Dès la fin du Moyen-Âge, se met en place et
se développe, en Franche-Comté, une importante activité
sidérurgique ou de métallurgie du fer. Cette activité
industrielle tournée autour du fer s'implante de façon
importante dans la région, sous l'influence des grandes
familles comtoises. La Franche-Comté est connue pour possèder
un abondant minerai de fer facilement exploitable, de vastes
forêts capables de fournir le charbon de bois et aussi
l'énergie hydraulique nécessaire au fonctionnement des
souffleries et aux équipements des forges et hauts-fourneaux.
Une enquête de 1744 sur l'industrie en Franche-Comté permet de
dénombrer 107 usines métallurgiques dont 3/4 des
hauts-fourneaux dans le Val de Saône et la vallée de l'Ognon
(Haute-Saône) et de nombreux petits établissements de
transformation du fer (martinets) dans le Jura et le Doubs (42
pour le Doubs dont 26 pour le seul Haut-Doubs) [FAP2021].
Le Jura, comme le reste de la Comté,
posséde bien sûr minerai, combustible (bois) et eau. Au XVIIIe
siècle, les établissements de transformation du fer
(hauts-fourneaux, forges, martinets, fonderies...) se
multiplient sur les plateaux jurassiens, surtout dans le
bassin de l'Ain supérieur et sur le Premier Plateau.
Exploitées traditionnellement par les seigneurs et les
abbayes, les hauts-fourneaux, forges et autres installations
métallurgiques passent dans les mains de la nouvelle
bourgeoisie industrielle adepte du libéralisme économique
alors en vogue. Avec des innovations importantes dans le
travail du fer au début du XIXe siècle, l'industrie
métallurgique comtoise et jurassienne va connaître un fort
développement. Selon l'auteur Claude Chambard, sous l'Empire
et pendant les premières années de la Restauration,
cette industrie va bénéficier, outre des commandes générées
par les conflits armés, de la prohibition puis de la taxation
des fers étrangers (d'Angleterre notamment), ce qui conduira à
une multiplication des usines métallurgiques dans le Jura :
des martinets et forges : Syam, Menouille, La Rixouse, Les Planches,
Chaux-des-Crotenay, Doucier, Ecrilles, Arinthod...;
des tréfileries : Revigny, Arinthod,
Champagnole, Pont-du-Navoy...;
des clouteries : St-Claude, Morez, La
Rixouse, La Mouille, Champagnole, Pont-du-Navoy,
Vertamboz...
Toujours selon Chambard, la valeur de la
production des établissements métallurgiques dans le
département du Jura atteint près de 7 millions de francs en
1848, la métallurgie jurassienne connaissant alors une période
prospérité jusqu'aux années 1860.
Dans le cadre de l'inventaire et de l'étude
des croix en fer forgé des plateaux du Jura érigées entre 1730
à 1880, il a semblé utile de mieux cerner l'évolution de cette
industrie du fer dans le Jura des plateaux sur toute cette
période. La création et l'érection de ces croix en fer forgé
(souvent à structure tridimensionnelle et toujours très
majestueuses) s'expliquent en effet, outre par leur finalité
religieuse ostentatoire, par la disponibilité locale de
grandes verges de fer provenant des nouveaux laminoirs comme
aussi de tôles de fer sorties des platineries, produits
métallurgiques indispensables pour réaliser la structure et la
décoration de ce petit patrimoine religieux original.
Dans ce présent et premier texte (A), on
s'intéresse plus spécifiquement à quatre établissements
sidérurgiques ou métallurgiques ayant été détenus, à un moment
ou un autre et sur plusieurs générations, par la famille Jobez
: Claude Jobez (le père et patriarche), Emmanuel Jobez (le
fils), Adélaïde Jobez (la fille) et son mari Etienne Monnier
(le gendre) et leurs divers petits enfants. Claude Jobez
(1745-1830), industriel fabricant d'horloges à Morez, se lance
en effet, au moment de la Révolution, dans des activités
industrielles de transformation du fer. Il rachète
progressivement plusieurs installations existantes
(haut-fourneaux, martinets...) dans le Jura des plateaux et
dans le Haut-Doubs voisin ainsi que d'importants domaines de
bois indispensables pour le fonctionnement de l'industrie
métallurgique. Il s'arrange aussi pour s'assurer la
disponibilité des gisements de minerai de fer existant dans le
Jura. L'empire Jobez va progressivement et incontestablement
marquer l'industrie jurassienne et franc-comtoise du fer et de
la fonte tout au long du XIXe siècle. Les mandats politiques
des membres de la famille Jobez comme l'appartenance de
ceux-ci aux courants socio-libéraux de l'époque portés sur
l'innovation tant industrielle que sociale (y compris les
utopies fouriéristes) vont renforcer indéniablement l'impact
local, départemental et régional de l'empire industriel des
Jobez.
On présente et détaille, plus bas, les
évolutions de quatre établissements importants détenus, à
certains moments, par la famille Jobez : Bourg-de-Sirod, Syam
(le fleuron ou vaisseau amiral), Rochejean (dans le Doubs
juste voisin) et Baudin (Toulouse-le-Château - Sellières)
Un autre
texte (B)
traite des autres établissements industriels jurassiens ne
relevant pas de l'empire Jobez.
Un troisième texte (C)
se focalise sur les gisements de minerai de fer dans le Jura
et leur exploitation.
