Fer forgé, fonte moulée

Quelles différences et comment les reconnaître ?

Vignettes cliquables pour accéder aux photos des croix (© Jean MICHEL)

La présente page, à contenu technique, vise à expliquer aussi simplement que possible, les différences entre les deux matériaux ferreux utilisées pour les croix : fer forgé versus fonte moulée.
Une première partie du texte donne des informations générales et des données techniques sur les différences entre fer forgé et fonte moulée (sources Wikipedia et autres sites Internet). Est développée ensuite une grille d'analyse comparative des caractéristiques de chaque matériau, établie à partir de l'observation personnelle de nombreuses réalisations en fer forgé et en fonte moulée.
Enfin, un petit quiz est proposé en fin de page pour vérifier les connaissances acquises permettant d'identifier objets en fer forgé ou en fonte moulée.

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1 - Données techniques

Les croix métalliques dites de mission ou de dévotion que l’on voit dans le Haut-Doubs, dans le Jura et dans bien d’autres territoires ont été réalisées grâce à deux types de matériaux ferreux, le fer forgé et la font moulée. Les grandes croix en fer forgé vont surtout être fabriquées artisanalement du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle. Les croix en fonte moulée, généralement plus petites, et qui vont proliférer dans les cimetières, seront produites par des industriels fondeurs surtout au XIXe siècle en remplacement des croix en fer forgé plus onéreuses à réaliser. Mais quelles différences existent entre ces deux types de matériaux ?
On pense en effet souvent que la fonte et le fer forgé sont des termes interchangeables pour désigner la ferronnerie ancienne, mais il y a tout un monde de différences. Dans un premier temps, disons très simplement que la fonte est du fer qui a été fondu, versé dans un moule et qu’on a laissé refroidir et que le fer forgé est du fer qui a été chauffé puis travaillé avec des outils. Mais essayons de détailler ces différences.

Le fer forgé

Le premier type de fer produit et travaillé par les forgerons était le fer forgé. C’est du fer élémentaire (Fe), pratiquement pur, qui est chauffé dans une fournaise avant d’être forgé (c’est-à-dire travaillé) avec des marteaux sur une enclume. Le martelage du fer expulse la majeure partie des déchets du matériau et soude les particules de fer ensemble. Le fer forgé est composé principalement de fer avec 1 à 2% de scories ajoutées, sous-produit de la fusion du minerai de fer.

Le fer forgé se caractérise souvent par son apparence fibreuse, mais il est également plus doux et plus ductile que la fonte. Le fer forgé est très malléable, ce qui signifie qu’il peut être chauffé, réchauffé et travaillé sous différentes formes. En fait, plus il est travaillé, plus il devient puissant. Le fer forgé a une résistance à la traction beaucoup plus élevée que la fonte, ce qui le rend plus adapté aux poutres horizontales dans la construction (et aux armatures de toutes sortes). En général, il résiste fortement à la fatigue. Il se déforme de manière irréprochable sauf en cas de surcharge excessive ou de déformation par exposition à une chaleur intense (par exemple, en cas d’incendie).

Originellement associé aux travaux de ferronnerie et au travail du ferronnier, du forgeron ou encore du serrurier, le fer forgé est devenu célèbre grâce à la réalisation de remarquables pièces décoratives (pensons aux grilles de la place Stanislas à Nancy). Les églises anciennes des XV-XVIIIe siècles contiennent de belles pièces en fer forgé produites par des artisans de talent. Le fer forgé a été largement employé dans la construction métallique, dans les chemins de fer et dans de nombreux ouvrages de décoration (grilles, rampes…). Il a été remplacé par l’acier au XXe siècle.

À noter que le travail mécanique du fer permet de fabriquer différents types de profilés métalliques : tôles plates, profilés de section rectangulaire, barres carrées, rondes ou hexagonales, tubes , cornières…). Le fer peut être étampé (mis en forme par martelage sur une matrice), repoussé, étiré, tordu, vrillé et bien sûr soudé par forgeage.

