Conduite de projet et management par la valeur,

deux atouts essentiels

pour réussir un projet innovant dans l'entreprise

JM326

Jean MICHEL

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 Conférence introductive à la journée d'étude AFAV-AFITEP du 1er février 2000 (Paris).

"Réussir un projet innovant dans l'entreprise - Conduite de Projet et Management par la Valeur"

Cette rencontre ou journée d'étude organisée conjointement par l'AFAV (Association Française pour l'Analyse de la Valeur) et l'AFITEP (Association Francophone du Management de Projet) sur le thème de la conduite des projets innovants dans l'entreprise s'inscrit dans un cycle de manifestations que l'AFAV a proposé ces derniers mois à ses membres pour étudier la contribution des disciplines "Valeur" à l'innovation. Ainsi, en mai 1999, une journée d'étude permettait de cerner les relations réciproques de la recherche et de l'AV ; il en est résulté la mise en place d'un réseau pour la recherche dans le domaine "Valeur-Fonctions", réseau VAFORE). En septembre dernier, une autre manifestation nous amenait à mettre l'accent sur la méthode TRIZ et la capitalisation des expériences avec le souci de voir comment de nouveaux outils de gestion de l'information et de la conniassnce pouvaient aider à la recherche de solutions nouvelles dans le cadre des études AV-MV.

L'innovation, un ver dans le fruit

A titre personnel, je dois avouer être particulièrement sensible à la thématique de l'innovation et du changement et cela depuis fort longtemps.

Quelques études supérieures déjà lointaines (malheureusement) m'ont immédiatement convaincu de l'impérieuse nécessité d'innover et m'ont fait clairement percevoir l'apport essentiel de méthodologies génériques permettant de stimuler la créativité, de pousser l'innovation et de conduire le changement dans les organisations (je pense bien sûr à l'analyse de la valeur mais aussi à l'analyse de systèmes, aux démarches de "problem solving" et aux grandes techniques de créativité). Jeune ingénieur diplômé des Ponts et Chaussées, bouleversé par la "révolution sociétale" et le questionnement de mai 1968, ayant fait un travail de fin d'étude remarqué sur la sociologie de l'habitat (ce qui témoigne à l'évidence d'un profond refus d'une approche traditionnelle du métier d'ingénieur), il m'a été offert de participer à une aventure intéressante - le Plan Construction - dont l'objectif est de stimuler, au niveau national, la recherche, le développement, l'expérimentation et l'innovation dans le domaine de la construction et de l'habitat. C'est à ce moment (années 71-75) que je découvre l'analyse de la valeur et se vertus, que je rencontre aussi les grandes figures de la discipline (dont certaines sont encore très actives au sein de l'AFAV et dans la vie professionnelle et que je remercie de m'avoir initié à leurs croyances).

Depuis, les occasions n'ont pas manqué d'exercer mes compétences au profit de la conduite de l'innovation et du changement dans un esprit qu'un journaliste économique a pu qualifier de "prospectif et réaliste". C'est ainsi que depuis une dizaine d'années, en tant que formateur, chercheur et consultant, j'essaye de persuader divers milieux professionnels de repenser complètement leurs dispositifs de management de l'information, d'innover en recourant aux nouvelles technologies de l'information (et notamment Internet). Je pousse désormais les feux du côté de l'économie du virtuel (la "netéconomie"). Internet est sûrement la plus grande innovation socio-économique de la dernière décennie qui va transformer en profondeur nos façons de penser et de travailler: citons par exemple l'explosion actuelle des pratiques appelées "Business to Business" qui conduisent à supprimer les intermédiations inutiles ou celles du "Business to Consumer" qui tentent d'établir des liens directs (one to one) entre producteurs et clients-utilisateurs. Et en tout cas, en tant qu'expert concerné par les formations d'ingénieurs , il m'est difficile d'ignorer le développement rapide des universités virtuelles, de l'enseignement à distance, de l'auto-formation et l'émergence des nouveaux marchés de l'info-connaissance (développement personnel et professionnel, formation tout au long de la vie).