1 - L'origine des forges
L'existence de forges à Bourg-de-Sirod semble être attestée,
à partir du XIVe siècle, comme étant une propriété des
seigneurs de Château-Villain, dont le château est situé
au-dessus de la localité [ADJ2016]. Mais l'existence de
forges à Bourg-de-Sirod est officiellement reconnue en 1557 ;
un acte du Parlement du 30 juin 1557 autorise, en effet, la
construction d'une forge et d'un fourneau sur ce site
original au bord de l'Ain [MIN1833], [BUF1989],
[LEN2011]. En 1709, les forges de Bourg-de-Sirod, encore
appelées forges de Sirod ou de Château-Villain occupent 150
employés des deux sexes. [LEN2011].
2 - Les forges au XVIIIe siècle
Après un arrêt des activités, le haut-fourneau et la forge,
propriété du marquis de Conflans, seigneur de Château-Villain,
sont rétablis en 1724 (arrêt du Conseil d'Etat du 1er avril
1724) avec autorisation d'exploiter les bois sur la terre de
Château-Villain [ROU1855], [CHA1914], [BUF1989]. À noter
l'erreur de Rousset qui mentionne, dans son Dictionnaire des
communes du Jura, 1734 au lieu de 1724.
Les installations de Bourg-de-Sirod sont ensuite transmises à
Maximilien Emmanuel, comte de Watteville, qui décède en 1779.
Après le partage entre ses trois héritiers, ces derniers ne
semblent pas en mesure d'assumer la succession [BUF1989].
C'est à cette époque que Claude-Joseph Morel (“pays” et parent
de Claude Jobez), venu lui aussi de Morez, devient maître de
forges du comte de Watteville. [GAY2002]. Le 21 septembre
1779, un bail emphytéotique de 29 ans est signé entre, d'une
part, Charles Léopold comte de Stain de Joux de
Watteville, seigneur de Châteauvillain, Sirod et Foncine et
d'autre part Alexandre Jeannet, son fils Jean-Louis et
l'épouse de ce dernier, Marie-Amable Morel. Cette dernière
est également la sœur de Claude Joseph Morel, qui deviendra
plus tard directeur et maître de ces mêmes forges et sera
associé à Claude Etienne Jobez de Morez dans un acte de
société signé le 24 juillet 1785 [ADJ2016]
3 - L'implication progressive de Claude Jobez
En 1785, Claude Jobez prend des parts dans Bourg-de-Sirod, en
association avec la famille des maîtres de forges Morel
[INV2001], [BUF1989]. Le 24 juillet 1785, est signé l'acte de
création de la société Morel-Jobez pour l'exploitation des
forges de Bourg-de-Sirod (1/3 Jobez, 2/3 Morel). En 1787, le
bien passe ensuite en indivision Morel-Jobez [GAY2002]. Selon
J.-M. Olivier, l’effectif aurait même atteint le niveau
étonnant de 500 ouvriers en 1790, qui produisent alors 900
tonnes de fer [LEN2011]. Au moment de la Révolution, les
forges sont mises sous séquestre par la Nation [ADJ2016]
4 - Les années post-révolutionnaires
Les forges de Bourg-de-Sirod connaissent une forte expansion
entre 1792 et 1800. Pendant l'été 1792, les commandes de
canons et de bandages de roues pour chariots et voitures
s'empilent sur le bureau de Morel [GAY2002]. Les commandes de
l'Etat, alors en guerre, permettent aux différents maîtres de
forges d’éviter de devoir appliquer la réglementation limitant
l'utilisation des bois, du minerai de fer et de l'eau. Ces
maîtres de forges parviennent à éviter les réquisitions, et
obtiennent les matières premières indispensables à leur
activité, ainsi que les denrées alimentaires nécessaires à la
nourriture de leurs ouvriers. Ils obtiennent même de l'armée,
des volontaires requis pour être employés dans leurs
établissements. Une partie de la fonte fournie par le haut
fourneau, qui était jusque-là totalement transformée sur place
en fer, est exportée sous forme de gueuses pour la marine qui
les utilisent comme lest [LEN2011].
En août 1794 (An III), Morel, maître de forges à
Bourg-en-Montagne (Bourg-de-Sirod) fournit 400 000 boulets à
la république. En ventôse de la même année, il passe un marché
pour la fourniture de 240 000 boulets [LEN2011]. À noter que
Claude Jobez, son associé, est, à cette époque, un actif
soutien à Bonaparte et au futur empereur.
Claude-Joseph Morel décéde à Bourg-de-Sirod, le 4 mai 1797.
Peu de temps auparavant, celui-ci avait anticipé sa
succession en dissolvant son association avec Claude Jobez au
profit de sa sœur Marie-Amable Morel et revendant une partie
de ses parts à Jobez. Marie-Amable Morel et Claude Jobez
gérent alors ensemble, mais non sans mal, les forges de
Bourg-de-Sirod, Syam, Rochejean et Baudin [GAY2002],
[ADJ2016]. Claude Jobez devient propriétaire d'une
grande partie des installations, par un acte du 4 prairial An
VIII (mai 1800), non retrouvé à ce jour. Il aurait alors
laissé l'exploitation à Marie-Amable Morel et à son nouvel
époux, Claude Boutaud (alors contremaître des forges)
[ADJ2016]
5 - Des péripéties et d'importants changements sous le
Premier Empire
Malheureusement, les forges de Bourg-de-Sirod sont
complètement incendiées le 16 fructidor An XI (août 1803) :
les bâtiments des forges sont tous touchés et seule la
maison du directeur semble avoir été conservée [ROU1855],
[BEL1998], [GAY2002], [ADJ2016]. Claude Jobez finit par
racheter la totalité des bâtiments le 10 germinal An XII
(mars 1804) [ADJ2016]. Le haut-fourneau doit malheureusement
être éteint en 1806 [CHA1914].
