|
![]() |
|
in Vie sociale, n°3, 2000; CEDIAS, pp. 13-22
PLAN
1 - Internet, simple protocole de communication, oui, mais quelle puissance!
2 - Le rôle des médiateurs de l'information face à Internet
3 - De nouvelles pratiques documentaires
3-1. La messagerie électronique3-2. Les listes de diffusion électronique, les forums
3-3. La consultation et l'exploitation des ressources de la "toile"
3-4. La production de pages ou sites Internet ou Intranet
4 - La "e-documentation" et les "document@listes"
Depuis une petite dizaine d'années, Internet est passé du statut de curiosité pour chercheurs à celui de sous-bassement incontournable d'une nouvelle économie. La "net-économie" avance désormais à pas de géants, bousculant tout sur son passage, rendant obsolètes les médiations professionnelles traditionnelles. Internet s'impose aussi au monde de la documentation comme une source d'information de première importance et comme un outil de travail incontournable. Internet transforme en profondeur les pratiques professionnelles du secteur de l'information-documentation (ID) au point d'engendrer de réels problèmes aux structures documentaires traditionnelles qui tardent à y venir. Internet présente notamment le grand intérêt d'obliger les documentalistes et autres professionnels de l'ID à redéfinir leur mission, à repenser la fonction de médiation entre d'une part des sources d'information de plus en plus ouvertes, mondiales et surtout surabondantes et d'autre part des "demandeurs-utilisateurs-acteurs" d'information de plus en plus autonomes dans leurs pratiques informationnelles. Internet est l'occasion inespérée pour le monde de la documentation de se positionner de façon plus claire dans la chaîne de création de valeur autour de l'information, de sa production, de sa diffusion et de son exploitation.
1 - Internet, simple protocole de communication, oui, mais quelle puissance!
On peut définir Internet comme un système de médiation informationnelle et documentaire dont les diverses fonctionnalités recouvrent assez logiquement les traditionnelles modalités de production, de présentation, de dissémination et d'exploitation de l'information. Toutefois, et contrairement aux moyens documentaires classiques que sont par exemple les bases de données développées dans les années 70-90, Internet est bien plus qu'un simple outil et surtout n'est pas un système réservé exclusivement aux seuls structures documentaires. Internet s'est développé surtout dans les milieux scientifiques, puis académiques, avec l'objectif de mieux faire circuler l'information utile, de fluidifier l'information pourrait-on dire, et surtout de pouvoir partager des ressources de diverses natures. Internet est fondamentalement un système de communication à vocation universelle qui permet à tout un chacun de produire ou consulter des informations. Système qui interconnecte les ordinateurs les plus variés, Internet intègre cette communication médiatisée dans les pratiques quotidienne de chacun, s'articule de façon souple avec les outils bureautiques disponibles et permet d'amener l'information et le document au cur même des activités des hommes et des organisations (du bureau d'étude de l'ingénieur au laboratoire du chercheur, du cabinet du médecin à la salle de classe, de l'entreprise au domicile du citoyen).
A partir du protocole de communication TCP/IP qui rend possible l'interconnexion des ordinateurs de standards les plus divers, Internet s'est développé autour de diverses grandes fonctionnalités axées sur la satisfaction de besoins génériques de communication des hommes. Ainsi dispose-t-on de moyens commodes pour échanger des messages, pour transférer des fichiers, pour produire et diffuser des documents numériques, pour consulter des ressources disponibles sur l'ensemble de la "toile", pour travailler à distance sur des machines dont on partage la puissance. Cette première couche de fonctionnalités de base en engendre de nouvelles au fur et à mesure de l'extension des usages d'Internet : c'est le cas par exemple des groupes de "news" ou des listes de diffusion électroniques et des conférences électroniques qui donnent une dimension collective à la communication. Dans la toute dernière période, on assiste à une course frénétique pour disposer au plus vite de nouveaux outils et applications avancés de commerce électronique, de cryptage, de veille, d'interfaçage avec téléphone, de radio et de télévision à distance et bien d'autres outils de communication personnels ou collectifs.
