Le management par la valeur, démarche de coaching pour l'accompagnement du changement dans les organisations.

Value Management as a coaching approach for the introduction of change within organizations

Jean MICHEL, ENPC

JM 335

Publications Jean MICHEL
Page d'accueil Jean MICHEL

- in Congrès international AFAV 2000, Paris 7-8 novembre 2000, pp. 184-196

- in Revue Française de Gestion Industrielle, Vol.20, N°2 - 2001, pp. 61-73

PLAN

Résumé

1 &endash; NOUVELLE ECONOMIE ET ADAPTATION DES STRUCTURES

1-1. Un environnement changeant, des organisations chahutées

1-2. Les TIC au cœur de l'évolution et des mutations

1-3. Les traits caractéristiques d'une évolution irréversible

1-4. Des structures tertiaires en péril

1-5. Les résistances et les incompréhensions

2 &endash; MANAGEMENT PAR LA VALEUR ET CONDUITE DU CHANGEMENT

2-1. Des démarches MV en structures tertiaires

2-2. Dans une grande institution du secteur hospitalier

2-3. Développement de l'autoformation dans une institution de formation

2-4. Un service documentaire national en restructuration

2-5. Dans une organisation internationale du secteur humanitaire

3 - ENSEIGNEMENTS A CARACTERE METHODOLOGIQUE

3-1. La dimension temporelle du management par la valeur

3-2. L'implication dynamique de divers ensembles de personnes et parties prenantes

3-3. Les technologies de l'information et de la communication en appui au MV

3-4. Le fonctionnel institutionnel, une vision prospective des évolutions

3-5. Les espaces complexe de la décision

3-6. L'animateur, accompagnateur des processus de changement

Conclusion

Références

Résumé

 

Nombre d'organisations tertiaires, nombre de services administratifs des secteurs public ou privé subissent aujourd'hui de plein fouet le choc d'une nouvelle économie qui se fonde sur un recours systématique aux nouvelles technologies de l'information numérique en réseau et sur une ouverture de toutes les catégories de frontières ("globalisation"). Dans ce contexte, les services ou organisations tertiaires souffrent et leur principale fonction de médiation ou d'intermédiation est désormais remise en cause. Le problème qui se pose est fondamentalement celui de la non compréhension par les hommes du management de la nécessité des changements, de la non-maîtrise par eux des concepts et outils qui les aideraient à accompagner voir anticiper les mutations.

Au cours des dernières années, des actions de "reconfiguration" de structures tertiaires diverses ont été entreprises en recourant aux principes et aux outils du management par la valeur. Les organisations concernées se sont toutes trouvées dans la nécessité impérative de devoir changer, se transformer, repenser complètement leurs fonctions et la gamme de leurs services ou prestations.

La communication a pour but de montrer, à travers quelques exemples concrets, comment la démarche d'introduction et de conduite du changement dans l'organisation peut être envisagée en s'appuyant certes sur les "fondamentaux" du management de la valeur mais en intégrant aussi et surtout de nouvelles perspectives comme le développement de l'organisation ouverte et apprenante ou encore l'implication du plus grand nombre possible d'acteurs et de parties prenantes dans la démarche.

Comment faire évoluer la bonne vieille méthode d'analyse de la valeur pour qu'elle devienne un outil d'accompagnement intelligent, "soft", du changement et notamment du changement durable, accepté par les acteurs qui comprennent le sens de ce changement et comment le management par la valeur (ou MV) peut consituer une intéressante démarche de "coaching" institutionnelle fonctionnelle ?

 

La reconfiguration de services, structures ou organisations pour permettre leur adaptation à de nouveaux défis ou à des contextes changeants fait de plus en plus souvent l'objet de démarches inspirées du management par la valeur. Il s'agit notamment de pouvoir déterminer, par une mobilisation judicieuse de l'ensemble des énergies et compétences des forces en présence, la meilleure ligne asymptote possible ("la cible") vers laquelle devront converger, à moyen terme, l'ensemble des actions de reconfiguration et de développement. Bien calée sur les solides fondamentaux que sont l'analyse de système et l'analyse fonctionnelle, cette approche "soft" de la conduite du changement organisationnel donne des résultats intéressants permettant aux diverses parties prenantes d'agir dans la confiance, de bien percevoir le cap à franchir et surtout de donner de la cohérence à l'ensemble des programmes d'actions d'innovation. Ce management par la valeur appliqué aux processus de transformation des organisations est en lui-même une pédagogie de la conduite du changement et facilite l'évolution vers une maîtrise continue de l'innovation socio-organisationnelle (1).

