Itinearii în lumea infodocumentara – o convorbirecu dl Jean MICHEL
JM 360
|
|
|
Biblioteca – martie 2011 - meridian bibliologic - pp. 86-89
Traduction par Nicoleta MARINESCU
Réponses par Internet à des questions des lecteurs de la revue après diffusion de l'article JM359
Qui etes-vous Monsieur Jean Michel ?
Un individu de 65 ans, du signe astral du “Taureau”, marié, deux
enfants et de deux petits-enfants. Quelqu’un qui aime la vie, qui s’est
toujours passionné et continue à se passionner pour ce qu’il fait, qui
croit au potentiel de développement des hommes et qui a le vice de la
rigueur et de la méthode. Peut-être aussi un professionnel qui n’aime
pas se laisser enfermer dans des grilles de métiers ou de statuts, un
“électron libre” en quelque sorte.
Vous etes un professionnel bien connu dans le monde des bibliotheques. Quel est votre debut ? Comment avez-vous choisi ce domaine d’activite ? Quand et comment vous avez debute ?
Je ne suis pas un professionnel classique. Ma formation initiale est
celle d’un ingénieur des ponts et chaussées (génie civil), mais je dois
avouer que je n’ai jamais construit le moindre pont. La seule chose que
je puisse revendiquer de cette formation, c’est de savoir établir des
“ponts immatériels” entre les hommes, entre les structures et entre les
projets. Je crois bien que je suis fondamentalement un médiateur ou un
facilitateur de progrès.
La documentation, je n’y suis venu que vers 32 ans, sans avoir la
moindre formation en bibliothéconomie. J’y suis venu par le biais de
nouvelles responsabilités que j’ai eu à exercer dans le domaine des
formations supérieures d’ingénieurs et à travers le lien qu’il fallait
impérativement renforcer entre “formation”, “information” et
“innovation”.
Vers 1978, on m’a effectivement demandé de créer et de gérer une grande
structure documentaire (une trentaine de personnes) au sein de l’Ecole
nationale des ponts et chaussées à Paris. J’ai progressivement
découvert la documentation et y ai introduit quelques démarches
originales (analyse de la valeur notamment).
Que pouvez-vous dire de vos professeurs et de vos
modèles?
Avec le recul du temps, je peux évoquer aujourd’hui quatre personnes.
La première m’a fait découvrir la beauté et la rigueur des
mathématiques. Une seconde a éveillé et stimulé ma passion pour
l’histoire (et plus particulièrement l’histoire locale ou régionale).
Une troisième m’a initié à la puissance des méthodes d’analyse
fonctionnelle et d’analyse de la valeur. Une quatrième enfin m’a révélé
l’importance de l’interculturalité et le sens de la coopération
internationale.
Que represente pour vous la biblioteconomie ?
Vu de l’extérieur (puisque je ne suis pas issu d’une formation de ce
domaine), la bibliothéconomie me semble être un ensemble de pratiques,
de développements et de questionnements théoriques qui connaît
aujourd’hui une transformation profonde. J’ai beaucoup de mal à en
définir le périmètre ou la surface et je ne me verrais pas participer
actuellement à une norme définissant avec précision ce qu’est ou ce que
doit être la bibliothéconomie. En tout cas, c’est un domaine de
pratique et de recherche qui mériterait à l’évidence plus
d’investissement et de reconnaissance au sein de la société moderne.
Quelles sont les activites de cette profession
qui vous attirent particulierement ?
Personnellement, ce qui me passionne, c’est de comprendre comment des
entreprises ou des organisations se comportent au regard de
l’utilisation et du management des ressources info-documentaires. Je
suis donc surtout préoccupé par la détermination des besoins des hommes
et des groupes au regard de l’information et de la documentation. Je ne
suis par contre que très peu intéressé par les subtilités des
méthodologies de traitement des ressources documentaires (catalogage,
indexation, par exemple). Je ne suis aussi que modérément intéressé par
les outils (logiciel de ceci, plate-forme de cela) mais je sais bien
les utiliser pour répondre aux besoins.