Tout cela se développe dans le contexte de la généralisation du document numérique indéfiniment transformable, ré-exploitable (au grand dam des titulaires de droits originels) et de la production-diffusion du document multimédia ou hypermédia redonnant sa réelle complexité à l'information qui ne peut pas se limiter à sa seule dimension textuelle.
Enfin, il faut bien comprendre qu'avant tout, Internet c'est du réseau, c'est le collectif au service de l'individu. C'est encore le croisement infini et fertile des regards et des idées à l'échelle planétaire. Chaque nud du réseau (re)devient un lieu d'animation de l'information. Et comme le dit très bien Christian Huitema, "Internet c'est mettre l'intelligence à la périphérie des systèmes" (1).
2 - Le rôle des médiateurs de l'information face à Internet
On pourrait immédiatement déduire de la présentation ci-dessus qu'Internet remplit parfaitement les fonctions des documentalistes et autres bibliothécaires. Il est du reste frappant de constater que nombre de développements d'Internet tentent d'apporter des solutions aux problèmes que se posent depuis longtemps ces professionnels de l'ID : ainsi, les moteurs de recherche identifient des ressources pertinentes sur la base de questions formulées sous la forme de chaînes de caractères et combinant des opérateurs dits booléens. On en vient logiquement à se poser la question de savoir dans quelle mesure la mission et les fonctions des documentalistes sont aujourd'hui remplies (en totalité ou en partie) par Internet et alors à s'interroger sur ce qui fait la spécificité de l'intervention des documentalistes et plus généralement des médiateurs professionnels de l'ID dans ce nouveau contexte.
Si l'on prend un peu de distance par rapport aux outils et aux pratiques professionnelles constatées (notamment au cours des deux dernières décennies) et si l'on s'intéresse aux "fondamentaux" de l'intervention des documentalistes, on arrive vite à la conclusion que la mission de base de ces professionnels est d'assurer une médiation dans l'accès à l'information et au document. Il s'agit d'aider des chercheurs, des ingénieurs, des médecins, des juristes, des responsables administratifs ou économiques, des personnes en formation, dans l'obtention, au bon moment, des informations pertinentes leur permettant de travailler efficacement, de prendre des décisions étayées par des argumentations valables, de consolider des identités culturelles, etc. Les ressources mises à disposition vont de la pure information très immatérielle (ce qui s'exprime en termes de veille ou d'intelligence économique) au très classique document (livre, article de journal, rapport technique, etc.). Cette transmission de ressources d'ID peut viser des cibles individuelles (sur profils pré-établis notamment) comme aussi des groupes variés dans les organisations. La fourniture de telles ressources peut être faite en mode "push" (on envoie ces ressources aux clients ou utilisateurs selon des modalités appropriées) ou en mode "pull" (ce sont les clients qui viennent chercher les ressources pertinentes dans des viviers préalablement constitués). Cette mission de médiation peut être exercée par un professionnel individuel, intégré ou non aux organisations "clientes" ou par une structure documentaire spécifique satisfaisant des besoins plus nettement collectifs.
Il est possible d'identifier plusieurs composantes fonctionnelles de cette mission de médiation ID :
- fournir très précisément des informations pertinentes en réponse aux demandes ou attentes des clients ou utilisateurs ;- fournir des documents qui permettent aux clients de procéder eux-mêmes à leurs investigations sur des sujets donnés ;
- fournir des indications utiles permettant l'accès aux ressources pertinentes ; grosso modo établir les cartes routières qui permettent aux clients de se débrouiller par eux-mêmes pour leurs visites des territoires info-documentaires ;
- et dans certaines circonstances, mettre directement en relation les clients avec les sources émettrices.
Pour assurer ces fonctions, les médiateurs professionnels doivent plus que jamais savoir identifier les besoins de leurs clients, connaître les territoires et ressources ID, assurer la communication des informations et des documents et gérer un ensemble de moyens propres permettant de réaliser les diverses opérations (un stock de ressources documentaires de proximité, des flux informationnels à organiser, des outils techniques efficaces, des procédures, etc.).