La reconstruction des forges de Bourg-de-Sirod se fait entre
1808 et 1810. L’usine est reconstruite sur un nouveau plan qui
offre une plus grande commodité pour le travail. On utilise,
pour cette reconstruction, les pierres provenant de la
forteresse de Château-Villain démolie en 1810. [ROU1855],
[BEL1998]. L'usine se compose alors d'un haut fourneau,
autrefois alimenté par le minerai en grain extrait de
Boucherans et de Frontenay, de 3 feux de forges pour la
fabrication du fer, d'un feu de platinerie, d'un feu de
martinet, de 2 fonderies, de sept moulins et de 2 scieries
[LEN2011].
C'est sans doute suite aux conflits avec Marie-Amable
Morel-Bouthaud, avec laquelle il détenaient également les
forges de Baudin, que Claude Jobez laisse à celle-ci la
propriété exclusive des forges de Sirod vers 1811 [ADJ2016].
Claude Jobez demande en effet la licitation des biens qu'il
avait en commun avec Mme Morel-Boutaud, en laissant à celle-ci
les forges de Bourg-de-Sirod, de façon à garder, lui, la
nouvelle usine de Syam, la fonderie de Baudin et aussi celle
de Rochejean pour pouvoir mieux développer ces trois
établissements [GAY2002]..
6 - Les forges dans les années 1830-1850
Geneviève Lieffroy née Jobez, elle-même nièce directe et
seule héritière de Marie-Amable Morel, devient propriétaire
des forges autour de 1838 à la mort de sa tante [ADJ2016]. À
son décès, c'est son fils Jean-Claude Lieffroy qui devient
maître de forges [BUF1989]. Puis Jean Nicolas Lieffroy en
devient propriétaire à son tour en 1851 [ADJ2016].
Après l'incendie de 1803, les forges de Bourg-de-Sirod
baissent d’activité et n'occupent plus que 45 ouvriers en
1832. En 1840, il se consomme dans les forges 926 000
kilogrammes de fonte en gueuse et 4 800 mètres cubes de
charbon de bois. Ce combustible se tire des forêts du
propriétaire de la forge, situées aux environs, ainsi que des
coupes domaniales et communales du département. En 1845, 13
roues hydrauliques fournissent l’énergie. En 1852, les forges
sont équipées de 4 feux d’affinerie, 3 gros marteaux de forge,
1 ordon de martinet, 3 trains de laminoirs, 2 laminoirs à tôle
et possèdent en outre 7 moulins et 2 scieries [LEN2011].
7 - Les transformations après 1850
Au début du 2nd Empire, l'usine de Bourg-de-Sirod se compose,
d’un haut fourneau, autrefois alimenté par le minerai en grain
provenant de Boucherans et de Frontenay, de 3 feux de forges
pour la fabrication du fer, d’un feu de platinerie, d’un feu
de martinet, de 2 fonderies, de sept moulins et de 2 scieries.
On y fabrique des fers en barres , des cercles de tonneaux,
des tôles, des fers blancs, des verges de clouterie, etc. Les
produits, qui s’élèvent annuellement à 600 000 kg, sont
exportés en Bourgogne, à Lyon et dans le midi de la France. On
y occupe journellement 110 ouvriers des deux sexes, presque
tous de là localité. Ce notable établissement est passé
successivement de Mme Boutaud à M. Lieffroy, qui le possède
vers 1853 [ROU1855], [LEN2011].
Mais après maintes vicissitudes (incendie, décès, successions,
...), pour faire face à la concurrence, plusieurs maîtres de
forges, dont Jean-Nicolas Lieffroy, décident de se regrouper.
Ils fondent, vers 1853-55 la “Société des hauts-fourneaux,
fonderies et forges de Franche-Comté”, les forges de
Bourg-de-Sirod, intégrant cette société [CHA1914], [BUF1989],
[LEN2011]. Après 1860, l’activité se réduit progressivement à
la production de tôle galvanisée et de fer blanc [LEN2011].
8 - La fin des forges de Bourg-de-Sirod
Henri Bouchot, en 1890, décrit ainsi les forges de
Bourg-de-Sirod : “une forge noire et enfumée. L'usine est
pareille aux autres, avec ses longues bâtisses sales, ses
hautes cheminées, le grouillement d'une population bronzée.
Ses chemins d'enfer sont pavés de scories, ses brouillards
gris roulent un nuage à mi-hauteur des bois. L'homme s'est
sottement attaqué à ce Tempé de jadis, il l'a empuanti de
machines, éventré de chemins de fer, il en a fait le creux du
diable”. [LEN2011].
Vers la fin du XIXe siècle, la Société des Forges de
Franche-Comté possède encore Bourg-de-Sirod, usine qui recourt
à la force hydraulique : elle compte 150 ouvriers.
Bourg-de-Sirod produit alors du fer en barres (de l'espatard),
de la tôle et du fer blanc [CHA1914]. Mais les feux
s’éteignent en 1898 et à l’activité métallurgique succéde une
première centrale électrique, installée sur la rive gauche de
la rivière dans les locaux de l'ancienne forge [BUF1989],
[LEN2011].