Quelles sont les qualites et les defauts a la
fois de cette profession ?
Les qualités de la profession sont essentiellement de nature sociale ou
sociétale, comme par exemple le souci de certaines valeurs collectives
(la documentation un bien commun, le patrimoine…) ou encore la
préoccupation de l’utilité pour le plus grand nombre (ce qui à l’heure
du libéralisme sauvage est primordial). Je pense par ailleurs que la
profession sait s’investir collectivement sur son développement.
Je citerai par contre trois défauts ou faiblesses qui m’irritent
parfois. C’est d’une part l’enfermement routinier de la profession dans
ses technicités, dans ses gestes professionnels au détriment de la
bonne compréhension des vrais besoins (perversion de la mission d’une
certaine façon). C’est d’autre part son manque de “pugnacité”, voire
même d’agressivité dans les batailles à mener pour faire valoir les
compétences et in fine l’utilité de la profession. Et c’est enfin la
difficulté de la profession à se mettre au meilleur niveau des
exigences du monde moderne, à dialoguer et coopérer avec les parties
prenantes les plus actives (décideurs politiques, grands acteurs
industriels ou économiques…) : à quand par exemple un partenariat entre
la profession et Apple pour penser de possibles applications de l’iPad
dans le domaine de la bibliothéconomie ?
Quelles qualites vous ont aide plus et quels
defauts vous ont creent des problemes dans votre activite?
Pour les qualités, je crois que je mettrais volontiers en avant mes
capacités d’écoute et d’observation, mon ouverture aux autres cultures
(professionnelles, internationales…), une préoccupation constante en
matière de transfert des connaissances (j’adore former des collègues ou
de jeunes professionnels). Ajoutons une rigueur méthodologique (un peu
maladive) et un bon savoir-faire professionnel.
Côté défauts, je pense pouvoir avouer que j’ai toujours eu du mal à
approcher les “puissants” (grands décideurs) et donc à donner une
dimension plus politique ou stratégique à mon action : je n’aurais
jamais pu faire une carrière politique. Je sais aussi que j’ai souvent
tendance à vouloir aller trop vite (je suis un impatient et un
“hyper-actif), ce qui peut m’amener à abandonner la partie si je vois
que ça traîne trop. Je peux enfin dire que je ne suis pas un bon
économiste ou quelqu’un de très porté sur la question des coûts ;
j’agirais plus par passion que par raison quitte à y perdre de l’argent
(je serais incapable de devenir milliardaire).
Est-ce que vous avez du temps libre pour un hobby ?
Oui et c’est sacré pour moi et j’évite de mettre des barrières entre ma
vie professionnelle et le reste de mavie. Je suis fan de musique
contemporaine (plus de 3.000 CD chez moi). Je suis passionné par la
photo artistique et ai plusieurs sites Web ou galeries. Je m’intéresse
très sérieusement au régionalisme et plus particulièrement à un
territoire français proche de la frontière avec la Suisse et ai
rassemblé un fonds de près de 10.000 cartes postales des années 1950 à
nos jours sur ce territoire. Je me suis plongé depuis quelques temps
dans la généalogie et ai déjà identifié plusieurs centaines de mes
aïeux. A dire vrai je mets autant de passion et de méthode dans mes
hobbies que dans mon travail professionnel (au point que cela peut
parfois agacer et décourager mes proches). D’une certaine façon mon
savoir-faire professionnel (créer et développer des bases de données
par exemple) m’aide à aller très loin dans mes hobbies.
Combien de titres vous avez publies ? Où
publiez-vous ?