3 - De nouvelles pratiques documentaires
On comprend assez vite qu'Internet va considérablement aider ces professionnels documentalistes à assurer de façon renouvelée leur mission de médiation et développer leurs fonctions avec des produits et services appropriés. Dans le même temps, il va réduire le fossé qui pourrait exister entre professionnels de l'ID et acteurs de terrain surfant sur la toile. Examinons quelques unes des fonctionnalités d'Internet et la façon dont elles peuvent être intégrées dans le fonctionnement au quotidien des structures documentaires comme dans les démarches documentaires de tout un chacun.
3-1. La messagerie électronique
Outil de communication professionnel idéal, simple et puissant, la messagerie électronique raccourcit le lien entre acteurs, entre documentalistes et clients ou usagers. La messagerie électronique stimule la médiation info-documentaire. Elle peut amplifier (à volonté) soit la personnalisation des services rendus soit au contraire l'extension collective de ces services (ce qui peut accélérer certains progrès dans les organisations concernées). La messagerie électronique facilite aussi le lien transversal entre collègues documentalistes, ce qui permet à de vastes communautés professionnelles de se constituer en véritables réseaux de ressources aisément mobilisables pour satisfaire les besoins des clients. La messagerie électronique a par ailleurs de multiples avantages : simplicité et rapidité de fonctionnement, coût relativement bas, traçabilité des transactions, capitalisation de ce qui est échangé, contacts plus directs entre les personnes, possibilité de cibler des individus comme des groupes, .
En matière de services nouveaux rendus possibles par la messagerie électronique, on peut citer la diffusion sélective, périodique ou non, d'informations profilées (aisément récupérables par les clients sur leurs ordinateurs), la diffusion de revues de presse électroniques (quotidiennes ou hebdomadaires), les alertes de toutes natures (nouvelles parutions par exemple), les échanges d'informations utiles entre clients et documentalistes (identification de sources pertinentes, validation de ces sources, etc.), etc.
De plus en plus la messagerie électronique sert de vecteur privilégié au transfert de fichiers (documents de toutes natures), ce qui permet d'amener dans des conditions très satisfaisantes les textes pertinents aux clients. On peut évoquer aussi ici la fonctionnalité FTP (File Transfer Protocol) qui bien que ne relevant de la logique de la messagerie électronique est utilisée par certains documentalistes pour le transfert de documents ou dossiers importants, relativement lourds ou complexes.
On doit toutefois noter le risque réel d'une saturation des personnes sous le flux incessant des messages qu'il est facile de faire circuler. Cela conduit donc à préconiser le respect impératif des règles d'une nouvelle déontologie (la Netiquette) comme aussi un regard nouveau, critique, sur ses modes de travail avec intégration de la messagerie électronique au cur de la panoplie de ses outils de bureautique documentaire.
3-2. Les listes de diffusion électronique, les forums
Les milieux bibliothécaires et documentalistes ont depuis plusieurs années l'habitude de telles listes de diffusion qui sont assez largement plébiscitées : biblio-fr, adbs-info. Ces listes généralistes et très ouvertes, suivies par plusieurs milliers de professionnels, servent principalement de forums collectifs pour l'échange de tuyaux professionnels, ce qui, indirectement, contribue au développement des professions concernées.
Dans les entreprises ou organisations, dans les milieux scientifiques ou académiques, des listes de diffusion électronique sont désormais constituées et animées par de nouveaux professionnels de l'information-documentation de façon à créer des communautés d'échange avec leurs clients sur des thématiques données. Ces listes, restreintes ou au contraire très larges, facilitent la diffusion collective de l'information utile et améliore le lien entre les documentalistes et leurs clients. L'animation de telles listes par les documentalistes leur permet par ailleurs de capitaliser ce qui est échangé (archives) et de constituer de véritables bases de ressources utiles qui peuvent par ailleurs être mises à disposition de divers groupes de clients sur les sites Internet ou Intranet des organisations concernées.
Dans le même ordre d'idées, on peut citer ici le développement des "newsgroups", véritables tableaux d'affichage ouverts et collectifs, permettant à tout un chacun d'exposer ses idées sur des thématiques pré-sélectionnées.
