Différents matériaux, différentes croix de mission ou de dévotion

Comment les identifier, comment s'y retrouver?

Vignettes cliquables pour accéder aux photos des croix (© Jean MICHEL)
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1 - Croix en pierre et croix à fût en pierre et croisillon en fer forgé

Croix pierre Reculfoz
Les croix en pierre sont très répandues sur tout le territoire français et surtout dans les pays où la pierre à travailler abonde. Datant des XVe, XVIe et XVIIe siècles, nombre d'entre elles ont été détruites lors de la Révolution française.
Ces croix comportent généralement un petit socle bas en pierre (parfois mais plus rarement un piédestal plus élancé), un haut fût-colonne en pierre (de section circulaire ou polygonale) et un croisillon ou croix sommitale en pierre, généralement bien distinct du fût. Des personnages sculptés sont souvent présents sur les 2 faces opposées du croisillon : le Christ sur la face avant, la Vierge (avec ou sans enfant) sur la face opposée (et parfois d'autres personnages : apôtres...). La vue de gauche présente la croix de Reculfoz dans le Doubs (inscription gravée 1741 au pied du fut) : on peut noter que le fût et le croisillon sont en pierres de natures différentes.

Des croix mixtes (pierre + fer forgé), originales mais assez rares, datent de la 1ère moitié du XVIIIe s.. Elles ont toujours un petit socle et un fût-colonne en pierre mais le croisillon sommital est réalisé, lui, en fer forgé. Ce croisillon peut être bidimensionnel (plan) ou tridimensionnel (volume). Ces croix ne comportent ni personnage ni décor religieux. La vue de droite montre la croix mixte de Gellin, (inscription 1741 sur la face avant du piédestal). Elle comporte un croisillon en fer forgé à structure tridimensionnelle.
Croix de Gellin


2 - Croix en fer forgé (FF3D, FF2D, FF1D et autres structures composites)

Exemple-FF3D-Grangettes
Exemple-FF2-3D
Exemple-FF2D-Montpetot
Croix FF3D
Croix FF1#2D
Croix FF1D

Le fer forgé commence à être utilisé dans la construction d'ouvrages, de bâtiments, de ponts et de monuments à partir du XVIIIe s. (première révolution industrielle). Les croix en fer forgé viennent alors remplacer les croix en pierre. Elles sont l'œuvre d'artisans forgerons qui vont jouer sur les possibilités du noble matériaux “fer” pour exprimer la Foi chrétienne avec incorporation notamment d'un décor présentant les fameux “instruments de la Passion du Christ” et bien d'autres symboles religieux.

On peut compléter le panorama des structures de croix en fer forgé en visitant les pages :



3 - Croix en fonte moulée


Exemple-Fonte-3D-Vuillecin Exemple-fonte-2D-Boujeons

À partir du milieu du XIXe s., la fonte va progressivement se substituer au fer forgé. Les possibilités de moulage de la fonte vont permettre la réalisation de nombreux objets, désormais de façon industrielle et non plus artisanale. Achetées sur catalogue, les petites croix en fonte moulée se multiplieront un peu partout (cimetières notamment). Elles sont généralement très surchargées avec un décor souvent “sulpicien” et présentent de fréquentes cassures dues à l'emploi de la fonte, matériau cassant.

Pour plus de précisions voir Esquisse de typologie des croix en fonte.


4 - Évolution de la conception des croix selon les matériaux disponibles et leurs potentialités techniques


Le principe de base des croix (qu'elles soient en pierre, en fer forgé, en bois ou en fonte...), c’est d’élever le plus possible le monument vers le Ciel, ce qui explique la présence du haute colonne-fût. Mais dans le même temps, les croix sont des monuments fragiles, soumis aux intempéries (quand elles sont érigées à l'extérieur). Il faut donc trouver le meilleur compris entre, d'une part, visée cultuelle et esthétique et, d'autre part, performances structurelles et mécaniques, sachant qu'un problème majeur des “monuments-croix” est de résister aux efforts transversaux (vents, intempéries, maladresses humaines...).