Mon catalogue de publications compte près de 350 papiers dont 4 ou 5
livres. Tout n’est pas du plus haut niveau scientifique, je l’avoue (je
n’ai pas eu une carrière de chercheur nécessitant de bien gérer ses
publications scientifiques). Ce sont souvent des prises de position,
des réflexions faisant suite à mes expériences professionnelles, des
actes de communication avec l’environnement professionnel. C’est
généralement publié dans des revues professionnelles , mais certains de
mes papiers sont sortis dans la grande presse nationale en France. Je
participe par ailleurs à de nombreuses rencontres ou conférences,
communique dans plusieurs séminaires. Avec le temps, je me suis aussi
rendu compte que j’étais devenu un “professionnel de l’estrade” : quand
on a besoin d’un “key-note speaker”, d’un président (chairman) de
conférence ou d’un animateur de table ronde, c’est souvent sur moi que
ça tombe !... et je pense que j’aime ça.
Pouvez-vous mentionner vos reussites
professionnelles spéciales ? Quelles est la plus grande reussite
professionnelle ?
Disons qu’il y a des choses qui ont pu être réalisées vraiment grâce à
moi et dont je suis vraiment très fier. Je pense par exemple à certains
travaux de valorisation de fonds patrimoniaux anciens de l’Ecole des
ponts et chaussées (avec de grandes expositions…). Je pense aussi à mon
action en tant que rédacteur en chef de la revue “European Journal of
Engineering Education”. Je peux encore évoquer l’action menée au sein
de l’ADBS et notamment la création de la certification CERTIdoc.
D’autres réalisations ou réussites sont dûes à une forte coopération
avec des organismes que j’ai pu aider en tant que consultant. Je ne
peux pas évoquer de noms ici, mais je peux dire que voir la
transformation profonde d’une équipe de professionnels sur une période
de 8, 12 ou 15 mois après un travail de coaching ou d’accompagnement
est toujours une satisfaction professionnelle indéniable.
Quel est votre opinion vis-vis de l’evolution de
la biblioteconomie en Roumanie ?
Je n’ai malheureusement pas suivi de près les professionnels roumains
au cours des toutes dernières années et resterai donc très prudent dans
ma réponse. Globalement je pense que (comme aussi ailleurs), on trouve
une avant-garde, un milieu suiveur et une arrière-garde. Je crois qu’il
y a en Roumanie un niveau très élevé de conscience de l’importance des
transformations professionnelles en cours : on peut se rendre compte de
cela à travers la multiplication des conférences, rencontres et autres
séminaires. Les experts roumains ne sont pas isolés ou ignorés, bien au
contraire. Mais en même temps, il est sûr qu’il existe aussi un nombre
important de professionnels qui restent encore fort loin du “front de
la bataille des nouvelles compétences” et cela peut vouloir dire qu’il
faut vraiment mettre en œuvre des politiques de formation très
exigeantes.
Que pensez-vous de la perception publique et de
l’evaluation de la profession du bibliothecaire ?
Il me semble que les concepts de “bibliothèque” et de “bibliothécaire”
sont bien connus et perçus (contrairement par exemple à ceux relatifs
au documentaliste ou au veilleur). Pour autant, le métier de
bibliothécaire est-il reconnu à sa juste valeur ? D’une façon générale,
les médiateurs que sont les bibliothécaires ou les documentalistes ont
tendance à être ignorés des décideurs publics ou privés (d’autres
professions ont des reconnaissances sociales, économiques ou sociétales
mieux établies). Le problème est d’autant plus grave en 2010 que les
usages d’Internet, de Google, du Web 2.0 rendent moins évident le rôle
des médiateurs professionnels (certains responsables politiques,
économiques, industriels pensent qu’on peut désormais se passer d’eux
puisqu’on trouve tout sur Internet en se contentant de mettre deux ou
trois mots clés en guise de requête). Il est urgent d’engager des
campagnes de communication fortes, à des niveaux national et européen
pour mieux valoriser les professionnels de la médiation
info-documentaire.
Que pensez-vous de la chance de cette profession
en Roumanie (France) d’aujourd’hui
Restons lucides. La profession se cherche aujourd’hui (beaucoup plus
que par le passé). Les multiples déclinaisons de la profession sont un
vrai cauchemar pour un bon marketing de la profession. Les spécificités
nationales et les particularismes professionnels locaux n’aident pas
non plus à positionner correctement la profession en Europe.
