L'industrie du fer des plateaux du Jura

A - Forges et fonderies de l'empire Jobez dans le Jura

Jean MICHEL, juin 2022

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Documentation Plus - Fer, métallurgie, ferronnerie
L'industrie du fer - B - Etablissements du Jura autres que ceux de Jobez
L'industrie du fer - C - Gisements de minerai de fer du Jura


Introduction

Dès la fin du Moyen-Âge, se met en place et se développe, en Franche-Comté, une importante activité sidérurgique ou de métallurgie du fer. Cette activité industrielle tournée autour du fer s'implante de façon importante dans la région, sous l'influence des grandes familles comtoises. La Franche-Comté est connue pour possèder un abondant minerai de fer facilement exploitable, de vastes forêts capables de fournir le charbon de bois et aussi l'énergie hydraulique nécessaire au fonctionnement des souffleries et aux équipements des forges et hauts-fourneaux. Une enquête de 1744 sur l'industrie en Franche-Comté permet de dénombrer 107 usines métallurgiques dont  3/4 des hauts-fourneaux dans le Val de Saône et la vallée de l'Ognon (Haute-Saône) et de nombreux petits établissements de transformation du fer (martinets) dans le Jura et le Doubs (42 pour le Doubs dont 26 pour le seul Haut-Doubs) [FAP2021].

Le Jura, comme le reste de la Comté, posséde bien sûr minerai, combustible (bois) et eau. Au XVIIIe siècle, les établissements de transformation du fer (hauts-fourneaux, forges, martinets, fonderies...) se multiplient sur les plateaux jurassiens, surtout dans le bassin de l'Ain supérieur et sur le Premier Plateau. Exploitées traditionnellement par les seigneurs et les abbayes, les hauts-fourneaux, forges et autres installations métallurgiques passent dans les mains de la nouvelle bourgeoisie industrielle adepte du libéralisme économique alors en vogue. Avec des innovations importantes dans le travail du fer au début du XIXe siècle, l'industrie métallurgique comtoise et jurassienne va connaître un fort développement. Selon l'auteur Claude Chambard, sous l'Empire et pendant les premières années de  la Restauration, cette industrie va bénéficier, outre des commandes générées par les conflits armés, de la prohibition puis de la taxation des fers étrangers (d'Angleterre notamment), ce qui conduira à une multiplication des usines métallurgiques dans le Jura :
Toujours selon Chambard, la valeur de la production des établissements métallurgiques dans le département du Jura atteint près de 7 millions de francs en 1848, la métallurgie jurassienne connaissant alors une période prospérité jusqu'aux années 1860.

Dans le cadre de l'inventaire et de l'étude des croix en fer forgé des plateaux du Jura érigées entre 1730 à 1880, il a semblé utile de mieux cerner l'évolution de cette industrie du fer dans le Jura des plateaux sur toute cette période. La création et l'érection de ces croix en fer forgé (souvent à structure tridimensionnelle et toujours très majestueuses) s'expliquent en effet, outre par leur finalité religieuse ostentatoire, par la disponibilité locale de grandes verges de fer provenant des nouveaux laminoirs comme aussi de tôles de fer sorties des platineries, produits métallurgiques indispensables pour réaliser la structure et la décoration de ce petit patrimoine religieux original.

Dans ce présent et premier texte (A), on s'intéresse plus spécifiquement à quatre établissements sidérurgiques ou métallurgiques ayant été détenus, à un moment ou un autre et sur plusieurs générations, par la famille Jobez : Claude Jobez (le père et patriarche), Emmanuel Jobez (le fils), Adélaïde Jobez (la fille) et son mari Etienne Monnier (le gendre) et leurs divers petits enfants.  Claude Jobez (1745-1830), industriel fabricant d'horloges à Morez, se lance en effet, au moment de la Révolution, dans des activités industrielles de transformation du fer. Il rachète  progressivement plusieurs installations existantes (haut-fourneaux, martinets...) dans le Jura des plateaux et dans le Haut-Doubs voisin ainsi que d'importants domaines de bois indispensables pour le fonctionnement de l'industrie métallurgique. Il s'arrange aussi pour s'assurer la disponibilité des gisements de minerai de fer existant dans le Jura. L'empire Jobez va progressivement et incontestablement marquer l'industrie jurassienne et franc-comtoise du fer et de la fonte tout au long du XIXe siècle. Les mandats politiques des membres de la famille Jobez comme l'appartenance de ceux-ci aux courants socio-libéraux de l'époque portés sur l'innovation tant industrielle que sociale (y compris les utopies fouriéristes) vont renforcer indéniablement l'impact local, départemental et régional de l'empire industriel des Jobez.
On présente et détaille, plus bas, les évolutions de quatre établissements importants détenus, à certains moments, par la famille Jobez : Bourg-de-Sirod, Syam (le fleuron ou vaisseau amiral), Rochejean (dans le Doubs juste voisin) et Baudin (Toulouse-le-Château - Sellières)

Un autre texte (B) traite des autres établissements industriels jurassiens ne relevant pas de l'empire Jobez.
Un troisième texte (C) se focalise sur les gisements de minerai de fer dans le Jura et leur exploitation.