Le croisillon sommital, la partie la plus importante du point de vue de la symbolique religieuse, reste toutefois petit, et cela pour une raison purement mécanique. Pour les croix en pierre, il paraît en effet difficile d’avoir une traverse horizontale de grande dimension (très large). Disposées en porte-à-faux, les branches en pierre de la traverse ne résisteraient pas à la gravité et à la flexion. C’est un peu le même problème pour les croix en fer forgé, mais on peut, dans ce cas, recourir à des solutions techniques palliatives par des renforcements ad-hoc). Donc, si le croisillon est nécessairement petit, il faut compenser cette limitation par une colonne-fût donnant de la hauteur, d'où parfois l'impression que ces croix ont une “petite tête emmanchée sur un long cou”. De hauts fûts ne posent pas de problème pour les croix en pierre, ce matériau résistant assez bien en compression et résiste aussi assez bien aux efforts transversaux. On va donc lancer vers le haut, des fûts relativement élancés, souvent à faces épannelées. Quant au petit croisillon lui-même, on va profiter de la pierre pour en faire un œuvre d’art religieux avec de riches sculptures (ce que permet facilement la pierre). Ainsi et pendant 3 ou 4 siècles, on érigera de telles croix en pierre qui seront l’occasion de représenter très souvent le Christ, puis la Vierge, enfin des apôtres, le tout placé en haut d'une sorte de perche.
Le problème des croix en pierre reste malgré tout leur fragilité aux efforts horizontaux violents (vent latéral…) comme aussi leur sensibilité à la pluie et surtout à la neige et au gel. On peut certes augmenter le diamètre du fût pour accroître la résistance mais alors le croisillon risque d’apparaître minable (“riquiqui”).

Les artisans du fer (matériau noble aux XVIIe et XVIIIe siècles, cher aussi, et souvent soumis à des contrôles stricts - à l'exportation...) vont avoir l’idée de remplacer la pierre par le fer forgé. Ce matériau, léger, souple, va contribuer à résoudre plusieurs problèmes mécaniques. Mais au début, les créateurs des croix en fer ne feront pas vraiment preuve d’innovation dans la conception de la structure des croix : ils se contenteront de copier le modèle traditionnel des croix en pierre et de simplement changer de matériau d’où ces croix FF3D tridimensionnelles majestueuses. Les barres de fer alors produites par les ateliers de laminage (notamment de Syam) vont constituer les hauts montants de la  croix (sur des hauteurs de 3, 4 ou 5 m!…). L’assemblage subtile des longues barres va alors permettre de créer des volumes virtuels, transparents (ce que ne permet pas la pierre). Progressivement se développera une ferronnerie religieuse visant à remplir les volumes virtuels d'instruments de la Passion et de décors de pure ferronnerie d’art. On profitera par ailleurs de la souplesse et des potentialités du fer, pour ajouter des consoles de stabilisation et des dispositifs d’entretoisement dans l'idée de renforcer la tenue mécanique des croix tout en autorisant de nouveaux gestes artistiques.

Pour les quelques croix en fer bidimensionnelles, dont certaines datent de la 1ère moitié du XIXe siècle mais qui se multiplieront au début du XXe siècle, le problème majeur est que l’ouvrage réalisé en 2 dimensions n’a pas de résistance suffisante aux efforts transversaux : donc ces croix 2D vont rester assez petites, peu élevées. C’est le principe de la réalisation des croix en 3D (structure tridimensionnelle) qui apporte alors une élégante solution pour la résistance aux efforts transversaux comme pour l’élévation le plus haut possible de la croix.

Mais le fer coûte cher et très vite il faudra trouver une solution de rechange moins onéreuse. On va faire appel à la fonte moulée qui se développe à partir du premier tiers du XIXe siècle avec des objets de toutes sortes produits industriellement par moulage. Seront ainsi réalisées de très nombreuses croix en fonte (qui se multiplieront dans les cimetières). Mais la fonte est un matériau très fragile, cassant et ne supportant pas les efforts transversaux de traction et de flexion (sans parler du problème de la tenue des objets au démoulage). Il faudra donc forcément revenir à des croix bidimensionnelles plus petites que les croix anciennes mais à décor interne souvent sophistiqué (permis par le moulage) à l'esthétique sulpicienne. Plus rien donc à voir toutefois avec les belles croix anciennes en pierre ou avec les croix FF3D majestueuses des années 1750-1850.

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