Les croix de mission et de dévotion en fer forgé
du Haut-Doubs et du Jura




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Mise à jour : déc. 2021

Introduction à une recherche personnelle

Jean MICHEL
Jean MICHEL

Une thématique de recherche originale autour d'un petit patrimoine régional méconnu

Natif de Lons-le-Saunier mais exilé à Paris pour mes études puis mes activités professionnelles, je me suis, très tôt, passionné pour l'histoire et l'archéologie régionales et pour le patrimoine franc-comtois et jurassien sous l'influence indéniable de mon professeur Jean Brelot au Lycée Rouget de Lisle de Lons-le-Saunier, au début des années 60.  Devenu Ingénieur des Ponts et Chaussées, mes domaines d'intérêt personnel se sont naturellement portés, aussi, sur l'architecture, l'histoire des techniques et en particulier du travail de fer, comme je pouvais en voir de belles réalisations à Lons-le-Saunier, à Dole ou Besançon (grilles de balcons, rampes d'escalier, portails...). Disposant, depuis 1980, d'une résidence secondaire à Métabief, c'est en 1984 que j'ai commencé à découvrir, un patrimoine très original mais totalement méconnu, celui des croix de mission en fer forgé et à structure tridimensionnelle (FF3D) du Haut-Doubs frontalier. Il s'agit d'un patrimoine méconnu d'une cinquantaine de croix réparties sur une étroite bande de 50 km de long s'étirant du Val de Mouthe à la plaine de l'Arlier et au pays Saugeais. Ingénieur désormais retraité, c'est à partir de 2015, sur la base de mes nombreux dossiers et albums photographiques, qu'il m'est apparu indispensable d'engager plus systématiquement un travail de reconnaissance détaillée de cet ensemble de monuments et de capitalisation des connaissances accumulées. Cela m'a donc conduit à publier, en 2016, un ouvrage sur ces croix, puis à faire régulièrement plusieurs expositions et conférences et à animer des séries de visites de découverte de ce patrimoine atypique de croix en fer forgé. Et de fil en aiguille, ou plutôt de croix en croix, s'est progressivement esquissé un inventaire systématique des croix en fer forgé du Haut-Doubs et des plateaux de la montagne du Jura.

 

La particularité des croix étudiées : le fer forgé pour stimuler la Foi

Le fer forgé commence à être utilisé de façon systématique dès la première moitié du XVIIIe siècle et surtout à partir du milieu du XVIIIe siècle notamment dans les constructions civiles. Cela sera aussi le cas pour la réalisation de croix de grande dimension intégralement en fer forgé (à partir de grandes barres laminées). Le Haut-Doubs frontalier est l'endroit propice pour un tel développement, à la fois du fait de l'existence de ressources en minerai de fer et d'un artisanat du fer très développé - sous le Mont-d'Or et autour du lac de St-Point - et aussi en raison du fort clivage religieux entre catholicisme et protestantisme en cette zone frontalière. La tradition des “missions” diocésaines initiée par l'archevêque de Besançon à partir de 1676 (avec la création de la communauté des missionnaires de Beaupré) se traduit par l'organisation de plus d'une centaine de missions dans les divers villes et villages du diocèse. Des croix sont fréquemment érigées à la fin de ces missions, dont certaines déjà en fer forgé. Après la Révolution, la relance des “missions” diocésaines dans les années 1820 et suivantes (avec la refondation en 1816-18 du séminaire de Beaupré, installé alors à École, dans le Doubs) sera l'occasion d'ériger de nombreuses croix de mission (que je désigne par l'acronyme FF3D - croix en fer forgé et à structure tridimensionnelle), très innovantes par rapport aux traditionnelles et plus anciennes croix en pierre.

