Documentation
Les évolutions au sein de l'Église en
Franche-Comté du XVIe au XIXe siècles
L'ouvrage
collectif Chrétiens
en Franche-Comté (édité sous la direction de
J.-C. Demard) détaille les évolutions majeures au sein de
l'Église en Franche-Comté au cours des siècles. Sont
sélectionnés, ci-après, plusieurs extraits qui permettent de
bien situer le contexte religieux et institutionnel dans
lequel se sont développées les “missions” et donc
indirectement ont été érigées les croix de mission et
autres.
Source : Demard J.-C. (sous la dir. de ), Chrétiens
en Franche-Comté, Les grandes heures de l’église, Clé
de Route, pp. 25-33
V.
Les réformes (XVIe - XVIIe siècles)
...
La réforme catholique
C’est en 1563 que se termina le Concile de Trente. Il fallut
attendre huit ans avant qu’il soit publié dans le diocèse de
Besançon. Le 25 octobre 1571, l’archevêque Claude de la
Baume, réuni en assemblée avec 1 300 prêtres et religieux
comtois, promulguait les statuts synodaux qui allaient dans
le sens du Concile : il rappelait en particulier
l’importance des sacrements, la catéchisation des jeunes et
des adultes ; il demandait aussi plus de rigueur dans la
liturgie, sans oublier les homélies qui devaient enseigner
la foi. En 1576, un légat pontifical fut envoyé pour
accélérer l’œuvre de la rénovation. Dès la fin du XVIe
siècle, la renaissance catholique commence à s’affirmer. Il
faut aussi noter la part personnelle prise par les
archevêques de Besançon.
Ferdinand de Rye
Après la mort du cardinal de Granvelle, le pape nomma
Ferdinand de Rye à la tête du diocèse. Celui-ci fut évêque
durant 50 ans : il eut donc le temps de mettre en place des
réformes durables. Il essaya d’abord de rénover la
discipline ecclésiastique : les curés devaient rester dans
leurs paroisses ; ils devaient assurer le sermon du dimanche
et enseigner aux enfants le petit catéchisme qu’il publia en
1593 ; leur vie devait être irréprochable. De leur côté, les
chrétiens devaient faire des efforts supplémentaires :
chaque chef de famille devait assister avec tous les siens à
la messe dominicale dans sa paroisse et non ailleurs. Ses
deux successeurs continuèrent les réformes, mais ils furent
affrontés à la guerre de Dix ans qui faisait rage en
Franche-Comté : villages pillés, églises saccagées,
population en fuite et victime de l’épidémie de peste,
clergé décimé... Tout était à reconstruire et ce fut le
mérite de Claude d’Achey de se remettre à l’ouvrage avec une
grande ténacité.
Le miracle de Faverney
À l’aube du XVIIe siècle, un événement miraculeux va
bouleverser les foules qui se pressent aux pèlerinages : il
s’agit du miracle des Saintes Hosties de Faverney qui eut
lieu en mai 1608. Au cours d’un de ces pèlerinages où il y
avait de très nombreux participants, un incendie embrasa
l’autel où était placé le Saint-Sacrement. À la surprise
générale, l’ostensoir où se trouvait deux hosties, resta
intact dans les flammes. L’archevêque de l’époque ordonna de
sérieuses enquêtes qui conclurent à des causes
surnaturelles. Après s’être entouré de l’avis de son
Conseil, Ferdinant de Rye notifia le miracle par un
mandement du 10 juillet 1608. Dès lors, les foules
affluèrent à Faverney. Une des hosties fut transportée à
Dole, en 1608 et il fut décidé que dans cette ville aussi,
une procession serait organisée chaque année, le dimanche
après la Pentecôte.
Antoine-Pierre 1er de Grammont
La fin du XVIIe siècle fut dominée par la forte personnalité
d’Antoine Pierre 1er de Grammont (1662-1698). Pendant 36
années de son épiscopat, il réussit presque toutes les
réformes ébauchées, mais jamais menées à bien par ses
prédécesseurs : création d’un séminaire, organisation de
conférences ecclésiastiques (sessions de recyclage),
missions, tenue de synodes, visite du diocèse, création de
nouvelles paroisses, impression de livres liturgiques,
développement des œuvres charitables, reconstruction des
églises, enseignement du catéchisme aux enfants.
