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Des croix de missions et surtout des “indulgences”... très contestables

Pour Annick Robbe, sur le piédestal des croix de mission, il est souvent fait état de “jours d'indulgence”... qui restent une façon “pas très catholique” de bien gérer sa conscience.

Source : Annick Robbe, Croix de mission et indulgences, Racines n°69, novembre 2020, pp. 16-17

Dans nos villages, au long de nos pérégrinations, il nous arrive de rencontrer des croix dites de mission. Ce sont des croix érigées pour commémorer une manifestation appelée mission, d’où leur nom. Au XIXe siècle, la mission a pour objet, après des temps révolutionnaires troublés, de restaurer la pratique religieuse. Un corps de prêtres particuliers, nommés missionnaires, parcourent les villes et les campagnes, y organisent des cérémonies exceptionnelles au cours desquelles ils prêchent de façon à stimuler la ferveur religieuse. Des croix sont souvent édifiées à cette occasion.

Ainsi, à Labergement-Ste-Marie, dans la partie haute du cimetière se trouve érigée une de ces croix datant de 1863. À Remoray, un peu en dehors du village, est également dressée une croix dite croix sur le Saut ou croix de Jeannette datant de 1870.

Sur ces croix, une mention particulière peut attirer l’attention : 300 jours d’indulgence pour la croix de Labergement, 500 jours pour celle de Remoray.
Dans la doctrine de l’Église catholique, une indulgence est une grâce accordée au chrétien en état de péché, une sorte de remise de peine qui permettra au pécheur de passer moins de temps au purgatoire après sa mort. Si les péchés ne peuvent être pardonnés que par Dieu, par le biais du sacrement de pénitence donné par le prêtre, il reste cependant au pécheur un temps de peine à faire pour purger ses fautes (purgatoire). C’est là qu’intervient l’indulgence accordée par l’Église aux chrétiens en état de péché. L’indulgence peut être plénière ; dans ce cas, la peine est totalement annulée. Elle peut aussi être partielle. Dans ce dernier cas, elle correspond à une remise de temps de purgatoire accordée en jours, mois, années.

La pratique des indulgences remonte aux premiers siècles du christianisme. L’indulgence s’inscrit dans une démarche de repentance : pèlerinage, prière ou encore acte de mortification. Mais assez rapidement, il est apparu pour certains qu'il était plus confortable d’acheter une indulgence. Les prêtres en vendent selon des barèmes bien codifiés. Ainsi, au Moyen Âge, évêques et papes y trouvent le moyen de financer la construction des cathédrales. C'est d’ailleurs sur ce point que s’effectuera la rupture avec Luther qui, en 1517, dénonce la vente des indulgences organisée pour financer la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de Rome.

C’est donc à cette pratique des indulgences que font référence ces croix de mission. Elle semble liée, ici, à la prière puisque, au-dessous de la mention du nombre de jours d’indulgence, on peut souvent lire Pater-Ave. On peut supposer que ces prières, récitées selon un rituel et une périodicité déterminés, accordent au fidèle une remise de peine équivalente à 300 jours dans un cas, 500 jours dans l’autre. Les prières récitées pourraient être 6 Pater, 6 Ave, 6 Gloria.

Dans la première moitié du XXe siècle, on rencontre encore des images pieuses, parfois même des images mortuaires, comportant au dos des prières assorties de mentions : tant de jours d’indulgence. L’indulgence est donc un moyen d’obtenir la rémission des péchés pour les vivants mais aussi pour ceux qui sont morts alors que leurs péchés déjà pardonnés n’ont pas été expiés.



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