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Bourg-de-Sirod (Château-Villain, Bourg-en-Montagne)

1 - L'origine des forges
L'existence de forges à Bourg-de-Sirod semble être attestée, à partir du XIVe siècle, comme étant une propriété des seigneurs de Château-Villain, dont le château est situé au-dessus de la localité [ADJ2016]. Mais l'existence de forges à Bourg-de-Sirod est officiellement reconnue en 1557 ; un acte du Parlement du 30 juin 1557 autorise, en effet, la construction d'une forge et d'un fourneau sur ce site original  au bord de l'Ain [MIN1833], [BUF1989], [LEN2011]. En 1709, les forges de Bourg-de-Sirod, encore appelées forges de Sirod ou de Château-Villain occupent 150 employés des deux sexes. [LEN2011].

2 - Les forges au XVIIIe siècle
Après un arrêt des activités, le haut-fourneau et la forge, propriété du marquis de Conflans, seigneur de Château-Villain, sont rétablis en 1724 (arrêt du Conseil d'Etat du 1er avril 1724) avec autorisation d'exploiter les bois sur la terre de Château-Villain [ROU1855], [CHA1914], [BUF1989]. À noter l'erreur de Rousset qui mentionne, dans son Dictionnaire des communes du Jura, 1734 au lieu de 1724.
Les installations de Bourg-de-Sirod sont ensuite transmises à Maximilien Emmanuel, comte de Watteville, qui décède en 1779. Après le partage entre ses trois héritiers, ces derniers ne semblent pas en mesure d'assumer la succession [BUF1989]. C'est à cette époque que Claude-Joseph Morel (“pays” et parent de Claude Jobez), venu lui aussi de Morez, devient maître de forges du comte de Watteville. [GAY2002]. Le 21 septembre 1779, un bail emphytéotique de 29 ans est signé entre, d'une part,  Charles Léopold comte de Stain de Joux de Watteville, seigneur de Châteauvillain, Sirod et Foncine et d'autre part Alexandre Jeannet, son fils Jean-Louis et l'épouse de ce dernier, Marie-Amable Morel. Cette dernière est également la sœur de Claude Joseph Morel, qui deviendra plus tard directeur et maître de ces mêmes forges et sera associé à Claude Etienne Jobez de Morez dans un acte de société signé le 24 juillet 1785 [ADJ2016]

3 - L'implication progressive de Claude Jobez
En 1785, Claude Jobez prend des parts dans Bourg-de-Sirod, en association avec la famille des maîtres de forges Morel [INV2001], [BUF1989]. Le 24 juillet 1785, est signé l'acte de création de la société Morel-Jobez pour l'exploitation des forges de Bourg-de-Sirod (1/3 Jobez, 2/3 Morel). En 1787, le bien passe ensuite en indivision Morel-Jobez [GAY2002]. Selon J.-M. Olivier, l’effectif aurait même atteint le niveau étonnant de 500 ouvriers en 1790, qui produisent alors 900 tonnes de fer [LEN2011]. Au moment de la Révolution, les forges sont mises sous séquestre par la Nation [ADJ2016]

4 - Les années post-révolutionnaires
Les forges de Bourg-de-Sirod connaissent une forte expansion entre 1792 et 1800. Pendant l'été 1792, les commandes de canons et de bandages de roues pour chariots et voitures s'empilent sur le bureau de Morel [GAY2002]. Les commandes de l'Etat, alors en guerre, permettent aux différents maîtres de forges d’éviter de devoir appliquer la réglementation limitant l'utilisation des bois, du minerai de fer et de l'eau. Ces maîtres de forges parviennent à éviter les réquisitions, et obtiennent les matières premières indispensables à leur activité, ainsi que les denrées alimentaires nécessaires à la nourriture de leurs ouvriers. Ils obtiennent même de l'armée, des volontaires requis pour être employés dans leurs établissements. Une partie de la fonte fournie par le haut fourneau, qui était jusque-là totalement transformée sur place en fer, est exportée sous forme de gueuses pour la marine qui les utilisent comme lest [LEN2011].
En août 1794 (An III), Morel, maître de forges à Bourg-en-Montagne (Bourg-de-Sirod) fournit 400 000 boulets à la république. En ventôse de la même année, il passe un marché pour la fourniture de 240 000 boulets [LEN2011]. À noter que Claude Jobez, son associé, est, à cette époque, un actif soutien à Bonaparte et au futur empereur.
Claude-Joseph Morel décéde à Bourg-de-Sirod, le 4 mai 1797. Peu de temps auparavant, celui-ci avait anticipé sa succession en dissolvant son association avec Claude Jobez au profit de sa sœur Marie-Amable Morel et revendant une partie de ses parts à Jobez. Marie-Amable Morel et Claude Jobez gérent alors ensemble, mais non sans mal, les forges de Bourg-de-Sirod, Syam, Rochejean et Baudin  [GAY2002], [ADJ2016].  Claude Jobez devient propriétaire d'une grande partie des installations, par un acte du 4 prairial An VIII (mai 1800), non retrouvé à ce jour. Il aurait alors laissé l'exploitation à Marie-Amable Morel et à son nouvel époux, Claude Boutaud (alors contremaître des forges) [ADJ2016]