1 &endash; NOUVELLE ECONOMIE ET ADAPTATION DES STRUCTURES

Dans son ouvrage célèbre paru en 1970 ("Le choc du futur") &endash; ouvrage plus que jamais d'actualité dans la période actuelle de globalisation et de développement de la société de l'immatériel -, Alvin Toffler (2) mettait l'accent sur "le courant impétueux du changement, courant aujourd'hui si puissant qu'il bouleverse nos institutions, ébranle nos valeurs et s'attaque à nos racines ". Esquissant les grandes lignes d'une évolution se traduisant par la mort de la permanence et l'essor de l'éphémère, Toffler mettait en évidence le rôle majeur de l'ad-hocratie montante et militait pour la diversité des approches. Il préconisait le déploiement de "groupes en situation", c'est à dire d'organismes temporaires rassemblant des individus subissant au même moment les mêmes bouleversements et finalement appelait à l'humanisation de la planification ("les technocrates souffrent de myopie"), seule démarche capable d'absorber la nouvelle complexité d'un environnement fortement changeant

Trente années plus tard, en l'an 2000, ce que prédisait Toffler paraît terriblement banal. La société de l'information, de l'immatériel, du virtuel est bien là, accompagnée d'une mondialisation et d'une globalisation incontournables. La nécessité du changement est plus que jamais d'actualité en même temps qu'évoluent très rapidement toutes les règles du jeu économique, et démocratique avec désormais la préoccupation majeure de devoir créer de la valeur (entendue ici comme richesse) dans le contexte d'une nouvelle économie (net-économie) qui brouille terriblement les cartes.

Examinons quelques facettes de ce nouveau contexte économique et socioculturel qui modifie nos façons de penser, de décider, de travailler, en un mot d'agir. Examinons les en nous centrant plus spécifiquement sur les organisations tertiaires et les services dont les transformations sont assez radicales et dont nous allons voir quel rôle le management par la valeur peut jouer pour accompagner les changements ou mutations.

 

1-1. Un environnement changeant, des organisations chahutées

Nombre d'organisations tertiaires, nombre de services à caractère administratif, relevant des secteurs public ou privé, subissent aujourd'hui de plein fouet le choc de cette nouvelle économie qui se fonde sur un recours systématique aux nouvelles technologies de l'information numérique en réseau et sur une ouverture de toutes les catégories de frontières ("globalisation") : géographiques, sectorielles, disciplinaires,.... Des mutations profondes apparaîssent qui bousculent ces organisations dès lors pertinence et l'utilité de celles-ci semble de moins en moins évidente. Cette évolution touche toutes les organisations, tous les services, toutes les fonctions de nature tertiaires : simplification voir suppression des secrétariats, mise en cause de structures centralisées telles que les centres de documentation, émergence de modalités de formation s'appuyant sur les nouvelles technologies de l'information (universités virtuelles), services administratifs "dégraissés", banque en ligne, e-commerce et e-business, télémédecine, administration en ligne ou virtuelle et plus généralement toutes formes de télétravail conduisant à l'éclatement des organisations et rendant même problématique dans certains cas l'identité même des entreprises ou structures.

Dans l'industrie et dans les secteurs de production, cette évolution ne se fait pas sentir de la même façon (soit l'adaptation est logique, naturelle, soit on élimine immédiatement ce qui n'est plus rentable). Par contre, dans les secteurs et activités tertiaires (y compris par exemple les bureaux d'étude), elle se manifeste comme une nouvelle exigence socio-économique à laquelle on n'était pas habitué, et elle conduit à des interrogations sérieuses sur la façon d'organiser ces activités tertiaires dans le futur comme sur la façon d'offrir de nouveaux services plus performants en réponse à des besoins toujours plus complexes. La désintermédiarisation engendrée par le développement des technologies nouvelles d'information et de communication chahute sérieusement le monde jusqu'alors tranquille des services ou organisations tertiaires.

 

1-2. Les TIC au cœur de l'évolution et des mutations

Les TIC (technologies de l'information et de la communication) sont, à n'en point douter, une des causes premières de cette évolution. L'explosion des usages d'Internet et la généralisation du document numérique, accessible universellement par les réseaux, de même dans une moindre mesure le rapide développement du marché de la téléphonie mobile sont désormais des réalités incontournables et influent de façon certaine sur nos façons de penser et de travailler comme sur les manières de gérer les hommes et de mobiliser les compétences. Ces technologies de l'information contribuent à l'évidence à la "mondialisation" de l'économie, participent au mouvement de la globalisation et expliquent l'incroyable poussée de fièvre de la "nouvelle économie" (ou net-économie). Les TIC transforment le quotidien des organisations, contribuent à l'émergence de relations plus directes, immédiates entre les hommes, accentuent le divorce entre les milieux réactifs de la nouvele éonomie et les anciennes structures conservatrices repliées sur leurs positions défensives.