Antoine-Pierre 1er de Grammont fit même une tentative pour
rétablir le catholicisme à Montbéliard, au gré des
différents traités qui annexèrent un instant la principauté
à la
Franche-Comté.
Les missions locales
C’est sous l’épiscopat de Antoine Pierre 1er de Grammont que
furent organisées les missions, par des prêtres séculiers.
En 1676, un prêtre originaire d’Arinthod, l’abbé
Vuillemenot, aidé par les Joséphistes de Lyon (fondés par
Jacques Cretenet, de Champlitte) organise la première
mission à Besançon. Elle dura deux mois. Deux mois de
prédications quotidiennes, de prières, de conversions (très
nombreuses confessions) ponctuées de célébrations très
vivantes, de processions, etc. Toute la ville y participa.
Après Besançon, ce furent Nozeray, Sirod et Menotey qui
reçurent des missions. Des prêtres missionnaires
s’installèrent en 1682 à Beaupré, dans la proche banlieue de
Besançon. De 1682 à 1790, il y eut un peu plus de deux cent
cinquante missions qui quadrillèrent la Franche-Comté, avec
quelques points forts dans certaines localités.
VI.
Après le rattachement au royaume (XVIIIe s.)
…
La Révolution en Franche-Comté
Dans l’histoire religieuse de la Révolution en
Franche-Comté, on peut discerner quatre périodes, qui vont
de la continuité à la rupture et à l’apaisement.
Continuité
Au travers des Cahiers du clergé franc-comtois, on discerne
que ses vœux se résument en quelques points, comme : le
maintien de la religion catholique comme seule religion
d’Etat, la suppression du cumul des bénéfices, l’allègement
des impôts, etc. L’esprit public n’était pas hostile au bas
clergé qui avait dénoncé la misère des campagnes. On était
plus monté contre les religieux et de graves incidents
éclatèrent dans le diocèse, dès le lendemain de la prise de
la Bastille. Une véritable Jacquerie (révolte paysanne)
s’attaqua aux châteaux et aux abbayes. Ainsi vit-on des
saccages à Clairefontaine, aux Trois-Rois, à Lure, à
Bithaine, à la Grâce-Dieu et ailleurs. Il fallut pour
arrêter ces désordres que les communautés lèvent des milices
: ce sont les premiers noyaux de la Garde Nationale. Le 2
novembre 1789, l’Assemblée nationale décrétait la
nationalisation des biens du Clergé. Le 13 février 1790, les
Ordres monastiques étaient supprimés et les religieux
avaient le choix : soit retourner à la vie civile, soit se
regrouper dans quelques maisons. On sait par exemple que sur
268 religieux de Haute-Saône, 148 se déclarèrent prêts à
reprendre la vie civile, 104 demandèrent à être regroupés et
16 ne prirent pas de décision. Cependant, l’archevêque Mgr
de Durfort continuait à exercer son ministère. Le 22
novembre 1789, dans la cathédrale Saint-Jean, il bénit
solennellement le drapeau de la Garde nationale de Besançon,
en lançant dans son homélie un véritable appel à la paix.
Ruptures
Le 12 juillet 1790, un décret supprimait tous les
archevêchés, évêchés et chapitres. À leur place étaient
créés des diocèses qui recouvraient exactement le
département. Ainsi, le diocèse de Besançon n’avait plus que
le Doubs pour territoire. En revanche, le diocèse de
Saint-Claude voyait augmenter son territoire jusqu’aux
limites du département du Jura. La Haute-Saône avait un
évêque résidant à Vesoul. L’ancien diocèse de Besançon était
transformé en trois nouveaux diocèses. Évêques et curés
étaient désormais élus. Devenus des fonctionnaires publics,
ils devaient prêter serment à la Constitution civile (décret
du 27 novembre). Les trois quarts du clergé franc-comtois
refusèrent le serment : ce qui va expliquer les difficultés
considérables d’organisation de l’Église constitutionnelle.
Trois évêques furent élus : Seguin pour le Doubs, Moïse pour
le Jura et Flavigny pour la Haute-Saône. Des résistances
s’étaient mises en place à Lons-le-Saunier, mais surtout sur
les plateaux du Doubs, dans les régions de Maîche et de
Sancey. C’est là qu’une véritable révolte vit le jour.