5 - Des péripéties et d'importants changements sous le Premier Empire
Malheureusement, les forges de Bourg-de-Sirod sont complètement incendiées le 16 fructidor An XI (août 1803) : les bâtiments des forges sont tous touchés et seule la maison du directeur semble avoir été conservée [ROU1855], [BEL1998], [GAY2002], [ADJ2016]. Claude Jobez finit par racheter la totalité des bâtiments le 10 germinal An XII (mars 1804) [ADJ2016]. Le haut-fourneau doit malheureusement être éteint en 1806 [CHA1914].
La reconstruction des forges de Bourg-de-Sirod se fait entre 1808 et 1810. L’usine est reconstruite sur un nouveau plan qui offre une plus grande commodité pour le travail. On utilise, pour cette reconstruction, les pierres provenant de la forteresse de Château-Villain démolie en 1810. [ROU1855], [BEL1998]. L'usine se compose alors d'un haut fourneau, autrefois alimenté par le minerai en grain extrait de Boucherans et de Frontenay, de 3 feux de forges pour la fabrication du fer, d'un feu de platinerie, d'un feu de martinet, de 2 fonderies, de sept moulins et de 2 scieries [LEN2011].
C'est sans doute suite aux conflits avec Marie-Amable Morel-Bouthaud, avec laquelle il détenaient également les forges de Baudin, que Claude Jobez laisse à celle-ci la propriété exclusive des forges de Sirod vers 1811 [ADJ2016]. Claude Jobez demande en effet la licitation des biens qu'il avait en commun avec Mme Morel-Boutaud, en laissant à celle-ci les forges de Bourg-de-Sirod, de façon à garder, lui, la nouvelle usine de Syam, la fonderie de Baudin et aussi celle de Rochejean pour pouvoir mieux développer ces trois établissements [GAY2002]..

6 - Les forges dans les années 1830-1850
Geneviève Lieffroy née Jobez, elle-même nièce directe et seule héritière de Marie-Amable Morel, devient propriétaire des forges autour de 1838 à la mort de sa tante [ADJ2016]. À son décès, c'est son fils Jean-Claude Lieffroy qui devient maître de forges [BUF1989]. Puis Jean Nicolas Lieffroy en devient propriétaire à son tour en 1851 [ADJ2016].
Après l'incendie de 1803, les forges de Bourg-de-Sirod baissent d’activité et n'occupent plus que 45 ouvriers en 1832. En 1840, il se consomme dans les forges 926 000 kilogrammes de fonte en gueuse et 4 800 mètres cubes de charbon de bois. Ce combustible se tire des forêts du propriétaire de la forge, situées aux environs, ainsi que des coupes domaniales et communales du département. En 1845, 13 roues hydrauliques fournissent l’énergie. En 1852, les forges sont équipées de 4 feux d’affinerie, 3 gros marteaux de forge, 1 ordon de martinet, 3 trains de laminoirs, 2 laminoirs à tôle et possèdent en outre 7 moulins et 2 scieries [LEN2011].

7 - Les transformations après 1850
Au début du 2nd Empire, l'usine de Bourg-de-Sirod se compose, d’un haut fourneau, autrefois alimenté par le minerai en grain provenant de Boucherans et de Frontenay, de 3 feux de forges pour la fabrication du fer, d’un feu de platinerie, d’un feu de martinet, de 2 fonderies, de sept moulins et de 2 scieries. On y fabrique des fers en barres , des cercles de tonneaux, des tôles, des fers blancs, des verges de clouterie, etc. Les produits, qui s’élèvent annuellement à 600 000 kg, sont exportés en Bourgogne, à Lyon et dans le midi de la France. On y occupe journellement 110 ouvriers des deux sexes, presque tous de là localité. Ce notable établissement est passé successivement de Mme Boutaud à M. Lieffroy, qui le possède vers 1853 [ROU1855], [LEN2011].
Mais après maintes vicissitudes (incendie, décès, successions, ...), pour faire face à la concurrence, plusieurs maîtres de forges, dont Jean-Nicolas Lieffroy, décident de se regrouper. Ils fondent, vers 1853-55 la “Société des hauts-fourneaux, fonderies et forges de Franche-Comté”, les forges de Bourg-de-Sirod, intégrant cette société [CHA1914], [BUF1989], [LEN2011]. Après 1860, l’activité se réduit progressivement à la production de tôle galvanisée et de fer blanc [LEN2011].

8 - La fin des forges de Bourg-de-Sirod
Henri Bouchot, en 1890, décrit ainsi les forges de Bourg-de-Sirod : “une forge noire et enfumée. L'usine est pareille aux autres, avec ses longues bâtisses sales, ses hautes cheminées, le grouillement d'une population bronzée. Ses chemins d'enfer sont pavés de scories, ses brouillards gris roulent un nuage à mi-hauteur des bois. L'homme s'est sottement attaqué à ce Tempé de jadis, il l'a empuanti de machines, éventré de chemins de fer, il en a fait le creux du diable”. [LEN2011].
Vers la fin du XIXe siècle, la Société des Forges de Franche-Comté possède encore Bourg-de-Sirod, usine qui recourt à la force hydraulique : elle compte 150 ouvriers. Bourg-de-Sirod produit alors du fer en barres (de l'espatard), de la tôle et du fer blanc [CHA1914]. Mais les feux s’éteignent en 1898 et à l’activité métallurgique succéde une première centrale électrique, installée sur la rive gauche de la rivière dans les locaux de l'ancienne forge [BUF1989], [LEN2011].
Dans les années 2000), un grand bâtiment évoque les forges, actives jusqu'en 1898. De l'autre côté du pont, sur la rive droite de l’Ain, la très belle maison du maître de forges et sa chapelle entourées d’un parc témoignent d'un passé faste. Les bâtiments anciens étaient beaucoup plus nombreux et vastes que ceux qui sont parvenus. Sur une surface restreinte, c'était une vraie petite localité qui était créée à l’écart du village [LEN2011].