Les TIC mettent en cause les médiations professionnelles inutiles et donc menacent très sérieusement nombre de structures du secteur tertiaire (3).

 

1-3. Les traits caractéristiques d'une évolution irréversible

Le mouvement de transformation qui s'apparente à une lame de fond, se caractérise sur le terrain par :

- la dématérialisation intensive et généralisée de la majorité des activités économiques ;

- la chute inéluctable des coûts marginaux de médiation qu'induisent les usages intelligents des technologies de l'information ;

- le raccourcissement des chaînes de production de services et la suppression des intermédiations inutiles : le "B to C - Business to Consumer - et le "B to B - Business to Business &endash; deviennent les règles de conduite managériales de la nouvelle économie ;

- l'autonomisation accrue de tous les acteurs de la société avec le développement de relations plus directes et immédiates entre ceux-ci, avec différentes formes de services : "one to one", "one to many", "many to many",…;

- la mise en cause des barrières inutiles , non fondées du point de vue du client ou du besoin : frontières, cloisonnements, rigidités, départementalisations, hiérarchies,… ;

- la réduction drastique de tous les délais, la recherche d'une efficacité nouvelle basée sur l'immédiateté de la circulation de l'information et de la connaissance et sur la réactivité des hommes et des structures ;

- l'émergence de nouvelles entreprises (start-up), de nouvelles structures plus simples, plus informelles en même temps que se réorganisent les grands groupes en vue de la maîtrise des marchés futurs de la nouvelle économie.

 

1-4. Des structures tertiaires en péril

Dans ce contexte, les services ou organisations tertiaires souffrent et vont souffrir beaucoup dans l'avenir. Leur principale fonction de médiation ou d'intermédiation (de passeur) est désormais remise en cause. On s'interroge sur la réelle valeur ajoutée des pratiques de médiation développées dans les 20 à 30 dernières années. On met en cause les coûts désormais exorbitants de la fonction de médiation (eu égard à ce que permet un emploi efficace des technologies de l'information). On questionne la gamme des services offerts (dépassée, insuffisamment ouverte aux nouvelles possibilités offertes par ces technologies de l'information, trop peu créatrice de vraie valeur ajoutée). On critique le manque de flexibilité, d'interactivité, d'adaptabilité des pratiques existantes. Les lenteurs de réaction, les lourdeurs de fonctionnement, les pratiques de non-communication, les freins de toutes sortes à l'évolution sont désormais perçus très négativement par les responsables avertis comme par la clientèle (notamment celle qui monte, la Web-génération). Des audits ou démarches de reconfiguration se multiplient sur ce terrain pour trouver de nouvelles solutions avec souvent une priorité accordée au développement des usages de la messagerie électronique, de l'Intranet ou des solutions de groupware.

 

1-5. Les résistances et les incompréhensions

Le problème qui se pose est fondamentalement celui de la non compréhension par les hommes de l'organisation de la nécessité des changements, de la non-maîtrise par eux des concepts et outils qui les aideraient à accompagner voir anticiper les mutations. Les cadres et souvent les managers de ces structures ne perçoivent pas bien les mutations en cours, soit parce ce que culturellement ils ne peuvent pas les accepter, soit parce qu'ils ne peuvent pas en maîtriser toutes les conséquences (4). Sur le terrain, les hommes et les équipes sont de plus en plus perturbés par l'évolution en cours. Ils ne comprennent pas pourquoi les changements structurels ou organisationnels sont si longs à être décidés ou mis en œuvre. Ils ne comprennent pas que rien ne soit fait (plans de formation, équipements,…) pour que le pas soit franchi le plus rapidement et globalement possible. En d'autres termes, face à l'évidence des changements à opérer, face à l'inéluctable transformation de la société, les entreprises ou organisations restent en retrait et ne savent pas comment aborder la question des reconfigurations des structures en place.

 

2 &endash; MANAGEMENT PAR LA VALEUR ET CONDUITE DU CHANGEMENT

 

2-1. Des démarches MV en structures tertiaires

Au cours des 3 à 4 dernières années, plusieurs actions de "reconfiguration" de structures tertiaires diverses ont été entreprises en recourant aux principes et aux outils du management par la valeur. Les organisations concernées se sont toutes trouvées dans la nécessité impérative de devoir changer, se transformer, repenser complètement leurs fonctions comme la gamme de leurs services ou prestations. La difficulté toutefois réside dans le fait qu'une organisation tertiaire qui réfléchit sur son propre avenir est fondamentalement une entité vivante, faite d'hommes et de groupes qui vivent, non sans quelques craintes, la perspective d'un changement à opérer pour faire face aux exigences de la nouvelle société de l'information et de l'immatériel.