Je pourrais même ajouter ici mon penchant plus récent pour une prise en compte solide, opérationnelle, des préoccupations relatives au développement durable dont je pense qu'elles seront désormais et de plus en plus au cœur des décisions des acteurs économiques (non seulement parce que les fonds de pension éthiques l'impose, mais aussi parce que le développement durable, comme les technologies de l'information, est devenu un réel facteur de re-fondation de la compétitivité et de la conquête des marchés).

De l'invention à l'innovation

Quelques mots maintenant sur la thématique de la journée d'étude, à savoir, la conduite (réussie) des projets innovants dans les entreprises et les organisations.

Il est généralement admis que la distance entre idée nouvelle à invention n'est pas très grande. Une bonne dose de créativité pratique et une connaissance rigoureuse des mécanismes de la propriété industrielle permettent de bien passer ce cap. Les techniques de créativité, l'analyse de la valeur et le questionnement de nature méthodologique sont bien sûr des leviers importants pour l'invention de nouvelles solutions (produits, services, organisations,...).

Le passage, par contre, de l'idée nouvelle (et de l'invention) à l'innovation est autrement plus délicat et nombre de projets supposés innovants viennent s'échouer piteusement sur les rives de l'indifférence polie ou de l'oubli collectif (comme ce fut le cas pour cet aérotrain pourtant bien sympathique, sans parler de nombreuses autres inventions d'ingénieurs restées à l'état de prototypes). L'analyse rétrospective des échecs d'inventions qui ne sont jamais passées au stade de l'innovation est instructive et montre bien souvent les limites d'une pensée trop techniciste qui ne comprend pas les logiques spécifiques de l'innovation ou n'intègre pas toute la complexité et la multi-dimensionnalité de celle-ci.

Il faut bien sûr s'entendre sur ce que l'on met derrière le mot innovation (ce que fera sûrement beaucoup mieux que moi Marc Giget, notre premier conférencier, auteur d'un remarquable ouvrage sur l'innovation et "la dynamique stratégique de l'entreprise").

L'innovation, d'après les théoriciens qui en parlent savamment, peut être définie comme le passage de l'invention dans le monde réel, comme la socialisation et le développement économique de l'idée nouvelle. L'innovation est une sorte de précipitation argentique (à tous les sens du terme) de la pensée créatrice d'un inventeur. L'innovation sera aussi ce qui fera lien entre d'une part l'idée de l'inventeur ou créateur et d'autre part les besoins des hommes et le marché.

Dès lors il est aisé de percevoir toutes les difficultés qui peuvent empêcher l'innovation d'aboutir:

- l'innovation suppose que des hommes, des équipes, soient impliqués pour assurer la faisabilité puis la viabilité, puis encore le développement du projet innovant (en d'autres termes, il faut de la sueur, de l'acharnement, de la volonté d'aboutir);

- l'innovation doit aussi rencontrer le marché, avoir une utilité et de la valeur pour d'autres hommes qui pourront bénéficier pleinement de ses avantages; elle peut naturellement connaître le risque de l'échec dans la pénétration de ce marché (il me revient à l'esprit cette invention géniale d'un professeur d'une Ecole d'ingénieurs du nord de la France, un produit à base d'argile, hyper-performant, avec une résistance à la compression phénoménale, mais qui n'a jamais pu trouver son marché par manque de besoin d'une telle performance à un coût acceptable);

- l'innovation, c'est encore une course folle contre le temps dans la mesure où les transformations progressives qu'elle implique vont coûter du temps et donc de l'argent (les constructeurs automobiles ont désormais mis avec succès cette exigence de réduction du "time to market" au cœur de leurs préoccupations);

- l'innovation, c'est également une prise de risque sur le futur, mais qui ne ressemble aucunement à celui du jeu ou de la bourse ; des hommes s'impliquent fortement dans le projet innovant, leur avenir dépend de la réussite ou de l'échec de celui-ci; des retombées mal maîtrisées d'une innovation a priori séduisante peuvent aussi s'avérer catastrophiques et faire rejeter l'innovation;

- l'innovation, c'est enfin un savant équilibre à trouver entre des exigences contradictoires entre des points de vue de parties prenantes multiples (l'actionnaire, les clients, la direction de l'entreprise, les personnels de celle-ci, les acteurs de la vie publiques, les générations futures,...) avec la nécessité désormais de trouver des solutions pérennes, respectueuses de l'environnement, élaborées et acceptées comme de subtiles et dynamiques compromis (et non pas comme des solutions idéales au vu d'un seul critère ou pour un seul point de vue).