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Rochejean (dans le Doubs)

Bien que situé hors département du Jura mais dans celui du Doubs (Val de Mouthe), l'établissement de Rochejean n'est qu'à 25 km environ de Syam et de Bourg-de-Sirod et surtout il est indissociablement lié au développement des activités de la famille Jobez, avec une intégration industrielle verticale de ces activités assez remarquable : production de la fonte à partir du minerai de fer, transformation de la fonte en fer, production de fers travaillés (laminoir, platinerie, tréfilerie, clouterie...) ou encore de produits en fonte à forte valeur ajoutée sans oublier en amont le contrôle des sources de minerais, des domaines de bois ou des ressources en eau nécessaires au fonctionnement des installations métallurgiques.

1 - Les origines des installations de Rochejean du XVe au XVIIIe siècles
Un atelier métallurgique semble avoir existé dès la seconde moitié du XVe siècle. Un compte de l’entreprise de Rochejean, daté des années 1494-98, conservé aux archives du Doubs, atteste de la présence d'un haut-fourneau à cette date [BAI1998], [SJF2004], [FAP2021]. Vers 1560, on relève deux hauts fourneaux à Rochejean [SJF2004]. Détruit par les Suédois en 1639, le haut fourneau de Rochejean est reconstruit en 1649. Le sieur Frère, de Dole, est alors chargé de le faire rouler [ADJ2016], [PRE2012]. En 1697 Claude Lombarde remplace Frère  [PRE2012].
En 1741, on relève que le fourneau de Rochejean doit “férier” depuis 5 ans à cause de la pénurie de charbon de bois (d'où le souci des maîtres de forges de contrôler les ressources locales en bois et aussi les fréquents griefs des habitants contre les forges). En 1744, Rochejean produit toutefois 300 000 livres de fonte par an [PRE2012], [SJF2004]. En 1753, toute la réserve de bois du haut-fourneau de Rochejean brûle [PRE2012]. En 1772, le Haut fourneau produit toujours 300 000 livres de fonte [PRE2012].

2 - La révolution et les manoeuvres de Jobez autour du haut-fourneau
Dans les Cahiers de doléances de 1789, on relève que “Le haut-fourneau de Rochejean est placé dangereusement dans le village et qu'il occasionne de très grands dégâts dans les champs communaux et les pâturages : la communauté en souhaite beaucoup la suppression”. Vers 1790, Dubief de Mouthe devient directeur du haut-fourneau de Rochejean qui appartient à l'abbaye de Mont-Ste-Marie [PRE2012]. La production annuelle de Rochejean est alors de 250 tonnes de fonte [SJF2004].
Le 23 mars 1792, les forges de Rochejean sont adjugées en tant que bien national au profit de Lombarde fils aîné et frères de La Ferrière (Jougne), et de Vincent Minari et Cie, négociant à Pontarlier [ADJ2016]. En 1794, le haut-fourneau de Rochejean appartenant aux Lombarde produit 232 000 livres de fonte (le double de La Ferrière de Jougne). Au tournant du siècle, le haut-fourneau est acquis par le sieur Perrad, industriel et homme politique de Morez, ami de Claude Jobez. Parallèlement, ce dernier achète, par adjudication, les terres et bois de l'abbaye de Mont-Ste-Marie autour des forges de Rochejean, notamment le domaine de Montorge (à 25 km, du côté de Villers-sous-Chalamont) : Jobez prive ainsi les sieurs Lombarde et Minari d'une ressource en combustibles essentielle et de minerai [ADJ2016].

3 - La reprise de Rochejean par les Jobez
La famille Jobez (Emmanuel Jobez et sa sœur Adélaïde pour le compte de la société familiale créée avec leur père Claude Jobez) se porte acquéreuse des forges de Rochejean en 1809 advenues entre temps au sieur Perrad. Une autorisation préfectorale d'exploitation confirme la propriété de Claude Jobez et fils en 1812. [ADJ2016]. Les conditions du contrat de vente condamnent le haut fourneau, presque voisin, de La Ferrière à Jougne qui ne peut être désormais alimenté que par du charbon suisse : cette dernière installation est rasée peu de temps après [PRE2012].