Il apparaît très vite évident qu'il n'est pas possible d'appliquer au pied de la lettre à ce contexte les principes, concepts et outils de l'analyse de la valeur pas plus qu'on ne peut dérouler de façon formelle des analyses fonctionnelles qui ne seraient que des caricatures de modélisation des structures concernées. Il faut comprendre que les hommes qui s'engagent dans le changement (surtout dans le cas de petites et moyennes organisations) sont à la fois "objet" et "sujet" de l'action d'étude. Il est donc nécessaire d'intégrer, dans ces opérations de reconfiguration des organisations, la réelle complexité de nature systémique qui seule peut rendre compte de l'existence de blocages, de contradictions, voire même de conditions d'indécidabilité.

La démarche d'introduction et de conduite du changement dans les organisations peut être envisagée en s'appuyant certes sur les "fondamentaux" du management de la valeur mais en intégrant aussi et surtout de nouvelles perspectives comme le développement de l'organisation ouverte et apprenante ou encore l'implication du plus grand nombre possible d'acteurs et de parties prenantes dans la démarche.

 

2-2. Dans une grande institution du secteur hospitalier

Dans le contexte d'une institution hospitalière régionale d'une certaine importance (une dizaine d'hôpitaux et structures associées concernés), s'est posée la question de la réorganisation de la fonction information-documentation. En dépit de la qualité des services rendus par la structure doumentaire en place, en dépit du professionnalisme des équipes et de la qualité des prestations fournies, il était devenu évident que la réponse globale apportée par le dispositif existant ne prenait pas vraiment en compte la nouvelle donne des TIC en même temps que se manifestait un réel décalage de cette réponse par rapport aux nouvelles orientations décidées par le management de l'institution. A cette situation insatisfaisante s'ajoutait en outre :

- une politique promotionnelle insuffisamment développée;

- une gamme de produits et services trop peu structurée et diversifiée;

- une connaissance insuffisante des besoins des diverses clientèles.

- une faible valorisation des pôles d'excellence de la documentation.

La démarche MV légère adoptée a permis, sur une période de trois mois de faire une évaluation complète du dispositif existant et de repositionner stratégiquement la fonction information-documentation. L'action s'est déroulée sous la forme de deux réunions-séminaires très intensives impliquant toute l'équipe de la structure en place, avec en outre une série d'investigations de terrain auprès de représentants de grands clients et autres parties prenantes. L'opération a permis de bâtir un nouveau projet pour le développement de la fonction information-documentationpour l'institution hospitalière en question et d'engager les premières actions symboliques montrant la capacité de la structure à évoluer.

Il est important de souligner le fait que dans l'opération, l'ensemble des personnels de la structure a été impliqué (notamment dans les réunions-séminaires) comme l'ont été diverses parties prenantes (grands clients ou acteurs d'influence).

La démarche, d'un point de vue méthodologique, s'est très vite appuyée sur la détermination des quatre à cinq grandes fonctions de service à assurer (croisées avec les grandes groupes cibles de clientèles). Ces fonctions ont alors pu servir de référentiel d'évaluation des prestations et services existants (et de détermination de nouveaux services recourant aux TIC) comme de cadre de référence pour les évolutions à venir de la structure pour les trois prochaines années.

 

2-3. Développement de l'autoformation dans une institution de formation

Formant des professionnels devant intervenir en milieu difficile auprès de jeunes en difficultés ou en danger, cette institution nationale de formation doit faire face à de nouveaux défis : croissance importante du nombre des personnes en formation, décentralisation, développement de l'autoformation, etc.. Le Directeur récemment nommé a souhaité faire appel à un soutien méthodologique externe, sorte de coaching institutionnel, en vue de lancer un certain nombre de projets de transformation de l'institution, l'objectif étant de rendre possible à moyen terme le développement de pratiques d'autoformation, et, à court terme, de remotiver un encadrement de direction désemparé suite à un flottement managérial de plusieurs années.

En s'appuyant sur des démarches de management par la valeur, le travail réalisé sur une période de18 mois a consisté en un enchaînement de trois opérations successives :

- en premier lieu, une réflexion collective sur le cadrage des nouvelles orientations de l'institution avec comme point d'aboutissement la mise au point d'un nouvel organigramme fonctionnel et surtout une ré-implication des cadres de l'institution autour d'un nouveau projet collectif ;

- ensuite, l'élaboration collective d'un cahier des charges fonctionnel institutionnel d'un futur dispositif d'accès à des ressources pour la formation, ce dispositif répondant aux orientations stratégiques définies antérieurement (notamment le développement de l'autoformation et la valorisation des ressources, connaissances et compétences) ; ce CdCF sert alors de fil directeur pour toute une série de décisions touchant les personnels (recrutement notamment de nouvelles compétences, réaménagement de locaux, cablage informatique du site principal et des antennes régionales, acquisition d'un logiciel avancé de gestion de bases de données,…) ;

- enfin, l'élaboration également collective d'un autre cahier des charges fonctionnel pour le développement du site Internet-Intranet de l'institution ; ce travail permet de disposer d'une infostructure fonctionnelle cohérente et servant de ligne d'orientation pour les futures démarches d'information, de documentation et de communication de l'institution.

