnelles. C'est vrai aujourd'hui pour le secteur de l'édition, ça commence à l'être pour le commerce et pour la formation et il y a de bonnes chances que le secteur de la documentation ne soit pas épargné. Remarquons toutefois que si les intermédiaires (en tant qu'instrument) sont remis en cause, le besoin fondamental d'accès à l'information demeure; il est donc important d'adopter d'autres formes d'organisation de cette médiation professionnelle et de justifier, plus que jamais, le bien fondé des solutions traditionnelles.

2-2. Les finalités et les mécanismes du changement

Allons un peu plus avant dans l'analyse des transformations des structures et essayons d'identifier successivement les finalités ou objectifs visés ainsi que les modes de réalisation du changement.

a) Les objectifs des évolutions imposées ou décidées sont de plusieurs natures et peuvent amener les structures de documentation à réagir dans des directions différentes :

b) En ce qui concerne la façon dont les changements interviennent et sont vécus, il est possible d'identifier trois cas de figures:

2-3. Question cruciale : la documentation peut-elle encore être centralisée ?

Le centre de documentation regroupant un certain nombre de moyens et de compétences a connu ses plus beaux jours dans les années 70 à 90. La nécessité de la centralisation de la documentation s'imposaient alors, soit en raison de la rareté des ressources, de leur difficulté d'accès ou de leur coût (éviter de doublonner les acquisitions), soit en raison du développement d'une chaîne unique de traitement des documents (la base de données bibliographiques "maison"), soit encore parce qu'on ne savait pas trop que faire de ces individus dispersés travaillant à gérer de la documentation (avec parfois comme conséquence des rassemblements assez hétéroclites de compétences réelles et d'incompétences non moins réelles). La centralisation a pu aussi se justifier par la nécessité de concentrer en un même lieu la réalisation de certaines prestations qui sinon, réparties dans toutes les entités de l'entreprise, auraient pu conduire à des gaspillages (pensons ici à la commande des ouvrages et aux prises d'abonnements ou encore aux contrats de groupe pour l'interrogation des bases de données).

Ce modèle centralisé de l'organisation de la documentation a pu plaire aux dirigeants d'entreprises regardant le problème de loin ("ça fait moins désordre"). Il a bien sûr beaucoup plu aux documentalistes, qui ont trouvé là leur territoire naturel, zone protégée au sein de laquelle on pouvait développer des pratiques sophistiquées assez difficilement compréhensibles par des non-initiés. Quant aux clients ou usagers, ils y ont longtemps trouvé leur compte, peu exigeants qu'ils étaient quant à la nécessité de bien s'informer et se documenter (au pire râlaient-ils un peu quand le journal spécialisé ou la revue de presse ne leur parvenait pas en temps voulu).

Aujourd'hui le modèle centralisé est questionné assez sérieusement, du moins celui du centre de documentation mono-fonctionnel. Internet et les NTIC (groupware, workflow, Intranet,….) conduisent à un développement rapide des réseaux informationnels décentralisés. Les acteurs de l'entreprise deviennent de plus en plus autonomes et sont eux-mêmes à la fois consommateurs mais aussi producteurs d'information. La nécessité d'une plus grande proximité entre sources d'information et utilisateurs de ces sources se fait nettement sentir.

Dès lors le modèle centralisé a-t-il encore un sens, et si oui lequel? A-t-il encore des vertus et si oui, lesquelles? Il va de soi que les réponses à cette question peuvent fortement varier selon les contextes (natures des organisations et tailles de celles-ci, domaines d'activité et cultures informationnelles spécifiques, existence ou non de développements avancés en matière de systèmes d'information,…). On peut toutefois proposer ici quelques pistes:

2-4. Un inventaire de nouvelles modalités d'organisation

Sans vouloir prétendre être exhaustif, on peut dresser une liste des modalités nouvelles ou de principes nouveaux d'organisation adoptés par diverses entreprises ou institutions :

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3 - DES PRINCIPES ET DES RECOMMANDATIONS POUR L'ACTION

Après avoir analysé et mieux compris les facteurs et les mécanismes des mutations des structures documentaires, il nous reste à formuler quelques principes de base et quelques recommandations pour que la conduite du changement se fasse dans des conditions satisfaisantes.

3-1. Des attitudes et des comportements ouverts à l'idée du changement

Face à la réalité et à la nécessité du changement plusieurs attitudes sont envisageables :

Ecartant sans la moindre hésitation, la première des attitudes (politique de l'autruche), il est alors intéressant de s'interroger sur la façon de mettre le maximum d'atouts de son côté pour réussir le changement et plus précisément permettre la transformation en profondeur des structures documentaires. Plusieurs recommandations semblent pouvoir être formulées.

a) Savoir anticiper les évolutions (ne pas se laisser surprendre), développer une vision prospective (soi-même en tant que manager et surtout collectivement &emdash; hiérarchie, collaborateurs, partenaires, clients -), et penser de façon "systémique", ouverte et large; de façon schématique, ne pas se laisser emprisonner par les chaînes de production et la répétition des gestes du quotidien et décider de sortir la tête du guidon, de mettre le nez à la fenêtre, de prendre le temps de penser et préparer le futur.