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La fonte moulée

La fonte est un terme générique qui désigne une gamme d’alliages de fer, mais est généralement associé à la fonte grise la plus courante. Il s’agit en général d’un alliage contenant 2 à 4% de carbone, plus de petites quantités de silicium et de manganèse. La fonte est formée par la fusion du minerai de fer ou de la fonte en fusion (le produit de l’extraction du minerai de fer), puis par mélange avec de la ferraille et d’autres alliages. Le mélange liquide est versé dans des moules et on le laisse refroidir et se solidifier. En raison de sa teneur plus élevée en carbone, la fonte se solidifie sous la forme d’un alliage hétérogène, de sorte qu’elle contient plusieurs matériaux à différentes phases dans sa microstructure, ce qui affecte ses propriétés physiques. La principale différence de production entre le fer forgé et la fonte est que la fonte n’est pas travaillée avec des marteaux et des outils.

Comparée au fer forgé ou à l’acier, la fonte est fragile, dure et non malléable. Elle ne peut être pliée, étirée ou martelée. Sa faible résistance à la traction signifie qu’elle va se fracturer avant de se plier ou se déformer. Cependant, elle a une bonne résistance à la compression et était utilisé de manière prédominante dans la construction de bâtiments (poteaux…) avant l’avènement de l’industrie de l’acier au début du XXe siècle.

Le procédé de moulage nécessitant beaucoup moins de main-d’œuvre que la fabrication de produits en fer forgé, il s’agissait donc d’une forme de production importante tout au long XIXe siècle et plus économique. À noter aussi que les produits en fonte vendus sur catalogues par les fondeurs ont bénéficié, pendant la seconde moitié du XIXe siècle, des nouvelles possibilités de transport par chemin de fer.

La fonte a un aspect grossier, rugueux, en grain, qui sort d'un moule. Elle est cassante, friable, elle ne fait pas vraiment de copeaux mais plutôt une poussière...

Pour plus d'informations, voir Esquisse de typologie des croix en fonte.
 