Les approches MV ont permis d'associer un très grand nombre de partenaires, soit dans les groupes projets spécifiques , soit par des interviews ou auditions complémentaires. Il est important de noter le fait que les trois opérations décidées ont été très légères (de 4 à 7 réunions) mais ont toutes les trois débouchés sur des contenus de propositions forts et riches. Il faut mentionner le souci que l'information et les idées échangées lors de ces réunions, comme les propositions faites en fin de parours, soient largement diffusées et débattues (y compris devant les instances paritaires dirigeantes comme auprès de la tutelle ministérielle). La démarche fonctionnelle, souple, adaptée au contexte, s'est avérée très féconde pour faciliter les débats et faire progresser les points de vue vers des consensus originaux. On notera notamment le fait que la démarche fonctionnelle utilisée s'est calée, de façon étroite, sur la culture de l'institution, y compris dans la façon d'exprimer les orientations fonctionnelles des futurs dispositifs à mettre en place.

Il est intéressant de souligner le fait que l'ensemble des trois interventions MV articulées entre elles a permis de débloquer une situation de crise, de redonner de la confiance et de la motivation aux équipes en place et de fournir un cadre méthodologique et pédagogique pour le travail collectif au sein de l'institution.

 

2-4. Un service documentaire national en restructuration

La direction d'un centre national de documentation dépendant d'un Ministère technique important a souhaité redéfinir sa stratégie et évaluer ses missions, ses programmes d'action, ses lignes de produits et services. La situation de ce dispositif documentaire apparaîssait en effet assez critique :

- décentralisation imposée conduisant à des transformations profondes des équipes (avec perte réelle de compétences spécialisées) et surtout à une démotivation importante des personnels (un resserrement des effectifs est en outre imposé avec suppression de 25 à 30% des postes) ;

- mauvaise réactivité de l'institution par rapport au phénomène Internet (les produits et services traditionnels voient leur chiffre d'affaires chuter de façon sérieuse du fait de l'absence de stratégie de redéploiement de ces prestations autour des solutions Internet) ;

- lourdeurs de fonctionnement, cloisonnements excessifs, faiblesse de la politique marketing, absence de données fiables sur les coûts et les résultats ;

- méconnaissance assez grave de la clientèle réelle et de ses besoins.

Dans ce contexte, une action de management par la valeur a été engagée visant à repositionner le service et à déterminer une nouvelle stratégie. L'action s'est déroulée selon un schéma original consistant :

- d'une part à faire fonctionner un premier groupe pilote dégageant en cinq réunions de travail les éléments essentiels de la nouvelle démarche stratégique ;

- d'autre part à mobiliser les cadres de l'organisme (une trentaine de personnes) dans un travail systématique d'évaluation fonctionnelle de la gamme actuelle de produits et services ;

- à impliquer la direction du centre dans l'élaboration d'un premier schéma stratégique à présenter à l'autorité de tutelle pour approbation.

A l'issue de ce premier travail qui a permis de cerner les grandes lignes d'orinetation du futur dispositif documentaire), une action complémentaire a été demandée par une autre structure intervenant dans le champ de l'intelligence économique au sein du même département ministériel. Par décision de l'autorité supérieure coiffant les deux secteurs, la nouvelle action se transforme en une commande plus large, plus ambitieuse, pour une réflexion prospective et stratégique sur le développement et le déploiement de la fnction information, documentation, connaissance au sein du département ministériel en question, et cela dans le cadre d'une démarche de management par la valeur. Cette nouvelle action (en complément de la première opération) implique toutes les structures concernées par cette fonction. Elle doit se développer en faisant abstraction des organisations et dispositifs en place et déterminer le dispositif fonctionnel "cible" à horizon 3 ans. Elle doit enfin se caler sur les besoins des divers groupes d'acteurs du Ministère et surtout intégrer sans la moindre hésitation l'option Internet-Intranet (TIC).

A nouveau, la démarche fonctionnelle, institutionnelle et stratégique, permet d'aborder de façon cohérente la question des évolutions d'une organisation alors que l'implication forte des personnes et des diverses parties prenantes rend possible la convergence vers des solutions acceptables par tous (autorité hiérarchique, partenaires, personnels,.. ).

