Dinamizarea competentelor : un nou sens dat mediatizarii profesionale în infodocumentare.
Interviu acordat prin Internet de dl Jean MICHEL

JM 359

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Biblioteca – februare 2011 – meridian bibliologic - pp. 54-56

Interview et traduction par Nicoleta MARINESCU

Version française originelle

 

Ce premier interview est complété par un second (réponses à des questions posées par les lecteurs de la revue) - voir JM360

 


Nicoleta Marinescu : Jean Michel est un nom bien connu en Roumanie grâce aux conférences, aux interviews accordées dans les revues de spécialités, grâce aux collaborations et coopérations, grace à sa réceptivité vers la réalité roumaine dans l’infodocumentation. Difficile à compléter et à mettre à jour sa carte de visite. Il est très connu comme président de l’ADBS (environ 6000 membres) entre les annees 1992 à 1997, période où il a envisagé un projet européen Leonardo da Vinci pour le développement des compétences en info-documentation (Decidoc et Certidoc), en invitant les collègues roumains aussi et dans sa qualité de consultant dans le management de l’information-documentation-connaissance, analyse de la valeur, management du changement dans les organisations etc.
Tu as connu la Roumanie, les professionnels et l’infodocumentation en pleine évolution avec les points forts et les points faibles aussi. En jettant un coup d’oeil quelle est ton évaluation du systeme roumain ?


Jean Michel :
D’abord merci pour ces mots très aimables à mon égard et qui me touchent. Je viens de recevoir ton ouvrage récemment publié “Bibliotheconomie in intrebari si raspunsuri” auquel j’ai contribué indirectement mais visiblement puisque tu as repris pour la couverture de ce livre une photographie que j’ai faite cet été, photographie alliant de façon étonnante architecture romane et bibliothéconomie. Cela m’oblige plus encore à répondre avec une certaine passion à tes questions.
A dire vrai, ma “période roumaine active” s’est déroulée approximativement de 1994 à 2004, période au cours de laquelle j’ai pris part à de nombreuses initiatives visant à aider les professionnels de l’info-doc à évoluer. Il était évident pour moi que nous (j’entends les collègues français et européens) ne pouvions pas ignorer le potentiel de compétences et de développement que représente la Roumanie. Les professionnels roumains ne pouvaient pas rester sur le bord du chemin que nous nous apprêtions à prendre. Et je dois avouer que j’ai été très heureusement surpris de voir la réceptivité des collègues roumains à nos idées un peu révolutionnaires. Depuis – et l’âge avançant – j’ai eu moins d’occasions de collaborer mais je suis malgré tout resté en contact avec tel ou tel partenaire, et bien sûr avec toi Nicoleta.
Mon regret éventuel réside dans ce que j’aimerais souvent que les projets de coopération puissent aller plus vite et plus loin, mais je reconnais que les contraintes économiques ne facilitent pas les choses (comme parfois aussi une certaine difficulté roumaine à bien agir collectivement).

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NM : Président du Comité Directeur de la Certification ADBS tu as eu la possibilité de comparer l’activité des professionnels européens. Quels conseils peux-tu nous donner à ce sujet ?

 

JM :
Mon constat est un peu pessimiste. La profession de l’info-doc n’existe pas vraiment au niveau européen. Il existe des “territoires professionnels” nationaux souvent marqués par des particularismes plutôt conservateurs. Les travaux sur l’Euroréférentiel et l’Eurocertification ont été une gageure. Ils visaient à donner des lignes de convergence pour un développement concerté de la profession et des compétences professionnelles. L’expérience a montré et montre encore que nous restons malheureusement très en retrait de ce que nous aurions dû faire (notamment si on compare d’autres professions bien installées dans la globalisation et la compétition internationale). Je reste toutefois convaincu qu’il n’y aura pas de progrès notable de la profession (au sens large de ce terme) sans une véritable rencontre des idées et des projets au plan européen. Les systèmes nationaux sont trop étriqués, trop “nombrilistes” pour innover. Le fil rouge de cette démarche collective de progrès, c’est pour moi la double question de la reconnaissance des compétences réelles de nos professionnels et de la transformation profonde des regards sur la profession (regards tant internes qu’externes).

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NM : Moi aussi je crois dans l’eurocertification, sur l’évaluation des compétences. Quoi de neuf ? Quelle est ta perception dans un avenir plus ou moins proche? On a coulé beaucoup d’encre...

JM :
Il n’y a aucun doute pour moi. Le 21ème siècle tel qu’il se dessine aujourd’hui sera dominé par la guerre économique à l’échelle planétaire. Seule une montée substantielle des niveaux de compétences et la reconnaissance de celles–ci par les acteurs économiques et politiques, par les employeurs et par les médias nous permettra, en Europe, de garder nos cartes en main (et même de survivre pour nombre de structures info-documentairesc existantes). Les débats ici ou là sur la certification sont des débats d’arrière-garde et je ne les comprends plus.

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NM :Tu as beaucoup voyagé, tu as participé à de nombreuses conferences et animé de nombreux séminaires ou tu as été un acteur principal, partout dans le monde et à la fois tu es un fin connaisseur des systèmes infodocumentaires Qui sont les directeurs/managers des structures infodocumentaires en Europe et pas seulement : des profesionnels dans le domaine ou des noms dans des domaines complementaires ?