Elle était conduite par le chevalier de Malseigne. La
répression fut très dure, notamment à Maîche, et ceux qui
purent y réchapper trouvèrent refuge en Suisse. En novembre
1793, le culte constitutionnel (c’est-à-dire célébré par des
prêtres ayant prêté le serment à la constitution) fut
supprimé, ce qui provoqua de nombreuses démissions. Le 20
novembre 1793, le culte de la déesse Raison fut célébré à
Besançon dans la cathédrale Saint-Jean. Tous les prêtres
furent poursuivis, qu’ils soient ou non réfractaires. Les
églises furent fermées au culte. À partir de février 1794,
on commença à déporter des prêtres en Guyane.
Le rôle de la Suisse
Beaucoup de prêtres avaient rejoint la Suisse dans les
cantons catholiques et protestants. Un véritable
“gouvernement en exil” du diocèse se créa ainsi. À la mort
de Mgr Durfort, l’évêque de Lausanne Mgr de Lenzbourg, prit
en main la direction du diocèse de Besançon. Le 10 avril
1792, il nomma douze vicaires généraux pour le seconder.
Plus tard, Mgr de Chaffoy, vint créer à Cressier dans le
canton de Neufchâtel, une “Société de prêtres Immigrés”. Le
mouvement permit l’ordination à Fribourg de 59 prêtres
francs-comtois. C’est de la Suisse qu’étaient organisés
certains mouvements de résistance. Un va-et-vient continu
entre la Suisse et la Franche-Comté eut lieu jusqu’en 1800.
Des années incertaines
Au début de 1795, la liberté de conscience ayant, été
reconnue, des centaines de réfractaires revinrent : on
dénombra 220 retours dans le Doubs, 205 en Haute-Saône, 175
dans le Jura, tandis que 215 prêtres constitutionnels
rétractaient leur serment. En 1797, il y eut un nouveau
mouvement de répression : sept prêtres furent exécutés dans
la région, tandis que plusieurs dizaines d’autres prenaient
en 1798 le chemin de la déportation en Guyane ou à l’île de
Ré. L’Église de Franche-Comté fut fortement marquée par la
coupure profonde et durable entre clergé réfractaire et
constitutionnel. Mais à la lecture de leurs réflexions, on
est frappé par les grandes questions des uns et des autres :
en l’absence de toute directive, fallait-il rester ou partir
? Et si l’on regarde de plus près, on voit combien les uns
et les autres ont manifesté de grandes qualités morales et
spirituelles. Bien plus, dans une désorganisation apparente,
on est surpris par l’esprit d’invention et de réalisme qui
les a caractérisés.
VII.
Face aux questions nouvelles (XIXe s.)
A la fin de la Révolution, une multitude d’initiatives,
d’abord clandestines, vont permettre à l’Église diocésaine
de se renouveler : ainsi, de modestes curés de campagne
créent de “petites écoles” ou “écoles de latinité”, sortes
de petits séminaires pour un canton ; on parvient même à
créer un grand séminaire clandestin. “La mission de
Roche-les-Beaupré disparue, des prêtres ajoutent à leur
ministère paroissial la prédication de retraites où
accourent paroisses et villages voisins. Malgré l’abandon
des grandes abbayes, dans le Haut-Doubs notamment,
apparaissent de petites congrégations religieuses féminines,
charitables et enseignantes ; certaines seront appelées à un
grand essor.
La pacification religieuse et le
dynamisme de l’Église comtoise
Partout, on a besoin de
pacification religieuse. C'est précisément pour y répondre
que le Concordat vient réorganiser l’Église de France.
Qu’apporte-t-il à la Franche-Comté ? en premier lieu, le
regroupement en un immense diocèse des trois
départements-évêchés de l’époque révolutionnaire. Ensuite,
un prélat mal aimé et contesté par les réfractaires - Mgr
Lecoz - qui est une des figures les plus marquantes de
l’Église constitutionnelle, ancien évêque révolutionnaire
d’Ille-et-Vilaine. Monseigneur Lecoz se révèle excellent
administrateur et sensible aux nouvelles initiatives. Il
parcourt son diocèse, reconstitue le séminaire, rétablit les
hôpitaux, s’efforce de favoriser le recrutement sacerdotal
et, précurseur, entame le dialogue avec les protestants de
Montbéliard.