 

2-5. Dans une organisation internationale du secteur humanitaire

Dans le contexte d'une grande organisation internationale du secteur humanitaire, la question s'est posée de rassembler différentes ressources info-documentaires jusqu'alors dispersées afin d'accroître l'efficacité collective de la fonction information-documentation et notamment de réduire les coûts.

La démarche de management par la valeur adoptée à consister à lancer une première réflexion collective avec un groupe ad-hoc qui s'est réuni six fois sur une épriode de trois mois pour aboutir à un premier cahier des charges fonctionnel institutionnel d'un futur dispositif à créer. Une dizaine d'entretiens ou auditions complémentaires ont permis par ailleurs d'impliquer toutes les structures concernées par le projet (une quinzaine au total). Après aval de la direction générale de l'organisation, un nouveau travail a été entrepris avec un second groupe visant à déterminer les caractéristiques fonctionnelles et techniques du futur dispositif (fonctions de service, compétences, produits et services, etc.) et à évaluer les modalités de passage de la situation antérieure à la situation nouvelle. Les résultats de ce deuxième travail sont soumis à la direction générale comme aussi aux divers responsables départementaux de façon à obtenir un aval pour la réalisation concrète du dispositif.

Le risque d'échec d'une telle étude n'était pas nul en raison des crispations des diverses structures concernées pouvant vivre très mal la ré-affectation de certaines de leurs troupes à un nouveau dispositif à créer. On s'est vite rendu compte que seul un raisonnement fonctionnel sain et public permettait de désamorcer ces blocages, en même temps qu'il favorisait l'expression d'une nouvelle créativité.

Il faut toutefois noter le fait que l'adoption du projet au final a demandé beaucoup plus de temps que prévu initialement, en raison notamment de la culture d'un milieu où la prise de décision suppose en permanence des trésors de diplomatie et de grandes capacités de négociation.

 

3 - ENSEIGNEMENTS A CARACTERE METHODOLOGIQUE

Comment la bonne vieille méthode d'analyse de la valeur peut-elle évoluer dans l'esprit du management par la pour qu'elle devienne un support d'accompagnement intelligent, "soft", du changement et notamment du changement durable, accepté par les acteurs qui comprennent le sens de ce changement. D'un point de vue strictement méthodologique, on peut retenir plusieurs points clés d'une telle évolution.

 

3-1. La dimension temporelle du management par la valeur

On s'aperçoit assez vite (et les diverses applications MV à la reconfiguration d'organisations réalisées depuis 4 à 5 ans le montrent bien) qu'il est indispensable de bien prendre en compte la dimension temporelle du processus de changement et d'inscrire cette dimension temporelle dans l'approche du MV.

Cela implique de respecter les rythmes et les temps des diverses parties prenantes : temps de l'étude, temps de la décision, temps du changement proprement dit (à court, moyen et long termes). La bonne compréhension des divers temps organiques est indispensable comme l'est aussi la perception intelligente des échéances et des phases de l'évolution.

En matière de reconfiguration de structures, services ou organisations, notamment dans tout le secteur tertiaire, la planification purement technocratique des diverses opérations à mener a peu de chance d'aboutir au succès. Autant il est relativement aisé d'imposer un calendrier stricte au déroulé d'un projet touchant un objet industriel, autant il est illusoire de mettre toutes les parties prenantes au pas (cadensé) pour sortir prématurément un projet de restructuration.

Il faut au contraire garder beaucoup de souplesse dans la gestion du temps, même si le cadrage temporel d'ensemble doit être bien perçu par un maximum d'acteurs. En tout cas, il faut laisser du temps au temps, permettre les adaptations progressives (de façon organique) et inscrire le projet de changement sur un moyen terme raisonnable. L'approche MV a le grand mérite de permettre de déterminer les bonnes lignes directrices ou asymptotes vers lesquelles tous les efforts vont progressivement tendre.

Toutefois, tenir compte des temps organiques n'implique pas pour autant de devoir conduire les démarches MV avec des investissements lourds et longs. Bien au contraire, il s'avèrera souvent bénéfique de n'engager que des actions légères, bien ciblées, conduites avec le souci de l'efficacité maximale en évitant de faire perdre du temps aux gens avec des réunions mal maîtrisées. De ce point de vue, le MV peut s'apparenter à une forme institutionnelle de coaching.

 

3-2. L'implication dynamique de divers ensembles de personnes et parties prenantes

Pour réussir le changement organisationnel selon la philosophie du MV, il est bien entendu indispensable d'impliquer un grand nombre de personnes et/ou parties prenantes. Le petit groupe de travail isolé, travaillant seul dans son coin, n'est pas pertinent pour de tels projets de reconfiguration de structures ou organisations.

