À partir du milieu du XIXe s., la fonte va
progressivement se substituer au fer forgé. Les possibilités de
moulage de la fonte vont permettre la réalisation de nombreux
objets, désormais de façon industrielle et non plus artisanale.
Achetées sur catalogue, les petites croix en fonte moulée se
multiplieront un peu partout (cimetières notamment). Elles sont
généralement très surchargées avec un décor souvent “sulpicien” et
présentent de fréquentes cassures dues à l'emploi de la fonte,
matériau cassant.
Le principe de base des croix (qu'elles
soient en pierre, en fer forgé, en bois ou en fonte...), c’est
d’élever le plus possible le monument vers le Ciel, ce qui
explique la présence du haute colonne-fût. Mais dans le même
temps, les croix sont des monuments fragiles, soumis aux
intempéries (quand elles sont érigées à l'extérieur). Il faut
donc trouver le meilleur compris entre, d'une part, visée
cultuelle et esthétique et, d'autre part, performances
structurelles et mécaniques, sachant qu'un problème majeur des
“monuments-croix” est de résister aux efforts transversaux
(vents, intempéries, maladresses humaines...).
Le croisillon sommital, la partie la plus importante du point
de vue de la symbolique religieuse, reste toutefois petit, et
cela pour une raison purement mécanique. Pour les croix en
pierre, il paraît en effet difficile d’avoir une traverse
horizontale de grande dimension (très large). Disposées en
porte-à-faux, les branches en pierre de la traverse ne
résisteraient pas à la gravité et à la flexion. C’est un peu
le même problème pour les croix en fer forgé, mais on peut,
dans ce cas, recourir à des solutions techniques palliatives
par des renforcements ad-hoc). Donc, si le croisillon est
nécessairement petit, il faut compenser cette limitation par
une colonne-fût donnant de la hauteur, d'où parfois
l'impression que ces croix ont une “petite tête emmanchée sur
un long cou”. De hauts fûts ne posent pas de problème pour les
croix en pierre, ce matériau résistant assez bien en
compression et résiste aussi assez bien aux efforts
transversaux. On va donc lancer vers le haut, des fûts
relativement élancés, souvent à faces épannelées. Quant au
petit croisillon lui-même, on va profiter de la pierre pour en
faire un œuvre d’art religieux avec de riches sculptures (ce
que permet facilement la pierre). Ainsi et pendant 3 ou 4
siècles, on érigera de telles croix en pierre qui seront
l’occasion de représenter très souvent le Christ, puis la
Vierge, enfin des apôtres, le tout placé en haut d'une sorte
de perche.
Le problème des croix en pierre reste malgré tout leur
fragilité aux efforts horizontaux violents (vent latéral…)
comme aussi leur sensibilité à la pluie et surtout à la neige
et au gel. On peut certes augmenter le diamètre du fût pour
accroître la résistance mais alors le croisillon risque
d’apparaître minable (“riquiqui”).
Les artisans du fer (matériau noble aux XVIIe et XVIIIe
siècles, cher aussi, et souvent soumis à des contrôles stricts
- à l'exportation...) vont avoir l’idée de remplacer la pierre
par le fer forgé. Ce matériau, léger, souple, va contribuer à
résoudre plusieurs problèmes mécaniques. Mais au début, les
créateurs des croix en fer ne feront pas vraiment preuve
d’innovation dans la conception de la structure des croix :
ils se contenteront de copier le modèle traditionnel des croix
en pierre et de simplement changer de matériau d’où ces croix
FF3D tridimensionnelles majestueuses. Les barres de fer alors
produites par les ateliers de laminage (notamment de Syam)
vont constituer les hauts montants de la croix (sur des
hauteurs de 3, 4 ou 5 m!…). L’assemblage subtile des longues
barres va alors permettre de créer des volumes virtuels,
transparents (ce que ne permet pas la pierre). Progressivement
se développera une ferronnerie religieuse visant à remplir les
volumes virtuels d'instruments de la Passion et de décors de
pure ferronnerie d’art. On profitera par ailleurs de la
souplesse et des potentialités du fer, pour ajouter des
consoles de stabilisation et des dispositifs d’entretoisement
dans l'idée de renforcer la tenue mécanique des croix tout en
autorisant de nouveaux gestes artistiques.
Pour les quelques croix en fer bidimensionnelles, dont
certaines datent de la 1ère moitié du XIXe siècle mais qui se
multiplieront au début du XXe siècle, le problème majeur est
que l’ouvrage réalisé en 2 dimensions n’a pas de résistance
suffisante aux efforts transversaux : donc ces croix 2D vont
rester assez petites, peu élevées. C’est le principe de la
réalisation des croix en 3D (structure tridimensionnelle) qui
apporte alors une élégante solution pour la résistance aux
efforts transversaux comme pour l’élévation le plus haut
possible de la croix.
Mais le fer coûte cher et très vite il faudra trouver une
solution de rechange moins onéreuse. On va faire appel à la
fonte moulée qui se développe à partir du premier tiers du
XIXe siècle avec des objets de toutes sortes produits
industriellement par moulage. Seront ainsi réalisées de très
nombreuses croix en fonte (qui se multiplieront dans les
cimetières). Mais la fonte est un matériau très fragile,
cassant et ne supportant pas les efforts transversaux de
traction et de flexion (sans parler du problème de la tenue
des objets au démoulage). Il faudra donc forcément revenir à
des croix bidimensionnelles plus petites que les croix
anciennes mais à décor interne souvent sophistiqué (permis par
le moulage) à l'esthétique sulpicienne. Plus rien donc à voir
toutefois avec les belles croix anciennes en pierre ou avec
les croix FF3D majestueuses des années 1750-1850.