Il encourage les congrégations religieuses enseignantes et
caritatives, Frères des Écoles Chrétiennes et Ursulines...
C’est à lui que s’adresse Jeanne-Antide Thouret, une jeune
fille de Sancey (Doubs), fondatrice des sœurs de la Charité.
Énergique et douce à la fois, remarquable administratrice,
elle va donner toute la mesure de son immense charité. De
nombreuses fondations des Sœurs de la Charité sont faites en
France, en Suisse, en Allemagne, en Italie avec les grandes
créations de Naples. Cette aventure diocésaine prend les
dimensions de la chrétienté. Elle est l’exemple du dynamisme
de l’Église comtoise qui a trouvé de nouvelles forces au
cœur de la Révolution.
La
relance (1815-1834)
1815 marque une étape importante dans l’histoire religieuse
comtoise : fin de l’Empire et début de la Restauration, mais
surtout mort de Mgr Lecoz, l’archevêque ami de Napoléon.
Petit à petit, le clergé va se rajeunir. La recherche des
vocations est menée de manière concertée. Les archevêques
multiplient les appels. Les curés donnent cinquante francs
de leur traitement en faveur des séminaristes pauvres. Une
vingtaine d’écoles ecclésiastiques s’ouvrent, tandis que
deux nouveaux petits séminaires sont établis (Luxeuil était
ouvert depuis 1807) : Belvoir dans le Doubs et Mamay en
Haute-Saône. L’archevêque de Rohan regroupe Ornans et
Belvoir dans le site prestigieux de Consolation. Les
collèges eux-mêmes vont fournir leur contingent de
séminaristes. Les résultats ne se font pas attendre : de
1829 à 1834, on compte 363 prêtres décédés pour 528
ordonnés. C’est donc un clergé jeune qui arrive dans les
paroisses. Pendant cette période, il faut noter la très
grande influence des idées de Lamennais, prêtre et
journaliste social et libéral. Des comtois vont le rejoindre
à Paris (tel son fidèle disciple, l’abbé Gerbet), d’autres
enseignent ses principes au séminaire de Besançon. Cela
provoque une émulation intellectuelle (on regarde plus
l’avenir que le passé) et forcément aussi des réactions. Si
l’on ajoute les nombreuses missions avec des manifestations
spectaculaires, la restauration des lieux du culte et
l’ouverture de nombreuses écoles, on a une idée de la
vitalité de l’Église franc-comtoise à cette époque.
Les
Missions
Les catholiques de Franche-Comté ont toujours été
préoccupés par l’annonce de l’Evangile.
Missions intérieures : À un moment où les
campagnes se déchristianisaient fortement, le Père Receveur
(1750-1804) inventait déjà de nouvelles formes de pastorale :
des missions adaptées au milieu rural, des engagements simples
et réguliers comme la méditation d’un quart d’heure, ou la
récitation du chapelet chaque semaine. Les missionnaires
diocésains d’École (anciennement de Beaupré) eurent un très
grand rayonnement entre 1800 et 1900 ; une vingtaine d’entre eux
parcoururent les paroisses du Doubs et de la Haute-Saône. Dans
le Jura, un groupe de missionnaires diocésains avait été fondé
en 1828. À cette époque, on insistait particulièrement sur
l’examen de conscience et la confession.
Missions extérieures : Les Francs-Comtois
ont amplement participé à l’effort missionnaire à la suite des
Jésuites comtois, tels que le Père Racle et le Père Parrenin.
L’un et l’autre abordèrent une des grandes questions toujours
actuelles : christianisme et culture. Dans leur sillage,
d’autres missionnaires quittèrent la Franche-Comté au début du
XIXe siècle. Le diocèse de Saint-Claude, avant 1850, donna
trente missionnaires, tandis que Besançon envoya une quarantaine
de jeunes aux Missions Étrangères de Paris. Quatre d’entre eux
devinrent évêques. Le Père Monnier rejoignit les premières
missions d’Océanie et le Père Reymond fut le premier compagnon
de Mgr de Mario-Brésillac aux Missions africaines de Lyon. Chez
les femmes, on peut citer une nièce de Xavier Marmier,
fondatrice d’hôpitaux et d’orphelinats à Santiago du Chili.
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