Dans les années 2000), un grand bâtiment évoque les forges,
actives jusqu'en 1898. De l'autre côté du pont, sur la rive
droite de l’Ain, la très belle maison du maître de forges et
sa chapelle entourées d’un parc témoignent d'un passé faste.
Les bâtiments anciens étaient beaucoup plus nombreux et vastes
que ceux qui sont parvenus. Sur une surface restreinte,
c'était une vraie petite localité qui était créée à l’écart du
village [LEN2011].
Bien
que situé hors département du Jura mais dans celui du Doubs (Val
de Mouthe), l'établissement de Rochejean n'est qu'à 25 km
environ de Syam et de Bourg-de-Sirod et surtout il est
indissociablement lié au développement des activités de la
famille Jobez, avec une intégration industrielle verticale de
ces activités assez remarquable : production de la fonte à
partir du minerai de fer, transformation de la fonte en fer,
production de fers travaillés (laminoir, platinerie, tréfilerie,
clouterie...) ou encore de produits en fonte à forte valeur
ajoutée sans oublier en amont le contrôle des sources de
minerais, des domaines de bois ou des ressources en eau
nécessaires au fonctionnement des installations métallurgiques.
1 - Les origines des installations de Rochejean du XVe au
XVIIIe siècles
Un atelier métallurgique semble avoir existé dès la seconde
moitié du XVe siècle. Un compte de l’entreprise de Rochejean,
daté des années 1494-98, conservé aux archives du Doubs,
atteste de la présence d'un haut-fourneau à cette date
[BAI1998], [SJF2004], [FAP2021]. Vers 1560, on relève deux hauts
fourneaux à Rochejean [SJF2004]. Détruit par les Suédois en
1639, le haut fourneau de Rochejean est reconstruit en 1649. Le
sieur Frère, de Dole, est alors chargé de le faire rouler
[ADJ2016], [PRE2012]. En 1697 Claude Lombarde remplace
Frère [PRE2012].
En 1741, on relève que le fourneau de Rochejean doit “férier”
depuis 5 ans à cause de la pénurie de charbon de bois (d'où le
souci des maîtres de forges de contrôler les ressources locales
en bois et aussi les fréquents griefs des habitants contre les
forges). En 1744, Rochejean produit toutefois 300 000 livres de
fonte par an [PRE2012], [SJF2004]. En 1753, toute la réserve de
bois du haut-fourneau de Rochejean brûle [PRE2012]. En 1772, le
Haut fourneau produit toujours 300 000 livres de fonte
[PRE2012].
2 - La révolution et les manoeuvres de Jobez autour du
haut-fourneau
Dans les Cahiers de doléances de 1789, on relève que “Le
haut-fourneau de Rochejean est placé dangereusement dans le
village et qu'il occasionne de très grands dégâts dans les
champs communaux et les pâturages : la communauté en souhaite
beaucoup la suppression”. Vers 1790, Dubief de Mouthe devient
directeur du haut-fourneau de Rochejean qui appartient à
l'abbaye de Mont-Ste-Marie [PRE2012]. La production annuelle de
Rochejean est alors de 250 tonnes de fonte [SJF2004].
Le 23 mars 1792, les forges de Rochejean sont adjugées en tant
que bien national au profit de Lombarde fils aîné et frères
de La Ferrière (Jougne), et de Vincent Minari et Cie, négociant
à Pontarlier [ADJ2016]. En 1794, le haut-fourneau de Rochejean
appartenant aux Lombarde produit 232 000 livres de fonte (le
double de La Ferrière de Jougne). Au tournant du siècle, le
haut-fourneau est acquis par le sieur Perrad, industriel et
homme politique de Morez, ami de Claude Jobez. Parallèlement, ce
dernier achète, par adjudication, les terres et bois de l'abbaye
de Mont-Ste-Marie autour des forges de Rochejean, notamment le
domaine de Montorge (à 25 km, du côté de Villers-sous-Chalamont)
: Jobez prive ainsi les sieurs Lombarde et Minari d'une
ressource en combustibles essentielle et de minerai [ADJ2016].
3 - La reprise de Rochejean par les Jobez
La famille Jobez (Emmanuel Jobez et sa sœur Adélaïde pour le
compte de la société familiale créée avec leur père Claude
Jobez) se porte acquéreuse des forges de Rochejean en 1809
advenues entre temps au sieur Perrad. Une autorisation
préfectorale d'exploitation confirme la propriété de Claude
Jobez et fils en 1812. [ADJ2016]. Les conditions du contrat de
vente condamnent le haut fourneau, presque voisin, de La
Ferrière à Jougne qui ne peut être désormais alimenté que par du
charbon suisse : cette dernière installation est rasée peu de
temps après [PRE2012].
4 - Rochejean dans la première moitié du XIXe siècle
Pour pouvoir traiter 800 tonnes de fonte provenant de Baudin et
de Rochejean, Jobez décide de remplacer, à l'usine de Syam en
1819, la platinerie existante par un 3ème feu d'affinerie
[GAY2001]. L'usine de Syam transforme en effet les fontes des
hauts-fourneaux de Rochejean (pour la platinerie et le laminoir)
et celles de Baudin (pour les fers de fenderie) [INV2001],
[ADJ2016]. Entre 1820 et 1840, la production de Rochejean est de
l’ordre de 500 tonnes par an. [SJF2004]
Le 17 janvier 1828 est établi un acte de partage des biens de
Claude Jobez : Syam et Rochejean reviennent à Emmanuel Jobez
(fils de Claude) alors que Baudin est donné à Adélaïde Jobez
(fille de Claude et épouse de Etienne Monnier) [GAY2002].