Il faut en outre impliquer les divers acteurs (décideurs formels ou non, non décideurs,…), solliciter les compétences, selon des modalités variées en visant une réflexion interactive la plus riche possible avec un efficace travail collaboratif . En d'autres termes, il convient de ne plus se limiter à la sacro-sainte règle du groupe de travail AV, vision trop étroite de la démarche collaborative. Il faut mettre au contraire en place une stratégie diversifiée de mobilisation des forces et des compétences : groupe de pilotage, groupes démultiplicateurs, entretiens et auditions collectives, forums électroniques,…. Sans doute est-on là sur une ligne de clivage importante entre classiques opérations AV et démarches de management par la valeur. L'esprit "analyse de système", la prise en compte de la complexité des champs relationnels, le souci de la motivation des personnes pour le changement, imposent donc des dispositifs à géométrie variable, centrés ou non sur l'objectif principal mais assurant un bon labourage de l'ensemble du champ des idées pour que germent et se développent les meilleures potentialités pour le changement (5).

 

3-3. Les technologies de l'information et de la communication en appui au MV

Le rôle des technologies de l'information au service d'une nouvelle communication d'accompagnement du projet de changement est évident. Les entreprises et les organisations baignent désormais dans cette nouvelle société de l'information. Il paraît difficile de conduire en catimini des opérations de reconfiguration d'organisations en faisant abstraction de cette nouvelle exigence de transparence dans la circulation des idées et des propositions.

Il faut désormais assurer, à l'occasion de projets MV de reconfiguration d'orgaisations, la diffusion large de l'information, la capitalisation des réflexions, le partage des analyses, le débat sur les axes de propositions. On ne peut pas imaginer faire du management par la valeur sans mettre les TIC et leurs usages au cœur des démarches de pilotage du changement. Ainsi va-t-on exploiter à fond les potentialités de la messagerie et des forums électroniques dans l'accompagnement des actions, de façon à faire réagir les divers groupes de personnes, de les faire contribuer positivement au débat fonctionnel. De même s'appuiera-t-on sur les outils Web (Intranet) ou de groupware pour permettre d'alimenter régulièrement le débat, avec des textes de synthèse provisoire, des points de vue structurés, des exemples à méditer, etc….

Le management par la valeur s'inscrit pleinement dans la perspective du développement de la société de l'information, de la connaissance, de l'intelligence. Il peut constituer une des formes avancées des nouvelles démarches de cohérence rendues nécessaires par cette évolution.

 

3-4. Le fonctionnel institutionnel, une vision prospective des évolutions

Que n'a-t-on pas dit et écrit sur les potentialités de la démarche fonctionnelle ? Potion magique, recette miracle qui permet de voir le monde autrement, à l'opposé des pratiques habituelles. Il est vrai que l'analyse fonctionnelle reste un outil fabuleux pour exprimer le besoin et pour faciliter l'innovation. Dans le contexte du MV et de son application à la reconfiguration d'organisations, cette approche fonctionnelle est bien sûr indispensable. Toutefois, il convient de ne pas se laisser piéger par la modélisation de la réalité qu'elle suppose. Les hommes, les équipes ne sont pas des fonctions ou plus exactement les fonctions ne sont que des lignes virtuelles de focalisation momentanée des énergies (ou libidos) des divers acteurs ou parties prenantes. Ainsi cherchera-t-on à simplifier au maximum la démarche fonctionnelle (en évitant les lourdeurs du FAST, notamment, ou encore les illusoires représentations en pieuvres ou "araignées boxeuses" ).

Ce qui est fondamental, c'est le sens profond de quelques grandes fonctions bien définies, bien perçues, le reste n(étant que délire obsessionnel de méthodologues en mal de reconnaissance professionnelle. Si le sens profond des 4 à 5 grandes fonctions de l'organisation est clair dans la tête des multiples parties prenantes, alors le processus de convergence peut s'opérer. Ainsi la démarche fonctionnelle institutionnelle devient une véritable prospective d'évolution. Aucun schéma arborescent ou systémique aussi sophistiqué soit-il n'aura autant d'impact que l'affichage de grandes fonctions de service bien senties et largement partagées.

 

3-5. Les espaces complexe de la décision

Bien entendu, dans de telles démarches de management par la valeur visant à des reconfigurations d'organisations, le système décisionnel (formel, réel, virtuel,…) doit être clairement identifié et pris en compte à différentes étapes des projets. Le pilotage du processus global de changement doit bien sûr être fortement cautionné par le top management sans que celui-ci enferme la réflexion dans un carcan qui ne permettrait plus l'expression des potentialités des diverses parties prenantes. Comment éviter les blocages (ou ne pas en provoquer) ? Comment soutenir l'action sans pour autant donner l'impression de s'appuyer sur une méthodologie et des groupes alibis ? Comment se garder encore des marges de manœuvre pour agir sans nier pour autant les avancées intéressantes émanant des instances ou groupes impliqués dans les projets ?