Dans le même temps, je vois bien les opportunités que la profession
pourrait saisir si elle était un peu plus visionnaire. Je pense que la
meilleure chance pour la profession réside paradoxalement dans l’effet
ou impact d’Internet. Le besoin de médiation intelligente est en train
d’émerger ici ou là du fait du bruit, du trop-plein et de la pagaille
info-documentaires. On aura de plus en plus besoin de
“néo-professionnels” et de mobilise des compétences nouvelles qui n’ont
que plus grand chose à voir avec celles de la bibliothéconomie
ancienne. Ce néo-professionnel doit se faire remarquer par la valeur
ajoutée qu’il apporte, au delà des accès immédiats aux ressources via
Internet.
Comment voyez-vous qu’il faut attirer l’attention
publique et mass-media vis-a-vis du domaine?
Idéalement, il faudrait pouvoir offrir des potentialités de carrières
et des rémunérations en lien avec l’ambition de ce
néo-professionnalisme. Ne nous faisons pas trop d’illusion sur ce plan
là. Par contre, je vois que des jeunes de bon niveau sont passionnés
par cette nouvelle bibliothéconomie (je viens de terminer mon cours de
Master à Genève sur l’évaluation des dispositifs info-documentaires et
honnêtement j’ai été vraiment “bluffé” par la qualité de la réflexion
et des travaux des étudiants et leur passion pour les développements
dans ce domaine).
De façon simplifiée je pense qu’il ne faut pas envisager désormais des
recrutements en très grand nombre et surtout ne pas ou plus former des
professionnels pour des métiers aujourd’hui dépassés. Par contre, il
faut tout faire pour former des professionnels plus “experts”, de
niveau académique au moins Master. La Roumanie doit notamment se donner
les moyens de déceler et former ce vivier de futurs experts
professionnels. C’est un vrai projet “macro-pédagogique” à un niveau
national pour lequel il faut investir.
Comment voyez-vous qu’on pourrait attirer des
fonds prives dans ce domaine ?
Très intéressante question qu’on m’a rarement posée. Rêvons un peu.
Pourquoi Microsoft, Apple, Intel ou Nokia n’investiraient ils pas pour
soutenir des programmes de développement en matière de
néo-bibliothéconomie ? Mais encore faudrait-il que des professionnels
présentent des projets pour de tels partenariats.
Je suis persuadé qu’après les désillusions face au libéralisme
économique et financier et aux crises qu’il a engendrées, on reviendra
vers des priorités nouvelles en matière de valeurs sociales et
culturelles. Je suis persuadé qu’il peut y avoir des projets
intéressants à développer qui bénéficieront de moyens à la fois publics
et privés. Au delà de l’externalisation de certaines activités sans
grande valeur ajoutée, il me semble que le secteur privé pourrait être
impliqué dans certains grands projets proposés par des institutions
publiques : numérisation de fonds de ressources documentaires,
développement de plates formes de mise à disposition de l’information
et de la documentation citoyennes, etc.
Vous pensez que la formation et les etudes
academiques dans un certain domaine peuvent influencer le deroulement
de la profession du bibliothecaire exercitee a un certain niveau ?
Oui, bien sûr. Mais comme je l’ai déjà dit il ne s’agit plus de former
des quantités importantes de bibliothécaires, de techniciens ou
assistants de bibliothèques comme on a pu le faire dans le passé, sans
se poser la question des débouchés et de celle des compétences
aujourd’hui exigées. Il faut définir, avec lucidité et avec une
certaine vision prospective, un plan ou programme national (ou
international) pour dégager et former un vivier de néo-professionnels
hautement qualifiés.
De façon plus générale, la formation de ces professionnels pour demain
doit s’appuyer prioritairement sur une culture générale solide. Et bien
entendu, il faut désormais être en mesure de maîtriser l’ensemble des
gestes, techniques, méthodes et savoirs théoriques que requiert la
bibliothéconomie post-moderne.