b) Savoir bien évaluer ses forces et ses faiblesses, ses atouts et ses richesses, ses limitations et ses contraintes ; identifier et évaluer les opportunités qui peuvent apparaître; réaliser régulièrement des évaluations stratégiques des structures documentaires, des "check-up" ou bilans de santé ; accepter et même proposer que soient réalisés des audits relatifs à la fonction documentaire en veillant à ce que ceux-ci soient prospectifs, fonctionnels et participatifs (implication des personnes).

c) Développer le sens ou l'intelligence d'un certain opportunisme créatif, chercher à se positionner et à réagir de façon positive, à être aussi proactif que possible ; trouver les fentes dans lesquelles on peut glisser les germes de nouveaux possibles et apprendre à rebondir par rapport à des situations d'impasse.

d) Recourir autant que possible à des approches fonctionnelles qui permettent de toujours se référer aux besoins à satisfaire (relativement stables dans le temps finalement) et éviter au contraire de s'enfermer dans les logiques construites autour de la défense des solutions passées et présentes, forcément conjoncturelles (outils techniques, schémas organisationnels, chaînes, gestes et pratiques …) ; revenir à l'essence du métier en identifiant bien la vraie valeur ajoutée de la médiation professionnelle fonctionnelle.

e) Jouer à fond la carte des compétences et des qualifications ; faire de la veille, non seulement sur les outils du métier mais aussi sur les évolutions de celui-ci ; se former et former les collaborateurs pour mieux absorber le changement, l'anticiper et le piloter.

f) Profiter des transformations imposées pour remettre en cause les produits et services existants, les façons de travailler, les modalités de réponse aux besoins des clients ; simplifier, alléger éliminer les fonctions techniques internes inutiles, sans réelle valeur ajoutée pour les clients.

g) Recourir aux démarches de créativité, chercher d'autres solutions que les solutions connues, universelles, copiées sur les voisins (attention à la veille et au benchmarking qui peuvent devenir vite contre-productifs) ; savoir se décaler, voir ailleurs et autrement, oser proposer de nouvelles approches.

h) Faire confiance à la capacité des hommes et des équipes à rebondir ; privilégier des approches "constructivistes", organiques ; impliquer les personnes, organiser le changement concerté, jouer la carte de la capitalisation d'expérience ; viser l'entreprise ouverte et apprenante

i) Penser et gérer la structure documentaire comme une véritable PME-PMI devant conquérir en permanence de nouveaux marchés ; aucune structure documentaire ne peut légitimement prétendre à la pérennité du seul fait qu'elle est "LE CENTRE DE DOCUMENTATION" de l'entreprise ; accepter l'idée que le centre de documentation est une entreprise ou une organisation comme une autre, intervenant dans un environnement de plus en plus instable, chahuté, et qu'il n'est qu'une solution parmi d'autres pour la réalisation du besoin essentiel d'accès à la bonne information pour l'action et la décision.

3-2. Quelques suggestions pour l'ADBS et la profession

A l'issue de cette réflexion sur les mutations des structures documentaires, il peut s'avérer utile de formuler quelques propositions ou recommandations à l'adresse de l'ADBS et de toute la profession de la documentation.

a) Mettre en chantier un travail collectif sur la conduite du changement en documentation ; au delà d'une perception traditionnelle figée de la pérennité des fonctions, des organisations et des processus documentaires, comment aider les professionnels concernés à comprendre les transformations actuelles du cadre professionnel et comment les aider à passer d'une gestion routinière de la stabilité à un management plus dynamique, créatif et risqué de nouvelles solutions ?

b) Constituer un observatoire des mutations des structures et organisations en documentation ; identifier et analyser des cas positifs et négatifs d'évolution, montrer qu'il existe toujours plusieurs possibles et dégager des règles pratiques pour la conduite réussie du changement.

c) Evaluer les nouveaux modes d'organisation et de management de l'information et de la documentation dans le contexte actuel de la société de l'information en émergence ; procéder à des travaux de nature prospective sur l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la nouvelle économie sur les fonctions et structures documentaires.

d) Elaborer des argumentaires solides pour convaincre différents partenaires (autres groupes socioprofessionnels, services clients,…) comme les milieux dirigeants des entreprises de la nécessité de penser l'organisation générale de la documentation selon des principes fonctionnels robustes et efficaces; montrer par là même que des professionnels qualifiés ont leur mot à dire dans la façon d'aborder la nouvelle globalité et complexité de l'information-documentation.

e) Impliquer sans tarder tous les jeunes professionnels et futurs professionnels en formation dans cette réflexion sur la nouvelle dynamique du développement de la documentation; évaluer et faire évoluer les formations (tant initiales que continues) de telle façon qu'elle ne véhiculent plus d'images et de concepts dépassés sur les organisations et structures documentaires mais qu'elles donnent au contraire le maximum de chances aux professionnels concernés pour qu'ils exploitent au mieux les nouveaux filons d'un management plus global de l'information-documentation et sachent inventer les solutions appropriées.

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