Après le décès accidentel d'Emmanuel Jobez, le 9 octobre 1828,
le domaine de Montorge, le fourneau de Rochejean et les forges
de Syam reviennent aux héritiers d'Emmanuel Jobez (dont Alphonse
Jobez, fils d'Emmanuel) [GAY2002]. La mort d'Emmanuel en 1828
puis celle de son père Claude Jobez en 1830, voient les enfants
d'Emmanuel, Alphonse, Charles et Ernestine devenir à leur tour
propriétaires des forges de Rochejean [ADJ2016]
Vers 1834. Charles Jobez (fils d'Emmanuel) garde le
haut-fourneau de Rochejean et le moulin de Mouthe alors
qu'Alphonse Jobez bénéficie de Syam [GAY2002].
5 - L'incendie et la fin du haut-fourneau de Rochejean
Le 23 février 1843, à 2 heures de l'après-midi, le haut-fourneau
de Rochejean prend feu [BAI1989], [PRE2012]. Les forges de
Rochejean sont définitivement éteintes en 1846, Charles et
Alphonse Jobez ne pouvant sauver l'établissement de la crise
que la métallurgie comtoise traverse alors. La production de
fonte grâce au bois n'est plus rentable face à la concurrence
anglaise au coke, moins chère [ADJ2016]. Le haut-fourneau trop
endommagé est définitivement démoli en 1849 [PRE2012].
1 - L'ancien martinet des Péry
Dans la chaîne du Jura, plusieurs martinets existent de longue
date autour de Pontarlier, Grand'Combe Châteleu, Montlebon,
Métabief, Nans-sous-Ste-Anne, Doucier... correspondant à la
grande vague de d'expansion de la métallurgie comtoise du XVIe
s. [INV2001]. C'est notamment le cas d'un martinet situé en
bordure de l'Ain à Syam.
D'après un procès en 1763, on relève qu'un martinet fonctionne
déjà à Syam en 1690. Ce martinet ancien continue à figurer
dans les enquêtes sur la métallurgie comtoise de 1757 et 1788
[MIN1833].
Au XVIIIe s., ce martinet, situé à une lieue des forges de
Bourg-de-Sirod, est devenu la propriété des Péry, père et
fils. On y fabrique des bandages de roues et des faux en
utilisant uniquement de matières premières de recyclage. Les
faux de haute qualité de ce martinet de Syam sont réputées les
meilleures de la région et se vendent bien et cher [INV2001],
[GAY2002].
En 1808, Claude Jobez et son gendre Etienne Monnier prêtent 14
000 francs aux Péry qui rencontrent de sérieuses difficultés
en lien avec la mévente de leur production (acte du 12
novembre 1808) [GAY2002]. Face à la concurrence des
industriels des Vosges et d'Alsace, les Péry sont contraints
de se déclarer en faillite le 24 juillet 1810 [INV2001].
L'ensemble des biens (2 bâtiments d'usine, 2 halles à charbon,
1 logement ouvrier, 1 maison de maître, 14 ha de champs...)
est racheté en décembre 1810 par Claude Jobez de Morez pour 32
540 francs [INV2001], [GAY2002]. Claude Jobez s'associe alors
avec son fils Emmanuel (2/3) et son gendre Etienne Monnier
(1/3) et crée avec eux la Société Claude Jobez et Compagnie.
2 - La création de nouvelles forges à Syam
En 1810, Claude Jobez, Emmanuel Jobez et Etienne Monnier sont
désormais associés pour le roulement et l'exploitation des
forges, usines et autres objets... sous la raison Claude Jobez
et Compagnie ; cette association est toutefois dissoute en
1825 lors du partage des biens entre Emmanuel et Adélaïde
(frère et sœur) [INV2001].
En 1810, le clan Jobez est à la tête de 2 hauts-fournaux
(Rochejean et Baudin), 2 martinets (Champagnole-Les Isles et
Syam) et de 775 ha de bois. La famille Jobez décide de
réorganiser l'ensemble de la chaîne de la production
sidérurgique de la fonte à la mise sur le marché de produits
finis. L'achat des martinets des Isles (Champagnole) et de
Syam permet d'utiliser tout le potentiel en feux de forge pour
la construction d'une usine moderne [INV2001].
La nouvelle usine est construite progressivement entre 1811 et
1820, l'essentiel étant réalisé en 1811-1813, et comprend, au
départ : 2 feux d'affinerie, 1 platinerie, 1 fenderie et 1
laminoir doté d'un four à réverbère (une innovation en France)
[INV2001].
En 1811, Claude Jobez fait donc le transfert à Syam du
martinet des Isles de Champagnole. À Syam, il procède à la
création d'un canal d'amenée d'eau et construit des batiments
autour d'une cour carré. Il crée une fenderie conforme au
modèle de l'Encyclopédie et installe un laminoir. Syam devient
une usine des plus modernes de Franche-Comté et son
affinerie devient ainsi le coeur de la forge alors qu'est
réalisée l'intégration verticale des autres établissements de
Jobez-Monnier (Rochejean, Baudin) [INV2001], [GAY2002].