Comment evaluez-vous le systeme de la formation
professionnelle et du developpement de l’expertise dans le domaine
biblioteconomique en Roumanie ?
Honnêtement je ne peux pas répondre à cette question car je ne suis pas
assez informé sur la situation actuelle des formations dispensées
(cartographie et contenu des formations, niveaux, débouchés).
Je peux seulement dire que mes contacts avec les collègues roumains
m’ont convaincu qu’il y avait du “répondant” en Roumanie. Ce n’est pas
pour rien que nous avons engagé des opérations de collaboration
franco-roumaines en matière de certification comme en matière de
projets européens. D’autres pays “ouest-européens” n’ont pas
certainement pas le niveau de conscience et d’expertise
professionnelles que j’ai moi-même constatées en Roumanie. Mon seul
regret pourrait porter sur le fait que les partenaires roumains sont
souvent enclins à exacerber des rivalités internes au lieu de
s’investir collectivement sur des projets stratégiques majeurs.
Quels conseils ou recomandations pouvez-vous
faire aux jeunes qui se preparent a devenir bibliothecaires ?
Ouvrez les yeux sur le monde réel de 2015. Regardez avec lucidité et
détermination les potentialités offertes aujourd’hui par les nouvelles
technologies (révolution numérique, développement des outils nomades,
approches multimédias…). Osez penser d’autres modalités d’exercice de
la médiation info-documentaire. Soyez créatifs et inventez d’autres
bibliothèques et structures documentaires en étant toujours à l’écoute
des besoins et toujours au top en matière de maîtrise des solutions
techniques pour la médiation. Et surtout pensez bien votre métier futur
comme un métier de mise en relation des hommes (via leurs livres mais
pas seulement), un métier de médiateur apportant de multiples valeurs
ajoutées aux clients ou usagers.
C’est un domaine d’activité passionnant à condition qu’on n’en reste
pas au seul niveau des gestes professionnels traditionnels routiniers.
C’est vous les jeunes du Web 2.0 qui allez créer la bibliothèque et la
documentation du futur : alors rêvez et foncez.
Que pensez-vous qu’il faut faire en
Roumanie(France) pour former des professionnelles et pour les garder
chez eux ?
J’ai déjà répondu aux questions sur la formation. Pour ce qui concerne
le problème du départ des professionnels formés vers d’autres pays ou
continents, je dois reconnaître que c’est un vrai problème pour nous
les européens : même des scientifiques de réputation mondiale (dont par
exemple un ancien prix Nobel français) sont aujourd’hui amenés à
quitter leur pays et à partir aux USA, en Chine ou ailleurs.
Je pense qu’il faut que les responsables politiques soient beaucoup
plus conscients que par le passé du risque que représente cette
émigration des compétences. Pour la bibliothéconomie et la Roumanie,
cela doit passer par une démarche préalable d’évaluation des
potentialités nationales d’expertise, par la définition de programmes
appropriées de formation et de développement des compétences et par une
démarche volontariste de création d’offres d’emploi sérieuses pour ces
experts ou jeunes néo-professionnels. Des partenariats avec de grandes
entreprises ou institutions devraient aider à mettre en place un cercle
vertueux de formation, de mobilisation et de valorisation de
compétences.
Dans quelle mesure repond aux interets des
professionnelles roumains(francais) le systeme documentaire de nos
jours dans la biblioteconomie ?
Il y a en France comme en Roumanie, des endroits où on se sent bien en
tant que professionnel et des endroits où on se sent mal à l’aise. En
tant que consultant, je suis souvent sollicité par des professionnels
qui ont du mal à se faire reconnaître dans leur entreprise ou
organisation ou simplement à faire passer leurs idées.