JM :
Je suis consultant, sollicité par de nombreuses entreprises ou organisations qui veulent refonder leurs dispositifs info-documentaires. J’observe les choses sur le terrain et essaye de comprendre ce qui se passe. Par chance on me demande aussi d’intervenir dans des conférences et de faire des cours à des professionnels, ce qui me permet de formaliser mes analyses avant de les faire partager. Pour répondre précisément à ta question, je peux dire très clairement qu’un diplôme classique en bibliothéconomie ne donne pas aujourd’hui automatiquement accès aux postes à responsabilité élevée en matière de management des systèmes info-documentaires modernes (même s’il existe des exemples de réussites intéressants). Mais je ne suis pas un dogmatique sur ce sujet. Un manager de systèmes info-documentaires doit d’abord et plus que jamais être bien inséré dans son entreprise ou organisation, avoir une hauteur de vue suffisante pour donner du sens stratégique à l’action professionnelle et être capable de “booster” des collaborateurs, des équipes pour aller vers l’information compétitive et innovante. Qu’il soit juriste, ingénieur, pharmacien ou bibliothécaire, peu importe dès lors que ce manager reconnaisse bien la valeur des compétences professionnelles à mobiliser.

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NM :Tu m’as parlé d’un masterat en Suisse sur l’évaluation des centres infodocumentaires. Peux-tu nous partager ton expérience à ce sujet ?

JM :
C’est effectivement une expérience intéressante qui m’occupe beaucoup depuis plus d’un an. Il s’agit d’un Master conjointement organisé par la Haute Ecole de Genève (département ID) et l’ESID de Montréal (dirigée encore récemment par notre ami Jean Michel Salaun) et visant à former des responsables de dispositifs info-documentaires pour des institutions internationales. J’ai été sollicité pour faire un cours sur les politiques et pratiques d’évaluation (évaluation de la performance et de l’impact des structures info-documentaires). Tu vois là que ça recoupe en partie la question de la certification (évaluation des compétences). Mes étudiants travaillent sur des cas concrets (bibliothèques, grands centres de documentation…) et essayent de bâtir des stratégies d’évaluation bien intégrées au management des structures concernées. Ca évolue donc vers un professionnalisme plus managérial que technicien.

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NM : L’évolution des métiers n’est pas en concordance avec le marché du travail, avec la Classification Occupationnelle (COR), avec la Classification des Activités dans l’Economie (CAEN) d’où la difficulté d’envisager une organigramme de notre siècle et a la fois la difficulté de rédiger une correcte fiche de poste.

JM :
C’est un problème sérieux que nous rencontrons aussi en France. Les professions, les métiers et les compétences des professionnels de l’info-documentation sont très mal connus des “gens” en charge des ressources humaines ou des classifications de métiers. Il en est de même, du reste, des patrons d’entreprises qui, comme leurs responsables ressources humaines, ont des visions archaïques, rétrogrades, sur la documentation et imaginent que l’on règle les problèmes uniquement avec des solutions informatiques. En plus, les patrons en question connaissent mal la réalité et la crucialité des besoins internes et ne sont donc pas en mesure de rédiger ou faire rédiger des fiches de poste appropriées. Tout change à une vitesse V aujourd’hui, ce qui nécessiterait de nouvelles visions sur les métiers et les compétences. Personnellement je pense que les organisations professionnelles - notamment en Europe- devraient consacrer une part importante de leur énergie à promouvoir une “autre vision de la profession” dans les médias et auprès des employeurs et responsables Ressources Humaines, à mettre en avant des réussites professionnelles exemplaires (“best practices”) et à convaincre de l’urgence d’un débat collectif large sur le management de l ‘information dans les organisations.

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NM : Qu’en penses tu de la formation initiale et continue du professionnel de nos jours dans la société de la connaissance ?
JM :
Vaste et épineux sujet sur lequel je suis fréquemment interviewé. Je n’ai presque ou même pas envie d’y répondre tant cela me désespère, du moins en ce qui concerne les formations initiales. Globalement, ces formations initiales ne sont pas ou plus à la hauteur des enjeux du management global de l’info-doc dans les organisations. Nombre de responsables de ces formations n’ont pas compris ce qui est en train de se passer sur le terrain.
Je reste par contre confiant que des avancées viendront de programmes de formation continue mieux en contact avec les réalités d’aujourd’hui. C’est sur ce terrain de la formation continue que nous devrions renforcer nos coopérations intra-européennes et en particulier franco-roumaines.

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NM : Tu as toujours anticipé l’avenir ...
JM :
Je ne suis pas un devin ni un futurologue. Mais depuis toujours je m’intéresse aux “évolutions” sociétales et technologiques que j’essaye de comprendre. Au début de ma carrière professionnelle, j’ai beaucoup travaillé sur les questions de prospective, d’innovation, d’analyse de système. Cela m’a marqué, comme m’a marqué la quête de savoir et savoir-faire méthodologique pour progresser. D’une certaine façon, je suis un “follower” de Schumpeter et un adepte de sa thèse sur l’innovation destructive (dans le sens très positif de ce concept). C’est ce message de progrès que je vais essayer de faire passer dans les jours qui viennent aux participants de la formation continue ADBS sur les liens entre information et innovation.

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NM : Ce dialoque avec toi via Internet est un vrai cours sur une profession en mutation basée sur des compétences acquises dans une formation initiale et continue pour le professionnel de demain, attendu par le marché de travail, nécessaire pour l’évolution de la socieété de la conaissssance, correctement remunèré pour son travail ! Merci Jean et A bientot !