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Exemple-fonte-1

Exemple-fonte-2


2 - Caractéristiques comparées

Fer forgé
Fonte moulée
Les croix en fer forgé sont généralement des monuments hauts, élancés comportant de longs montants réalisés en fers de section carrée ; la résistance de la croix aux forces de renversement est rendue possible à la fois par la légèreté et la nervosité du matériau, par la résistance du fer à la traction et à la flexion et par l’ajout de consoles en fer forgé stabilisant dynamiquement la croix et encore par la présence bien visible d’entretoises. Les croix en fonte moulée sont plutôt petites quand elles sont ajourées ; elles sont bidimensionnelles (plates) du fait de la difficulté de mouler des pièces en volumes complexes ; elles n’ont pas une très bonne résistance mécanique à la flexion, ce qui expliquent que nombre de croix en fonte des cimetières soient cassées.
Nervosité des fers et de leurs arêtes avec des angles bien droits ou saillants, avec un travail du fer accentuant cette nervosité.
Mollesse des formes des objets en fonte dû aux contraintes propres des opérations de moulage et démoulage de celle-ci.
Formes généralement géométriques et simples (spirales, cercles, ovales, lignes droites ou à courbure maîtrisée...) ; les objets complémentaires en fer étampé ou en tôle découpée peuvent être plus complexes dans leur géométrie Formes plutôt arrondies et souvent “tarabiscotées” ; le moule est travaillé avec exacerbation des détails à restituer (fleurs, envolées, treillis...) mais le démoulage délicat oblige à arrondir les angles et les formes.
Les ensembles en fer forgé comportent peu de remplissage inutile ; le travail du fer nécessite des commodités d'accès et de manipulation des fers (besoin d'espace pour assembler les pièces). Les ensembles en fonte comportent souvent un important remplissage des espaces laissés libres : quantité de fleurs, rubans, grilles, entrelacs, formes diverses... jusqu'à saturation
Les endroits où les fers se lient entre eux montrent assez nettement les traces des soudures et autres opérations de forgeage avec en outre des fers se rencontrant de façon tangentielle (en biseaux...). La coulée étant faite dans le moule en une seule passe, les objets sont monoblocs ; le matériau en fonte se développe de façon continue, sans présence de liens ou jonctions entre parties du matériau, ni traces de séparation des parties.
Le fer forgé présente des faces bien plates, légèrement fibreuses, pouvant faire apparaître ici ou là des traces de martelage (pour les fers retravaillés). Les montants des objets en fonte présentent des profils et faces légèrement arrondies (allure “brut de fonderie”) ; présence aussi de pans de moulage visibles (avec arêtes longitudinales en milieu de montants).
Le matériau fer est plutôt lisse, glabre, sans imperfections (hormis la rouille et les peintures  ajoutées). Le matériau fonte présente un léger grain et une surface plus irrégulière (dûs à la composition même de la fonte (un alliage) et aussi au procédé de moulage (moule imparfait) ; présence aussi de bavures de fonte ou de petits écaillages ou manques de matériau.
Les ensembles en fer forgé ont besoin d'assembler des “bouts de fer” d'où la présence de dispositifs d'assemblage des fers (rivets, boulons, liens, embrasses...) sans oublier le forgeage dont on peut voir des traces visibles. Les pièces en fonte sont généralement monobloc, sans trace d'assemblage (continuité de la coulée) ; on peut noter par contre la présence de faux-liens donnant l'impression qu'on a assemblé des pièces en fer).
Les parties disparues ou cassées des objets en fer forgé proviennent souvent des assemblages trop fragiles ; les feuilles de tôle découpée sont surtout ce qui disparaît le plus rapidement. Les pièces en fonte présentent souvent des parties absentes et surtout cassées : la fonte est un matériau fragile, cassant, ne résistant pas à la traction contrairement au fer.
Des réservations (trous, mortaises…) sont souvent faites dans les fers pour permettre de croiser ceux-ci, de les assembler. Les objets en fonte ne comportent pas de superpositions ou inclusions structurelles ; quand la superposition est suggérée, elle n'est bien souvent que factice.
Dans les ensembles en fer forgé, on observe une séparation bien nette entre fers de structure (montants...) et fers décoratifs. En fonte moulée, il n'y a pas de différence entre parties structurelles et parties décoratives, le moulage est monobloc et tout se tient (les fonctions mécaniques ne jouent plus de la même façon).
Dans les objets en fer forgé, on peut relever les gestes de l'artisan ferronnier dans les formes qu'il crée (on peut dessiner les fers à la main en suivant les lignes, les courbes, les spirales...). Dans les objets en fonte moulée, on perçoit surtout le dispositif de moulage adopté avec une matrice travaillée comme une sculpture en bas-relief.
Les objets en fer forgé présence souvent des parties étampées avec des empreintes ou marques en creux (martelage des fers pour créer des petits reliefs en creux). En fonte, il n'existe pratiquement pas de creux réservés ; il faut au contraire une continuité du matériau avec une taille suffisante pour résister au démoulage.
Il est fréquent d'observer la présence de parties taillées dans le fer avec des départs en biseaux, encoches ou écailles de fer. Pour la fonte, pratiquement pas d'écailles, d'encoches, de départs en biseaux du fait des difficultés à mouler et démouler.
Les objets en fer forgé comportent souvent de vraies et belles volutes (rouleaux spiralés très élégants) : un classique de la ferronnerie d’art, avec des géométries parfaites. Les décors en fonte simulant des formes de type volutes ont des géométries maladroites, non naturelles. Il s’agit souvent de “fausses géométries et structures” (par exemple les fausses consoles non structurelles des croix en fonte).
Les courbes et formes en fer forgé sont de nature structurelles (assurer un comportement mécanique) ; les torsades, vrilles, volutes, flammes sont nerveuses car travaillées structurellement. Les formes en fonte moulée sont souvent “tarabiscotées” aux limites de la vérité ou crédibilité structurelle ; on fait semblant, on mime le fer ; les formes en fonte ne tiennent que par leur équilibre global.
On peut encore relever l'exceptionnelle finesse des fers longs, la délicatesse des oves et autres cercles, la précision des flammes. Les objets en fonte montrent des profils “lourds et pâteux” (on met de la masse), avec une présence de décors en volume, très alourdis, le matériau se superposant, se chevauchant, allègrement sans finesse et sans respect de la rationalité.
Dans les ensembles en fer forgé, les motifs (et décors) sont uniques ou bien différenciés et chaque réalisation artisanale est différente. La fonte moulée est très souvent une production industrielle avec des motifs répétés et répétitifs souvent à l'infini.

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3 - Et maintenant, un petit quiz : fer forgé ou fonte moulée ?

Essayez de déterminer, pour chaque vue présentée (cliquables) si les objets sont en fer forgé ou en fonte moulée. Les réponses sont données à partir du lien plus bas, mais répondez d'abord à la question pour l'ensemble des vues avant d'aller voir ces réponses.


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Réponses


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