4 - Rochejean dans la première moitié du XIXe siècle
Pour pouvoir traiter 800 tonnes de fonte provenant de Baudin et de Rochejean, Jobez décide de remplacer, à l'usine de Syam en 1819, la platinerie existante par un 3ème feu d'affinerie [GAY2001]. L'usine de Syam transforme en effet les fontes des hauts-fourneaux de Rochejean (pour la platinerie et le laminoir) et celles de Baudin (pour les fers de fenderie) [INV2001], [ADJ2016]. Entre 1820 et 1840, la production de Rochejean est de l’ordre de 500 tonnes par an. [SJF2004]
Le 17 janvier 1828 est établi un acte de partage des biens de Claude Jobez : Syam et Rochejean reviennent à Emmanuel Jobez (fils de Claude) alors que Baudin est donné à Adélaïde Jobez (fille de Claude et épouse de Etienne Monnier) [GAY2002].
Après le décès accidentel d'Emmanuel Jobez, le 9 octobre 1828, le domaine de Montorge, le fourneau de Rochejean et les forges de Syam reviennent aux héritiers d'Emmanuel Jobez (dont Alphonse Jobez, fils d'Emmanuel) [GAY2002]. La mort d'Emmanuel en 1828 puis celle de son père Claude Jobez en 1830, voient les enfants d'Emmanuel, Alphonse, Charles et Ernestine devenir à leur tour propriétaires des forges de Rochejean [ADJ2016]
Vers 1834. Charles Jobez (fils d'Emmanuel) garde le haut-fourneau de Rochejean et le moulin de Mouthe alors qu'Alphonse Jobez bénéficie de Syam [GAY2002].

5 - L'incendie et la fin du haut-fourneau de Rochejean
Le 23 février 1843, à 2 heures de l'après-midi, le haut-fourneau de Rochejean prend feu [BAI1989], [PRE2012]. Les forges de Rochejean sont définitivement éteintes en 1846, Charles et Alphonse Jobez ne pouvant sauver l'établissement de la crise que la métallurgie comtoise traverse alors. La production de fonte grâce au bois n'est plus rentable face à la concurrence anglaise au coke, moins chère [ADJ2016]. Le haut-fourneau trop endommagé est définitivement démoli en 1849 [PRE2012].


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Syam... le fleuron

1 - L'ancien martinet des Péry
Dans la chaîne du Jura, plusieurs martinets existent de longue date autour de Pontarlier, Grand'Combe Châteleu, Montlebon, Métabief, Nans-sous-Ste-Anne, Doucier... correspondant à la grande vague de d'expansion de la métallurgie comtoise du XVIe s. [INV2001]. C'est notamment le cas d'un martinet situé en bordure de l'Ain à Syam.
D'après un procès en 1763, on relève qu'un martinet fonctionne déjà à Syam en 1690. Ce martinet ancien continue à figurer dans les enquêtes sur la métallurgie comtoise de 1757 et 1788 [MIN1833].
Au XVIIIe s., ce martinet, situé à une lieue des forges de Bourg-de-Sirod, est devenu la propriété des Péry, père et fils. On y fabrique des bandages de roues et des faux en utilisant uniquement de matières premières de recyclage. Les faux de haute qualité de ce martinet de Syam sont réputées les meilleures de la région et se vendent bien et cher [INV2001], [GAY2002].
En 1808, Claude Jobez et son gendre Etienne Monnier prêtent 14 000 francs aux Péry qui rencontrent de sérieuses difficultés en lien avec la mévente de leur production (acte du 12 novembre 1808) [GAY2002]. Face à la concurrence des industriels des Vosges et d'Alsace, les Péry sont contraints de se déclarer en faillite le 24 juillet 1810 [INV2001]. L'ensemble des biens (2 bâtiments d'usine, 2 halles à charbon, 1 logement ouvrier, 1 maison de maître, 14 ha de champs...) est racheté en décembre 1810 par Claude Jobez de Morez pour 32 540 francs [INV2001], [GAY2002]. Claude Jobez s'associe alors avec son fils Emmanuel (2/3) et son gendre Etienne Monnier (1/3) et crée avec eux la Société Claude Jobez et Compagnie.

2 - La création de nouvelles forges à Syam
En 1810, Claude Jobez, Emmanuel Jobez et Etienne Monnier sont désormais associés pour le roulement et l'exploitation des forges, usines et autres objets... sous la raison Claude Jobez et Compagnie ; cette association est toutefois dissoute en 1825 lors du partage des biens entre Emmanuel et Adélaïde (frère et sœur) [INV2001].
En 1810, le clan Jobez est à la tête de 2 hauts-fournaux (Rochejean et Baudin), 2 martinets (Champagnole-Les Isles et Syam) et de 775 ha de bois. La famille Jobez décide de réorganiser l'ensemble de la chaîne de la production sidérurgique de la fonte à la mise sur le marché de produits finis. L'achat des martinets des Isles (Champagnole) et de Syam permet d'utiliser tout le potentiel en feux de forge pour la construction d'une usine moderne [INV2001].
La nouvelle usine est construite progressivement entre 1811 et 1820, l'essentiel étant réalisé en 1811-1813, et comprend, au départ : 2 feux d'affinerie, 1 platinerie, 1 fenderie et 1 laminoir doté d'un four à réverbère (une innovation en France) [INV2001].
En 1811, Claude Jobez fait donc  le transfert à Syam du martinet des Isles de Champagnole. À Syam, il procède à la création d'un canal d'amenée d'eau et construit des batiments autour d'une cour carré. Il crée une fenderie conforme au modèle de l'Encyclopédie et installe un laminoir. Syam devient une usine des plus modernes de Franche-Comté et son  affinerie devient ainsi le coeur de la forge alors qu'est réalisée l'intégration verticale des autres établissements de Jobez-Monnier (Rochejean, Baudin) [INV2001], [GAY2002].