Des moments ou phases de validation avec le (les) décideur(s) doivent être régulièrement proposés, de même que la ligne générale suivie par le décideur avant et pendant l'étude doit être clairement annoncée et connue.

On sait enfin que la décision ne peut plus être le fait d'un seul homme notamment dans le cas de reconfigurations d'organisations. La bonne compréhension des divers espaces ou champs décisionnels devient impérative si l'on veut réussir le changement. En d'autres termes, l'analyse des champs de pouvoir et de contre-pouvoir s'impose en préalable à toute investigation MV, de même que doivent être bien identifiées toutes les sources d'influence positives ou négatives. A partir de là, le dispositif MV à mettre en place doit savoir intégrer cette complexité d'un décisionnel multivarié (et non nécessairement fonctionnel ou rationnel).

 

3-6. L'animateur, accompagnateur des processus de changement

Dans ces démarches de MV appliquées aux organisations et à leurs mutations, le rôle de l'animateur change considérablement. Plus psychosociologue qu'ingénieur, cet animateur, accompagnateur des processus de changement doit s'appuyer sur un socle de valeurs, de connaissances et de compétences faisant "autorité" et donnant de la crédibilité à l'opération qu'il mène. L'animateur d'un projet MV de reconfiguaration d'organisations est beaucoup moins extérieur au sujet traité que ne l'est classiquement l'animateur AV pour un objet du monde physique. Ses interventions se rapprochent nettement plus du coaching et débouchent sur ce que l'on pourrait appeler le CIF : coaching institutionnel fonctionnel.

Expert reconnu, crédible, il peut se permettre d'apporter et mettre à disposition une méthodologie efficace et faire converger les efforts des diverses parties prenantes. L'accord de celles-ci sur le nom d'un spécialiste méthodologue MV n'est possible que si ce dernier présente aux yeux de tous une double compétence de contenu et de méthode.

 

Conclusion

On peut définir aujourd'hui le Management par la Valeur (ou MV) comme une exigence prometteuse et une ardente obligation de dynamique collective pour la recherche des meilleurs compromis possibles entre d'une part les besoins variés de diverses parties prenantes et d'autre part les diverses ressources à allouer ou moyens à mobiliser en vue d'une compétitivité durable de nos entreprises ou organisations. Appliqué à la reconfiguration d'organisations, le MV ouvre indéniablement de nouvelles perspectives et rend plus facile la conduite du changement organisationnel.

Il est important de bien saisir l'innovation profonde que représente le Management par la Valeur et en quoi celui-ci se démarque des approches traditionnelles d'analyse de la valeur. Le MV essaye de tenir compte en effet de la nouvelle complexité des problèmes rencontrés par les milieux industriels, économiques ou administratifs et plus généralement par les organisations pour agir et développer leurs projets et créer de la valeur dans un monde de plus en plus ouvert et soumis aux pressions d'un marché mondial mais de plus en plus contraint aux exigences du niveau local. La dimension managériale du MV est évidente avec, bien entendu, une attention particulière portée aux nouvelles exigences de reconnaissance et de valorisation des compétences, avec aussi la prise en compte dynamique des nouvelles potentialités offertes par les technologies ouvertes de l'information et de la communication. Le passage au MV doit nous aider à assurer cette mutation qui impose une autre vision du management, de la compétitivité, de l'innovation et de la conduite du changement.

Références

(1) MICHEL Jean, L'analyse de la valeur adaptée à la reconfiguration de petites et moyennes organisations - in "La Valeur des produits et services, revue de l'AFAV", n°.69, juillet 1996, pp. 17-20

(2) TOFFLER Alvin, Le choc du futur, - Denoël, Paris, 1971, 539 pages.

(3) MICHEL Jean, Analyse de la Valeur et Management de l'Information - Vers la "Value Information" - in "La Valeur des Produits, Procédés et Services", n°79, Janvier 1999, pp 19-22

(4) MICHEL Jean, Die Ära der Technocraten geht ihrem Ende entgegen &endash; in VDI nachrichten (26 mars 2000, p. 2) &endash;

version française http://www.enpc.fr/~michel-j/publi/JM323.html

(5) MICHEL Jean, Conduite de projet et management par la valeur, deux atouts essentiels pour réussir un projet innovant dans l'entreprise - Conférence introductive à la journée d'étude AFAV-AFITEP du 1er février 2000 (Paris) "Réussir un projet innovant dans l'entreprise - Conduite de Projet et Management par la Valeur"

http://www.enpc.fr/~michel-j/publi/JM326.html