L'originalité de ces croix FF3D du Haut-Doubs tient, certes à l'usage du fer forgé en grandes barres laminées pour réaliser des monuments de grande hauteur, mais surtout au fait que le fer permet de penser et concevoir en trois dimensions (3D) en apportant une épaisseur (du volume), qui rappelle celle des croix en pierre. Les volumes créés dans les fûts et branches des croix sont alors exploités pour y intégrer un décor religieux en fer étampé et en tôle de fer (découpée ou repoussée), avec essentiellement les instruments de la Passion du Christ et certains symboles de la religion catholique. Ces croix visant à marquer les esprits des paroissiens en leur rappelant les fondements de la foi chrétienne sont de véritables “bandes dessinées verticales”, sorte de catéchisme visuel durablement inscrit dans le fer des croix.

Aucune de ces croix ne ressemblant à sa voisine, elles témoignent toutes d'une exceptionnelle habilité locale à travailler le fer forgé et étampé et sont pour certaines de véritables chefs d'œuvre de ferronnerie (comme par exemple, les plus anciennes de ces croix à Rochejean, aux Longevilles-Mont-d'Or, à Saint-Antoine, aux Grangettes, à Jougne...). Malheureusement elles ne sont ni protégées ni vraiment bien entretenues et elles restent extrêmement fragiles.

La réalisation de telles croix majestueuses en fer forgé à structure tridimensionnelle s'arrêtera après 1870 (sauf exceptions ou reprises tardives ou modernes). Elles seront progressivement remplacées à partir du milieu du XIXe s. par des croix en fonte, produites industriellement, achetées sur catalogue et imitant médiocrement les réalisations antérieures en fer forgé (trop chères...). Ces croix en fonte, très nombreuses, plus petites, plates (2D) et au décor “sulpicien” sont bien sûr loin de valoir les œuvres artisanales en fer forgé créées pendant un siècle environ à partir de 1750.

 

L'aire géographique concernée : Haut-Doubs frontalier et aussi plateaux du Jura

Comme indiqué plus haut, le travail d'étude a commencé dans le Haut-Doubs frontalier, surtout dans le Val de Mouthe et l'Arlier (une cinquantaine de croix dont certaines réellement majestueuses et au décor exceptionnel). Les investigations ont progressivement été étendues à plusieurs territoires voisins (Saugeais, val de Morteau, plateau d'Ornans et vallée de la Loue, vallée du Drugeon...). Aux croix strictement tridimensionnelles sont aussi venues s'ajouter des croix plus simples, planes (2D) mais toujours en fer forgé et présentant un réel intérêt avec un inventaire de croix en fer forgé, sur un territoire allant de Gilley et Morteau au nord à Chaux-Neuve au sud ou encore à Boujailles à l'ouest (rien, bien sûr, à l'est du département en Suisse voisine à culture religieuse différente).

Très vite, l'inventaire s'est poursuivi grâce à des investigations du côté des plateaux de la montagne jurassienne (département du Jura). Une première série de croix originales, atypiques, a ainsi été identifiée entre Syam et Saint-Laurent-en-Grandvaux (modèle dit ALS - Ain-Lemme-Saine) ; ces  croix très élevées et, elles aussi à structure 3D, ont été réalisées sous la Restauration et la Monarchie de Juillet (fin des années 1820, début des années 1830) et laissent à penser qu'elles sont en lien avec le développement des forges de Syam, alors dirigées par la grande famille Jobez (qui acquiert les forges de Rochejean dans le Doubs en 1809). Contrairement aux croix du Haut-Doubs, plus “militantes”, ces croix ne comportent pas de décor religieux.
Une seconde série de croix jurassiennes est également visible sur le premier plateau (Crançot, Crotenay, Bonnefontaine) : de structure complexe, mixte, elles comportent, en pied, de surprenantes consoles et une partie supérieure certes plane (2D) mais d'une sobriété et élégance étonnantes, dans un style plus “graphique” que décoratif. D'autres encore, certainement de la seconde moitié du XVIIIe siècle, du côté de Montrond, des Nans et de St-Germain-en-Montagne attestent d'une possible influence jésuite. La découverte de toute cette diversité de croix en fer forgé conduit à élaborer progressivement ce qui est en train de devenir une sorte d'encyclopédie sur ces croix en fer forgé du Haut-Doubs et des plateaux du Jura