On peut encore mettre en relation cette orientation nouvelle consistant en un usage collectif des compétences de réseaux de centaines ou milliers de personnes, avec d'autres technologies voisines comme notamment le groupware (bases Lotus Notes par exemple) ou encore l'Intranet. Toutes ces technologies ont pour but d'assurer une meilleure capitalisation collective des compétences et des ressources en information-documentation et de fluidifier la circulation de l'information.
La question qui peut se poser est celle de la possibilité pour les individus de se repérer dans et d'avoir accès à tous ces forums électroniques dont bon nombre restent encore de réels "collèges invisibles".
3-3. La consultation et l'exploitation des ressources de la "toile"
Le milieu de la documentation, comme n'importe qui dans la société aujourd'hui, est bien sûr très directement concerné par l'explosion des ressources disponibles sur Internet. Il est évident qu'Internet (notamment la toile ou le Web) devient une source importante voir principale d'information, même si les professionnels sont amenés à se poser de légitimes questions sur la qualité de ce que l'on y trouve. Les documentalistes développent des stratégies les plus variées d'utilisation de ces ressources électroniques : investigations ponctuelles par le biais des moteurs de recherche, consultations régulières de sites pré-choisis, exploitations occasionnelles sur la base d'indications données ici ou là (via les listes de diffusion notamment), recherche des sites de confiance, recours à des technologies avancées de suivi et d'exploitation des ressources de la toile, etc.
Une des principales retombées de cette prolifération des pages ou sites Web est d'amener les documentalistes comme les experts des domaines concernés à renforcer ou développer une importante fonction, celle qui consiste à cartographier les nouveaux territoires des ressources info-documentaires disponibles sur Internet. Il faut désormais savoir constituer et structurer, pour soi d'abord, mais aussi pour ses divers groupes de clients ou pour des communautés de collègues, des répertoires de signets ou favoris. Les documentalistes, désormais cartographes de l'ID, doivent aussi être en mesure de sélectionner, authentifier, valider les sources ou ressources identifiées. Cette fonction de validation (assurer la confiance) prend désormais le pas sur la traditionnelle et parfois exclusive fonction de fourniture de l'information ou d'accès au document qui devient très aisée dans le contexte d'Internet.
On peut noter l'intérêt de cette consultation de la toile, certes pour obtenir de façon électronique, les classiques ressources que sont les périodiques ou revues, mais aussi pour avoir accès à de nouveaux gisements de littérature spécialisée qui explose réellement sur Internet : nouveaux périodiques en ligne, rapports officiels disponibles qusi-instantanément, littérature grise (thèses, rapports, ), documents pédagogiques, etc .
3-4. La production de pages ou sites Internet ou Intranet
De nouvelles démarches ou pratiques éditoriales émergent visant à mettre à disposition l'information pertinente auprès de populations ou groupes de clientèles variés, selon les nouvelles modalités permises par le Web. Qu'ils s'agissent de sites Internet ouverts sur l'extérieur des organisations ou, plus fréquemment désormais, de sites Intranet visant des cibles internes précises, les documentalistes (comme les enseignants ou comme n'importe qui) sont conduits à produire de tels outils de diffusion de l'information.
Cela commence bien sûr par la mise à disposition de tout un chacun des ressources accumulées par les structures documentaires : en gros, les pages de la documentation sur le site de l'entreprise ou organisation avec la possibilité d'obtenir les documents disponibles ou les prestations de service annoncées. Mais très vite la question se pose du rôle de la documentation et des documentalistes dans la conception, production et maintenance de l'Intranet de l'organisation. Au fond, l'Intranet est le système d'information interne qui met à disposition de tous les membres de l'entreprise toutes les informations ou tous les documents utiles. La structure documentaire, les documentalistes sont forcément impliqués, soit comme leader du projet Intranet, soit comme partie prenante à part entière.
Dans ce contexte, il devient indispensable de redonner tout son sens à la face "communication" de l'acte de médiation et amener les professionnels de l'information-documentation à raisonner plus nettement en termes de création de gammes de produits adaptés, diversifiés, ciblés, personnalisés, allant jusqu'à la formule magique du "one to one" de la nouvelle économie (ou encore du "Business tu Business" et du "Business toi Consumer").
