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Jean MICHEL, ENPC

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in Connectis, juillet 2001, p.20 (dossier "Vers une société sans classes &endash; Enseignement en ligne ou école virtuelle, l'Europe se mobilise") - Les Echos - Supplément gratuit au n°18432.

Versions en français, anglais (The Worldwide School), allemand (Unter den Talaren...) et espagnol (Asignatura pendiente).

Français

Depuis quelques années, déjà, la mise en ligne de contenus spécialisés destinés à la formation des ingénieurs se met en place. Mais la France tarde à rejoindre le mouvement.

Au cours des trois à cinq dernières années, de nombreuses institutions éducatives ont favorisé le recours aux technologies de l'information et de la communication (Tic) dans leurs programmes et formations. Mais le bilan reste décevant par rapport à ce que l'on pouvait espérer de ces outils. On bricole à la marge, mais on hésite à se lancer dans un nouveau business. Le modèle économique traditionnel de la formation des ingénieurs semble faire obstacle à une approche ouverte, audacieuse des nouveaux marchés de l'infoconnaissance. Cela peut s'expliquer en partie par les spécificités de ces formations (modalités de recrutement, structures des corps enseignants, programmes très cadrés, etc.) mais aussi, et surtout, par leur relative incapacité à faire face aux exigences économiques d'une approche capitalistique des nouveaux marchés des formations en ligne, ouvertes, virtuelles… La plupart du temps, les Tic sont utilisées en appoint de formations et pédagogies existantes - avec souvent une originalité incontestable. Beaucoup d'enseignants mettent désormais leur cours sur l'intranet de leur institution, créent des forums interactifs qui permettent aux étudiants de prendre une part active au développement de leur apprentissage. Mais rarement esquisse-t-on une véritable stratégie managériale conduisant au développement d'un nouveau " business model " pour les formations spécialisées d'ingénieurs.Les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Australie…) et nordiques semblent avoir pris une certaine avance et adoptent des stratégies délibérément conquérantes : ainsi, à l'horizon 2005, les universités techniques australiennes veulent réaliser plus de 50 % de leur chiffre d'affaires sur des programmes " off-shore " en visant notamment le marché asiatique très demandeur de formations à distance. Plus proche de nous, l'initiative du Campus virtuel suisse permet de soutenir la réalisation de projets collectifs innovants estimés chacun entre 1 et 3 millions de francs suisses (0,65 et 1,96 million d'euros). Des offres de formation continue, basées sur les Tic, se mettent en place avec un certain succès dans les pays du nord de l'Europe (Finlande et Pays-Bas, notamment). Malheureusement, en France, la loi de 1971 relative à la formation continue semble aujourd'hui constituer un frein sérieux au développement de nouvelles modalités de transfert des savoirs spécialisés non calibrables en nombre de journées de formation.Si le développement d'un marché en ligne rémunérateur des formations d'ingénieurs n'apparaît pas encore évident à la majorité des responsables d'universités techniques ou de grandes écoles, on note l'émergence d'une tendance forte pour le libre partage des connaissances (mouvement " Open Source ") qui consiste à mettre gratuitement en ligne des contenus d'enseignement : le très renommé MIT, aux Etats-Unis, vient de s'y rallier, ce qui ne manquera pas de créer quelques émulations dans un proche avenir. Il s'agit de prendre des positions sur le marché mondial de la diffusion de la connaissance et d'engranger les retombées (études, recherches, expertises, publications, recrutement, etc.) d'une apparente générosité.Du côté des grandes écoles d'ingénieurs françaises, l'heure est encore à l'attentisme. La difficulté réside principalement dans les faiblesses du modèle économique sur lequel reposent ces écoles et sur leur incapacité à trouver, ou mobiliser, les ressources pour mettre sur pied des projets compétitifs à l'échelle du marché des formations spécialisées virtuelles et à distance.

English

Since the early 1990s we have seen a proliferation of national and international initiatives promoting information and communication technologies (ICT) as the gateway into a new era for engineering education.

Over the last three to five years, many schools have introduced ICT-mediated methods in their training programmes, chiefly through web-based or other networking solutions. But results are globally disappointing, falling well short of reasonable expectations.

Few schools have coherent policies addressing full-scale integration of ICT in their training programmes. Many are willing to paddle, but few to dive in.

The traditional economic model governing engineering education seems to impede a committed approach to emerging e-knowledge markets. This can be partly explained by organisational constraints (student recruitment methods, organisation of teaching staff, syllabus rigidity).

But its primary cause is a relative inability to meet the economic demands of a capalistic approach to new markets for open, virtual, online training.

New technologies are usually implemented as a rather novel add-on to existing teaching methods, and many teachers will publish their lectures on their school's intranet, or set up interactive discussion groups, enabling students to take a more active role in the development of their learning programme.

But rarely do we find genuinely managerial strategies aiming at proper "business models" for specialised engineering courses. Scandinavian and English-speaking countries ( the US, Canada and Australia, chiefly) seem to have taken a lead here, with decidedly proactive strategies.

For example, by 2005 Australia's technical universities expect to be earning half their revenue from "off-shore" programmes targeting the Asian market, with its high demand for distance learning. Closer to home, there is an interesting "virtual campus" initiative in Switzerland, which supports a number of innovative collective projects.

In lifelong education, new ICT-based offers are meeting with considerable success in northern European countries such as Finland and the Netherlands.

In France, however, the 1971 law on lifelong learning seriously restricts the development of new methods for the transfer of knowledge that cannot conveniently be calibrated in terms of a rigid number of days.

There would appear to be little hope of seeing online markets remunerating engineering education at French technical universities or major engineering schools in the near future. But elsewhere, we note the emergence of a strong trend toward free knowledge sharing, as exemplified by the Open Source community.

The movement toward free online publication of educational content recently received big-name support from the Massachusetts Institute of Technology (MIT). Schools stand to reap important spin-off benefits in terms of research input, publications, recruitment, etc.

We can therefore expect a rush to assert leadership in what looks set to become an important worldwide knowledge market.

Despite definitive moves forward by French businesses and medical schools, France's major grandes écoles engineering schools appear to be treading water. Difficulties would appear to lie in their inability to muster resources to develop competitive projects addressing the emerging open, global market.