Un besoin de méthodes pour réussir l'innovation

En d'autres termes, réussir l'innovation est autrement plus complexe et délicat qu'inventer. L'innovation met en cause des individus, des structures, la société elle-même. L'innovation présente aussi de multiples facettes fortement reliées entre elles: scientifiques, techniques, économiques, juridiques, sociales, culturelles, sociétales, environnementales,... Dans ce contexte, le besoin de méthodes efficaces s'avère indispensable et de plus en plus la conduite et la gestion de l'innovation deviennent un domaine de recherche et de développement en soi.

La conduite de projet et les techniques associées à celles-ci permettent d'assurer un pilotage rigoureux du processus innovant. Elles permettent d'inscrire efficacement le projet dans le temps et dans l'environnement socioéconomique que constitue l'ensemble des développeurs du projet.

Le management par la valeur et les méthodes d'analyse de la valeur, d'analyse fonctionnelles et de conception à coût objectif donnent les conditions d'un bon calage du projet innovant par rapport aux besoins réels et facilitent la maîtrise économique de l'innovation eu égard aux attentes des diverses parties prenantes.

Le soutien méthodologique à l'innovation est indispensable pour la réussite de celle-ci. Ce soutien, qu'il vienne des approches Projet ou Valeur ou de leur combinaison intime, va mettre l'accent sur la rigueur de la définition des missions et des objectifs. Il va chercher à assurer la compatibilité entre d'une part les idées géniales (voir les fantasmes) des créateurs, d'autre part les attentes du marché, les besoins des futurs clients, bénéficiaires ou parties prenantes, enfin les capacités techniques, économiques et financières des entrepreneurs décidant de prendre le risque de forcer le passage de l'innovation. Le soutien méthodologique intervient encore dans la façon de faire travailler ensemble et efficacement diverses compétences. Il s'appuie de façon déterminante sur une forte mobilisation des informations utiles et sur la capitalisation des expériences d'où l'importance désormais du "group-ware" (travail collaboratif appuyé par l'information), de "work-flow" (gestion des flux informationnels), du "knowledge management" (gestion des connaissances). Le soutien méthodologique à l'innovation doit se concevoir finalement comme une démarche multidimensionnelle et globale de résolution de nombreux problèmes simples ou complexes de façon à ce qu'à terme, l'enfant devienne adulte, le projet devienne produit et l'idée devienne réalité.

Des actions en synergie

Eu égard à l'importance de cette thématique de la réussite de l'innovation, il était naturel que les deux associations sœurs que sont l'AFITEP et l'AFAV proposent une rencontre commune de façon à faire le point sur la question, à confronter points de vue et expériences et à ouvrir la voie à de futurs et utiles travaux méthodologiques bénéficiant aux membres des deux associations comme aussi à toute la communauté des entreprises innovantes.

Le Management par Projet et le Management par la Valeur sont au cœur de la réflexion et de l'action sur le changement et l'innovation dans les organisations. Cette rencontre commune du 1er février 2000 doit pouvoir le démontrer facilement et surtout de manière convaincante à travers les divers témoignages proposés. Pour l'AFAV et l'AFITEP, cette action préfigure une évolution vers un travail de plus en plus en synergie avec comme premier objectif à court terme, le couplage des deux congrès des deux associations à une même date (7 et 8 novembre 2000), en un même lieu (Paris - Sofitel) et sur une thématique commune essentielle (les hommes au cœur des démarches Projet et Valeur).

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