4 - La "e-documentation" et les "document@listes"
Internet semble bousculer aujourd'hui les habitudes prises par les documentalistes dans les années 70-90 pendant lesquelles le métier a eu parfois tendance à se concentrer sur la seule production de notices documentaires pour alimenter la ou les bases de données (approche purement manufacturière de la profession). Internet concurrence désormais directement les documentalistes dans les fondamentaux de leur mission. Essayons de faire le point sur les évolutions perceptibles et de voir en quoi les professionnels de la documentation ont quelque chose à apporter de spécifique dans le contexte nouveau.
Il est intéressant de souligner d'emblée que des fonctions classiques des documentalistes sont plus que jamais à l'ordre du jour grâce ou à cause d'Internet :
- identifier les besoins des clients et aider à la reformulation opératoire de ceux-ci : s'il est évident que tout individu est désormais en mesure de consulter directement Internet, les documentalistes en contexte professionnel apportent un plus dans la mesure où la la recherche de la pertinence devient cruciale face à l'explosion des sources disponibles sur Internet et que savoir poser correctement sa question devient déterminant pour avoir de bonnes réponses;- connaître justement les sources pertinentes et identifier ce qui a de la valeur ;
- pouvoir acquérir des ressources (informations, documents) et les mettre à disposition des clients dans des conditions toujours plus exigentes;
Dès lors de nouvelles compétences sont nécessaires et de nouvelles fonctions émergent :
- savoir authentifier et valider des sources et des ressources : la question de la pertinence et de la confiance devient primordiale dans l'environnement Internet ;- savoir cartographier les territoires info-documentaires nouveaux, établir les routes donnant accès aux ressources intéressantes, mettre sur pied les dispositifs de balisage appropriés ;
- savoir s'affranchir des subtilités de formats techniques, pouvoir manipuler les documents numériques de telle façon qu'on puisse les mettre à disposition des clients quelles que soient leurs plates-formes de travail ;
- être en mesure d'assurer de nouvelles opérations de stockage, d'archivage et de capitalisation active de ce qui a déjà été perçu comme pertinent et utile, avec l'idée de manuvre de pouvoir ré-exploiter cet acquis ;
- savoir recourir à des outils avancés de traitement statistique et linguistique de l'information avec la possibilité de traiter des masses considérables de données (en gros, simplifier la complexité);
- concevoir, créer, réaliser de nouveaux produits et services d'ID qui mettent en valeur les potentialités d'Internet, satisfont les clients et valorisent les compétences des documentalistes ;
- accompagner les clients dans leur propre maîtrise des fonctionnalités et ressources d'Internet, les sensibiliser et les former, en faire de véritables partenaires dans la démarche informationnelle tant individuelle que collective ;
- organiser de nouveaux réseaux d'accès à (ou de diffusion de) l'information, la documentation et la connaissance.
Internet est un phénomène étonnant, intéressant mais très perturbateur pour le milieu de la documentation qui se plaît parfois à travailler dans le cadre de schémas et procédures bien établis (comme l'atteste le modèle productiviste, aujourd'hui mis en cause, de la fameuse "chaîne documentaire"). Internet a l'avantage de produire cette nécessaire onde de choc déstabilisante sans laquelle on finit par s'endormir, se satisfaire de formules éculées mais au fond de moins en moins pertinentes. Internet est à la documentation ce que l'arrivée de la calculette électronique a été pour l'ancestrale règle à calcul. Certains vont même jusqu'à affirmer que l'innovation Internet est au moins l'équivalent de l'invention de l'imprimerie. Dès lors il ne sert à rien de diaboliser Internet mais il faut au contraire faire l'effort de comprendre en quoi consiste fondamentalement Internet, de repenser dans ce contexte la mission et les fonctions de la documentation et d'oser imaginer de nouveaux possibles professionnels.
Le documentaliste devient donc document@liste, c'est à dire un professionnel de l'information-documentation qui sait utiliser au mieux les ressources d'Internet, mais aussi, et de façon schématique ou symbolique, un professionnel qui sait identifier et référencer un document sur une liste de possibles (démarche de cartographie documentaire) pour satisfaire le besoin en information de ses clients.
(1) Christian HUITEMA. "Et Dieu créa l'INTERNET" . Paris, 1995, Eyrolles