Je vais être très clair : la profession et les professionnels ne sont
pas assez pugnaces ou combatifs et se contentent souvent de se plaindre
au lieu d’agir. Que veut-on vraiment devenir ? Comment veut-on orienter
sa carrière ? Qu’est-ce qu’on a envie de faire passer comme message
auprès de son environnement ?
La bibliothéconomie, ça n’existe pas en soi. Ce qui existe, se sont les
personnes qui constituent, pratiquent et développent la
bibliothéconomie. Si les personnes n’ont pas de projet, individuel ou
collectif pour la bibliothéconomie, celle-ci restera un concept formel
creux sans utilité ni reconnaissance sociétales.
Quelle est le niveau de la recherche scientifique
en Roumanie(France) dans le domaine biblioteconomique ?
Là aussi, honnêtement je ne peux pas répondre n’ayant pas de données
objectives précises pour dire quoi que ce soit en tout cas pour la
Roumanie.
De façon plus générale, je m’interroge sur ce que représente vraiment
la recherche dans ce champ disciplinaire. Bien sûr, il existe des
spécialistes des “sciences de l’information” dispersés ici ou là dans
des universités ou centres de recherche, notamment en France. Mais on
est quand même assez loin de la recherche fondamentale telle qu’on peut
la voir dans les grandes institutions telles que le CERN par exemple ou
même loin de la recherche en sciences de l’information dans les milieux
anglo-saxons. Je ne vois pas d’études d’évaluation sérieuses portant
sur ce champ disciplinaire, ni en France ni en Roumanie. On en reste
généralement à des travaux, non sans intérêt, de quelques spécialistes
malheureusement souvent coupés des réalités de la bibliothéconomie de
terrain (dans les bibliothèques comme dans les entreprises). J’ai
malheureusement l’impression que la vraie recherche (et
recherche-développement) en sciences de l’information se fait
aujourd’hui ailleurs, par exemple chez Google ou Apple.
Quels sont a votre opinion les moyens
d’integration europeenne dans le domaine de la biblioteconomie ?
Nous avons beaucoup œuvré dans les 20 ou 30 dernières années pour
faciliter le rapprochement des associations professionnelles de
bibliothécaires et de documentalistes en Europe. Nous avons pu
développer certains projets collectifs originaux. Mais je dois avouer
une certaine désillusion aujourd’hui. Les milieux professionnels de la
bibliothéconomie sont mal organisés pour la coopération et les échanges
internationaux et ont souvent tendance à se recroqueviller sur leurs
préoccupations purement nationales ou locales. Il y a bien sûr les
réelles barrières linguistiques et financières qui freinent
sérieusement le développement de la coopération intra-européenne. Je
pense surtout que les représentations mentales sur la bibliothéconomie
et sur les conditions d’exercice de la profession sont très différentes
selon les pays et les cultures, et ces différences ne permettent pas de
trouver facilement les bons niveaux d’échange et définir les axes
communs de coopération.
Personnellement, je pense qu’il faudrait se focaliser sur quelques
points essentiels, comme par exemple la question du développement et de
la reconnaissance des compétences pour les professionnels de la
médiation info-documentaire. Des projets pourraient être envisagés au
niveau européen avec l’espérance de possibles financements pour les
mener à bien.
Il me semble aussi qu’il nous faudrait sortir du carcan des approches
trop strictement nationales ; à l’heure d’Internet, du Web 2.0 et de
FaceBook, ne pouvons nous pas échanger et coopérer plus facilement à un
niveau global sans nous préoccuper de savoir si nous sommes français ou
roumains. L’échange de questions et de réponses que nous avons entre
nous est un exemple de ce que nous pourrions faire simplement pour le
profit du plus grand nombre. Quand je regarde les revues françaises du
domaine, je suis vraiment déçu de ne pas y voir de telles interviews ou
échanges avec des experts non français !... Vous donnez l’exemple.
Bravo.
*
Un mot enfin pour remercier vivement Nicoleta Marinescu pour sa démarche déterminée de médiation et pour son travail de traduction sans lequel la communication entre nous ne pourrait pas être aussi approfondi.