3 - Les débuts de l'établissement de Syam
Les forges de Syam sont officiellement créées par Claude
Jobez, en vertu d’un décret impérial du 6 septembre 1813, au
confluent de la Saine et de l'Ain, en remplacement du martinet
Péry existant dans la même commune et de l'usine des Isles à
Champagnole [ROU1855]. Une nouvelle usine est donc construite
à partir de 1813 de l'autre côté de l'Ain par rapport à
l'ancien martinet Péry. Un cours d’eau tracé dans le roc sur
une longueur de 216 m, et donnant une chute de 5 m de hauteur,
les met en jeu. Les batiments, situés au nord-ouest du
village, à une distance d’un kilomètre environ, sont
complètement isolés. Ils ne laissent rien à désirer sous le
rapport de l’élégance et de la commodité [ROU1855].
Construite sous l’impulsion d’Emmanuel Jobez (fils de Claude
Jobez) et d’Etienne Monnier son beau-frère, tous deux maîtres
de forges, l’usine comprend à l’époque affinerie, platinerie,
martinet, fenderie et laminoir. Elle abrite initialement
quatre activités : la transformation de la fonte en fer, le
laminage, l’étirage et la clouterie. Par la suite, les locaux
sont agrandis et des logements sont édifiés, d’abord pour le
contremaître, puis pour les ouvriers. Cette organisation du
patrimoine architectural bâti rappelle par certains côtés les
phalanstères de l’utopiste Charles Fourier, avec unicité de
lieu de vie familiale et communautaire et de travail, un
véritable village pour les ouvriers et leurs familles
(jusqu'à 150 personnes), avec café, boulangerie, épicerie. A
l’origine, verges de fenderie, fers feuillards, fers de
martinet et tôles laminées sortent des ateliers
[BRO2000].
La nouvelle forge emploie une quarantaine d'ouvriers et
implique l'exploitation d'une grande partie des forêts
environnantes. La matière première utilisée par cette forge
est directement produite par les hauts-fourneaux de Baudin et
Rochejean appartenant à la famille Jobez [ADJ2016]. Les forges
vont employer progressivement jusqu'à 110 personnes [BUF1989].
En 1819, Jobez remplace la platinerie par un 3ème feu
d'affinerie de façon à pouvoir traiter 800 tonnes de fonte de
Baudin et Rochejean. [GAY2002]. L'usine sort 400 tonnes de fer
en 1820 et presque le double en 1840 et produit des verges de
fenderie, des fers feuillards, du fer de martinet et de la
tôle laminée (et autres produits laminés). La diffusion se
fait dans les départements limitrophes, dans la vallée du
Rhône et en Suisse. Le laminoir devient l'outil-symbole majeur
des forges de Syam [INV2001], [GAY2002].
4 - Les forges à la fin de la Restauration et sous la
Monarchie de Juillet
Suite à un acte de partage des biens de Claude Jobez en date
du 17 janvier 1828, Syam et Rochejean reviennent à Emmanuel
Jobez et Baudin à Adélaïde Jobez, sa sœur (et à Etienne
Monnier son époux) [GAY2002]. Après le décès accidentel
d'Emmanuel Jobez le 9 octobre 1828, le domaine de Montorge, le
fourneau de Rochejean et les forges de Syam reviennent aux
héritiers d'Emmanuel Jobez dont Alphonse Jobez, petit-fils de
Claude [GAY2002]. Vers 1834, Charles Jobez (autre fils
d'Emmanuel) garde le haut-fourneau de Rochejean et le moulin
de Mouthe alors qu'Alphonse Jobez bénéficie de Syam [GAY2002].
L'usine de Syam se compose, à la fin de la Monarchie de
Juillet, de quatre feux de forge pour la fabrique du fer, de
deux martinets, d’un cylindre, d’un moulin et d’une scierie
mécanique à deux lames. On y fabrique des fers fins en barres,
des cercles et rubans, des tôles fines, des tuyaux de poêles,
des verges de clouterie, des essieux de voitures, des fers
cylindres de toutes formes et de toutes dimensions. Ce sont de
60 à 80 ouvriers, gagnant chacun, en moyenne, 1 fr. 75 c. par
jour, qui sont continuellement occupés dans cet établissement
où ils ont leur logement [ROU1855].
5 - Les mutations des années 1850
Autour de 1848, les forges de Syam connaissent de grandes
difficulté, à cause de cours des fers et des tôles forgés et
laminés en chute vertigineuse (le prix du fer s'était mis à
baisser sérieusement depuis 1846). La concurrence avec les
fontes anglaises au coke est dure pour Syam dont la forge
passe de 5 feux d'affinerie à 3 entre 1840 et 1849. La
situation des forges devient catastrophique : plus de 230 000
francs sont à recouvrir [INV2001], [GAY2002].
Malheureusement, Alphonse Jobez, comme son père, préfére
les voyages et la politique (il est ancien député de
l’assemblée constituante et ancien membre du conseil général)
; fourieriste dans sa jeunesse, il soutient les thèses
utopistes à la mode du moment. Il tarde à vraiment prendre le
pilotage des activités de gestion des forges et à s'y
impliquer sérieusement. C'est l'évolution de la santé de son
oncle Etienne Monnier puis le décès de celui-ci en 1849, qui
le conduisent à s'impliquer plus nettement dans la conduite
des affaires de Syam [ADJ2016].