D'un ouvrage “papier” à un site Web dédié
Le travail d'inventaire et d'étude des croix en fer forgé du Haut-Doubs et des plateaux du Jura s'est donc activement poursuivi et intensifié avec de nombreux relevés faits en 2020-2021. Plus de 60 croix en fer forgé sont aujourd'hui recensées et décrites pour le Haut-Doubs et plus de 40 pour les plateaux du Jura.
L'ouvrage de 2016 devenant à l'évidence très incomplet et avec un volume de matière à publier plus que doublé rendant impossible une réédition de l'ouvrage, la décision a donc été prise de créer et développer un site Web dédié à toutes ces croix très typées en fer forgé, dispositif d'édition et de diffusion de connaissances beaucoup plus souple.
Ce site Web permet à la fois de reprendre et enrichir certaines descriptions de l’ouvrage de 2016, avec des notices plus détaillées et enrichies de nombreuses illustrations en couleur ; il permet aussi d’étendre aussi le périmètre des investigations. Il est, en outre, l’occasion de diffuser d’utiles informations sur les contextes religieux et industriels (métallurgie, ferronnerie) et de donner des explications à caractère pédagogique sur ces croix en fer forgé érigées entre 1750 et 1870.

La page d'accueil du site Web donne accès à des nombreuses rubriques : aperçus généraux sur les croix (“kaléidoscopes”), répertoires détaillés renvoyant aux notices descriptives des croix, pages thématiques et didactiques, références documentaires. On peut également y trouver l'accès à plusieurs articles de presse comme aux supports des conférences présentées ces dernières années.

Les deux tableaux d'inventaires (Doubs, Jura) donnent la clé permettant d'aller voir les croix, à la fois sur le terrain (communes, coordonnées GPS), mais aussi depuis son ordinateur en consultant les notices descriptives (illustrées) ainsi que des extraits des expositions et publications faites depuis 2016.

Un corpus de croix bien défini et délimité

Le corpus étudié se focalise sur le seul patrimoine des croix en fer forgé (réalisations artisanales) qui ont été érigées dans le Haut-Doubs et sur les plateaux du Jura à partir du milieu du XVIIIe siècle et, pour leur grande majorité, avant le début du XXe siècle (à quelques exceptions près).

Ce corpus est bien défini et délimité et ne prend pas en compte les très nombreuses croix en fonte produites industriellement et largement distribuées et commercialisées sur tout le territoire au cours de la seconde moitié du XIXe siècle (croix abondantes notamment dans les cimetières). Il ne prend bien sûr pas en compte les anciennes croix en pierre qui existent, encore en assez grand nombre, dans certains secteurs du Jura et qui mériteraient, à elles seules, une étude spécifique.

Il est important de rappeler ici que le travail engagé se focalise sur l'utilisation du fer forgé (ferronnerie) dans la réalisation de ces objets religieux particuliers que sont les croix de mission, de dévotion, de carrefour, de jubilé, de finage, etc.. Il se limite aussi principalement à la dimension architecturale et constructive de ces objets religieux, et si nécessaire au contexte qui les a vu apparaître et se développer. Il n'est en rien une étude spécialisée sur le fait religieux dans le Doubs et le Jura, sur les croyances pratiques et religieuses et cultuelles sur ces territoires et encore moins sur la sacralisation de lieux sur lesquels ces croix ont été érigées.


La diffusion de la connaissance

L'ouvrage publié en 2016 sur les croix du Haut-Doubs est encore disponible à la vente (me contacter) ; il est par ailleurs consultable en ligne sur Internet (version 2016 avec addendum 2021). Des expositions sont régulièrement organisées (Remoray) et des conférences-visites estivales proposées. Enfin, le site Web est aujourd'hui la colonne vertébrale de la démarche de diffusion de connaissances. Ne pas hésiter à me contacter pour tout projet d'éventuelles interventions, visites ou autres publications.

Je remercie par avance les personnes qui voudraient bien me transmettre des alertes pertinentes sur des croix encore non inventoriées (attention : croix en fer forgé uniquement, pas de croix en fonte).


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