3 - Les débuts de l'établissement de Syam
Les forges de Syam sont officiellement créées par Claude Jobez, en vertu d’un décret impérial du 6 septembre 1813, au confluent de la Saine et de l'Ain, en remplacement du martinet Péry existant dans la même commune et de l'usine des Isles à Champagnole [ROU1855]. Une nouvelle usine est donc construite à partir de 1813 de l'autre côté de l'Ain par rapport à l'ancien martinet Péry. Un cours d’eau tracé dans le roc sur une longueur de 216 m, et donnant une chute de 5 m de hauteur, les met en jeu. Les batiments, situés au nord-ouest du village, à une distance d’un kilomètre environ, sont complètement isolés. Ils ne laissent rien à désirer sous le rapport de l’élégance et de la commodité [ROU1855].
Construite sous l’impulsion d’Emmanuel Jobez (fils de Claude Jobez) et d’Etienne Monnier son beau-frère, tous deux maîtres de forges, l’usine comprend à l’époque affinerie, platinerie, martinet, fenderie et laminoir. Elle abrite initialement quatre activités : la transformation de la fonte en fer, le laminage, l’étirage et la clouterie. Par la suite, les locaux sont agrandis et des logements sont édifiés, d’abord pour le contremaître, puis pour les ouvriers. Cette organisation du patrimoine architectural bâti rappelle par certains côtés les phalanstères de l’utopiste Charles Fourier, avec unicité de lieu de vie familiale et communautaire et de travail, un véritable village pour les ouvriers  et leurs familles (jusqu'à 150 personnes), avec café, boulangerie, épicerie. A l’origine, verges de fenderie, fers feuillards, fers de martinet et tôles laminées  sortent des ateliers [BRO2000].
La nouvelle forge emploie une quarantaine d'ouvriers et implique l'exploitation d'une grande partie des forêts environnantes. La matière première utilisée par cette forge est directement produite par les hauts-fourneaux de Baudin et Rochejean appartenant à la famille Jobez [ADJ2016]. Les forges vont employer progressivement jusqu'à 110 personnes [BUF1989].
En 1819, Jobez remplace la platinerie par un 3ème feu d'affinerie de façon à pouvoir traiter 800 tonnes de fonte de Baudin et Rochejean. [GAY2002]. L'usine sort 400 tonnes de fer en 1820 et presque le double en 1840 et produit des verges de fenderie, des fers feuillards, du fer de martinet et de la tôle laminée (et autres produits laminés). La diffusion se fait dans les départements limitrophes, dans la vallée du Rhône et en Suisse. Le laminoir devient l'outil-symbole majeur des forges de Syam [INV2001], [GAY2002].

4 - Les forges à la fin de la Restauration et sous la Monarchie de Juillet
Suite à un acte de partage des biens de Claude Jobez en date du 17 janvier 1828, Syam et Rochejean reviennent à Emmanuel Jobez et Baudin à Adélaïde Jobez, sa sœur (et à Etienne Monnier son époux) [GAY2002].  Après le décès accidentel d'Emmanuel Jobez le 9 octobre 1828, le domaine de Montorge, le fourneau de Rochejean et les forges de Syam reviennent aux héritiers d'Emmanuel Jobez dont Alphonse Jobez, petit-fils de Claude [GAY2002]. Vers 1834, Charles Jobez (autre fils d'Emmanuel) garde le haut-fourneau de Rochejean et le moulin de Mouthe alors qu'Alphonse Jobez bénéficie de Syam [GAY2002].
L'usine de Syam se compose, à la fin de la Monarchie de Juillet, de quatre feux de forge pour la fabrique du fer, de deux martinets, d’un cylindre, d’un moulin et d’une scierie mécanique à deux lames. On y fabrique des fers fins en barres, des cercles et rubans, des tôles fines, des tuyaux de poêles, des verges de clouterie, des essieux de voitures, des fers cylindres de toutes formes et de toutes dimensions. Ce sont de 60 à 80 ouvriers, gagnant chacun, en moyenne, 1 fr. 75 c. par jour, qui sont continuellement occupés dans cet établissement où ils ont leur logement [ROU1855].

5 - Les mutations des années 1850
Autour de 1848, les forges de Syam connaissent de grandes difficulté, à cause de cours des fers et des tôles forgés et laminés en chute vertigineuse (le prix du fer s'était mis à baisser sérieusement depuis 1846). La concurrence avec les fontes anglaises au coke est dure pour Syam dont la forge passe de 5 feux d'affinerie à 3 entre 1840 et 1849. La situation des forges devient catastrophique : plus de 230 000 francs sont à recouvrir [INV2001], [GAY2002].
Malheureusement, Alphonse Jobez, comme son père, préfére les voyages et la politique (il est ancien député de l’assemblée constituante et ancien membre du conseil général) ; fourieriste dans sa jeunesse, il soutient les thèses utopistes à la mode du moment. Il tarde à vraiment prendre le pilotage des activités de gestion des forges et à s'y impliquer sérieusement. C'est l'évolution de la santé de son oncle Etienne Monnier puis le décès de celui-ci en 1849, qui le conduisent à s'impliquer plus nettement dans la conduite des affaires de Syam [ADJ2016].