6 - Un nouveau management, de nouvelles productions
Pour faire face aux difficultés, Alphonse Jobez s'associe à
Honoré Reverchon (ingénieur polytechnicien) et confie à
celui-ci les commandes de Syam en 1850 [INV2001]. En 1856, est
créée une société en nom collectif, A. Jobez et Reverchon
[ROU1855], [GAY2002]. En parallèle, et en 1857, est créée une
société par actions, Dufournel et Compagnie, avec 6
actionnaires dont Alphonse Jobez (11 parts seulement sur 85),
solution qui s'apparente à la nouvelle structure collective de
la Société des Forges de Franche-Comté qu'Alphonse Jobez
n'avait pas voulu intégrer [GAY2002].
En 1864, Alphonse Jobez fait construire un nouvel atelier de
clouterie, installée à l'extrémité de l'atelier d'étirage (40
000 kg de clous vendus en 1866) [GAY2002], [INV2001] Cet
atelier est équipé en 1873 de 4 machines frappeuses (2 à 3
tonnes de clous par mois) [FAP2021].
7 - Les forges au XXe siècle
En 1879, Alphonse Jobez étant devenu sénile, c'est son épouse
Amélie qui gère l'usine. En 1881, la clouterie ne produit plus
que 20 000 kg de clous par an. En 1892, l'usine de Syam est
reprise par Thomas et Pupier [GAY2002].
Au début du XXe siècle, Syam produit encore du fer en barres
(de l'espatard), de la tôle et du fer blanc. En 1914, la
Société des Forges de Syam emploie encore 50-60 ouvriers
[CHA1914]. Après la disparition de la forge et la fermeture de
la clouterie au tournant du siècle, seuls subsistent le
laminage et l’étirage qui restent deux principales activités
au cours du XXe siècle, avec une gamme de produits bien
spécifiques. Dans les années 2000, les forges de Syam
comprennent encore un laminoir à cinq cages et six bancs
d’étirage. Elles témoignent d’un type de production
industrielle ancienne tant au niveau de la conception
architecturale que du mode de production [BRO2000]. Les forges
n'ont cessé toute activité qu'en 2010 [ADJ2016].
1 - L'origine des forges de Baudin
Le haut-fourneau de Baudin fut établi en vertu d’un arrêt du
conseil d'Etat, du 11 février 1783, qui autorise le transfert
du haut-fourneau de Frontenay à l’emplacement du moulin
Baudin, sur le ruisseau de la Braine, près de Sellières. Mais
ce haut-fourneau ne commence à rouler qu’en 1795 ou 1796
[ROU1855].
Jacques-François Menault de Bontemps est alors le
propriétaire du moulin Baudin tandis que le sieur Jeannin en
est l'exploitant à la fin de l'Ancien Régime. Lors de la
Révolution Bontemps est dessaisi de ses biens au profit de la
Nation au titre des lois sur les émigrés. Claude-Joseph
Morel et Claude Jobez, tous deux de Morez, en profitent pour
se porter acquéreurs de ce bien national le 12 germinal an II
(mars 1794) [ADJ2016]. À l'été 1794, Claude Jobez acquiert
effectivement avec Morel le moulin de Baudin (près de
Sellières) avec permission de pouvoir y construire un
haut-fourneau en remplacement d'un plus ancien sur la commune
voisine de Frontenay [INV2001], [GAY2002].
L’usine métallurgique de Baudin prend tout d’abord la forme
d’un haut-fourneau. Celui-ci ne produit pas seulement de la
fonte brute, mais aussi des articles de fonderie. Toutefois,
coulés sur le chantier, au pied du haut-fourneau, ces
productions sont, à l’origine, peu élaborées : poids
d’horloge, platines (plaques de cheminées), pièces de
mécanique, saumons de lest [BIC2002]. L'usine commence à
prospérer grâce aux commandes des administrateurs
révolutionnaires qui doivent équiper urgemment d'armes et
d'obus la Garde nationale et l'armée [ADJ2016].
2 - Une quinzaine d'années plus tard : quelques
difficultés
Tout n'est pas simple pour la nouvelle fonderie de Baudin. Le
conseil municipal de Lons-le-Saunier prend notamment une
délibération en 1810, demandant aux autorités la fermeture
du fourneau qui engendrent de nombreuses nuisances et dévorent
les bois du secteur [ADJ2016]. Grâce à ses relations
politiques Claude Jobez s'emploie et réussit à contrer cette
initiative.
Mais c'est du côté du tandem Morel-Jobez que les affaires se
compliquent. Claude-Joseph Morel décéde à Bourg-de-Sirod,
le 4 mai 1797. Peu de temps auparavant, celui-ci avait
anticipé sa succession en dissolvant son association avec
Claude Jobez au profit de sa sœur Marie-Amable Morel et
revendant une partie de ses parts à Jobez. Marie-Amable Morel
et Claude Jobez gérent alors ensemble les forges de
Bourg-de-Sirod, Syam, Rochejean et Baudin [GAY2002],
[ADJ2016]. Mais après plusieurs années de discorde
entre Marie-Amable Morel et Claude Jobez, ceux-ci se mettent
d'accord sur le partage des biens et des activités [ADJ2016].
En 1811, Claude Jobez devient seul propriétaire de Baudin
[INV2001].