6 - Un nouveau management, de nouvelles productions
Pour faire face aux difficultés, Alphonse Jobez s'associe à Honoré Reverchon (ingénieur polytechnicien) et confie à celui-ci les commandes de Syam en 1850 [INV2001]. En 1856, est créée une société en nom collectif, A. Jobez et Reverchon [ROU1855], [GAY2002]. En parallèle, et en 1857, est créée une société par actions, Dufournel et Compagnie, avec 6 actionnaires dont Alphonse Jobez (11 parts seulement sur 85), solution qui s'apparente à la nouvelle structure collective de la Société des Forges de Franche-Comté qu'Alphonse Jobez n'avait pas voulu intégrer  [GAY2002].
En 1864, Alphonse Jobez fait construire un nouvel atelier de clouterie, installée à l'extrémité de l'atelier d'étirage (40 000 kg de clous vendus en 1866) [GAY2002], [INV2001] Cet atelier est équipé en 1873 de 4 machines frappeuses (2 à 3 tonnes de clous par mois) [FAP2021].

7 - Les forges au XXe siècle
En 1879, Alphonse Jobez étant devenu sénile, c'est son épouse Amélie qui gère l'usine. En 1881, la clouterie ne produit plus que 20 000 kg de clous par an. En 1892, l'usine de Syam est reprise par Thomas et Pupier [GAY2002].
Au début du XXe siècle, Syam produit encore du fer en barres (de l'espatard), de la tôle et du fer blanc. En 1914, la Société des Forges de Syam emploie encore 50-60 ouvriers [CHA1914]. Après la disparition de la forge et la fermeture de la clouterie au tournant du siècle, seuls subsistent le laminage et l’étirage qui restent deux principales activités au cours du XXe siècle, avec une gamme de produits bien spécifiques. Dans les années 2000, les forges de Syam comprennent encore un laminoir à cinq cages et six bancs d’étirage. Elles témoignent d’un type de production industrielle ancienne tant au niveau de la conception architecturale que du mode de production [BRO2000]. Les forges n'ont cessé toute activité qu'en 2010 [ADJ2016].


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Baudin (Toulouse-le-Château / Sellières)


1 - L'origine des forges de Baudin
Le haut-fourneau de Baudin fut établi en vertu d’un arrêt du conseil d'Etat, du 11 février 1783, qui autorise le transfert du haut-fourneau de Frontenay à l’emplacement du moulin Baudin, sur le ruisseau de la Braine, près de Sellières. Mais ce haut-fourneau ne commence à rouler qu’en 1795 ou 1796 [ROU1855].
Jacques-François Menault de Bontemps est alors le propriétaire du moulin Baudin tandis que le sieur Jeannin en est l'exploitant à la fin de l'Ancien Régime. Lors de la Révolution Bontemps est dessaisi de ses biens au profit de la Nation au titre des lois sur les émigrés. Claude-Joseph Morel et Claude Jobez, tous deux de Morez, en profitent pour se porter acquéreurs de ce bien national le 12 germinal an II (mars 1794) [ADJ2016]. À l'été 1794, Claude Jobez acquiert effectivement avec Morel  le moulin de Baudin (près de Sellières) avec permission de pouvoir y construire un haut-fourneau en remplacement d'un plus ancien sur la commune voisine de Frontenay [INV2001], [GAY2002].
L’usine métallurgique de Baudin prend tout d’abord la forme d’un haut-fourneau. Celui-ci ne produit pas seulement de la fonte brute, mais aussi des articles de fonderie. Toutefois, coulés sur le chantier, au pied du haut-fourneau, ces productions sont, à l’origine, peu élaborées : poids d’horloge, platines (plaques de cheminées), pièces de mécanique, saumons de lest [BIC2002]. L'usine commence à prospérer grâce aux commandes des administrateurs révolutionnaires qui doivent équiper urgemment d'armes et d'obus la Garde nationale et l'armée [ADJ2016].

2 - Une quinzaine d'années plus tard : quelques difficultés
Tout n'est pas simple pour la nouvelle fonderie de Baudin. Le conseil municipal de Lons-le-Saunier prend notamment une délibération en 1810, demandant aux autorités la fermeture du fourneau qui engendrent de nombreuses nuisances et dévorent les bois du secteur  [ADJ2016]. Grâce à ses relations politiques Claude Jobez s'emploie et réussit à contrer cette initiative.
Mais c'est du côté du tandem Morel-Jobez que les affaires se compliquent. Claude-Joseph Morel décéde à Bourg-de-Sirod, le 4 mai 1797. Peu de temps auparavant, celui-ci avait anticipé sa succession en dissolvant son association avec Claude Jobez au profit de sa sœur Marie-Amable Morel et revendant une partie de ses parts à Jobez. Marie-Amable Morel et Claude Jobez gérent alors ensemble les forges de Bourg-de-Sirod, Syam, Rochejean et Baudin  [GAY2002], [ADJ2016].  Mais après plusieurs années de discorde entre Marie-Amable Morel et Claude Jobez, ceux-ci se mettent d'accord sur le partage des biens et des activités [ADJ2016]. En 1811, Claude Jobez devient seul propriétaire de Baudin [INV2001].

3 - La diversification de la production dans les années 1820
Jusqu’en 1823, le haut-fourneau produit essentiellement de la fonte en gueuses servant à l’usine de Syam pour la fabrication du fer et des produits en fonte peu élaborés. Dans le milieu des années 1820, va être développé à Baudin un nouvel atelier de fonderie permettant la production d’objets plus fins et plus complexes, avec notamment quelques fourneaux à deux marmites, des appareils de chauffage et ce qu’on appelle la poterie de fonte. Ainsi l’usine peut diversifier considérablement ses productions et, notamment, s’engager dans une ornementation plus élaborée que celle qui, par exemple, décore les plaques de cheminées Ce travail reste néanmoins d’une grande simplicité. Le personnel de l’usine ne se compose alors que d’une vingtaine d'ouvriers [ROU1855], [CHA1914], [BIC2002].
Parmi ces nouvelles marchandises, il faut mentionner les articles pour cimetières : tombes, croix, inscriptions funéraires ... C’est, pour l’époque, une novation : la fonte de fer est proposée à la clientèle en substitution de la pierre ou du bois et concourt, de son côté, à habiller des sépultures restées longtemps très sobres, du moins pour la grande majorité d’entre elles. Les produits pour cimetière témoignent, somme toute et de manière significative, de l’histoire de l’usine. Ils sont créés en un temps où le haut-fourneau voit ses activités relayées par le développement de la fonderie [BIC2002].
Le 17 janvier 1828, selon l'acte de partage des biens de Claude Jobez, si Syam et Rochejean reviennent à Emmanuel Jobez, Baudin revient à Adélaïde Jobez (et à Etienne Monnier son époux). Le haut-fourneau de Baudin tombe donc dans le patrimoine des Monnier [INV2001], [GAY2002].
Le moulin de Baudin dont la production permet d'assurer l'alimentation du personnel ouvrier s'arrête en 1842, le débit du cours d'eau étant insuffisant pour faire fonctionner à la fois le moulin et le fourneau devenu prioritaire [ADJ2016]

3 - Baudin à l'apogée dans les années 1840
A la fin de la Monarchie de Juillet, la fabrication des fontes de Baudin a bien progressé et s’est mise à la portée des besoins sans nombre de l'époque. Chaque année, avec son haut-fourneau, ses cubilots, ses 105 ouvriers occupés à l’intérieur et ses 100 ouvriers occupés à l’extérieur, cet établissement jette dans le commerce de France et de l’étranger un million et demi de kilogrammes de fonte moulée, fourneaux économiques de toute espèce, calorifères, ornements, statues, pièces de mécanique, etc. [ROU1855]
C’est au milieu du XIXe siècle que Baudin jette sur le marché le plus gros volume de marchandises : les produits de fonderie énumérés dans les livres d’expédition passent d’à peine plus de 300 tonnes en 1825, à presque 700 en 1845 et un peu plus de 956 en 1860 avec, à cette date, un chiffre d’affaires de près de 360 000 fr. C’est à cette époque que l’usine propose et distribue les marchandises les plus diverses et, notamment, ses “ornements” : balustres pour appuis de communion et balcons, piques pour grilles, appuis de fenêtre, pièces pour fontaines dont mascarons, pommes de pin, cygne et lion en ronde bosse ; statues de vierges en trois modèles et un monumental Christ... C’est l’apogée : les effectifs ouvriers internes dépassent la centaine et Baudin, où ne vivent que gens dépendant de l’usine, est peuplé d’environ 300 personnes vers 1860 [BIC2002].
Rousset, dans son Dictionnaire des communes du Jura de 1855, donne d'utiles précisions sur l'établissement de Baudin. Celui-ci, situé en partie sur Sellières et en partie sur Toulouse-le-Château, se compose d’une maison de maître, de quatre ou cinq maisons pour les ouvriers, de plusieurs corps de bâtiments renfermant le haut-fourneau, la fonderie, cinq sableries, les ateliers de menuiserie, de serrurerie et de montage des fourneaux, de deux halles à charbon, de deux magasins et d’une chapelle. Les forges de Baudin appartiennent à Edmond Monnier (fils d'Etienne Monnier), qui les administre avec une rare intelligence dans un esprit de libéralisme économique et de catholicisme social bien affirmés [ROU1855].

4 - Le déclin de Baudin
Mais après 1848, l'établissement de Baudin commence à connaître une crise sévère. Les fourneaux de Baudin ne se vendent plus, avec deux mille six cents en stock à écouler. Baudin est menacé de la chute et d'une ruine prochaine [GAY2002].
Etienne Monnier décède le 22 mai 1849 et son fils Edmond lui succède [GAY2002]. Le haut fourneau de l'usine est définitivement arrêté en 1866. Cette fermeture permet toutefois à la fonderie de redéfinir sa production en privilégiant les produits manufacturés qui vont faire sa renommée française et européenne production de fourneaux, cuisinières et autres ustensiles ménagers [ADJ2016]. Le haut-fourneau de Baudin est définitivement éteint en 1911 [CHA1914].


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Références


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