3 - La diversification de la production dans les années
1820
Jusqu’en 1823, le haut-fourneau produit essentiellement de la
fonte en gueuses servant à l’usine de Syam pour la fabrication
du fer et des produits en fonte peu élaborés. Dans le milieu
des années 1820, va être développé à Baudin un nouvel atelier
de fonderie permettant la production d’objets plus fins et
plus complexes, avec notamment quelques fourneaux à deux
marmites, des appareils de chauffage et ce qu’on appelle la
poterie de fonte. Ainsi l’usine peut diversifier
considérablement ses productions et, notamment, s’engager dans
une ornementation plus élaborée que celle qui, par exemple,
décore les plaques de cheminées Ce travail reste néanmoins
d’une grande simplicité. Le personnel de l’usine ne se compose
alors que d’une vingtaine d'ouvriers [ROU1855], [CHA1914],
[BIC2002].
Parmi ces nouvelles marchandises, il faut mentionner les
articles pour cimetières : tombes, croix, inscriptions
funéraires ... C’est, pour l’époque, une novation : la fonte
de fer est proposée à la clientèle en substitution de la
pierre ou du bois et concourt, de son côté, à habiller des
sépultures restées longtemps très sobres, du moins pour la
grande majorité d’entre elles. Les produits pour cimetière
témoignent, somme toute et de manière significative, de
l’histoire de l’usine. Ils sont créés en un temps où le
haut-fourneau voit ses activités relayées par le développement
de la fonderie [BIC2002].
Le 17 janvier 1828, selon l'acte de partage des biens de
Claude Jobez, si Syam et Rochejean reviennent à Emmanuel
Jobez, Baudin revient à Adélaïde Jobez (et à Etienne Monnier
son époux). Le haut-fourneau de Baudin tombe donc dans le
patrimoine des Monnier [INV2001], [GAY2002].
Le moulin de Baudin dont la production permet d'assurer
l'alimentation du personnel ouvrier s'arrête en 1842, le
débit du cours d'eau étant insuffisant pour faire
fonctionner à la fois le moulin et le fourneau devenu
prioritaire [ADJ2016]
3 - Baudin à l'apogée dans les années 1840
A la fin de la Monarchie de Juillet, la fabrication des fontes
de Baudin a bien progressé et s’est mise à la portée des
besoins sans nombre de l'époque. Chaque année, avec son
haut-fourneau, ses cubilots, ses 105 ouvriers occupés à
l’intérieur et ses 100 ouvriers occupés à l’extérieur, cet
établissement jette dans le commerce de France et de
l’étranger un million et demi de kilogrammes de fonte moulée,
fourneaux économiques de toute espèce, calorifères, ornements,
statues, pièces de mécanique, etc. [ROU1855]
C’est au milieu du XIXe siècle que Baudin jette sur le marché
le plus gros volume de marchandises : les produits de fonderie
énumérés dans les livres d’expédition passent d’à peine plus
de 300 tonnes en 1825, à presque 700 en 1845 et un peu plus de
956 en 1860 avec, à cette date, un chiffre d’affaires de près
de 360 000 fr. C’est à cette époque que l’usine propose et
distribue les marchandises les plus diverses et, notamment,
ses “ornements” : balustres pour appuis de communion et
balcons, piques pour grilles, appuis de fenêtre, pièces pour
fontaines dont mascarons, pommes de pin, cygne et lion en
ronde bosse ; statues de vierges en trois modèles et un
monumental Christ... C’est l’apogée : les effectifs ouvriers
internes dépassent la centaine et Baudin, où ne vivent que
gens dépendant de l’usine, est peuplé d’environ 300 personnes
vers 1860 [BIC2002].
Rousset, dans son Dictionnaire des communes du Jura de 1855,
donne d'utiles précisions sur l'établissement de Baudin.
Celui-ci, situé en partie sur Sellières et en partie sur
Toulouse-le-Château, se compose d’une maison de maître, de
quatre ou cinq maisons pour les ouvriers, de plusieurs corps
de bâtiments renfermant le haut-fourneau, la fonderie, cinq
sableries, les ateliers de menuiserie, de serrurerie et de
montage des fourneaux, de deux halles à charbon, de deux
magasins et d’une chapelle. Les forges de Baudin appartiennent
à Edmond Monnier (fils d'Etienne Monnier), qui les administre
avec une rare intelligence dans un esprit de libéralisme
économique et de catholicisme social bien affirmés [ROU1855].
4 - Le déclin de Baudin
Mais après 1848, l'établissement de Baudin commence à
connaître une crise sévère. Les fourneaux de Baudin ne se
vendent plus, avec deux mille six cents en stock à écouler.
Baudin est menacé de la chute et d'une ruine prochaine
[GAY2002].
Etienne Monnier décède le 22 mai 1849 et son fils Edmond lui
succède [GAY2002]. Le haut fourneau de l'usine est
définitivement arrêté en 1866. Cette fermeture permet
toutefois à la fonderie de redéfinir sa production en
privilégiant les produits manufacturés qui vont faire sa
renommée française et européenne production de fourneaux,
cuisinières et autres ustensiles ménagers [ADJ2016]. Le
haut-fourneau de Baudin est définitivement éteint en 1911
[CHA1914].
ADJ2016 - Fonds
de la fonderie Baudin à Toulouse-le-Château et Sellières,
et de la famille Monnier, avec documents sur les forges de
Syam, Bourg-de-Sirod (Jura) et Rochejean (Doubs),
Archives départementales du Jura, cote 110J, 2016
BAI1989 -
Bailly (R.), Un passé oublié, essai sur la sidérurgie
dans le triangle d'or, 1998
BEL1988 -
Bellague-Verrière (M.), Champagnole et ses environs,
1988